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17/01/2013 | FRANCE | N°10/07497

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18e chambre, 17 janvier 2013, 10/07497


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 17 JANVIER 2013



N° 2013/45













Rôle N° 10/07497





[E] [O]





C/



SA SAPA PROFILES PUGET

































Grosse délivrée

le :

à :

- Me Lionnel BOUERI, avocat au barreau de DRAGUIGNAN



- Me Henri CHARLES, avocat au barreau de NIC

E





Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de FREJUS en date du 25 Mars 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 07/347.







APPELANT



Monsieur [E] [O], demeurant [Adresse 2]



comparan...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 17 JANVIER 2013

N° 2013/45

Rôle N° 10/07497

[E] [O]

C/

SA SAPA PROFILES PUGET

Grosse délivrée

le :

à :

- Me Lionnel BOUERI, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

- Me Henri CHARLES, avocat au barreau de NICE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de FREJUS en date du 25 Mars 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 07/347.

APPELANT

Monsieur [E] [O], demeurant [Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Lionnel BOUERI, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMEE

SA SAPA PROFILES PUGET, demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Henri CHARLES, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 20 Décembre 2012 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Gisèle BAETSLE, Président

Monsieur Guénael LE GALLO, Conseiller

Madame Fabienne ADAM, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Julia DELABORDE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Janvier 2013.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Janvier 2013.

Signé par Madame Gisèle BAETSLE, Président et Mme Julia DELABORDE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

M. [O] a été embauché le 1/06/1992 par la SA PAPA PROFILES PUGET en qualité D4aide magasinier puis de magasinier et a été licencié le 16/04/2007 pour harcèlement moral envers un collègue de travail.

M. [O], estimant son licenciement sans cause réelle et sérieuse a saisi le conseil de prud'hommes de Fréjus de demandes en paiement de dommages-intérêts et d'heures de formation non utilisées.

Par jugement de départage du 26/11/2009, le Conseil de Prud'hommes a dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné la SA PAPA PROFILES PUGET à payer à M. [O], avec exécution provisoire :

- 10116 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 1200 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

M. [O] a régulièrement fait appel de cette décision.

Reprenant oralement leurs conclusions auxquelles il convient de se référer pour l'exposé de leurs moyens, M. [O] conclut à réformation du jugement déféré en ce qui concerne le montant des sommes allouées et réclame la somme de 68.000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et celle 5000 € pour préjudice moral, et en ce qu'il a été débouté de sa demande relative à la perte des heures de formation pour lesquelles il demande 630 €.

Il sollicite la somme de 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

la SA PAPA PROFILES PUGET sollicite la réformation de la décision entreprise et réclame le remboursement des sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire et à celle de 1500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIVATION

M. [O] a été licencié pour ' harcèlement moral ( au sens de l'article L122-49 du code du travail) envers votre coll7gue de travail Monsieur [X] [P]...'

En application des dispositions de l'article L1154-1du code du travail, il appartient à celui qui invoque un harcèlement moral d'établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.

Aux termes de l'article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En l'espèce, l'employeur a été informé par un courrier du 23/03/2007 établi par M. [P] d'un harcèlement moral dont il serait victime de la part de M. [O].

M.[P] y fait état de la part de M. [O] d'exigences concernant ses demandes de prises de congés, d'insultes publiques, de dénigrement de son travail, de mesquinerie à son égard, d'une dénonce mensongère de vol.

Il y précise qu'à deux reprises, les 12 et 20 mars 2007, il a dû déposer auprès des services de police une main courante pour harcèlement moral dans le cadre de son travail et que son état de santé et son moral pâtissent de cette situation et qu'il a dû se rendre chez le médecin, ne pouvant plus travailler.

Pour étayer sa décision de licencier M. [O], l'employeur produit :

-les attestations:

-de M. [R], directeur technique, qui accrédite les déclarations de M. [P] concernant l'attitude de M. [O] à son égard dans le cadre du travail et qui indique lui avoir rappelé que M. [P] dépendait directement de M. [T] et non de lui et que s'il avait des griefs à formuler à son égard, il devait lui-même s'adresser à M. [T] ; que M. [O] a alors 'traité avec véhémence M. [P] de 'jeune trou du cul' et d'autres noms d'oiseaux'

-de M. [B], responsable de la maintenance mécanique , qui n'a pas été témoin direct des faits dénoncés par M. [O], mais qui indique que quelques mois avant le départ de ce dernier,'le climat au magasin s'était dégradé' et 'que le travail est devenu beaucoup plus agréable sans lui'

-de M. [T] , responsable magasin général, qui indique 'avoir entendu M. [O] [E] prononcer des insultes à l'égard de M. [P] [X] , à plusieurs reprises et cela pendant des semaines vu l'attitude de M. [O] en le traitant de 'petit con', 'trou du cul ', j'en passe et des meilleures l'ambiance au magasin était devenue insoutenable..;'

-du médecin du travail, mme [F], qui indique que 'le 27/04/2006, 'ai reçu en consultation M. [P] [X] qui m'a déclaré faire l'objet de harcèlement moral de la art de son collègue de travail .'

-l'avis du CHSCT en date du 13/04/2007 rédigé en ces termes : ' Effectivement des propos injurieux ont été prononcés par M. [O] à l'encontre de M. [P]. Ceci à plusieurs reprises en présence de témoins.

Nous avons constaté qu'incontestablement, M. [P] avait été blessé moralement et avait une appréhension de se retrouver au côté de M. [O].

Nous avons demandé à M. [O] de bien vouloir présenté ses excuses , tout a moins pour les insultes proférées à M. [P] , ce qu'il n'a pas voulu faire.

Ne pouvant démêler cette affaire , nous suggérons que les deux parties ne doivent plus travailler sécurité sociale le même atelier.'

-un certificat médical du Docteur [U] en date du 5/03/2007attestant que l'état de santé de M. [P] l'empêche de se rendre à son travail pendant 6 jours ' qui corrobore le courrier du 23/03/2007.

M. [O] conclut à l'absence de faute qui lui soit imputable ,soutient que l'unique grief qui lui est reproché a priori est d'avoir dénoncé un vol de palettes dont M. [P] s'était rendu coupable le 5/03/2007 et que ce dernier a monté de toutes pièces un dossier de harcèlement moral afin de provoquer son licenciement ; qu'il y a une concomitance parfaite entre la dénonciation des faits de vol faite le 20/03/2007 et le prétendu harcèlement moral et que l'employeur n'a pas vérifié la véracité des propos tenus par M. [P] et pris la précaution dans un premier temps de séparer les protagonistes afin de mesurer la portée de l'acte incriminé.

Il produit à l'appui de son argumentation:

-des attestations :

-de M. [S] qui reconnaît avoir procédé à un trafic de palettes entre lui et M. [P], ce qui est en complète contradiction ave l'attestation de M. [T] qui précise qu'il ne peut y avoir de trafic puisque les palettes sont jetées.

-de M. [J] qui a travaillé entre 1998 et 2003 dans l'entreprise et déclare qu'il n'a rencontré aucune difficulté avec M. [O]. Cette attestation n'a aucun intérêt en soi quant à la solution du litige.:en effet, la lettre de licenciement ne reproche pas à M. [O] de harceler plusieurs ou tous les membres du personnel.

-de M. [M] qui n'était plus dans l'entreprise au moment des faits reprochés et qui étant en conflit avec cette dernière ne peut être un témoin éminemment fiable.

-de M. [A], salarié de la société SAPA en 2004 et 2005 et qui ne rapporte que des 'on dit ' à propos de M. [P]

-de M. [H], salarié dans l'entreprise de 1988 à 1995 et rapporte des faits anciens sans rapport avec les griefs reprochés à M. [O]

-de M. [W] , délégué syndical qui déclare n'avoir jamais constaté de problèmes posés par MM. [O] et [P] et qui précise que les membres du CHSCT avaient retenu qu'il y avait eu plus d'animosité entre M. [O] et M. [P] qu'autre chose 'et que les membres de ce CHSCT avaient pour M. [G] 'suggéré de supplier la direction... ,' pour M. [Z] dit 'M. [P] avait bien manigancé ce problème fin de faire dégager M. [O]' et pour M. [I] dit' M. [O] s'emportait parfois car il prend son travail à coeur et qu'il en faudrait plus comme lui à l'usine..;' termes qui sont tous démentis par ceux à qui ils sont prêtés dans des attestations ultérieures.

Ces termes ne peuvent dès lors être retenus comme annulant l'avis écrit du CHSCT à l'issue de la réunion de ses membres.

En l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral est démontrée.

Il sera souligné que :

-la plainte de M. [P] pour des faits de harcèlement moral à son encontre n'est pas consécutive à la dénonciation d'un vol de palettes dont il aurait été l'auteur, M. [P] ayant fait part de ce harcèlement au médecin du travail déjà en 2006,

-que le harcèlement moral entre deux salariés sans lien de subordination de l'un envers l'autre est parfaitement admissible ;

-qu'il n'y a pas obligation pour l'employeur , avant de sanctionner l'auteur d'un harcèlement moral , de déclarer ce harcèlement comme maladie professionnelle ou accident du travail ;

-qu'en l'espèce, l'employeur a bien saisi le CHSCT qui a rendu l'avis précité.

Il résulte des articles L1152-1 , L1152-2et L 1152-4 précités et L4121-1 du code du travail que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, n'a pas procédé à un licenciement sans cause réelle et sérieuse dès lors que les faits de harcèlement ont perduré malgré les tentatives de MM. [R] et [T] de raisonner M. [O] dont les insultes répétées pendant plusieurs semaines à un jeune collègue , les exigences qu'il n'avait pas lieu d'avoir envers ce même collègue étaient susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En conséquence, le jugement déféré sera réformé et M. [O] débouté de sa demande en dommages-intérêts.

En revanche, et pour des motifs que la cour adopte dans leur intégralité, ce jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [O] de sa demande relative à la perte des heures de formation.

Aucun élément tiré de l'équité ou de la situation économique des parties ne justifie en la cause l'application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

M. [O] qui succombe supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement,

CONFIRME le jugement entrepris le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [O] de sa demande relative à la perte des heures de formation.

Le REFORME pour le surplus

et statuant à nouveau

DÉBOUTE M. [O] de sa demande en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE M. [O] aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 18e chambre
Numéro d'arrêt : 10/07497
Date de la décision : 17/01/2013

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 18, arrêt n°10/07497 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-01-17;10.07497 ?
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