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27/11/2012 | FRANCE | N°12/00779

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre a, 27 novembre 2012, 12/00779


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 27 NOVEMBRE 2012

O.B

N° 2012/













Rôle N° 12/00779







L' ETAT FRANCAIS





C/



[M] [H]





















Grosse délivrée

le :

à :Me BREU LABBESSE

la SCP ERMENEUX CHAMPLY-LEVAIQUE

















Décision déférée à la Cour :





Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 06 Décembre 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 09/6311





APPELANT



L' ETAT FRANCAIS pris en la personne de L'AGEN T JUDICIAIRE DE L'ETAT, venant aux droits de l'Agent judiciaire du trésor domicilié [Adresse 4]

plaidant par Me Marie-laure BREU-LAB...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 27 NOVEMBRE 2012

O.B

N° 2012/

Rôle N° 12/00779

L' ETAT FRANCAIS

C/

[M] [H]

Grosse délivrée

le :

à :Me BREU LABBESSE

la SCP ERMENEUX CHAMPLY-LEVAIQUE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 06 Décembre 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 09/6311

APPELANT

L' ETAT FRANCAIS pris en la personne de L'AGEN T JUDICIAIRE DE L'ETAT, venant aux droits de l'Agent judiciaire du trésor domicilié [Adresse 4]

plaidant par Me Marie-laure BREU-LABESSE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIME

Monsieur [M] [H]

né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 8], demeurant [Adresse 2]

représenté par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

plaidant par Me Gérard BAUDOUX, avocat au barreau de NICE substitué par Me Nathalie ELMOZNINO, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 30 Octobre 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, M.BRUE, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean-Paul LACROIX-ANDRIVET, Président

Monsieur Jean VEYRE, Conseiller

Monsieur Olivier BRUE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mademoiselle Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Novembre 2012

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Novembre 2012,

Signé par Monsieur Jean Veyre, Conseiller, en l'absence du Président empêché et Mademoiselle Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Vu l'assignation du 9 novembre 2009, par laquelle Monsieur [M] [H] a fait citer l'Etat Français, devant le Tribunal de Grande Instance de Nice, aux fins d'obtenir, sa condamnation à lui payer les somme de, 500 000 €, à titre de dommages et intérêts, pour préjudice moral, de 500 000 €, pour préjudice matériel et celle de 5 000 €, en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu le jugement rendu le 6 décembre 2011, par le Tribunal de Grande Instance de Nice, ayant dit que l'Etat Français a commis une faute lourde et un déni de justice de nature à engager sa responsabilité dans le cadre de la procédure criminelle engagée à l'encontre Monsieur [M] [H], en 1991 et condamné l'Agent judiciaire du Trésor, à lui payer la somme de 164'711,85 €, à titre de dommages et intérêts, et celle de 3000 €, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu la déclaration d'appel du 16 janvier 2012 par l'Etat Français.

Vu les conclusions déposées le 30 mars 2012, par l'Etat Français et ses conclusions récapitulatives du 30 octobre 2012.

Vu les conclusions déposées le 17 avril 2012 par Monsieur [M] [H] et ses conclusions récapitulatives du 29 mai 2012.

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 16 octobre 2012.

SUR CE

Attendu que le 10 décembre 1991, Monsieur [M] [H] a été inculpé, pour des faits d'assassinat, commis sur la personne de Monsieur [P] [Y], le 17 août 1991, sur la commune du [Localité 3] ( Alpes Maritimes) et placé en détention provisoire ;

Qu'il a été acquitté par arrêt de la Cour d'Assises des mineurs des Bouches-du-Rhône rendu le 21 novembre 2008 ;

Attendu qu'il considère que l'État est responsable de la faute lourde de l'expert qui a faussement affirmé que les prélèvements réalisés sur ses mains contenaient des résidus de tir;

Attendu que l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire, relatif à la responsabilité de l'État envers les usagers du service public de la justice, n'est pas applicable à l'expert judiciaire qui est un collaborateur occasionnel du service public ;

