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13/11/2012 | FRANCE | N°11/11893

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre a, 13 novembre 2012, 11/11893


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 13 NOVEMBRE 2012

L.A

N° 2012/













Rôle N° 11/11893







[D] [E] [N]

MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES





C/



[Z] [O]

[W] [X]

[V] [X]

Le CREDIT FONCIER DE FRANCE





















Grosse délivrée

le :

à :la SCP COHEN-GUEDJ



la SCP LATIL - PENARROYA-LATI

L - ALLIGIER

la SCP ERMENEUX CHAMPLY-LEVAIQUE

la SCP TOLLINCHI - PERRET-VIGNERON - BARADAT-BUJOLI-TOLLINCHI











Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 26 Mai 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 06/4553.





APPELANTS



M...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 13 NOVEMBRE 2012

L.A

N° 2012/

Rôle N° 11/11893

[D] [E] [N]

MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

C/

[Z] [O]

[W] [X]

[V] [X]

Le CREDIT FONCIER DE FRANCE

Grosse délivrée

le :

à :la SCP COHEN-GUEDJ

la SCP LATIL - PENARROYA-LATIL - ALLIGIER

la SCP ERMENEUX CHAMPLY-LEVAIQUE

la SCP TOLLINCHI - PERRET-VIGNERON - BARADAT-BUJOLI-TOLLINCHI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 26 Mai 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 06/4553.

APPELANTS

Maître [D] [E] [N] membre de la SCP [N]

né le [Date naissance 3] 1946 à [Localité 18] (ALGERIE) (99), demeurant [Adresse 16]

représenté par la SCP COHEN L ET H GUEDJ, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté par Me Thomas D'JOURNO, avocat au barreau de MARSEILLE

MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 2]

représentée par la SCP COHEN L ET H GUEDJ, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée par Me Jean Michel GARRY, avocat au barreau de TOULON

INTIMES

Maître [Z] [O], mandataire judiciaire, pris es qualité de liquidateur judiciaire de la SA GRAND CASINO et de la SARL ESPACE DU GRAND CASINO dont le siège social est [Adresse 6]

représenté par la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté par Me Virginie COSMANO, avocat au barreau de TOULON

Monsieur [W] [X] pris en sa qualité de feu M. [P] [X], ayant agi tant à titre d'actionnaire de la SA DU GRAND CASINO que de porteurs de parts de la SARL ESPACE DU GRAND CASINO et de mandataire ad hoc de ces deux sociétés désignées à ces fonctions par le Tribunal de Commerce de TOULON

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 15], demeurant [Adresse 21] (INDONESIE)

représenté par la SCP LATIL PENARROYA-LATIL ALLIGIER, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté par Me Marc ERHARD, avocat au barreau de TOULON

Mademoiselle [V] [X] prise en sa qualité de feu M. [P] [X], ayant agi tant à titre d'actionnaire de la SA DU GRAND CASINO que de porteurs de parts de la SARL ESPACE DU GRAND CASINO et de mandataire ad hoc de ces deux sociétés désignées à ces fonctions par le Tribunal de Commerce de TOULON

née le [Date naissance 5] 1988 à [Localité 15], demeurant [Adresse 12]

représentée par la SCP LATIL PENARROYA-LATIL ALLIGIER, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée par Me Marc ERHARD, avocat au barreau de TOULON

Le CREDIT FONCIER DE FRANCE , pris tant par elle-même que venant aux droits de la SOCIETE L'AUXILIAIRE DU CREDIT FONCIER DE FRANCE SA, elle-même prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 4]

représentée par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée par Me DE MAULEON DE BRUYERES, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 15 Octobre 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, M.LACROIX-ANDRIVET, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean-Paul LACROIX-ANDRIVET, Président

Monsieur Jean VEYRE, Conseiller

Monsieur Olivier BRUE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mademoiselle Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Novembre 2012

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Novembre 2012,

Signé par Monsieur Jean-Paul LACROIX-ANDRIVET, Président et Mademoiselle Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Vu le jugement rendu entre les parties le 26 mai 2011 par le tribunal de grande instance de Toulon ;

Vu la déclaration d'appel du 05 juillet 2011 de Maître [N] et MMA ;

Vu les conclusions récapitulatives déposées le 18 septembre 2012 par ces derniers ;

Vu les conclusions récapitulatives déposées le 22 mai 2012 par le Crédit Foncier de France ;

Vu les conclusions récapitulatives déposées le 27 septembre 2012 par les consorts [X] ;

Vu les conclusions récapitulatives déposées le 02 octobre 2012 par Maître [O] ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 02 octobre 2012.

SUR CE

Attendu que, suivant acte reçu par Maître [N] le 26 mai 1988, la Commune d'[Localité 10] a consenti à la SA du GRAND CASINO, représentée par Monsieur [P] [X], un bail emphytéotique administratif portant sur une propriété consistant en un bâtiment afin d'y aménager un casino et de l'exploiter ;

Que, pour financer cette opération, la SA du GRAND CASINO a contracté deux emprunts auprès de la KANSALLIS INTERNATIONAL BANK et de la BANCO DI NAPOLI INTERNATIONAL d'un montant respectif de 65 millions de francs et de 12 millions de francs;

Que, par acte reçu par Maître [N] le 29 mai 1990, L'AUXILIAIRE CREDIT FONCIER DE FRANCE (ACFF) a consenti à la SA du GRAND CASINO un prêt de 90 millions de francs destiné à rembourser les 65 millions prêtés par la KANSALLIS INTERNATIONAL BANK et le solde, soit 25 millions, à parachever les travaux ;

Que par un acte sous seing privé du même jour, l'ACCF a en outre prêté la somme de 12 millions de francs pour rembourser celle prêtée par la BANCO DI NAPOLI INTERNATIONAL ;

Que, parallèlement, la commune d'[Localité 10] a, suivant acte reçu par Maître [N], consenti à la Sarl ESPACE DU GRAND CASINO, elle aussi représentée par Monsieur [P] [X] un second bail emphytéotique administratif portant sur un terrain non bâti aux fins d'y édifier un ensemble immobilier comprenant des parkings en sous-sol et des locaux commerciaux en rez-de-chaussée ;

Que, par acte du même jour, l'ACFF a prêté la somme de 45 millions de francs à la Sarl ESPACE DU GRAND CASINO ;

Attendu que, suivant actes authentiques reçus le 28 juin 1991 par Maître [N] :

- la SA du GRAND CASINO et l'ACFF ont réaménagé le prêt de 90 millions,

- la SA du GRAND CASINO a cédé à la Sarl LES PALMIERS les droits immobiliers issus du bail emphytéotique, moyennant un prix de 136.390.000 francs,

- l'ACFF a consenti à la Sarl LES PALMIERS et a la SACDTH, son locataire commercial, un prêt de 25 millions de francs pour financer l'achèvement du casino.

Attendu que, s'agissant de la Sarl ESPACE DU GRAND CASINO, elle a obtenu de l'ACFF le réaménagement du prêt de 45 millions de francs et un financement complémentaire de 12 millions de francs, suivant actes authentiques du même 29 juin 1991 ;

Qu'ensuite, par acte reçu le 04 mars 1993 par Maître [N], elle a cédé à la SARL PARC ESPACE les droits réels immobiliers issus du second bail emphytéotique, moyennant le prix de 64.400.000 francs H.T. ;

Attendu que, par jugements du tribunal de commerce de Toulon en date du 30 mars 1994, les sociétés du GRAND CASINO et ESPACE DU GRAND CASINO ont été déclarées en redressement judiciaire, puis, par jugement du 12 septembre 1994 a été prononcée leur liquidation judiciaire, Maître [H] étant désignée mandataire liquidateur ;

Que par jugement du 09 décembre 1996, le tribunal de commerce a condamné Monsieur [P] [X] à supporter les dettes sociales à concurrence de 10 % du passif ;

