COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 06 DECEMBRE 2012
N°2012/
Rôle N° 11/04869
Société GREGORY PROVENCE
C/
[U] [C]
Grosse délivrée le :
à :
Me Michel FRUCTUS, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Jean-louis KEITA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE en date du 22 Février 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 10/1213.
APPELANTE
Société GREGORY PROVENCE, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Michel FRUCTUS, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIME
Monsieur [U] [C], demeurant [Adresse 2]
comparant en personne, assisté de Me Jean-louis KEITA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 22 Octobre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre
Madame Françoise GAUDIN, Conseiller
Monsieur Philippe ASNARD, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Décembre 2012
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Décembre 2012
Signé par Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
[U] [C] a été engagé par la société Gregori Sud Est, suivant contrat à durée indéterminée en date du 18 février 1991 en qualité de manoeuvre, la convention collective applicable étant celle des entreprises paysagistes et de reboissement des Régions Provence-Alpes-Côte d'Azur.
En 2001, le contrat de travail a été repris par la société Gregori Provence.
Le 22 juin 2006, il a été établi concernant ce salarié, une déclaration d'accident du travail intervenu le jour même pour 'migraine sur chantier', accident qui a donné lieu à un arrêt jusqu'au 26 juin 2006.
Postérieurement au 26 juin 2006, le salarié a fait l'objet d'arrêts de travail prolongés.
Suivant deux courriers du 17 juillet 2006, la Mutualité sociale agricole des Bouches du Rhône a notifié au salarié la prise en charge au titre de la législation professionnelle de cet accident, lui précisant qu' après avis de son médecin conseil, il a été déclaré guéri au 26 juin 2006, que les prestations en espèces au titre de l'accident du travail cessent à compter du 27 juin 2006 et rappelant au salarié les voies de recours pour contester cette décision.
La Mutualité sociale agricole des Bouches du Rhône a refusé le 3 avril 2007 de payer à [U] [C] les indemnités journalières suite à son arrêt maladie du 27 février 2007; Sur le recours de l'assuré, la commission de recours amiable a confirmé la décision de l'organisme social le 3 septembre 2007 en précisant à l'assuré la possibilité de former un recours dans le délai de deux mois devant le tribunal des affaires de sécurité sociale,
[U] [C] a formalisé auprès de la Mutualité sociale agricole des Bouches du Rhône le 23 avril 2007 une demande de reconnaissance de maladie professionnelle, puis le 11 mai 2007 il a effectué une seconde déclaration de maladie professionnelle, demandes qui seront rejetées par l'organisme social respectivement la première le 10 septembre 2007 au motif que la maladie professionnelle déclarée ne figure pas dans les tableaux de maladie professionnelle du régime agricole, la seconde, le 16 août 2007.
[U] [C] a le 14 août 2007 saisi le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat et obtenir diverses dommages et intérêts et paiement d'un rappel de salaires et de congés payés.,
Cette instance a fait l'objet d'une radiation le 3 février 2009.
Le 5 août 2009, la Mutualité sociale agricole des Bouches du Rhône a admis le salarié à faire valoir ses droits à la retraite.
Par courrier du 19 novembre 2009, l'employeur s'est adressé au salarié en ces termes :
' votre dernière prolongation d'arrêt de travail pour maladie se terminait le 16 septembre 2009. Vous deviez donc vous présenter à l'embauche à partir du 17 septembre 2009. Or, à ce jour , nous restons sans nouvelle de votre part. Nous vous mettons en demeure, dès réception de cette lettre, de bien vouloir justifier de votre absence ...' .
Suivant lettre du 5 janvier 2010, le salarié a répondu à l'employeur qu'il était à la retraite depuis le 1er août 2009 et que par conséquent, il ne désirait pas reprendre une activité professionnelle.
Sur demande du salarié, l'affaire prud'homale a été remise au rôle le 21 octobre 2010.
Par jugement en date du 22 février 2011, la juridiction prud'homale section agriculture a:
*écartées les conclusions de Maître Jean-Louis Keit prises aux intérêts de [U] [C] et reçu au greffe le 14 décembre 2010, afin de respecter le principe du contradictoire, les débats étant clos,
*condamné l'employeur à payer au salarié les sommes suivantes :
- 2245 € € à titre de rappel de salaire,
- 'mille six cent dix sept euros' (7717 €) à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,
- 1896 € à titre des congés payés 2005 - 2008 et 2006 - 2007,
- 1286 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice matériel,
- 5000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,
- 900 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
*rappelé l'exécution provisoire de droit et fixée la moyenne des trois derniers mois de salaire à 1286,26 € net et ordonnés l'exécution provisoire en application de l'article 515 du code de procédure civile,
*dit qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le dit jugement est en cas d'exécution, les sommes retenues par [X] sous [Localité 5] à l'application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supporté par la partie défenderesse en sus de l'indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
*débouté les parties de leurs autres demandes,
* condamné l'employeur aux entiers dépens.
