COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 24 JANVIER 2013
N° 2013/
Rôle N° 10/17066
CGEA AGS DE [Localité 8] - DELEGATION REGIONALE UNEDIC - AGS DU [Localité 9]
C/
[Z] [R]
[S] [P]
Grosse délivrée
le :
à :
Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
SELARL ERGASIA, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Me Bénédicte CHABAS, avocat au barreau de MARSEILLE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES en date du 02 Septembre 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 10/269.
APPELANTE
CGEA AGS DE [Localité 8] - DELEGATION REGIONALE UNEDIC - AGS DU [Localité 9], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMES
Monsieur [Z] [R], demeurant [Adresse 3]
représenté par la SELARL ERGASIA, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Marc LECOMTE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Maître [S] [P], mandataire liquidateur de la SOCIETE PROTIS, demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Bénédicte CHABAS, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 28 Novembre 2012 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre
Madame Françoise GAUDIN, Conseiller
Monsieur Philippe ASNARD, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Janvier 2013.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Janvier 2013.
Signé par Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
[Z] [R] a été engagé par la Sarl Protis en qualité de soudeur dans le cadre de trois contrats à durée déterminée sur les périodes suivantes:
-le premier à compter du 7 janvier jusqu'au 17 mars 2004,
-le second à compter du 1er septembre jusqu'au 24 septembre 2004,
-le troisième à compter du 29 novembre jusqu'au 24 décembre 2004.
Lors de ces contrats, la rémunération mensuelle brute a été fixé à 1503,05 € pour un horaire de 151,67 heures, la relation de travail étant régie par la convention collective de la Métallurgie des Bouches du Rhône.
Le 22 juin 2005, le tribunal de commerce de Marseille a prononcé la liquidation judiciaire de la Sarl Protis et a désigné en qualité de liquidateur judiciaire Maître [Y] lequel a été remplacé le 29 mars 2007 par Maître [S] [P].
Le 29 mars 2010 [Z] [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Martigues lequel section industrie par jugement en date du 2 septembre 2010 a :
*dit que la Sarl Protis a eu recours au travail dissimulé, en violation des dispositions de l'article L8221 -3 du code du travail,
*fixé ainsi qu'il suit les créances au profit de [Z] [R] dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Protis:
- 9018,30 € à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé afférent à la période du 5 janvier au 17 mars 2004 en application des dispositions de l'article L8223 -1 du code du travail,
- 9018,30 € à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé afférent à la période du 1er au 24 septembre 2004 en application des dispositions de l'article L8223 -1 du code du travail,
- 9018,30 € à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé afférent à la période du 29 novembre au 24 décembre 2004 en application des dispositions de l'article L8223 -1 du code du travail,
*ordonné des chefs qui précèdent l'exécution provisoire en application des dispositions de l'article 515 du code de procédure civile,
*dit le jugement opposable au CGEA dans la limite des plafonds légaux et ce dernier tenu à garantir, nonobstant appel en application des dispositions de l'article L. 32 53 - 15 du code du travail,
*dit que Maître [P] devra établir le bordereau de créances au profit de [Z] [R],
*constaté que le cours des intérêts est arrêté, en application de l'article L6121-48 du code de commerce depuis la date du jugement d'ouverture judiciaire,
*mis les dépens à la charge de Maître [P] ès qualités de de mandataire judiciaire de la société Protis.
Le CGEA de [Localité 8] délégation régionale de l' AGS [Localité 9] a le 24 septembre 2010 interjeté régulièrement appel de ce jugement.
Par ordonnance du 21 février 2011, le délégué du premier président a suspendu l'exécution provisoire ordonnée par le jugement susvisé sous la condition de la consignation entre les mains de la caisse des dépôts et consignations par la CGE A de [Localité 8] dans le délai d'un mois à compter de cette décision de la somme de 27'054,90 € en garantie de l'exécution de la condamnation au paiement des indemnités pour travail dissimulé au profit de [Z] [R].
