La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/12/2012 | FRANCE | N°12/00195

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre c, 06 décembre 2012, 12/00195


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE



1ère Chambre C



ARRÊT

DU 06 DÉCEMBRE 2012



N° 2012/891

C. E.













Rôle N° 12/00195







[A] [H]

[K] [U]

[D] [J]

Comité d'Hygiène et de Sécurité et des Conditions Travail (C.H.S.C.T.) de l'établissement de [Localité 12] de L'UES JC DECAUX



C/



[N] [M]



S.A. JC DECAUX



S.A.S. JC DECAUX MOBILIER URBAIN







Grosse délivr

ée

le :

à :





Maître JAUFFRES (Aix/Pce)



Maître [F] ([Localité 12])

















































Décision déférée à la Cour :



Ordonnance de référé rendue par Monsieur le Président du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date d...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1ère Chambre C

ARRÊT

DU 06 DÉCEMBRE 2012

N° 2012/891

C. E.

Rôle N° 12/00195

[A] [H]

[K] [U]

[D] [J]

Comité d'Hygiène et de Sécurité et des Conditions Travail (C.H.S.C.T.) de l'établissement de [Localité 12] de L'UES JC DECAUX

C/

[N] [M]

S.A. JC DECAUX

S.A.S. JC DECAUX MOBILIER URBAIN

Grosse délivrée

le :

à :

Maître JAUFFRES (Aix/Pce)

Maître [F] ([Localité 12])

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par Monsieur le Président du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 12 Décembre 2011 enregistrée au répertoire général sous le N° 11/05125.

APPELANTS :

Monsieur [A] [H],

ès qualités de secrétaire du CHSCT,

demeurant [Adresse 6]

[Localité 2]

Monsieur [K] [U],

demeurant [Adresse 4]

Monsieur [D] [J],

demeurant [Adresse 7]

Comité d'Hygiène et de Sécurité et des Conditions Travail (C.H.S.C.T.) de l'établissement de [Localité 12] de l'UES JC DECAUX,

dont le siège est [Adresse 5]

représentés par Maître Jean-Marie JAUFFRES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

plaidant par Maître Christian SALORD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMÉS :

Monsieur [N] [M],

ès qualités de Président du Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de l'établissement de [Localité 12],

domicilié en cette qualité [Adresse 5]

[Localité 1]

S.A. JC DECAUX,

dont le siège est [Adresse 3]

S.A.S. JC DECAUX MOBILIER URBAIN,

dont le siège est [Adresse 3]

représentés par Maître Jacques BISTAGNE, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant par Maître Laurent ASTRUC, avocat au barreau de LYON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 30 Octobre 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Catherine ELLEOUET - GIUDICELLI, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Serge KERRAUDREN, Président

Madame Catherine ELLEOUET - GIUDICELLI, Conseiller

Monsieur André JACQUOT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Maurice N'GUYEN.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Décembre 2012.

ARRÊT :

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Décembre 2012,

Signé par Monsieur Serge KERRAUDREN, Président, et Monsieur Serge LUCAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*-*-*-*-*-*

EXPOSE DE L'AFFAIRE

Le Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, dit CHSCT, de l'établissement de [Localité 12] de l'UES J.C. DECAUX a décidé, lors d'une réunion du 29 septembre 2011, de recourir à une expertise afin de rechercher si des travailleurs qui intervenaient sur un site autrefois classé

SEVESO II n'étaient pas soumis à un risque grave.

La S.A. J.C. DECAUX, la S.A.S. J.C. DECAUX MOBILIER URBAIN et M. [N] [M], président du CHSCT, ont saisi le président du tribunal de grande instance de Marseille, sur le fondement de l'article L 4614-13 du code du travail pour contester le bien-fondé de l'expertise.

Par ordonnance en date du 12 décembre 2011, le président a annulé la résolution attaquée en retenant que l'existence d'un risque grave n'était pas établie notamment au regard des motivations d'un arrêté préfectoral du 14 janvier 2010.

Il a cependant, en indiquant qu'aucun abus n'était démontré de la part des défendeurs, condamné les demandeurs à leur payer 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et il les a condamnés aux dépens.

Le CHSCT, M. [A] [H], M. [K] [U] et M. [D] [J] ont relevé appel de cette décision.

Dans des écritures du 5 octobre 2012, tenues ici pour intégralement reprises, ils concluent à sa réformation et à la nécessité de l'expertise notamment en l'état de l'absence d'information par l'employeur sur l'état du terrain où intervenaient les salariés.

Ils demandent à la cour de valider la résolution du 21 septembre 2011, de condamner la société J.C. DECAUX à leur payer 3000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive, mais aussi en application de l'article L 4614 - 13 du code du travail à leur payer l'intégralité des frais et honoraires exposés au titre de la présente instance ainsi que les honoraires de leur avocat qui s'élèvent à la somme de 2000 euros.

Dans des écritures du 22 octobre 2012, tenues aussi pour intégralement reprises, les intimés demandent la confirmation de l'ordonnance déférée, sauf en ce qui concerne les condamnations prononcées à leur encontre, en indiquant que, d'une part le terrain en cause a fait l'objet d'une expertise diligentée par la D.R.E.A.L. qui permet d'écarter l'existence de risques graves et, d'autre part, que plus aucun salarié ne travaille sur le site.