La société Gregori Provence a le 11 mars 2011 interjeté régulièrement appel de ce jugement procédure enrôlée sous le numéro RG 11 - 4869.
Se saisissant d'office, la juridiction prud'homale a par jugement en date du 22 mars 2011 ordonné la rectification de la minute du jugement du 22 février 2011 page 6 6ème paragraphe comme suit : « par ces motifs: sept mille sept cent dix sept euros ( 7717 €) à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat » .
Le 23 mars 2011, la société Gregori Provence a à nouveau formé un recours enregistré sous le numéro RG 11 -5441.
Le 22 mars 2012, le magistrat chargé d'instruire a joint les deux procédures sous le seul numéro
RG 11-5441.
Par ordonnance en date du 2 mai 2011, le délégué de la Première Présidente a ordonné l'arrêt de l' exécution provisoire de l'ensemble des condamnations prononcées par le jugement sus visé.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Dans ses conclusions, la société Gregori Provence demande à la cour de:
* réformer le jugement déféré,
*condamner l'intimé à lui payer 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que l'argumentation de l'intimé qui part du postulat selon lequel sa maladie est liée à l'utilisation massive du marteau piqueur est incohérente et totalement infondée.
Elle critique le jugement déféré au motif que les premiers juges ont basé leur décision sur les pièces et conclusions communiquées postérieurement aux débats par le salarié.
Elle fait valoir:
-que la décision de la commission de recours amiable est définitive et s'impose, faute pour l'intimé d'avoir saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale ou le Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles,
-qu'aucun débat ne peut plus intervenir sur la qualification de la maladie de l'intimé qui a été déclaré sans origine professionnelle,
-qu'en outre, l'intimé ne produit aucun élément sur la prétendue utilisation massive du marteau piqueur,
les certificats de son médecin traitant étant insuffisants,
-qu'il doit être débouté de sa demande relative à l'établissement d'une responsabilité de l'employeur dans l'apparition de sa maladie.
Elle souligne:
- que les allégations de l'intimé sur la prétendue rupture abusive sont surprenantes,
-que la rupture s'est faite à l'initiative du salarié qui a fait sa demande de retraite sans au demeurant l'en avertir,
-que s'il souhaitait reprendre son activité, il lui appartenait de transmettre un certificat de reprise ce qu'il n'a pas fait, qu'il n'a pas pris acte de la rupture ni saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail.
Aux termes de ses écritures, l'intimé conclut à :
*la confirmation du jugement déféré,
*à la requalification du contrat de travail en contrat soumis aux règles du Bâtiment et des Travaux publics,
* à la constatation de ce qu'il a été licencié abusivement par l'employeur qui lui a refusé tout accès à son emploi, le privant ainsi de continuer son contrat,
* à la condamnation de la société appelante à lui verser les sommes allouées par les premiers juges et à lui régler 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à pendre en charge les dépens.
Il prétend avoir été engagé en 1984 en tant qu'ouvrier agricole mais avoir travaillé durant 22 ans en utilisant à longueur de journée un marteau piqueur ce qui sera la cause de son accident du travail dont il a été victime le 22 juin 2006.
Il argue du caractère professionnel de son accident, du fait qu'il n'a pu reprendre le travail le 26 juin 2006, que son arrêt de travail a été prolongé jusqu'à aujourd'hui, que depuis cet accident, il a présenté une pathologie cérébrale avec vertiges et douleurs, qu'il a traité tant médicalement que chirurgicalement par les interventions chirurgicales, qu'il est désormais inapte à tout travail comme en atteste les nombreux certificats médicaux produits, que le 17 janvier 2008, la Commission des droits et de l'autonomie lui a reconnu un taux d'invalidité à au moins de 80 %.
Il insiste sur le lien de causalité évident entre l'utilisation prolongée du marteau piqueur et sa pathologie cérébrale et s'étonne que la Mutualité sociale agricole n'est pas pris en compte les certificats de prolongation, et lui ait refusé les indemnités journalières auxquelles il peut légitimement prétendre précisant même que cet organisme a une attitude ambigue puisqu'elle lui a attribuée une pension invalidité vieillesse au titre de l'inaptitude au travail.
Il soutient qu'il est aujourd'hui à la retraite, qu'il s'est présenté à plusieurs reprises sur son lieu de travail mais que l'employeur lui a signifié toutes les fois qu'il était mieux pour lui qu'il retourne dans son pays avec des mots explicites.
Pour plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures déposées par les parties et réitérées oralement à l'audience.
SUR CE
I la requalification du contrat de travail.
Le contrat de travail en date du 18 février 1991 produit au débat ainsi que les bulletins de salaires font référence d'une part à un emploi de manoeuvre et d'autre part à la convention collective des entreprises de paysage.
Par ailleurs, il s'avère que l'activité de la société Gregori Provence est l'aménagement d'espaces extérieurs ce qui figure sur les papiers à entête, et ressort des trois certificats délivrés à l'entreprise par l'organisation professionnelle Qualipaysage pour les années 2003-2004, 2004-2005 et 2005-2006.