Qu'il engage sa responsabilité personnelle et non celle de l'État, car il n'est pas un auxiliaire de justice ;

Attendu que la responsabilité de l'État ne peut être engagée, de ce chef, pour fonctionnement défectueux du service de la justice, dès lors que le juge n'a pas eu conscience de l'erreur de l'expert et qu'il n'est pas lié par ses conclusions ;

Attendu que Monsieur [M] [H] soutient que l'enquête a été entièrement orientée sur lui, alors que d'autres pistes, notamment celle de passeurs italiens de clandestins qui auraient été dénoncés par la victime et de ses autres ennemis dans le village n'ont pas été suffisamment exploitées ;

Attendu que s'il appartient au ministère public d'apporter la preuve de la culpabilité, Monsieur [M] [H] qui invoque les carences de l'enquête réalisée par les services de Gendarmerie, sous le contrôle du magistrat instructeur, ne justifie pas avoir usé de la possibilité de demander des actes prévue par l'article 82-1 du code de procédure pénale, issue de la loi du 4 janvier 1993 ;

Attendu qu'il apparaît, à la lecture du réquisitoire aux fins de transmission de pièces au procureur général du 22 juillet 1999 et de l'ordonnance de transmission du dossier au procureur général en date du 17 septembre 1999 que de nombreuses investigations ont été réalisées sur les habitants du village et plusieurs autres personne pouvant être en conflit avec la victime ;

Que l'arrêt rendu par la chambre d'accusation de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence le 17 septembre 1999 décrit également l'exploitation de plusieurs pistes ;

Attendu que le tableau des personnes susceptibles d'avoir été en conflit avec la victime dressée par les gendarmes ( cote D383 de la procédure d'instruction), n'avait pas vocation à l'exploitation de tous les noms mentionnés, dès lors que certaines personnes étaient d'ores et déjà mises hors de cause pour différentes raisons, notamment d'emploi du temps ;

Que,l'audition de Monsieur [K], fonctionnaire de la Police de l'Air et des Frontières, signalant la dénonciation par la victime du passage de clandestins, n'a pas permis la mise en cause d'autres personnes ;

Attendu que des auditions supplémentaires ont réalisées, à la demande des parties civiles ;

Attendu que dans ces conditions, ne sont pas établies l'existence d'une grave carence d'une constitutive d'une faute lourde, dans le cadre de l'instruction ouverte le 22 août 1991, au Tribunal de Grande Instance de Nice, sur le fait commis à l'encontre de Monsieur [Y];

Attendu que l'instruction ouverte à l'encontre de Monsieur [O] [H] le 24 mai 2002 comporte des actes réguliers et notamment l'audition de témoins, de nouvelles expertises et des vérifications ;

Attendu qu'aucun dysfonctionnement du service de la justice, caractérisé par l'existence d'une faute lourde, ne peut donc être retenu de ce chef ;

Attendu que Monsieur [M] [H] invoque un déni de justice, en précisant que la procédure a duré 17 ans, dont huit ans pour la première instruction, trois ans pour la première comparution devant la cour d'assises et six ans, pour l'audience criminelle d'appel;

Attendu que le déni de justice, englobant notamment tout manquement de l'État à son devoir de protection juridique de l'individu, notamment, pour le justiciable, le droit de voir statuer sur ses prétentions ou sa culpabilité, dans un délai raisonnable, doit s'apprécier en fonction des circonstances propres à chaque affaire, de sa complexité et de la connaissance de certains éléments, alors même que la procédure a duré de nombreuses années;

Attendu que la durée d'une instruction pénale ne saurait donc être appréciée par rapport à la durée moyenne des procédures de ce type ;

Qu'elle doit cependant apporter une réponse sur la possibilité d'identifier l'auteur des faits dans un délai raisonnable ;

Attendu que la période cumulée de latence de 48 mois sur une instruction de 96 mois n'apparaît pas admissible, compte tenu de la nature de l'affaire ;

Que si l'avancée du dossier ne peut s'apprécier qu'au regard des actes directement réalisés par le magistrat instructeur, qui délègue ses pouvoirs en application de l'article 81 du code de procédure pénale, aux services de police ou de gendarmerie, par des commissions rogatoires, permettant de poursuivre l'enquête et de procéder à des vérifications à partir des nouveaux éléments apparus dans le dossier, celui-ci peut interroger le mis en cause à partir de transmissions partielles des résultats de l'enquête ;

Qu'il en est de même pour les mesures d'expertise ;

Attendu qu'à la réception des pièces de procédure liée à l'exécution de ces mesures, le juge d'instruction pouvait procéder à de nouveaux actes, ce qui n'a pas toujours été le cas ;

Attendu que si l'examen des pièces de la procédure pénale versées au dossier révèle que de nombreuses investigations complémentaires ont été réclamées tant par réquisitions supplétives du ministère public que par la partie civile, notamment au cours des années 1994 à 1998, certaines de ces recherches auraient pu être réalisées dès l'origine, sauf en ce qui concerne le contenu des lettres anonymes, envoyées en cours de procédure ;

Attendu que Monsieur [M] [H] n'a été de nouveau interrogé sur le fond par le magistrat instructeur que le 29 mai 1998 ;

Que le dossier a été communiqué au parquet pour règlement le 28 octobre 1998 ;

Que le réquisitoire définitif a été établi de 22 juillet 1999 et l'ordonnance de transmission de pièces au procureur général le 17 septembre 1999 ;

Attendu que la chambre d'accusation a rendu un arrêt de renvoi devant la cour d'assises de 10 novembre 1999 sur lequel Monsieur [M] [H] s'est pourvu en cassation ;

Attendu que la Cour de Cassation a rejeté le pourvoi, par arrêt du 13 mars 2000 ;

Attendu que la durée excessive de l'instruction initiale apparaît ainsi donc caractérisée, alors qu'elle n'est pas justifiée par la complexité du dossier ;

Attendu que le dossier a fait l'objet d'un renvoi, lors de la première audience de la cour d'assises, prévue pour le 6 novembre 2000, en raison de l'absence des experts, intervenus sur les prélèvements notamment réalisés sur les mains de Monsieur [M] [H] ;

Attendu que le 20 décembre 2000, le président de la cour d'assises a ordonné une expertise collégiale sur ce point, puis un complément d'expertise, le 21 avril 2001 ;

Que le rapport d'expertise, déposé le 31 août 2001, a été notifié aux parties le14 septembre 2001 ;

Attendu que Monsieur [M] [H] a fait l'objet d'un acquittement par décision du 22 avril 2002 de la Cour d'Assises des Alpes-Maritimes ;

Attendu si que le délai de comparution devant la Cour d'assises, n'apparaît pas excessif, compte tenu des actes complémentaires ordonnés par son président, en vue de la recherche de la manifestation de la vérité, le ministère public a relevé appel de cette décision le jour

même ;

Attendu qu'une nouvelle information a été ouverte, à l'encontre de Monsieur [O] [H], neveu d'[M] [H] le 24 mai 2002, pour les mêmes faits, au Tribunal de Grande Instance de Nice ;

Que le dossier a été communiqué au Parquet, pour ses réquisitions 1er mars 2005 et que celles-ci ont été établies le 17 octobre 2005; que l'ordonnance de mise en accusation de [O] [H] a été rendue le 19 octobre 2005 ;

Que sur appel, celle-ci a été confirmée le 14 février 2006, par la Chambre de l'instruction de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Attendu que Monsieur [O] [H] a été acquitté par la Cour d'Assises des mineurs des Alpes-Maritimes, le 6 avril 2007 ; que le ministère public a relevé appel de cette décision ;

Que par décision du 16 mai et 5 juin 2007, la chambre criminelle de la Cour de Cassation a renvoyé Monsieur [O] [H] et Monsieur [M] [H] devant la Cour d'Assises des mineurs des Bouches-du-Rhône ;

Attendu que le 2 septembre 2008, le président de la cour d'assises a ordonné la jonction des de procédure ; Que Monsieur [M] [H] s'est pourvu en cassation, à l'encontre de cette décision le 10 septembre 2008, le pourvoi ayant été rejeté le 25 septembre 2008 ;

Attendu que le président de la cour d'assises a ordonné une mesure d'instruction complémentaire le 29 octobre 2008 ;

Attendu que Monsieur [M] [H] et Monsieur [O] [H] ont été acquittés, par arrêt du 21 novembre 2008 ;

Attendu que s'il peut être considéré qu'il était de l'intérêt d'une bonne administration de la justice d'attendre l'issue de l'instruction ouverte à l'encontre de [O] [H] et de joindre les deux affaires, l'ouverture de cette nouvelle information a retardé de six ans, le jugement définitif de l'affaire, mettant en cause Monsieur [M] [H] depuis le 10 décembre 1991;

Attendu que l'existence d'un déni de justice apparaît ainsi donc caractérisé en l'espèce ;

Attendu que Monsieur [M] [H] qui a été inculpé, alors qu'il était âgé de 33 ans, sans avoir fait l'objet d'aucune condamnation auparavant, n'a été fixé sur les suites de l'instruction pénale que par arrêt rendu le 10 novembre 1999 et convoqué devant la Cour d'Assises que le 6 novembre 2000, celle-ci n'ayant statué que le 22 avril 2002 en première instance et le 21 novembre 2008 en appel ;

Que l'incertitude quant à son sort, a nécessairement eu des conséquences sur sa vie personnelle, familiale et professionnelle, alors qu'il était mis en cause dans une affaire criminelle, ayant eu un fort retentissement, tant dans la région que dans les médias

nationaux ;

Que le préjudice moral résultant de la durée excessive de la procédure pénale engagée à son encontre, doit être indemnisé par l'allocation de la somme de 20 000 €, à titre de dommages et intérêts ;

Attendu que Monsieur [M] [H] ne fournit aucune pièce relative à la vente d'un bien immobilier lui appartenant pendant la période la procédure pénale litigieuse ;

Attendu que le lien entre les débits mentionnés sur les relevés de comptes produits aux débats et la faute reprochée à l'État n'est pas démontré ; qu'aucune somme ne peut donc lui être allouée de ce chef ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur l'indemnisation de la perte de salaire pendant la période de détention, dès lors que l'intéressé a saisi la Commission nationale d'indemnisation en matière de détention provisoire, dont la décision n'est pas produite ;

Qu'il en est de même pour les honoraires d'avocat versés dans le cadre de la détention ;

Attendu que le remboursement du prêt accordé selon lui, pour financer une partie des frais d'avocat qui est inclus dans leur prise en charge totale ne peut justifier une indemnisation distincte ;

Attendu qu'au vu de la facture récapitulative détaillée des honoraires versés pour sa défense, établie par son conseil, et datée du 14 septembre 2011, il convient déduire le montant des honoraires perçus pendant la période de détention, les 11 décembre 1992, 9 janvier 1992, 6 avril 1992 et 30 mars 1992, à concurrence de 87'000 F soit 13'263,06 € et de condamner l'État Français à lui payer la somme de 51 448,79 €, à ce titre ;

Attendu que le jugement est confirmé, sauf en ce qui concerne l'évaluation du préjudice ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Reçoit l'appel comme régulier en la forme,

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qui concerne le montant du préjudice,

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne l'État Français à payer à Monsieur [M] [H] la somme de

71 448,79 €, en indemnisation de son préjudice,

Rejette les autres demandes,

Condamne l'Etat Français aux dépens d'appel et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

LE GREFFIER P/LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1re chambre a
Numéro d'arrêt : 12/00779
Date de la décision : 27/11/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°12/00779 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-11-27;12.00779 ?
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