Ils ajoutent que, la désignation d'un expert par le CHSCT étant particulièrement abusive, la demande de prise en charge de l'intégralité du coût de la procédure par l'employeur devra être écartée et la décision du premier juge réformée sur ce point.

MOTIFS DE LA DECISION

Attendu que l'article L 4614 - 12 du code du travail permet au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de faire appel à un expert agréé quand, notamment, un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement,

que les articles L 4614-13 2° et R 4614-14 du code du travail donnent pouvoir au président du tribunal de grande instance pour statuer sur les litiges nés à l'occasion de la désignation d'un expert par les CHSCT, qu'ils lui donnent notamment compétence pour décider du bien fondé du recours à un expert,

que le premier juge a retenu que la réalité du risque grave invoqué par le comité, qui résultait, selon les membres de ce dernier, du fait que le terrain sur lequel travaillaient ou avaient travaillé des salariés de l'entreprise, avait abrité autrefois la société SBM, classée SEVESO II, spécialisée dans la formulation et le conditionnement de produits phytosanitaires pour le secteur agricole, avait été reconnu dans le cadre d'un arrêté préfectoral du 14 janvier 2010 comme pollué dans son sol et son sous-sol et devant faire l'objet d'une réhabilitation, arrêté qui en outre indiquait qu'une partie du site était marquée par des composés organiques volatiles et qu'y étaient prohibés toutes cultures, exploitation de l'eau, réalisation de bâtiments à usage d'habitat permanent ou hôtelier, n'était pas démontré et que le fait, bien que surprenant, qu'une information préalable de l'employeur n'ait pas été apportée au CHSCT, ne pouvait permettre de justifier la mesure d'expertise faute de démonstration, d'une part, d'un risque actuel, et, d'autre part, de l'existence d'un risque grave, démonstration qui ne pouvait, selon lui, être l'objet de l'expertise ;

Attendu que les appelants soutiennent que pendant la durée de la location du terrain, soit pendant près d'un an, 80 salariés environ ont été amenés à travailler sur le terrain pollué, que plusieurs réunions ont été organisées pour recueillir des informations sur la nature et l'étendue de la pollution mais que l'employeur, tout comme la société SBM propriétaire du site, ne leur ont pas fourni les informations demandées notamment sur la nature des polluants, d'où la décision de recourir à l'expertise,

que le fait que les salariés ne soient plus à ce jour soumis à une exposition aux polluants ne permet pas de considérer qu'il n'y a plus de danger, d'autant que la société DECAUX n'a respecté ni les dispositions de l'article R 4412 - 44 du code du travail qui prévoit que les salariés exposés à des agents chimiques dangereux doivent faire l'objet d'un examen médical préalable, ni celles de l'article R 4624 - 19 qui imposent un suivi médical pendant la durée de l'exposition,

qu'ils démontrent, en outre, par de nombreuses attestations de salariés que ces derniers, quand ils travaillaient sur le site n'étaient pas informés des risques encourus et ne bénéficiaient d'aucune protection alors qu'un incendie survenu dans une usine de la société SMB a révélé la présence d'énormes quantités de substances cancérigènes ;

Attendu que les intimés répliquent qu'interrogée en 2010 par le secrétaire du CHSCT sur la dangerosité du terrain d'où des gens du voyage avaient été auparavant expulsés pour des problèmes sanitaires, la direction avait répondu qu'une enquête de la DREAL, Direction Régionale de l'Environnement de l'Aménagement et du Logement, avait conclu à l'absence de toxicité aiguë des terrains dans la mesure où la pollution des sols ne présentait un risque qu'en cas d'ingestion de la terre sur une longue période, qu'en outre, elle avait fait venir lors d'une réunion du comité M. [Y], responsable sécurité de la société SBM, qui avait assuré que, si les terrains loués avaient présenté un risque, il n'en aurait pas autorisé la location, que d'ailleurs les terrains réellement pollués faisaient l'objet d'un balisage et n'avaient pas été loués et que de toute façon la pollution était située entre 6 et 9 mètres de profondeur,

que ce n'est que 9 mois après cette intervention que le problème a été remis à l'ordre du jour, que le secrétaire du CHSCT s'est alors engagé à mener une enquête afin de vérifier si la location du terrain avait été autorisée, que six mois plus tard il a conclu que : 'toutes les précautions ont été prises en matière de sécurité et de prévention des risques par la DREAL et la SBM',

que cependant, 5 mois plus tard, le comité a pris la décision aujourd'hui contestée et ce alors même que le médecin du travail avait précisé que les salariés qui avaient travaillé sur le terrain n'avaient été exposés à aucun risque pour leur santé,

que donc, en l'espèce, la mission est visiblement diligentée pour rechercher d'éventuels facteurs de risque et ne porte pas sur un risque grave précisément identifié et établi,

qu'en outre, ils démontrent par la production de l'avis de la DREAL, expert incontestable en matière de pollution, que le terrain loué ne présente aucun risque pour les salariés et par l'avis de deux médecins du travail, celui de la société DECAUX et celui de la société SBM, qu'aucun salarié n'a été exposé à un risque pour sa santé,

que le risque grave est d'autant moins certain que la partie polluée a été isolée et que les salariés n'ont pas été en contact avec la zone polluée enfouie dans le sol lequel est d'ailleurs goudronné,

qu'ils précisent aussi que, de toute façon, une expertise serait inutile puisque l'employeur a pris toutes les mesures utiles pour se renseigner sur la situation et toutes les précautions nécessaires et a maintenant renoncé à louer le terrain et que les attestations produites au débat, manifestement établies pour les besoins de la cause, ne peuvent permettre de démontrer contre l'avis du médecin du travail que les salariés ont été exposés à des produits dangereux ;

Attendu que si les intimés soutiennent avoir pris tous les renseignements et toutes les mesures nécessaires quand leur a été rapporté le fait que les terrains loués étaient pollués, il apparaît notamment à la lecture des informations qui ont été données par le responsable de la sécurité de la société SBM lors de la réunion extraordinaire du CHSCT du 16 mars 2010, qu'il n'en est rien, qu'en effet, alors que ce dernier reconnaissait qu'il existait un risque concernant certains pesticides utilisés par SBM, la deltamethrine et la cypermetrine, 'qui sont des substances nocives mais, pas plus que l'utilisation de plaquettes anti-moustiques que nous utilisons dans nos domiciles...' et prétendait que tout risque était écarté dans la mesure où les vents dominants soufflaient vers l'extérieur de la zone louée et qu'un balisage avait été mis en place, il indiquait quelques instants plus tard que des bâches posées pour délimiter la zone polluée avaient dû être emportées par le vent et qu'aucune information n'avait été mise en place,

qu'il précisait aussi que l'expulsion des gens du voyage, tout comme l'implantation récente sur le site d'indications relatives à sa dangerosité n'étaient « que des décisions politiques »,

que si, pour contester toute gravité du risque, les intimés font état d'un avis de la DREAL qui indiquait aux services de la mairie de [Localité 12] ' en réponse à votre demande, je vous informe que nous considérons qu'il n'existe pas de risque de toxicité aigüe en l'état actuel des terrains. En effet, il s'agit d'une pollution des sols dont le risque principal pour la santé est l'ingestion. Les évaluations sanitaires ayant donné lieu à l'arrêté préfectoral de réhabilitation du 14 janvier 2010 sont basées sur des hypothèses de présence de longues durées (plusieurs années)', cet avis ne peut être considéré comme pertinent dans la mesure où la DREAL n'a pas été amenée à connaître des conditions dans lesquelles travaillaient les salariés de la société J.C. DECAUX ;

Attendu que le recours à un expert agréé est possible lorsqu'un risque grave est constaté dans l'établissement, qu'en l'espèce et contrairement à ce que soutiennent les intimés, le rapport de la DREAL, tout comme l'arrêté préfectoral du 21 janvier 2010 imposant à la société SBM des prescriptions complémentaires dans le cadre de la réhabilitation du terrain établissent incontestablement que les terrains de la société SBM étaient, pendant la durée de la location à J.C. DECAUX, c'est à dire de février 2009 à janvier 2010, pollués, que d'ailleurs c'est sur la base de ce rapport que des gens du voyage qui stationnaient sur le terrain ont été expulsés, que les affirmations des intimés selon lesquelles les salariés auraient travaillé sur une zone exempte de toute pollution ne sont appuyées par aucun plan précisant la zone de pollution et le lieu de travail, que, dans ces conditions, c'est à bon droit que le comité a décidé de recourir à un expert, le fait que les salariés ne soient plus exposés aux risques n'étant pas de nature à permettre de remettre en cause cette décision dans la mesure où le rôle du CHSCT est non seulement de prévenir les risques mais aussi 'd'analyser les risques professionnels auxquels peuvent être exposés les salariés', que dès lors l'ordonnance déférée doit être réformée ;

Attendu que les appelants ne justifient pas, à l'appui de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, d'un préjudice autre que celui qui sera réparé par la totale prise en charge de l'intégralité des frais engagés y compris les honoraires d'avocat

PAR CES MOTIFS

La Cour,

REFORME l'ordonnance déférée,

Déboute les intimés de leur demande d'annulation de la résolution du CHSCT de l'établissement de [Localité 12] de l'UES J.C. DECAUX en date du 29 septembre 2011 décidant de faire appel à un expert et désignant le Cabinet TECHNOLOGIA,

Déboute les appelants de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Condamne la S.A. J.C. DECAUX à prendre en charge tous les frais et honoraires de la défense du CHSCT liés à la présente instance y compris les honoraires de son avocat, d'un montant de 2000 euros, qui seront recouvrés directement par ce conseil,

Condamne la S.A. J.C. DECAUX aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1re chambre c
Numéro d'arrêt : 12/00195
Date de la décision : 06/12/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1C, arrêt n°12/00195 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-12-06;12.00195 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award