Au demeurant, le salarié lui même dans ses écritures reconnaît que l'activité de l'entreprise est bien l'aménagement des espaces extérieurs.
Le salarié qui revendique la soumission de son contrat de travail aux règles du Bâtiment et des Travaux publics, n'apporte aucun élément permettant de faire droit à sa demande.
Il doit être préciser en premier lieu que la convention collective applicable au personnel d'un entreprise est déterminée par l'activité principale de l'entreprise, qu'eu égard à ce qui a été constaté ci dessus, il n'est pas démontré en l'état que l'activité principale de la société Gregori Provence soit le bâtiment et les travaux publics.
En outre, même sur l'utilisation prolongée du marteau piqueur, aucune pièce ni la moindre attestation ne l'établit, les certificats médicaux produits ne sont pas suffisants pour justifier de la réalité du travail accompli par le salarié.
En conséquence, le jugement déféré qui a considéré que l'emploi du salarié relevé des travaux publics doit être réformé.
II sur la législation professionnelle en matière d' accident du travail et de maladie professionnelle et sur la législation en matière d'inaptitude.
En l'espèce, l'organisme social a bien reconnu l'accident du 22 juin 2006 au titre de la législation professionnelle et a considéré que le salarié était guéri de cet accident au 26 juin 2006.
Il appartenait au salarié de contester cette date et le refus de prise en charge des arrêts postérieurs par les voies de recours qui lui ont été notifiées, ce qu'il n'a pas fait.
Il ne peut en toute hyprothèse remettre en cause la décision de la Mutualité sociale agricole dont il dépendait dans le cadre de l'instance prud'homale.
En ce qui concerne la reconnaissance de maladie professionnelle, il en est de même, le salarié assuré n'a pas contesté les décisions de refus de la Mutualité sociale agricole par les voies de recours qui s'imposaient et dont il a été informées.
Quant à l'inaptitude au poste de travail, elle ne peut être constatée que par la médecin du travail
Or, en l'espèce, il n'est pas justifié par le salarié qu'il ait été en état de reprendre son travail alors même qu'il produit des arrêts continus et qu'il ait à un quelconque moment demandé à l'employeur de reprendre son activité, pas plus qu'il ne lui a adressé le certificat médical lui signifiant la fin de sa maladie et l'obligeant à lui faire passer une visite médicale de reprise.
Là encore, il doit être relevé que les multiples documents médicaux et certificats médicaux essentiellement du médecin traitant du salarié ne peuvent valoir preuve de l'inaptitude au travail et d'une quelconque défaillance de l'employeur de ses obligations en matière d'inaptitude. Il doit être observé que l'imprimé intitulé 'rapport médical d'inaptitude au travail' concerne la demande de liquidation ou de révision d'un avantage vieillesse.
Bien au contraire, il apparaît que dès que le salarié ne lui a plus envoyé les arrêts de travail, l'employeur a aussitôt mis en demeure le salarié lequel en réponse lui a appris qu'il était à la retraite.
III sur la rupture
Il convient en premier lieu de constater que devant la juridiction prud'homale, après la remise au rôle, le salarié n'a pas maintenu sa demande de résiliation.
Dans ses écritures devant la cour, il invoque le licenciement verbal dont il aurait fait l'objet sans toutefois alors qu'il a la charge de la preuve, apporter le moindre élément sur les circonstances de cette rupture et ne précise même pas la date.
En l'état, il s'avère en conséquence qu' il ne peut être considéré qu'il y a eu licenciement irrégulier et abusif de la part de l'employeur, que bien au contraire, il apparaît que la rupture du contrat de travail est intervenue par suite de la retraite sollicitée par le salarié.
Dans ces conditions, le jugement déféré sera réformé et l'intimé débouté de l'ensemble de ses demandes indemnitaires au titre de la rupture.
IV Sur les autres demandes
Aucun rappel de salaires ne saurait être alloué à l'intimé et ce dans la mesure où au vu des considérations ci dessus énoncées, il n'est pas démontré que l'employeur ait failli à ce titre à ses obligations.
Par contre, la confirmation du jugement déféré qui a octroyé une indemnité compensatrice de congés payés au salarié à hauteur de 1896 €, l'employeur ne justifiant pas que le salarié a été rempli de ses droits pour les congés payés.
Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile à l'intimé.
L'employeur qui succombe au moins partiellement ne peut bénéficier de cet article et doit être tenu aux dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Infirme le jugement déféré sauf la condamnation de la société Gregori Provence à payer à [U] [C] 1896 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés;
Statuant à nouveau sur les points réformés,
Rejette la demande de requalification du contrat de travail,
Constate que la rupture du contrat de travail est intervenue par suite de la mise à la retraite de [U] [C].
Déboute [U] [C] de ses demandes au titre de la rupture,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Gregori Provence aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT