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22/11/2012 | FRANCE | N°11/03279

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre b, 22 novembre 2012, 11/03279


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 22 NOVEMBRE 2012



N°2012/



Rôle N° 11/03279







ASSOCIATION DE GESTION DE L'OEUVRE HOSPITALIERE [5]





C/



[I] [Z]



















Grosse délivrée le :



à :



Me Christine IMBERT, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Nathalie BRUCHE, avocat au barreau de MARSEILLE







Copie certifié

e conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage d'AIX-EN-PROVENCE en date du 24 Janvier 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 09/1022.





APPELANTE



ASSOCIATION DE GESTION DE L'...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 22 NOVEMBRE 2012

N°2012/

Rôle N° 11/03279

ASSOCIATION DE GESTION DE L'OEUVRE HOSPITALIERE [5]

C/

[I] [Z]

Grosse délivrée le :

à :

Me Christine IMBERT, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Nathalie BRUCHE, avocat au barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage d'AIX-EN-PROVENCE en date du 24 Janvier 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 09/1022.

APPELANTE

ASSOCIATION DE GESTION DE L'OEUVRE HOSPITALIERE [5], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Christine IMBERT, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Madame [I] [Z], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Nathalie BRUCHE, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 01 Octobre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre

Madame Françoise GAUDIN, Conseiller

Monsieur Philippe ASNARD, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Novembre 2012

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Novembre 2012

Signé par Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

[I] [Z] a été engagée par l'Association de Gestion de l'oeuvre Hospitalière [5] qui a pour activité de la gestion d'une maison de retraite, suivant contrat à durée indéterminée en date du 1er janvier 1991 en qualité d'agent de service coefficient 259 groupe 2 à temps partiel (84,5 heures par mois), la relation étant régie par la convention collective FEHAP du 31 octobre 1951.

Par avenant du 15 avril 2002 à effet du 12 avril 2002, la durée du travail a été portée à un temps complet soit 151,67 heures.

Dans le dernier état de la relation contractuelle, la salariée était aide-soignante et percevait une rémunération mensuelle brute s'élevait à 2404,22 € pour une durée hebdomadaire de travail de 35 heures.

Suivant courrier du 3 octobre 2008, l'employeur a notifié à la salariée un avertissement pour avoir été surprise le 19 septembre 2009 entrain de fumer dans une salle de soins de l'unité Magallon comportant une interdiction de fumer en communiquant avec son téléphone portable.

Par lettre du 6 octobre 2008, l'employeur a adressé à la salariée une observation écrite à verser à son dossier concernant son attitude très désinvolte lors de la réunion des veilleurs de nuit du 30 septembre 2008 et un comportement d'insubordination résultant d'un défaut de réponse à une demande sur le nombre de changes de chaque nuit depuis son affectation à l'unité Magallon, ce à quoi la salariée a répondu le 13 octobre 2008 en indiquant le nombre pour chaque déduit des charges de couches des résidents et précisant que depuis plus de trois ans est effectuée la transmission de ces informations dans les dossiers des dits résidents.

Après convocation le 31 mars 2009 à un entretien préalable, par lettre recommandée du 15'avril 2009 avec avis de réception, l'employeur a licencié le salarié en ces termes :

« Nous avons à déplorer de votre part des agissements constitutifs de fautes professionnelles graves :

1) Pendant plusieurs semaines et plus particulièrement le 10 mars 2009 vous avez facilité l'intrusion d'une personne étrangère à l'établissement (un homme) à 23h30 en venant lui ouvrir vous-même à l'aide de votre voiture et ensuite en l''escortant jusqu'à votre service (Magallon) où cette personne restait pendant plusieurs heures, jusqu'à 03h00 du matin en général.

Cette personne s'annonçait soit comme livreur de pizza soit comme votre mari.

Lorsque les Veilleurs de nuit chargés de la commande d'ouverture du portail ont compris le stratagème ils ont refusé d'ouvrir ce qui leur a valu alors des insultes de la part de cette personne et dans le prolongement des demandes téléphoniques « appuyées et répétées» de votre part de lui ouvrir ce qu'elles ont alors refusé.

2) Mise en danger des Résidents (pour mémoire certains d'un grand âge : 96-97 ans sont particulièrement vulnérables) en abandonnant temporairement votre poste de travail pour aller ouvrir le portail de l'établissement à l'aide de votre voiture à un tiers étranger à l'établissement.

Les explications recueillies auprès de vous au cours de votre entretien du 10 avril 2009 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits reprochés.

En conséquence nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour faute grave, ce qui rend impossible votre maintien dans l'entreprise.

Votre licenciement prend effet immédiatement ce jour, 15 avril 2009, sans indemnités de préavis ni de licenciement.

Conformément à l'article 4-4 du Règlement Intérieur que vous avez signé, je vous rappelle que vous ne pouvez plus pénétrer dans l'établissement sans accord préalable de la Direction ».