Que, ce dernier ne s'étant pas acquitté de cette somme, malgré commandement, Maître [H] l'a fait assigner en liquidation judiciaire par acte d'huissier du 12 janvier 1999 ;

Attendu que c'est dans ce contexte que Monsieur [X] a, par acte d'huissier du 08 avril 1999, fait assigner la Sarl LES PALMIERS et son dirigeant Monsieur [J], l'ACFF et le CREDIT FONCIER de FRANCE devant le tribunal de commerce de Toulon, puis, par acte du 20 juin 2001, fait assigner Maître [H] ès-qualités, Maître [N] et son assureur devant le tribunal de grande instance de Marseille ;

Que c'est au vu des ces actions diligentées par Monsieur [X] que le tribunal de commerce a, par jugement du 15 avril 2002, sursis à statuer sur la demande de Maître [H] ;

Que cette même juridiction a, par jugement du 24 juillet 2002, sursis à statuer sur la demande de Monsieur [X] dans l'attente notamment d'une décision dans l'instance pendante devant le tribunal de grande instance de Marseille, lequel s'est, par jugement du 06 décembre 2001, déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Toulon qui, après de nombreuses péripéties procédurales, a rendu le jugement dont appel ;

Sur la recevabilité

Attendu que c'est en vain que les appelants concluent à l'irrecevabilité des demandes formées à leur encontre tant par les consorts [X] que par Maître [O] qui a remplacé Maître [H] ;

Qu'en effet c'est par de justes motifs que la Cour adopte que le tribunal a retenu d'une part que les consorts [X] avaient au moins tacitement accepté la succession de leur père au sens de l'article 778 du Code civil dans sa rédaction applicable en l'espèce et d'autre part qu'en sa qualité de mandataire liquidateur Maître [O] avait intérêt à exercer une action en responsabilité fondée sur des agissements ayant eu pour effet de diminuer l'actif ou d'augmenter le passif des sociétés du GRAND CASINO et ESPACE DU GRAND CASINO ;

Sur le sursis à statuer

Attendu qu'il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande, l'action en responsabilité contre le notaire dont est saisie la Cour pouvant être jugée sans qu'il apparaisse nécessaire d'attendre l'issue de l'instance engagée parallèlement contre la société LES PALMIERS et le CREDIT FONCIER DE FRANCE devant le tribunal de commerce de Toulon, lequel a, au surplus, lui-même sursis à statuer ;

Sur le retrait de pièces

Attendu que le CREDIT FONCIER DE FRANCE demande que soient écartées des débats les pièces n° 25, 32 et 44 produites par Maître [O] qui sont des documents strictement internes, dont le mandataire liquidateur n'a jamais été destinataire, et qui n'ont pu être obtenues que frauduleusement ;

Attendu que lesdites pièces qui portent les n° 37, 68 et 69 dans le bordereau annexé aux conclusions récapitulatives de Maître [O] du 02 octobre 2012 sont, sans contestation possible, des document internes au CFF et qui à l'évidence n'ont jamais été adressés à Maître [O] dans des conditions régulières ;

Attendu que force est de constater que ce dernier ne s'explique nullement dans ses dernières écritures sur les conditions dans lesquelles il est entré en possession de ces documents, se contentant de conclure au débouté de l'organisme financier au seul motif que 'les allégations évoquées (ne sont) pas justifiées, ni fondées' ;

Attendu qu'en vertu des dispositions de l'article 9 du Code de procédure civile est illicite la preuve obtenue par des moyens déloyaux ;

Que tel est le cas en l'espèce, les pièces litigieuses ayant été nécessairement détournées, le CFF justifiant d'ailleurs avoir déposé une plainte à cet égard ;

Sur le fond

Attendu qu'est reproché en premier lieu au notaire d'avoir manqué à son devoir de conseil en mettant en place avec l'ACFF une 'véritable stratégie' (les consorts [X] parlent quant à eux de fraude) destinée à évincer les deux sociétés dirigées par Monsieur [X] et à spolier celles-ci;

Que c'est dans ces conditions que Monsieur [P] [X] a été contraint d'accepter d'abord la cession du 29 juin 1991 à la Sarl LES PALMIERS puis celle du 04 mars 1993 à la Sarl ESPACE PARC ;

Qu'à suivre les consorts [X] et Maître [O], Maître [N] a donc par des manoeuvres frauduleuses et concertées avec l'ACFF facilité la spoliation financière des sociétés du GRAND CASINO et ESPACE DU GRAND CASINO ;

Attendu qu'avant de se pencher sur leurs allégations caractérisant ces manoeuvres, plusieurs observations préliminaires s'imposent :

- alors que les consorts [X] et Maître [O] invoquent une action concertée avec l'ACFF ils ont agi en responsabilité contre le seul notaire, ne formant aucune demande dans le cadre de la présente instance contre le CFF ;

- ils n'expliquent pas ce qui aurait pu conduire un officier public à prêter la main à de tels agissements alors qu'il avait toute la confiance de Maître [X] dont il était depuis longtemps le notaire ;

- ils n'expliquent pas davantage pourquoi Monsieur [X] a attendu d'avoir fait l'objet d'une assignation en liquidation judiciaire pour engager plusieurs actions contre ses partenaires, dont la présente instance, huit années après le dernier fait selon eux dommageable, ni pourquoi le mandataire liquidateur a, quant à lui, attendu août 2006, soit douze années après sa désignation, pour s'associer à la demande ;

Que cette absence de réactivité est d'autant plus étonnante que les préjudices sont, selon eux, extrêmement importants, près de 5,5 millions d'euros pour les consorts [X], plus de 4 millions d'euros pour Maître [O] ;

Attendu que, s'agissant de l'acte du 29 juin 1991, ils reprochent à Maître [N] d'avoir subordonné la validité du projet de bail établi par lui à la demande de Monsieur [P] [X] à l'accord de l'ACFF, alors que le contrat de prêt n'imposait nullement une telle condition, permettant ainsi à l'ACFF de subordonner son accord à la garantie totale de la commune d'[Localité 10] ce que celle-ci ne pouvait faire sans dépasser ses ratios prudentiels ;

Que c'est par ce mécanisme frauduleux que Maître [N] a contraint Monsieur [X] d'accepter de céder la totalité des droits immobiliers au lieu de seulement les louer ;

Mais attendu que l'appelant justifie par la production d'un courrier de Monsieur [I] (pièce n° 17), ancien adjoint au maire de la commune d'[Localité 10], qu'en raison des difficultés financières de la SARL du GRAND CASINO celle-ci était obligée de céder ses droits à un repreneur sous peine d'être mise en liquidation et que la commune n'aurait jamais accepté le principe d'une location à un tiers ;

Que la consultation de Maître [L] (pièce n° 18) va dans le même sens ;

Qu' ainsi, ce n'est pas en raison d'un concert frauduleux, sur l'existence duquel les consorts [X] et Maître [O] ne produisent aucun élément probant, que la Sarl du GRAND CASINO a cédé la totalité de ses droits à la Sarl LES PALMIERS suivant acte authentique du 29 juin 1991 ;

Attendu qu'il est d'ailleurs symptomatique que, concomitamment à cet acte, la dette de la Sarl du GRAND CASINO a été réaménagée selon les modalités suivantes :

- le prêt de 90 millions de francs a été scindé en deux prêts (de 65 et 25 millions),

- la durée du prêt a été portée à 25 ans et la période d'ouverture de crédit prolongée jusqu'au 15 octobre 2003.

