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08/01/2013 | FRANCE | N°11/17189

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18e chambre, 08 janvier 2013, 11/17189


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 08 JANVIER 2013



N°2012/9















Rôle N° 11/17189







[U] [F]





C/



SARL INDIGO













































Grosse délivrée le :

à :

- Me Huguette RUGGIRELLO - FABRE, avocat au barreau de TOULON



- Me Catherine MEYER ROYERE, avocat au barreau de TOULON



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 20 Septembre 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 10/823.





APPELANTE



Mademoiselle [U] [F], demeurant ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 08 JANVIER 2013

N°2012/9

Rôle N° 11/17189

[U] [F]

C/

SARL INDIGO

Grosse délivrée le :

à :

- Me Huguette RUGGIRELLO - FABRE, avocat au barreau de TOULON

- Me Catherine MEYER ROYERE, avocat au barreau de TOULON

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 20 Septembre 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 10/823.

APPELANTE

Mademoiselle [U] [F], demeurant [Adresse 1]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2011/014163 du 20/12/2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

représentée par Me Huguette RUGGIRELLO - FABRE, avocat au barreau de TOULON

INTIMEE

SARL INDIGO, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Catherine MEYER ROYERE, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Stéphanie ROYERE, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 13 Décembre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Gisèle BAETSLE, Président, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Gisèle BAETSLE, Président

Monsieur Guénael LE GALLO, Conseiller

Madame Christine LORENZINI, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Julia DELABORDE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Janvier 2013

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Janvier 2013

Signé par Madame Gisèle BAETSLE, Président et Mme Julia DELABORDE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

Mlle [F] a été embauchée par la SARL INDIGO du 26/10/2007 au 16/06/2009 dans le cadre d'un contrat de professionnalisation en qualité de vendeuse.

La relation contractuelle s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée déterminée du 16/06/2009 au 22/08/2009.

A compter du 1/09/2009, un contrat à durée indéterminée a été signé entre les parties.

En arrêt maladie du 20/08/2010 au 10/11/2010, Mlle [F] prenait, à cette date acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur.

Saisi par Mlle [F] de demandes en paiement de diverses indemnités, par jugement du 20/09/2011, le conseil de prud'hommes de Toulon a dit que la prise d'acte de rupture s'analysait en une démission au 10/11/2010 et a débouté Mlle [F] de l'ensemble de ses demandes et la SARL INDIGO de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Mlle [F] a régulièrement fait appel de cette décision.

Reprenant oralement leurs conclusions auxquelles il convient de se référer pour l'exposé de leurs moyens, Mlle [F] sollicite la réformation de la décision entreprise et réclame les sommes suivantes :

-3686 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

-1828,13 € au titre de indemnité de licenciement

-11 062,80 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

-761,93 € au titre du complément de salaire

-11602,80 € au titre du travail dissimulé

-5000 € de dommages-intérêts pour harcèlement moral

-3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

tandis que l'employeur conclut à la confirmation du jugement déféré devant le cour et sollicite la somme de 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

MOTIVATION

Sur la rupture du contrat de travail :

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

Mlle [F] reproche à son employeur des faits de harcèlement moral de la part de M. [L] depuis le début de la relation salariale et l'obligation de travailler bien souvent 6 jours sur 7 et à effectuer des heures supplémentaires.

Il convient donc d'analyser la réalité de ces motifs.

Sur le harcèlement moral:

Aux termes de l'article L 1152-1 du code du travail , aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L 1152-2 du code du travail , aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement du contrat pour avoir subi ou refuser de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L'article L 1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ses éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, Mlle [F] reproche à son employeur dans une lettre non datée et dont le Conseil de Prud'hommes a justement relevé que l'envoi n'était pas rapporté, les faits suivants ainsi rédigés:'

Mme [W] à plusieurs reprises j'ai attiré votre attention sur le harcèlement que je subissais de la part de M. [L].

depuis le début, il a pris un malin plaisir à m'humilier , me faire des remontrances injustifiées, à m'insulter devant les clientes et mes collègues de travail ,à tenir des propos à connotation sexuelle m'inventant une relation intime avec votre frère allant jusqu'à dire que je le 'suçais 'durant les heures de travail ...

Les humiliations que j'ai endurées chaque jour sont devenues insupportables, elles portent atteinte à ma santé physique et morale.

Mon médecin traitant eu égard à mon état dépressif a prescrit un arrêt de travail le 17 août 2010 suivi de deux prolongations.

M. [L] et vous-même êtes responsables des agissements que j'ai subi , par ailleurs vous nous obligez à travailler bien souvent six jours sur sept, à effectuer des heures supplémentaires en nous disant chaque fois ' si tu ne veux pas travailler, tu n'as qu'à partir à l'ALPE' précisant que si je voulais avoir le statut officiel de responsable je devais le faire .cette pression continuelle m'est insupportable. Ce sont les raisons pour lesquelles, j'ai saisi le Conseil de Prud'hommes .'

Pour étayer ses affirmations, Mlle [F] produit :

-des attestations de :

- son compagnon qui fait état d'une réflexion désobligeante du patron envers Mlle [F],

- Mlle [O] qui affirme avoir constaté l'attitude désagréable et injurieuse de M. [L] à l'égard de Mlle [F] , notamment en lui disant 'Faut pas être conne..;', sans préciser les circonstances dans lesquelles elle a été amenée à faire ces constations.

-M. [W] qui relate un fait précis de la mi-octobre 2008 s'analysant comme un coup de colère

-Mlle [B] qui a travaillé d'octobre 2007 à février 2008 avec Mlle [F]( celle-ci ayant rejoint à cette date la boutique 'Poèmes',à [Localité 7]) à la boutique Indigo à [Localité 5] et avoir été témoin de ce que ' M. [L] disait d'[U] qu'elle dansait nue sur le podium du [N] et que des clients l'avaient vu faire des choses sexuelles dans une voiture'

Elle précise que lorsque Mlle [F] a travaillé à la boutique' Poèmes' ( située à [Localité 7]), l'attitude de M. [L] a empiré, sans expliquer comment elle a pu être témoin de faits dans une boutique où elle ne travaillait pas, ayant elle-même travaillé dans la boutique Indigo, rappelons le située à [Localité 5]) jusqu'à la mi-octobre 2008.

-Mlle [K], ancienne employée de la SARL INDIGO, qui porte d'une part sur les fonctions exercées par Mlle [F] et sur la façon dont M. [L] se conduisait envers son personnel, est contestée par la gérante lors d'une main courante prise par les services de la police de [Localité 5].

Or,aucun élément du dossier ne vient corroborer les déclarations de Mlle [K] au moins en ce qui concerne les fonctions.

Il convient de relever que ces attestations émanent de son compagnon, dont on peut douter de l'objectivité des propos, d'une personne dont on ne connaît pas la qualité, d'une ancienne collègue de travail pendant 5 mois dont les contradictions relevées apportent un doute à la sincérité de son témoignage et d'une ancienne collègue qui n'a pas vu son contrat de travail reconduit.

-un courriel du 31/07/2010 dont on ne sait à qui il est adressé mais dont on suppose que le destinataire est l'employeur qui demande à Mlle [F] d'ouvrir un lundi après midi ce qui est refusé par cette dernière car elle indique être en repos et non disponible les lundis, ce à quoi, l'employeur répond 'OK je comprends'. Si l'employeur a demandé à sa salariée de travailler un jour de congé , devant son refus n'a pas insisté ce qui est en contradiction avec les allégations de pressions de Mlle [F] qui déclare avoir dû travailler ses jours de congé.

-un courriel du 19/08/2010 adressé à son avocat, rapportant une conversation de Mlle [F] avec une personne dont l'identité n'est pas donnée ,de sorte qu'il est sans incidence sur le litige

-deux certificats médicaux d'un psychiatre des 24/08/2010 et du 17/09/2010 faisant mention d'un trouble ... ( mot incompréhensible ) et dépressif en situation de désadaptation ...( Mot incompréhensible ) professionnelle '.

Or, même un médecin psychiatre, qui a vu deux fois sa patiente, ne peut donner un diagnostic qui ne repose que sur les propos que cette dernière a bien voulu lui tenir.

Il n'est pas contesté enfin que M. [W], frère de la cogérante, est en situation de conflit avec cette dernière et a obtenu lui-même une attestation de Mlle [F] au soutien de ses prétentions.

En tout état de cause, il ne fait état que d'un seul fait dont il a été dit qu'il s'apparentait davantage à un coup de colère (M. [W] précisant que M. [L] était très pressé) qu'à une situation de harcèlement moral vis à vis d'une salariée.

De son côté, l'employeur produit des attestations de clientes et d' anciens employés qui tous attestent de l'ambiance cordiale qui régnait dans les magasins de la SARL INDIGO et du plaisir que Mlle [F] avait à y travailler.