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Dans ses conclusions, le CGEA appelant demande à la cour de:
* au principal, au visa des dispositions de l'article L 8223-1 du code du travail:
- dire que le relevé de carrière de la CRAM du 25 mai 2010 produit par [Z] [R] valide 4 trimestres pour l'année litigieuse 2004, qu'il comporte la mention suivante: ' ce document est délivré en l'état de la réglementation et des informations détenues.Il présente à ce titre un caractère indicatif et provisoire' et qu'il ne constitue pas d'élément probant de justification de l'intention frauduleuse de la Sarl Protis de la dissimulation de l'emploi de [Z] [R] à qui elle a délivré les documents sociaux relatifs à son activité et payé les salaires,
- réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions et débouter [Z] [R] de ses demandes d'indemnité pour travail dissimulé,
-ordonner la restitution des fonds consignés soit la somme de 27 054,90 €,
*subsidiairement,
- réformer le jugement déféré en ce qu'il a accordé trois indemnités pour indemnité pour travail dissimulé,
-dire que [Z] [R] ne peut prétendre qu'à une seule indemnité pour travail dissimulé au titre de la rupture de sa relation de travail avec la société Protis courant 2004,
- dire que Maître [S] [P] dispose consignés à la Caisse des Dépôts et Consignations des fonds avancés par le CGEA sur lesquels il peut reverser à [Z] [R] l'indemnité pour travail dissimulé d'un montant de 9018,10 €,
*ordonner la restitution au CGEA du solde des fonds consignés soit 18036,60 €,
*en tout état de cause,
- le mettre hors de cause pour les demandes au titre des frais irrépétibles , des dépens, de l'astreinte des cotisations patronales au résultat d'une action en responsabilité,
-dire que son obligation de faire l'avance de la somme à laquelle a été évaluée le montant total des créances définies aux articles L3253 -6 et suivants, compte tenu du plafond applicable (article L. 32 53 - 17 et D 32 53 -5) ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé de créances par le mandataire judiciaire et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entres ses mainspour procéder à leur paiement en vertu de l'article L 3253-19 du code du travail,
-dire que le jugement d'ouverture de la procédure collective opère arrêt des intérêts légaux et conventionnels (article L6 122 - 26 du code de commerce),
-débouter [Z] [R] de toutes demandes contraires.
Aux termes de ses écritures, Maître [S] [P] ès qualités de liquidateur de la société Protis, conclut à la réformation du jugement déféré et au débouté de [Z] [R] du chef de ses prétentions au titre du travail dissimulé, à ce qu'il soit dit le jugement opposable au CGEA, et qu'il soit statué ce que de droit sur les dépens.
Elle fat valoir qu'au cas d'espèce, [Z] [R] ne rapporte pas la preuve du fait que de manière intentionnelle la société portis a eu recours au travail dissimulé, le seul fait de ne pas régulariser de déclaration préalable d'embauche ne suffisant pas à caractériser l'intention de l'employeur, que le relevé de carrière versé au débat, ne présentant qu'un caractère indicatif et provisoire ne saurait caractériser l'un des éléments probants de la dissimulation d'emploi.
[Z] [R] demande dans ses écrits à la cour de:
*dire le CGEA de [Localité 8] délégation régionale de l' AGS [Localité 9] infondé en son appel,
*confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
*dire la décision à intervenir opposable au CGEAdans la limites des plafonds légaux,
*statuer ce que de droit du chef des dépens.
Il fait valoir:
- qu'il résulte de l'ensemble de ses relevés de carrière ceux délivrés par la CRAM et ceux délivrés par la caisse de retraite complémentaire que l'employeur s'est abstenu de le déclarer auprès des organismes sociaux durant l'exécution de chacun des trois contrats de travail susvisés, de tels manquements, par leur nature et leur répétition ne pouvant être qu'intentionnels,
-qu'au demeurant, la société Protis était coutumière du procédé consistant à ne pas déclarer aux organismes sociaux nombre des salariés qu'elle employait, qu'ainsi a-t-elle eu recours au travail dissimulé selon des définitions et les prévisions des articles L 8221-3 et suivants du code du travail
Il insiste sur l'élément intentionnel du travail dissimulé soulignant :
-que le relevé de carrière est le seul document qu'il peut se procurer pour s'assurer que les salaires qui lui ont été servis ont été effectivement déclarés alors qu'il est aisé à l'employeur ou à son représentant de faire la preuve que le défaut de mention résulte d'une erreur en justifiant que les salaires ont été déclarés en temps utile,
- que la circonstance que le relevés de carrière précise qu'il n'a qu'une 'valeur informatique' signifie seulement que les droits à la retraite ne peuvent être déterminés à partir d'un tel document mais seulement être liquidés sur la base du dossier réglementaire,
-que le caractère intentionnel du travail dissimulé résulte de l'absence de déclaration sauf si celle-ci procède d'une simple erreur ou d'une omission commise de bonne foi étant précisé que c'est à l'employeur d'établir le caractère non intentionnel du défaut de déclaration.
Il soutient que l'élément intentionnel s'évince en l'espèce suffisamment de l'absence de déclaration aux organismes sociaux, à trois reprises, qui ne saurait résulter d'une simple erreur ou d'une omission commise de bonne foi.
Il rappelle que seul le défaut de déclaration constitue le manquement de travail dissimulé et non le non paiement de cotisations notamment pour difficultés de trésorerie.
Pour plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures déposées par les parties et réitérées oralement à l'audience.
SUR CE
L'article L 8223 - 1 du code du travail dispose qu'« en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a recours dans les conditions de l'article L8221 -3 du même code (travail dissimulé par dissimulation d'activité ) ou en commettant les faits prévus à l'article L 8221-5 ( travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié ) a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire ».