Qu'en outre l'ACFF a consenti à la Sarl LES PALMIERS et à la SA CDTH un prêt de 25 millions de francs destiné à l'achèvement des travaux ;

Que ces actes démontrent à la fois que les travaux n'étaient pas achevés et que les fonds initialement prêtés étaient insuffisants ;

Que, dans ces conditions, et contrairement à ce que soutiennent les consorts [X] et Maître [O], le concours de l'organisme financier était inévitable et ne correspondait pas à une stratégie destinée à spolier les sociétés de Monsieur [X] ;

Attendu qu'enfin l'abandon de créance de l'ACFF suivant un protocole d'accord du 22 juillet 1996 ne saurait être imputé à faute au notaire en ce qu'il n'y a pas participé et qu'il est très postérieur aux agissements qui lui sont reprochés ;

Qu'au vu de l'ensemble de ces éléments le manquement au devoir de conseil allégué à l'encontre de Maître [N] n'est pas établi s'agissant de l'acte du 29 juin 1991 ;

Attendu que, s'agissant de l'acte passé le 04 mars 1993, les consorts [X] et Maître [O] reprochent au notaire d'avoir manqué à son devoir de conseil en s'entremettant dans les négociations entre le groupe [J] et le CREDIT FONCIER, là encore dans le but d'évincer la Sarl ESPACE DU GRAND CASINO ;

Attendu que cette allégation est implicitement mais nécessairement fondée sur le fait que cette dernière n'était pas contrainte de céder ses droits et qu'elle a été victime d'une concertation frauduleuse ;

Attendu que Maître [N] fait valoir, sans être contesté, que les créanciers de la Sarl ESPACE DU GRAND CASINO menaçaient de l'assigner en liquidation judiciaire ;

Que Maître [O] admet d'ailleurs dans ses écritures que la situation de celle-ci était obérée;

Qu'ainsi, à supposer même que Maître [N] ait été associé à des négociations entre le groupe [J] et le CREDIT FONCIER, cette recherche d'une solution face à la situation financière de la société ESPACE DU GRAND CASINO n'était pas contraire aux intérêts de celle-ci et ne saurait en conséquence caractériser un quelconque manquement au devoir de conseil qui pèse sur le notaire ;

Attendu par ailleurs que sont encore reprochés à ce dernier divers manquements dans sa mission de séquestre en ayant eu.des règlements contraires à la mission, laquelle était définie par l'acte du 29 juin 1991 (p14) et consistait à :

- payer les frais, droits et émoluments de l'acte,

- assurer l'exécution et la livraison des travaux non encore exécutés et des matériaux non encore livrés (une lite étant annexée à l'acte en page 22),

- assurer le paiement de la TVA résultant de la mutation,

- rembourser le crédit de TVA consenti par l'ACFF ;

Attendu que, pour s'exonérer Maître [N] fait valoir que si un différend a, à cet égard, opposé la Sarl du GRAND CASINO à la Sarl LES PALMIERS, celui-ci a été réglé par un protocole d'accord signé par elles le 04 mars 1993 (pièce n° 27) ;

Qu'aux termes de ce protocole, dont il est précisé qu'il vaut transaction au sens de l'article 2044 du Code civil, les deux parties signataires donnent ordre de mainlevée au séquestre et lui donnent mandat express de procéder à cinq derniers règlements après lesquels sa mission prendra fin ;

Attendu que, pour s'opposer à ce protocole, les consorts [X] émettent des doutes sur son authenticité ;

Qu'il suffira à cet égard de relever que la signature qu'il comporte est identique à celle que Monsieur [P] [X] a apposé sur l'ensemble des actes qui sont produits et que les consorts [X] n'allèguent pas avoir engagé une procédure d'inscription de faux ;

Que si, comme il est soutenu, cet acte est le produit d'un montage, il leur appartenait à tout le moins de solliciter une mesure d'instruction dans le cadre de laquelle l'expert aurait pu se pencher sur le document original que le notaire indique avoir annexé à l'acte du 29 juin 1991;

Attendu qu'enfin le fait que ledit protocole ait été établi pendant la période suspecte ne saurait être imputé à faute à Maître [N] ;

Qu'il convient en effet de rappeler que le jugement déclaratif a été rendu le 30 mars 1994, soit plus d'un an après la signature du protocole et que ce n'est que par une décision du 27 février 1995 que le tribunal de commerce a reporté au 30 septembre 1992 la date de cessation des paiements ;