Contestant la légitimité de son licenciement, [I] [Z] a le 30 juin 2009 saisi le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence lequel section activités diverses , en formation de départage par jugement en date du 24 janvier 2011 a:

*dit que le licenciement n'est fondé ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse,

*condamné l'employeur à payer à la salariée les sommes suivantes :

-30'000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-4808,44 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 480,84 € pour les congés payés afférents,

- 14'425,35 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 1000 € à titre d'indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

*débouté la salariée du surplus de ses demandes,

*ordonné l'exécution provisoire du jugement,

* condamné l'employeur aux dépens.

L 'Association de Gestion de l'oeuvre Hospitalière [5] a le 18 février 2011 interjeté régulièrement appel de ce jugement.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Dans ses conclusions, l' association appelante demande à la cour de:

* réformer le jugement déféré,

*dire que le licenciement pour faute grave est parfaitement régulier et justifié,

*condamner la salariée à lui payer 2500 € à titre de frais irrépétibles et et à prendre en charge les entiers dépens.

Elle critique le jugement déféré, réfute l'argumentation et les pièces adverses et fait valoir:

- sur les antécédents qu'elle a eu à déplorer à compter de septembre 2008 plusieurs manquements de la salariée dont certains particulièrement graves, qu'elle a pris en considération pour apprécier le degré de la sanction à prendre,

-sur le bien fondé du licenciement, que l'absence de mise à pied conservatoire est indifférent à l'appréciation de la gravité de la faute, que les faits reprochés sont dûment justifiés et caractérisés par les pièces versées au débat, les différents rapports et attestations relatant l'exactitude des faits, que les agissements reprochés réitérés dans le temps sont constitutifs d'un manquement grave à l'article 4-3 du règlement intérieur.

Aux termes de ses écritures, l'intimée conclut :

*à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a considéré le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné l'employeur à lui verser les indemnités conventionnelle de licenciement et compensatrice de préavis mais à son infirmation pour le surplus,

* à la condamnation de l'appelante à lui payer:

-45 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

-20 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct,

-1600 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre la prise en charge des dépens.

Elle prétend:

- qu'elle a exercée ses fonctions au sein de l'association pendant près de 20 ans sans la moindre difficulté, ni le moindre reproche sérieux, que les faits ayant donné lieu à l'avertissement et les observations écrites intervenues en octobre 2008 sont sans le moindre rapport avec la procédure de licenciement et ne sont pas susceptibles de donner un caractère de gravité à la faute articulée dans le lettre de licenciement,

-qu'elle n'a jamais fait pénétrer le soir durant plusieurs semaines un homme dans son service qui y serait resté durant plusieurs heures,que l'appelante ne rapporte la moindre preuve,

-que quand bien même la réalité des faits articulés dans la lettre de licenciement aurait été démontrée,

il conviendrait de retenir leur absence de gravité dès lors que l'association a attendu plus d'un mois après les faits du 10 mars pour engager la procédure de licenciement et qu'il n'est ni allégué ni démontré que les prétendus faits auraient eu des conséquences négatives pour les patients justifiant son départ immédiat.

Elle précise sur le défaut de preuve:

-qu'il n'est pas allégué dans la lettre de licenciement qu'elle aurait été surprise dans son service en compagnie d'un homme,

-qu'il n'existe pas de veilleur de nuit dans l'établissement que les aides soignants des quatre bâtiments font office de veilleur de nuit,

- que le 10 mars visé dans le courrier de rupture était le jour où a été donné une fête dans l'établissement pour fêter les 50 ans d'un salarié,

-que les feuilles de transmission versées au débat ne démontrent rien, qu'il n'est produit aucune plainte ou aucun rapport de police laquelle aurait été selon l'employeur avertie,

-que le courrier de Mme [K] en date du 24 mars 2009 et l'attestation rédigée 4 ans après sont contraires entre eux et contredisent les rapports des 9 et 10 mars 2009,

-que les autres pièces sont sans rapport avec les faits invoqués.

Elle invoque les pièces qu'elle même apporte au débat et soutient qu'en réalité, elle a effectivement utilisé son véhicule pour ouvrir le portail d'accès à l'établissement le 4 mars 2009 pour y faire rentrer les ambulanciers dépêchés par le Samu pour évacuer en urgence une patiente du service Magallon patiente à qui elle a sauvé la vie.

Elle estime que l'employeur s'est un peu trop précipité sur de fausses rumeurs lancées par un ou plusieurs salariés plus soucieux d'occuper son poste très largement convoité que de dénoner de réels problème de fonctionnement.

Elle insiste sur les conséquences qu'a eu sur sa vie personnelle la réception d'une telle lettre de licenciement.

Pour plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures déposées par les parties et réitérées oralement à l'audience.

SUR CE

I sur le licenciement

La faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise; il appartient à l'employeur d'en rapporter la preuve.

Il convient de rappeler qu'aucun texte n'oblige l'employeur à prendre une mesure conservatoire avant d'ouvrir une procédure de licenciement motivée par une faute grave.

