La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/11/2012 | FRANCE | N°11/06009

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre, 13 novembre 2012, 11/06009


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 13 NOVEMBRE 2012



N° 2012/



YR/FP-D









Rôle N° 11/06009





[S] [M]





C/



Sarl CAP AGENCE

































Grosse délivrée

le :

à :

Me Patrick DEUDON, avocat au barreau de NICE



Me Michel CHARBIT, avocat au barreau de GRASSE
>

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE en date du 16 Mars 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 10/442.







APPELANT



Monsieur [S] [M], demeurant [Adresse 4]



comparant en personne...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 13 NOVEMBRE 2012

N° 2012/

YR/FP-D

Rôle N° 11/06009

[S] [M]

C/

Sarl CAP AGENCE

Grosse délivrée

le :

à :

Me Patrick DEUDON, avocat au barreau de NICE

Me Michel CHARBIT, avocat au barreau de GRASSE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE en date du 16 Mars 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 10/442.

APPELANT

Monsieur [S] [M], demeurant [Adresse 4]

comparant en personne, assisté de Me Patrick DEUDON, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

Sarl CAP AGENCE, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Michel CHARBIT, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 10 Octobre 2012 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Yves ROUSSEL, Président

Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller

Madame Corinne HERMEREL, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Novembre 2012.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Novembre 2012.

Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [S] [M] a été l'un des associés de la SARL CAP AGENCE, société exerçant les activités d'agent immobilier et de syndic de copropriété, pour avoir été propriétaire de 23,3 % de ses parts, son ex-épouse étant l'un des autres associés avec 47,4 % des parts.

M.[M] était également lié à la société par un contrat de travail.

Il a été licencié pour faute lourde le 24 août 2009, par une lettre ainsi rédigée : « (') Vous avez immatriculé le 3 avril 2009 une société à responsabilité limitée au capital de 5000 nommée [M]-CIEL dont le siège social se situe au [Adresse 4] dont vous êtes le gérant et seul actionnaire demeurant également à cette même adresse. L'activité de cette société est TRANSACTIONS IMMOBILIERES. Vous avez également demandé et obtenu une carte professionnelle d'agent immobilier, délivrée par la préfecture des [Localité 2] le 9 juin 2009, carte n° 11401.Ces faits constituent une violation grave des obligations qui pèsent sur vous dans le cadre de votre contrat de travail à temps complet et qui démontrent l'intention de concurrencer directement avec notre société. Cela explique sans doute vos absences répétées et la baisse très importante du chiffre d'affaire réalisé par vous depuis le 2ème trimestre 2008. Par ailleurs, nous avons pu constater pendant la même période des consommations téléphoniques sur le mobile à votre disposition payé par la société et qui correspondent à des communications personnelles, sans aucun rapport avec votre activité professionnelle. Nous nous réservons du reste le droit de vous demander le remboursement de ces communications injustifiées. Dans ces conditions, nous nous voyons dans l'obligation de vous licencier, à compter de la réception de la présente, pour faute lourde. »

Contestant ce licenciement, Monsieur [S] [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Grasse de différentes demandes, lequel statuant par jugement du 16 mars 2011 a dit que la SARL CAP AGENCE ne rapportait pas la preuve de l'intention de nuire, mais seulement de la faute grave ; que le licenciement de M. [S] [M] était fondé sur une faute grave et a condamné ladite société à lui payer la somme de 1500 €, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, les autres demandes étant rejetées.

Appelant, M. [S] [M] fait valoir qu'il était salarié de la SARL CAP AGENCE depuis 1993, en qualité d'agent immobilier ; que son épouse ayant décidé de divorcer en 2008, il s'est alors vu écarter de la vie sociale, se heurtant à une majorité d'associés représentant 76,7 % du capital ; qu'il était prévu qu'il cède ses parts sociales et s'installe comme agent immobilier ; que pour ce faire, il a entrepris des démarches à partir du mois d'avril 2009, mais que les négociations en vue du rachat des parts ont échoué.

Il demande à la cour de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a estimé que le second grief n'était pas constitué et était prescrit, de le confirmer également en ce qu'il a écarté la faute lourde et prononcé la condamnation de la SARL CAP AGENCE à lui payer la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de Procédure civile .

Il sollicite l'infirmation des autres dispositions du jugement et demande à la cour de juger que la SARL CAP AGENCE ne justifie pas qu'il ait eu un comportement fautif ; que le licenciement est ainsi dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que la rupture des relations de travail est imputable à la SARL CAP AGENCE, en raison de sa volonté démontrée de l'évincer de son emploi, pour des motifs étrangers à la qualité de son travail, de ce qu'elle s'est dispensée de l'affilier à l'ASSEDIC depuis 1993, alors même qu'elle a prélevé des cotisations sociales sur ses salaires, sans les reverser aux organismes sociaux.