Il n'est pas inutile de rappeler par ailleurs que Mlle [F] qui se dit avoir été harcelée 'dès le début' et quotidiennement, a cependant par deux fois renouvelé son contrat de travail avec la SARL INDIGO et n'a jamais jusqu'à la saisine du Conseil de Prud'hommes adressé la moindre plainte à son employeur au sujet de ses conditions de travail.

Au vu des pièces fournies, la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, qui se caractérise par des agissements répétitifs ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits ou à la dignité des victimes , d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel,

n'est pas démontrée.

Les faits de harcèlement ne sont donc pas établis.

Sur l'obligation de travailler six jours sur sept et le travail dissimulé:

Il résulte des attestations produites à ce sujet que:

- Mlle [F] a travaillé une fois un jour férié : le 1er mai 2010. On ne peut en déduire qu'une seule fois constitue une habitude.

-Mlle [F] travaillait ses jours de congé. Or, ces témoignages sont démentis par le courriel du 31/07/2010 dont il résulte que la gérante lui a demandé d'ouvrir le magasin un lundi après -midi ce qui a été refusé par Mlle [F] au motif qu'elle est en repos et non disponible le lundi.

Mlle [F] soutient dans ses conclusions page 18 'qu' à compter de mars 2010, date à laquelle elle a commencé à travailler en qualité de responsable dans la boutique POÈMES elle a perçu une prime mensuelle de 500 € pour cette nouvelle qualification.'

Or , Mlle [F] ne rapporte pas la preuve de cette nouvelle qualification, si ce n'est pas l'attestation contestable de Mlle [H], ni la preuve d'heures supplémentaires.

De plus, M. [E], le concubin de Mlle [F] , déclare avoir été témoin à une date non précisée de la remise d'un chèque en main propre, de la part de la gérante ,d'une enveloppe contenant un chèque et 300€ en liquide et Mlle [B] déclare quant à elle qu'en juillet 2008, la gérante lui a remis deux billets de 500 €, l'un étant destiné à Mlle [F] en paiement des heures supplémentaires.

La SARL INDIGO produit deux attestations d'anciens salariés qui témoignent du respect de leur contrat de travail et de leur rémunération.

En l'état, des discordances dans les attestations produites par Mlle [F] et des attestations contradictoires

produites par l'employeur, le travail dissimulé n'est pas établi.

En conséquence et à défaut de démontrer la réalité des griefs reprochés à la SARL INDIGO, la prise d'acte de rupture de son contrat de travail par Mlle [F] s'analyse en une démission.

Elle sera donc débouter de ses demandes en paiement de l'indemnité compensatrice de préavis, de l'indemnité de licenciement, de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ,de l'indemnité au titre du travail dissimulé, des dommages-intérêts pour harcèlement moral

Sur le complément de salaire:

L'article 27 de la convention collective de l'habillement et articles textiles prévoit qu'après un an dans l'entreprise , les indemnités complémentaires de maladie sont calculées de la façon suivante : 30 jours à 90% à partir du 8ème jour d'arrêt + 30 jours à 66,67 % .

L'article 31 de cette convention collective prévoit que pour la détermination de l'ancienneté on tiendra compte non seulement de la présence continue au titre du contrat en cours mais également, le cas échéant, de la durée des contrats antérieurs dans l'entreprise en excluant toutefois ceux dont la résiliation aurait été le fait du salarié et précise que la durée des contrats en alternance - notamment contrats d'apprentissage et de professionnalisation) entrent en compte pour l'appréciation de l'ancienneté.

Aucun élément tiré de l'équité ou de la situation économique des parties ne justifie en la cause l'application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

En l'espèce, l'embauche initiale de Mlle [F] se situant au 26/10/2007, sa demande au titre du complément de salaire, dont le calcul n'est pas contesté, est fondée et il y sera fait droit.

Mlle [F] qui succombe pour l'essentiel supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement,

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté Mlle [F] de sa demande en paiement de complément de salaire

et statuant à nouveau:

CONDAMNE la SARL INDIGO à payer à Mlle [F] la somme de 761,93 € au titre du complément de salaire.

CONDAMNE Mlle [F] aux dépens qui seront recouvrés selon les règles applicables à l'aide juridictionnelle.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 18e chambre
Numéro d'arrêt : 11/17189
Date de la décision : 08/01/2013

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 18, arrêt n°11/17189 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-01-08;11.17189 ?
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