Qu'il n'appartient pas à la juridiction de céans de se prononcer sur la validité de cet acte, étant seulement relevé ici que lorsqu'il a été établi Maître [N] ne pouvait à l'évidence savoir que par l'effet de la décision du 27 février 1995 il se situerait dans la période suspecte ;

Attendu que l'acte de cession du 04 mars 1993 entre les sociétés ESPACE DU GRAND CASINO et PARC ESPACE donnait également au notaire une mission de séquestre sur la somme de 14.478.400 francs à employer par lui au paiement :

- de la TVA due en raison de la mutation,

- de la somme de 1.779.000 francs due à la société CAMPENON-BERNARD,

- de la somme de 500.000 francs due à la société LOKAPARC,

- des frais, droits et émoluments de l'acte, le solde devant être versé au vendeur ;

Attendu qu'au vu du relevé de compte séquestre produit par Maître [N] (pièce n° 31) son clerc a parfaitement exécuté la mission que lui avait confié l'acte ;

Qu'il mentionne bien les règlements versés aux créanciers (CAMPENON BERNARD et LOKAPARC), le règlement de TVA au Trésor public, les divers frais et émoluments et le virement au compte de la société ESPACE DU GRAND CASINO ;

Attendu que Maître [O] reproche au séquestre d'avoir versé à la Sarl PARC ESPACE le 04 mars 1993 la somme de 1.423.267 francs (en réalité 14.478.400 francs) qui aurait dû revenir à la Sarl ESPACE DU GRAND CASINO ;

Attendu en réalité que ladite somme a été virée sur le compte séquestre (pièce n° 31) et a d'ailleurs servi à effectuer tous les règlements prévus dans la mission du séquestre ;

Attendu de même que c'est en vain que Maître [O] soutient que la somme de 1.292.360 francs n'a pas été versée au vendeur, alors qu'elle apparaît en débit sur le compte séquestre (pièce n° 31) et que Maître [N] justifie par la production d'un extrait de son compte ouvert au Crédit Agricole (pièce n°35) que cette somme a bien été débitée le 05 mars 2003 ;

Attendu que c'est également à tort que Maître [O] allègue que la somme de 462.118 francs a été versée à la Sarl PARC ESPACE ;

Qu'en effet ladite somme n'apparaît pas au crédit de celle-ci (pièce n° 332) à la date à laquelle le virement a été opérée, soit le 15 mars 2003 ;

Qu'en outre le compte séquestre (pièce n° 31) mentionne que ce règlement a été adressé à la société 'ESPACE DU GRAND DEPÔT HYPO [Localité 20]' ;

Attendu qu'enfin c'est sans déroger à sa mission de séquestre que le notaire a fait supporter à la Sarl ESPACE DU GRAND CASINO les frais de mainlevée afférents à la créance de la société CAMPENON BERNARD pour 13.865,33 francs ;

Attendu qu'au vu de ce qui précède Maître [O] et les consorts [X] seront déboutés de l'ensemble de leurs demandes et notamment de leurs demandes de dommages et intérêts ;

Sur la demande reconventionnelle

Attendu que Maître [N] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts, celui-ci ne démontrant pas avoir subi du fait de la présente instance le préjudice moral qu'il allègue ;

Attendu que la demande des MMA relative à un plafond de garantie est sans objet en l'absence de condamnation prononcée contre son assuré ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, contradictoirement,

Réforme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a déclaré les consorts [X] et Maître [O] recevables à agir,

Statuant à nouveau sur le surplus,

Dit n'y avoir lieu à sursis à statuer,

Ordonne le retrait des pièces n° 25, 32 et 44 produites par Maître [O],

Déboute les consorts [X] et Maître [O] de toutes leurs demandes,

Rejette la demande de dommages et intérêts formée par Maître [N],

Rejette la demande des MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES relative à un plafond de garantie,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamne les consorts [X] et Maître [O] ès-qualités aux dépens de première instance et d'appel dont distraction dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1re chambre a
Numéro d'arrêt : 11/11893
Date de la décision : 13/11/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°11/11893 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-11-13;11.11893 ?
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