Il ne peut être considéré en l'espèce que l'employeur qui devait procéder à des vérification et recouper les informations qui lui parvenaient au regard du fonctionnement même de l'établissement, ait engagé de façon tardive la procédure de licenciement.

D'autre part, l'employeur produit au débat:

-le règlement intérieur,

-la note de service en date du 16 sptembre 2005 mise à jour le 21 octobre 2008 sur l'organisation du travail de nuit comportant la fiche de postes des veilleurs,

-quatre feuilles de transmission à la direction comportant la signature du personnel:

-concernant la nuit du 9 au 10 mars, celle établie pour l'unité Richard par Mme [E] [K] et celle établie par M [W] mentionnant l'entrée à plusieurs reprises d'une voiture dans l'établissement à 10. 25 avec un bip,

-concernant la nuit du 10 au 11 mars 2009, celle établie par [E] [K] et M [R] , celle établie par M [W] mentionnant qu' à nouveau cette nuit là qu'une voiture est entrée dans la clinique aidée par une autre de l'intérieur, la police ayant été alerté mais n'étant pas intervenue, la police et la direction ayant été prévenu,

-la lettre du 24 mars 2009 sous forme de compte rendu émanant d' [E] [K] laquelle précise avoir reconnu la voiture d'une des collègues de nuit de l'unité Magallon qui a ouvert le portail pour faire pénétrer une autre voiture dans l'établissement qui était la même que celle qui rentrait tous les soirs de garde avec un bip, qu'elle a averti la police et la direction et s'est expliqué sur ce qu'elle avait vu, ayant à cette occasion parler de la dispute qu'elle a eu avec un soit disant livreur de pizza,

- le courrier en date du 12 avril 2009, adressé par [E] [K] veilleuse de nuit sur Saint Richard à la direction sur l'agression verbale qu'elle a eu à subi dans la soirée du 11 ars 2009 de la part de [I] du service Magallon pour l'avoir dénoncé,

-le rapport d'incident dressé par [X] [L] sur l'agression verbale du 11 avril 2009 par de Mme [Z] veilleuse de nuit de Magallon, sur la personne de Mme [K] veilleuse de nuit sur Saint Richard , pour avoir dit qu'elle l'avait vu ouvrir avec sa voiture le grand portail de l'établissement,

-le courrier en date du 18 mai 2008 émanant de [P] [B] adressé à la direction et relatant avoir lors des gardes de remplacement été harcelé par un monsieur qui voulait parler à [I] ,

-trois attestations de [J] [M], de [S] [U], de [D] [Y] déclarant que l'anniversaire de [A] [C] a été fêté le samedi 14 mars 2009 à 19 heures,

-les attestations nouvelles en appel à savoir celle de la société Automatique Conception Aluminium déclarant ne pas être intervenu sur la période du 1er mars au 31 mars 2009 à la demande de la maison de retraite, celle de [X] [L] précisant avoir bien réalisé ce rapport d'incident sus visé, celle d'[E] [K] relatant précisement ce qu'elle a constaté et notamment avoir vu dans la nuit du 10 au 11 mars 2009 sa collègue [I] [Z] venir ouvrir avec sa voiture le portail de l'intérieur puis faire demi tour et avoir vu la voiture noire qui avait l'habitude de pénétrer dans l'établissement avec le bip la suivre derrière.

En l'état de ces pièces et notamment des pièces nouvelles qui lèvent tout ambiguité sur l'imputabilité des faits à [I] [Z], il apparaît qu'il y a bien eu violation par cette salariée de ses obligations professionnelles s'agissant de l'aide à l'intrusion d'une personne étrangère au service et de la mise en danger des résidents de l'unité Magallon en abandonnant pas temporairement le service à tout le moins pour la soirée du 10 au 11 mars 2009.

Les pièces versées au débat par la salariée ne sont de nature à combattre utilement la preuve rapportée par l'employeur; contrairement à ses allégations, il s'avère que le 10 mars n'était pas ainsi qu'il en est justifié le jour de la fête organisé pour l'anniversaire d'un collègue, que le fait que le 4 mars 2009, elle est eu à ouvrir à des ambulanciers est indifférent aux faits reprochés.

Le comportement de la salariée qui avait déjà des antécédents disciplinaires rendait bien impossible son maintien au sein de la maison de retraite sans risque pour l'entreprise et en particulier des résidents âgées, ce qui constitue une faute grave privative des indemnités de préavis et de licenciement.

En conséquence, le jugement qui a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse

doit être infirmé et les demandes de la salariée rejetées y compris celle pour préjudice distinct.

II sur les demandes annexes

Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile à l'une quelconque des parties.

L' intimée qui succombe doit être tenu aux dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit le licenciement fondé sur une faute grave.

Déboute [I] [Z] de l'ensemble de ses demandes,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Laisse à [I] [Z] la charge des dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre b
Numéro d'arrêt : 11/03279
Date de la décision : 22/11/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9B, arrêt n°11/03279 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-11-22;11.03279 ?
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