COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1re Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 22 JANVIER 2013
O.B
N°2013/
Rôle N° 12/04174
Etablissement REGIE DES TRANSPORTS DE [Localité 6]
C/
Syndicat CGT DE LA REGIE DES TRANSPORTS DE [Localité 6]
Grosse délivrée
le :
à :ME MAGNAN
ME BOULAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 26 Janvier 2012 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 11/12449.
APPELANTE
LA REGIE DES TRANSPORTS DE [Localité 6] Etablissement Public à caractère Industriel et Commercial, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité en son siège social,10-[Adresse 1]
représentée par la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Emmanuel TORDJMAN, avocat au barreau de PARIS
INTIME
Syndicat CGT DE LA REGIE DES TRANSPORTS DE [Localité 6] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège, [Adresse 2]
représentée par la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Albert HINI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Djaouida KIARED, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 10 Décembre 2012 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean VEYRE, Conseiller, et Monsieur Olivier BRUE, Conseiller, chargés du rapport.
Monsieur Olivier BRUE, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean VEYRE, Conseiller faisant fonction de Président
Monsieur Olivier BRUE, Conseiller
Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller
Greffier lors des débats : Mademoiselle Patricia POGGI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Janvier 2013.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 22 Janvier 2013.
Signé par Monsieur Jean VEYRE Président et Mademoiselle Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Vu la requête aux fins d'assigner à jour fixe déposée le 7 septembre 2011 et l'ordonnance d'autorisation d'assigner à jour fixe du 21 septembre 2011.
Vu l'assignation du 11 octobre 2011, par laquelle le Syndicat CGT de La Régie des Transports de [Localité 6] a fait citer la Régie des Transports de [Localité 6] (RTM), devant le Tribunal de Grande Instance de Marseille, aux fins d'obtenir, sa condamnation à retirer du tableau d'affichage de l'entreprise une note d'information du 6 juillet 2011, déclarant sans effet, le préavis de grève déposé le 3 juillet 2011, ce, sous astreinte de 500 € par jour de retard, à compter de la signification de la décision à intervenir, ainsi que son affichage, sous astreinte de 300 € par jour de retard, outre sa condamnation à lui payer les sommes de
10'000 €, à titre de dommages et intérêts et de 2000 €, en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Vu le jugement rendu le 26 janvier 2012, par le Tribunal de Grande Instance de Marseille, ayant déclaré l'action recevable, dit que la note du 6 juillet 2011 porte atteinte au droit de grève, condamné la RTM à retirer cette note d'information des locaux de l'entreprise sous astreinte provisoire de 100 €, par jour de retard, à compter de la signification de la décision, ordonné l'affichage de la présente décision dans les locaux de l'entreprise, sous astreinte provisoire de 100 €, par jour de retard, débouté le syndicat CGT de sa demande de dommages et intérêts, débouté la RTM de sa demande reconventionnelle et l'ayant condamnée à payer au syndicat CGT, la somme de 1 200 €, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Vu la déclaration d'appel du 5 mars 2012, par la Régie des Transports de [Localité 6].
Vu les conclusions déposées le 4 juin 2012, par l'appelante.
Vu les conclusions déposées le1er août 2012, par le Syndicat CGT de la Régie des Transports de [Localité 6].
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 27 novembre 2012.
SUR CE,
Attendu que si l'appelante a maintenu, dans les motifs de ses conclusions déposées devant la cour, ses doutes sur la réalité de l'urgence de l'action engagée plus de deux mois après l'affichage de la note de service litigieuse, elle ne remet pas en cause, dans leur dispositif, la décision de recevabilité de l'action du syndicat CGT rendue par le premier juge, après avoir relevé que l'ordonnance d'autorisation d'assigner à jour fixe délivrée par application de l'article 788 du code de procédure civile n'était susceptible d'aucun recours et que l'urgence n'était pas une condition de recevabilité de l'action devant le juge du fond ;
Attendu que le 27 juin 2011, le Syndicat CGT de la Régie des Transports de [Localité 6] a déposé un préavis de grève, à compter du 3 juillet 2011 à zéro heure, jusqu'au 31 décembre 2011 à 24 heures, concernant tous les agents de la RTM et la totalité de leur service ;
Attendu que la Régie des Transports de [Localité 6] invoque les dispositions de la loi du 21 août 2007, sur le dialogue social et la continuité du service public, prévoyant qu'un préavis de grève doit être déposé dans délai préalable de cinq jours francs et donner des précisions sur les modalités du mouvement ;
Qu'elle indique ne pas avoir eu le temps d'organiser la continuité du service public et l'information de ses clients, prévue par la loi du 19 mars 2012 ;
Attendu que les articles L 2512-1 et suivants du code du travail déterminent les conditions de l'exercice du droit de grève dans les services publics, notamment dans les entreprises et les établissement publics chargés de la gestion d'un service public ;
Que tel est le cas de la Régie des Transports de [Localité 6] ;
Attendu que l'article de 2512-2 du code du travail prévoit que le préavis, précisant les motifs du recours à la grève, doit parvenir cinq jours francs avant le déclenchement de la grève à l'autorité hiérarchique ou à la direction d'établissement ou de l'organisme intéressé et mentionner le champ géographique et l'heure du début, ainsi que de la durée limitée ou non de la grève envisagée ;
Qu'il ne définit aucune autre condition de validité, pour le dépôt du préavis de grève ;
Attendu que le préavis daté du lundi 27 juin 2011 a été déposé dans le délai requis, avec les mentions exigées par le texte susvisé ;
Attendu que la direction de la RTM a affiché le 6 juillet 2011, une note d'information, indiquant que dans la mesure où, depuis le 3 juillet, aucun salarié ne s'est mis en grève, le mouvement n'ayant pas débuté à la date initialement prévue, le préavis ne peut plus produire d'effet et qu'aucun arrêt de travail ne peut donc avoir lieu dans le cadre de ce préavis, précisant que cette information était notamment destinée aux salariés ayant déposé une déclaration individuelle d'intention de grève ;
Mais attendu les pièces produites par le syndicat CGT révèlent que certains salariés ont déposé leurs déclarations individuelles d'intention de grève dès le 1er juillet 2011, pour le 3 juillet 2011 et les jours suivants, ce, antérieurement à la note de service litigieuse ;
Attendu que les salariés qui sont seuls titulaires du droit de grève, ne sont pas tenus de cesser le travail pendant toute la durée indiquée par le préavis ;
Attendu que la licéité de l'avis rédigé par l'employeur doit être appréciée à la date où celui-ci a été affiché ;
Que celui-ci ne pouvait présumer seul du bien-fondé et de la régularité du préavis de grève, alors qu'aucun chevauchement de préavis n'est allégué, ni démontré, en l'espèce ;
Attendu que dans son courrier adressé le jour de l'affichage au secrétaire général du syndicat CGT, le directeur général de la RTM lui indique qu'aucun arrêt de travail ne peut avoir lieu dans le cadre de ce préavis, dont la durée disproportionnée et l'incertitude entourant ses modalités de déroulement aurait, en tout état de cause, engendré une désorganisation de l'entreprise ;
Attendu que le préavis de grève déposé le 27 juin 2011 ne peut donc être déclaré illicite de ce seul chef ;
Attendu que selon la RTM, 52 arrêts de travail sur 162 déclarations déposées ont été réalisés avec des horaires tous différents et caractérisant une méthode constituant un détournement de la loi et entraînant la désorganisation de l'entreprise, aux dépens des usagers ;
Attendu que l'article L2512-3 du code du travail précise qu'en cas de cessation concertée de travail des personnels mentionnés à l'article L. 2512-1, l'heure de cessation et celle de reprise du travail ne peuvent être différentes pour les diverses catégories ou pour les divers membres du personnel intéressé et que sont interdits les arrêts de travail affectant par échelonnement successif ou par roulement concerté les divers secteurs ou catégories professionnelles d'un même établissement ou service ou les différents établissements ou services d'une même entreprise ou d'un même organisme ;
Attendu que la Régie des Transports de [Localité 6] indique elle-même dans ses écritures que malgré le nombre important de déclarations d'intentions individuelles reçues, la plupart d'entre elles n'ont pas été suivies d'effet ;
Attendu que les déclarations d'intentions individuelles d'arrêt de travail et les feuilles de service précisant les horaires et la durée des arrêts de travail de certains salariés grévistes ne permettent pas d'établir la volonté de détourner le texte susvisé et de désorganiser le fonctionnement de l'entreprise ;
Attendu que l'employeur ne pouvait, de lui-même, déclarer sans effet un préavis de grève, déposé dans les formes légales, sans avoir saisi préalablement la justice, afin qu'il soit jugé, sur le fond, si un abus du droit de grève a été commis ;
Qu'en affichant une note de service en ce sens, en laissant craindre aux salariés qu'ils pouvaient faire l'objet de sanctions en cas d'arrêt de travail, la RTM a ainsi porté atteinte au droit de grève ;
Attendu que le premier juge était donc fondé d'ordonner le retrait de cette note de service des panneaux d'affichage de l'entreprise, ainsi que l'affichage de la décision rendue, ce, sous astreinte de 100 € par jour de retard, à compter de la signification de sa décision ;
Attendu qu'il ne peut être fait droit à la demande tendant à faire inscrire les salariés ayant cessé le travail en absence injustifiée ;
Attendu que le jugement est confirmé ;
Attendu qu'il est équitable d'allouer au Syndicat CGT de la Régie des Transports de [Localité 6], la somme de 2 000 €, en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Reçoit l'appel comme régulier en la forme,
Confirme le jugement déféré,
Condamne la Régie des Transports de [Localité 6] à payer au Syndicat CGT de la Régie des Transports de [Localité 6] la somme de 2 000 €, en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Rejette les autres demandes,
Condamne la Régie des Transports de [Localité 6] aux dépens d'appel et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT