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20/12/2012 | FRANCE | N°12/01843

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre c, 20 décembre 2012, 12/01843


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE



1ère Chambre C



ARRÊT

DU 20 DÉCEMBRE 2012



N° 2012/946

A. J .













Rôle N° 12/01843







Comité d'Hygiène de Sécurité et des Conditions de Travail de l'établissement PACA de Pôle Emploi



C/



Pôle Emploi, pris en son établissement PACA









Grosse délivrée

le :

à :





SCP BADIE



SCP MAGNAN



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Décision déférée à la Cour :



Ordonnance rendue en la forme des référés par Monsieur le Président du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 13 Janvier 2012 enregistrée au répertoire général sous le N° 2012/77.







APPELANT :



COMITÉ D'HYGIÈNE DE SÉCURITÉ ET DE...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1ère Chambre C

ARRÊT

DU 20 DÉCEMBRE 2012

N° 2012/946

A. J .

Rôle N° 12/01843

Comité d'Hygiène de Sécurité et des Conditions de Travail de l'établissement PACA de Pôle Emploi

C/

Pôle Emploi, pris en son établissement PACA

Grosse délivrée

le :

à :

SCP BADIE

SCP MAGNAN

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance rendue en la forme des référés par Monsieur le Président du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 13 Janvier 2012 enregistrée au répertoire général sous le N° 2012/77.

APPELANT :

COMITÉ D'HYGIÈNE DE SÉCURITÉ ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL DE L'ÉTABLISSEMENT PACA DE PÔLE EMPLOI,

pris en la personne de Monsieur [L] [J],

domicilié en cette qualité [Adresse 2]

représenté par la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

plaidant par le Cabinet GRUMBACH & ASSOCIÉS, avocats au barreau de MARSEILLE, substitué par Maître Cédric HEULIN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉ :

PÔLE EMPLOI,

pris en son établissement PACA,

dont le siège est [Adresse 1]

représenté par la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

plaidant par Maître Yves TALLENDIER, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 Novembre 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur André JACQUOT, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Serge KERRAUDREN, Président

Madame Catherine ELLEOUET - GIUDICELLI, Conseiller

Monsieur André JACQUOT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Serge LUCAS.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Décembre 2012.

ARRÊT :

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Décembre 2012,

Signé par Monsieur Serge KERRAUDREN, Président et Monsieur Serge LUCAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*-*-*-*-*-*

EXPOSE DU LITIGE

La loi du 13 février 2008 a créé Pole-Emploi par fusion de l'ANPE et de l'ASSEDIC (assurances chômage). Celle-ci a été réalisée en plusieurs vagues. Le déploiement des première et deuxième vagues a fait l'objet d'une expertise confiée au cabinet SYNDEX désigné dans le cadre de l'article L-4614-12 du code du travail et dont les honoraires se sont élevés à la somme de 82.983,00 euros T.T.C. Le déploiement des sites mixtes ayant donné lieu à une nouvelle consultation du CHSCT/PACA, ce dernier par délibération du 22 juin 2011, confiait une nouvelle expertise au cabinet Technologia pour un coût prévisionnel de 137.640,00 euros à 196.520,00 euros en l'état des risques psychosociaux et psychopathologiques auxquels sont soumis les agents de Pole-Emploi.

Cette décision a été annulée par décision du 13 janvier 2012 du président du tribunal de grande instance de Marseille statuant en la forme des référés.

Le CHSCT de l'établissement PACA en a relevé appel et expose dans des conclusions récapitulatives du 27 août 2012 que :

- le président du tribunal statuant en urgence sur les contestations de l'employeur, ce dernier doit agir à bref délai et ce d'autant que le président statue en la forme des référés,

- c'est donc tardivement que Pole/Emploi a délivré son assignation le 5 octobre 2011, soit plus de trois mois après la délibération contestée,

- le recours par le CHSCT à un expert ne relève pas des règles régissant les commandes publiques,

- le CHSCT dispose d'un pouvoir autonome pour apprécier le risque grave prévu à l'article L-4614-12 du code du travail,

- l'accord national interprofessionnel du 2 juillet 2008 et l'accord national interprofessionnel sur le harcèlement et la violence au travail du 26 mars 2010 traduisent la volonté des pouvoirs publics de prendre en compte les risques psychosociaux dans le cadre du travail,

- la délibération du 22 juin 2011 est justifiée par la dégradation de l'état de santé des salariés et l'impossibilité par l'employeur d'y remédier,

- elle est révélée par l'augmentation des agressions sur le lieu de travail, de l'absentéisme, les rapports des médecins du travail et le stress généré par une aggravation des conditions de travail,

- neuf situations de risque grave au sein de Pole/Emploi/Paca ont nécessité la mise en place d'enquêtes dont deux pour tentative de suicide,

- quand bien même Pole/Emploi/Paca se serait engagé dans une démarche de lutte contre les risques psychosociaux, le CHSCT ne saurait être privé de son droit exclusif de recourir à un expert lorsque le risque grave est constaté dans l'établissement.

L'appelant conclut à l'infirmation de l'ordonnance principalement à l'irrecevabilité de la demande et subsidiairement à la désignation d'un expert. Le CHSCT sollicite enfin paiement de la somme de 4.500,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions en réplique du 7 novembre 2012, Pole/Emploi fait valoir que :

- selon ordonnance précédente du 13 octobre 2010, confirmée par arrêt de cette cour du 20 octobre 2011, une délibération similaire du CHSCT a déjà été annulée,

- Pole/Emploi, institution nationale publique est soumise à l'ordonnance du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques et il en est de même pour le CHSCT qui est un pouvoir adjudicateur au sens de l'article 3-I,

- il n'a aucunement tardé à agir dans la mesure où confronté à deux expertises votées par le CHSCT les 1er avril 2010 et 22 juin 2011 et confiées au même cabinet Technologia, la cohérence commendait d'attendre la décision de la cour saisie sur appel de l'ordonnance du 13 octobre 2010,

- la notion de risque grave ne peut se confondre avec la seule pénibilité du travail,

- le CHSCT invoque des faits postérieurs à sa délibération et qui sont inopérants,

- les comportements agressifs et déplacés auxquels sont confrontés certains agents de Pole/Emploi sont inhérents à l'activité d'accueil du public et constituent le seul risque professionnel,

- les agressions ne sont pas en augmentation et deux sur 265 en 2010 n'ont conduit qu'à un arrêt de travail,

- les chiffres de l'absentéisme sont à rapprocher de ceux des établissements de taille similaire,

- l'accord national sur les risques psycho-sociaux d'août 2010 n'a pu être mis en place suite à l'opposition émise par quatre syndicats,

- Pole/Emploi élabore annuellement un programme de prévention des risques professionnels, chaque incident signalé par un agent étant traité,

- en l'état de la délibération de 2010 précédemment annulée, l'action du CHSCT est abusive,

Pole/Emploi conclut à la confirmation de l'ordonnance déférée, au rejet de la demande du CHSCT au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à la conservation par chaque partie de ses dépens.

DISCUSSION

Sur la procédure :

L'article R 4614-19 du code du travail dispose que le président du tribunal de grande instance statue en urgence sur les contestations de l'employeur relatives à l'expertise. Mais Pole/Emploi fait justement observer que l'urgence s'impose à la juridiction qui statue en la forme des référés et non à sa saisine.

Quoi qu'il en soit, Pole/Emploi explique à bon escient que pour aboutir à la décision du 22 juin 2011, le CHSCT a préalablement annulé spontanément deux délibérations des 5 avril et 6 mai 2011 ayant le même objet et que les parties étaient dans l'attente de la décision de cette cour saisie sur appel de l'ordonnance du 13 octobre 2010 et qui est intervenue le 20 octobre 2011. Il ajoute qu'au delà de cette situation particulière où il se trouvait confronté à deux expertises similaires, le cabinet Technologia n'a défini sa mission (critère d'appréciation de la pertinence d'un recours) qu'à la fin du mois de septembre 2011.

Aussi en saisissant le juge par assignation du 5 octobre 2011, Pole/Emploi n'a aucunement tardé à agir.

**********

Le CHSCT n'est pas soumis au code des marchés publics lorsqu'il a recours à une expertise dans la mesure où il ne relève pas des pouvoirs adjudicateurs désignés à l'ordonnance du 6 juin 2005 et qu'il dispose d'un droit exclusif en désignation d'expert tiré de l'article L 4612-12 du code du travail.

Enfin le décret du 30 décembre 2005 portant application de l'ordonnance précitée, ne mentionne pas à la liste limitative des marchés publics, la décision du CHSCT de recourir à un expert.

Au fond :

L'article L 4614-12 du code du travail autorise le recours à un expert par le CHSCT 'lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail ou une maladie à caractère professionnel, est constaté dans l'établissement et en cas de projet important modifiant les conditions d'hygiène et de sécurité ou les conditions de travail'.

Le cabinet SYNDEX a procédé à une première expertise dans le cadre de la fusion des activités emploi/indemnisation chômage.

En l'espèce, l'expertise est sollicitée au regard de la première alternative de l'article L 4614-12, soit le risque grave. Il s'apprécie au jour où le CHSCT décide de l'expertise qui en conséquence ne peut avoir une visée exploratoire.

Un risque grave est avéré quand il est établi que les conditions d'exercice de la profession font courir aux personnels un danger de nature à entraîner une maladie ou un accident invalidant. La souffrance au travail avec altération de la santé liée à l'environnement professionnel constitue le risque grave visé à l'article L 4614-12 précité. En l'espèce, il ressort des indicateurs objectifs et quantitatifs fournis par le CHSCT que :

- 17 fiches d'entreprises sur 19 élaborées par les médecins du travail relatent une surcharge de travail, des déficits visuels, un stress engendré par la complexité de la charge de travail et l'augmentation du nombre de demandeurs d'emploi, un sentiment de frustration, de rejet, de déracinement et d'insécurité, un mal-être issu d'une non reconnaissance du travail fourni, un surmenage, une charge mentale importante,

- les alertes répétées à l'occasion des visites d'inspection et les pétitions du personnel mentionnent de manière récurrente une souffrance au travail avec perte de sens, une surcharge professionnelle, une aggravation des conditions de travail ; alors que la fusion des services devait aboutir à la gestion par chaque conseiller de 60 dossiers, la charge effective est de 110 dossiers ou plus sans réelle perspective de moyens nouveaux et en outre avec une augmentation du nombre des demandeurs d'emploi,

- une dégradation notoire des conditions de travail au regard de l'augmentation du nombre d'agressions verbales (265 faits recensés en 2010 en région PACA, 274 en 2011),

- 821 arrêts maladie et quatre tentatives de suicide sont intervenues en 2010,

- neuf rapports d'enquête réalisés en 2010 et 2011 corroborent ces constatations.

Pole/Emploi ne conteste pas réellement ces éléments mais considère en les comparant à des entreprises de taille similaire qu'ils ne sont pas révélateurs d'un risque grave et sont inhérents à toute activité accueillant du public (hôpitaux par exemple). Il ajoute que les risques psycho-sociaux sont pris en compte et traités préventivement, chaque incident déclaré faisant l'objet d'un suivi. Mais Pole/Emploi ne fournit aucun renseignement pertinent sur les effets des mesures de prévention mises en oeuvre et encore moins une évaluation précise et objective des résultats obtenus. Ces mesures, dont la réalité ne peut être méconnue, n'invalident donc pas le constat du risque grave mis en exergue par le CHSCT tel qu'il ressort des faits générateurs de souffrance au travail, stress et inquiétudes du personnel évoqués ci-dessus.

Le CHSCT est ainsi fondé à disposer d'une expertise extérieure aux fins d'exercer les prérogatives que lui confère le droit du travail.

Sur les demandes annexes :

L'infirmation de l'ordonnance rend sans objet la demande de Pole/Emploi en paiement de dommages intérêts pour procédure abusive.

Aucun motif ne conduit à ordonner dès à présent à Pole/Emploi d'engager les opérations d'expertise préconisées par le Cabinet Technologia, sa carence n'étant pas démontrée.

L'équité autorise par contre à mettre à sa charge les frais de représentation et de conseil auxquels il a contraint le CHSCT.

Pole/Emploi qui succombe sera enfin condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Déclare Pole/Emploi recevable en son recours,

Infirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

Déboute Pole/Emploi de l'ensemble de ses demandes,

Le condamne à payer au CHSCT de l'établissement PACA la somme de 4.500,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le condamne aux dépens qui seront recouvrés aux formes de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1re chambre c
Numéro d'arrêt : 12/01843
Date de la décision : 20/12/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1C, arrêt n°12/01843 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-12-20;12.01843 ?
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