En l'espèce, le salarié reproche à la Socéité Protis de s'être abstenu de déclarer auprès des organismes sociaux les salaires acquittés durant l'année 2004 contrevenant ainsi aux dispositions de l'article L 8221-3, seul article visé.
Cet article L 8221-3 prévoit effectivement dans son 2° le fait de n'avoir pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l'adminstration fiscale, mais exige l'élément intentionnel en ce sens que le travail dissimulé ne peut être retenu que s'il est établi que l'employeur s'est soustrait intentionnellement à cette obligation.
Il convient de rappeler que l'élément intentionnel nécessaire à la sanction du travail dissimulé, relève de l'appréciation des juges du fond qui se déterminent au vu de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce et des pièces qui lui sont versées au débat par les parties.
En l'état, il est produit au débat:
-les trois certificats de travail du salarié pour les trois périodes de travail sus-visées,
-des bulletins de salaires concernant ce salarié délivrés par la Sarl Protis pour les mois de janvier, mars, septembre, novembre et décembre 2004,
-les trois attestations Assedic du 31 mars 2004, 7 octobre 2004 et 14 janvier 2005,
-un relevé de carrière à la date du 5 novembre 2009 émanant de la Caisse d'assurance retraite du [Localité 9] agence de Martigues comportant pour 2004 4 trimestres pris en compte pour 10 709 € ( activité +période de chômage régime général) relevé auquel est joint un document imprimé le 15 septembre 2009 émanant du site internet Cnav où sont mentionnés le nom des employeurs pour les années 1997 à 2005 et notamment pour 2004 où ne figure par la Sarl Protis,
-un relevé de carrière concernant ce même salarié établi à la date du 25 mai 2010 par la Caisse d'assurance retraite du [Localité 9] agence de Martigues, sur lequel est mentionné 4 trimestres dans les mêmes termes que ci dessus, avec un relevé de retraite régime général et un relevé de retraite complémentaire où ne figure pas pour 2004 la Sarl Protis,
-l'estimation indicative globale de retraite selon l'âge de départ de 60 ans à 65 ans,
-un extrait du jugement rendu le 22 juin 2005 rendu par le tribunal de commerce de Marseille.
A l'examen de ces pièces, et bien que les relevés produits n'aient qu'une valeur indicative, ne peuvent créateur de droit et ne valent pas comme demande de retraite ou notification de retraite, il apparaît que pour l'année 2004, il n'y a pas eu de report sur les dits relevés des salaires perçus par [Z] [R] au sein de la Sarl Protis.
S'il peut être admis en l'espèce que la Sarl Protis employeur se soit effectivement abstenue de procéder à la déclaration de salaires 2004 pour les périodes correspondant aux contrats sus visés, aucun élément ne permet d'établir qu'elle aurait agi intentionnellement.
De plus, les seules pièces susvisées ne sont pas suffisantes à établir une présomption de travail dissimulé et de considérer que c'est au liquidateur de démontrer le caractère non intentionnel.
Le simple fait que le liquidateur judiciaire qui représente la Sarl Protis ne soit pas en mesure de produire les déclarations trimestrielles qui ont pu être faites auprès de l'URSSAF ne permet pas d'établir que l'employeur se serait soustrait volontairement à son obligation de déclaration.
Dans ces conditions, faute d'élement intentionnel, aucune indemnité sur le fondement de l'article L 8223 - 1 susvisé ne peut être octroyée au salarié .
En conséquence, il convient d'infirmer le jugement déféré.
Aucune condamantion n'étant prononcée, la garantie du CGEA de [Localité 8] délégation régionale de l' AGS [Localité 9] n'a pas lieu de jouer, le présent arrêt demeurant néanmoins opposable au CGEA.
Le présent arrêt constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes consignées suite à l'ordonnance du 21 février 2011 qui a suspendu l'exécution provisoire du jugement déféré sous la condition de la consignation entre les mains de la caisse des dépôts et consignations par le CGE A de [Localité 8] de la somme de 27'054,90 €.
Les dépens seront laissés à la charge de [Z] [R] qui succombe.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Constate que l'élément intentionnel du travail dissimulé sur le fondement de l'article L 8221-3 2° du code du travail n'est pas établi.
Déboute [Z] [R] de sa demande d'indemnisation au titre du travail dissimulé prévue par l'article L 8223-1 du même code.
Déclare le présent arrêt opposable au CGEA de [Localité 8] délégation régionale de l' AGS [Localité 9] .
Constate que le présent arrêt constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes consignées (27'054,90 €) entre les mains de la caisse des dépôts et consignations par le CGEA de [Localité 8] délégation régionale de l' AGS [Localité 9].
Laisse les dépens de première instance et d'appel à la charge de [Z] [R] .
LE GREFFIERLE PRESIDENT