Il demande à la cour de condamner la SARL CAP AGENCE à lui payer 50.607,02 € bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ; 8.434,50 € bruts, au titre du préavis de 3 mois ; 843,45 € bruts au titre des congés payés sur préavis ; 6 .656,82 € bruts à titre de rappels sur salaires ; 67.476,03 € nets à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct ; 57.294 € nets au titre de la perte d'une chance de percevoir l'ARE; 3.000,00 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

La SARL CAP AGENCE considère que les faits reprochés à M. [S] [M] ne sont pas prescrits et qu'elle rapporte la preuve d'une faute lourde justifiant le licenciement.

Elle demande à la cour de rejeter les demandes de M. [S] [M], dont celle présentée au titre du harcèlement moral, de constater qu'en raison de son statut d'associé majoritaire depuis le 8 Juin 1999 il n'avait pas droit aux allocations de retour à l'emploi ; qu'il a accepté, en toute connaissance de cause et à raison de son statut d'associé, de percevoir sur son bulletin de salaire d'août 2009 le remboursement des cotisations ASSEDIC prélevées à tort, de constater qu'il cotise au régime des cadres et qu'il ne peut se prévaloir d'un avenant réservé aux négociateurs non cadres ; de constater que les parties ont toujours considéré le minimum salarial comme une avance sur commission et de rejeter la demande en rappel de salaires, de condamner M. [M] au paiement d'une indemnité de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, il est renvoyé au jugement entrepris, aux pièces et aux conclusions déposées et oralement reprises.

SUR CE, LA COUR,

Sur la régularité de la procédure et sur le moyen tiré de la prescription,

1. Le délai de plus de trois semaines qui s'est écoulé entre le courrier de convocation à l'entretien préalable, daté du 6 août 2009 et la notification du licenciement, datée du 24 août, n'entache la procédure d'aucune irrégularité, l'employeur ayant respecté les délais prescrits par l'article L. 1332-5 du code du travail.

2. Dans la lettre qu'elle lui a adressée le 28 février 2008, la SARL CAP AGENCE a fait au salarié un reproche concernant des faits datant du mois de janvier (« nous avons eu la désagréable surprise de recevoir de notre opérateur de téléphonie mobile, une facture de 1286,95 euros dont 1163,22 euros de consommation pour votre seul appareil pour le seul mois de janvier 2008. Ce montant est près de 10 fois supérieures à celui des factures que nous recevions habituellement pour des périodes identique»).

M. [S] [M] fait valoir qu'il n'a jamais fait un usage abusif de son téléphone pour appeler une amie, comme cela est prétendu, et que la SARL CAP AGENCE a méconnu les règles de la prescription des fautes disciplinaires pour n'avoir engagé la poursuite que le 6 août 2009, date de la convocation à l'entretien préalable.

De fait, la SARL CAP AGENCE ne justifie pas, comme elle le soutient, que les faits se sont poursuivis jusqu'au licenciement, puisque les factures téléphoniques qu'elle produit, pour la période postérieure à février 2008 montrent que M. [S] [M] a notablement réduit sa consommation téléphonique et il n'est pas matériellement établi que M. [S] [M] a appelé régulièrement des numéros personnels après janvier 2008.

Les faits sont donc prescrits.

Il en va différemment du grief relatif à la constitution d'une société concurrente, dont l'employeur n'a eu connaissance qu'au vu de l'extrait K bis délivré par le greffe du tribunal de commerce d'Antibes le 19 juin 2009, soit moins de deux mois avant la convocation à l'entretien préalable, datée du 6 août 2009.

Au fond,

1. M. [S] [M] prétend que ses associés, dont son ex-épouse, ont cherché à l'évincer par différents moyens ; que Monsieur [D], salarié de la SARL CAP AGENCE, atteste: «Je suis salarié de la société CAP AGENCE depuis avril 2005 et j'occupe le poste de négociateur VRP. J'ai collaboré au sein de cette agence avec Mr [I] [Z], le gérant, Mme [C] [M] et Mr [S] [M] qui sont tous les deux associés de cette société. Durant les premières années de collaboration, j'ai pu constater que les rapports entre les associés de CAP AGENCE étaient normaux. En revanche, le climat s'est très nettement détérioré depuis janvier 2009.En effet, Mme [C] [M] a demandé à ce moment là le divorce d'avec Mr [M] qui est son époux. Depuis ce jour Mme [M] a tout fait pour anéantir le travail de Mr [S] [M] et elle a fait en sorte aidé en cela par son fils [I] [Z], ainsi que les autres salariés à qui elle donnait des consignes pour que les clients, acheteurs ou vendeurs, ou même ses simples relations, ne puissent plus avoir de contact avec lui. J'ai personnellement assisté à des appels téléphoniques venant de l'extérieur au cours desquels il était répondu que Mr [M] ne fait plus partie de la société. Et lorsque l'interlocuteur demandait ses coordonnées, il lui était répondu qu'elles n'étaient pas connues. J'atteste en tout cas que tout a été mis en 'uvre au sein de l'agence pour exclure Mr [S] [M] de l'activité et pour l'empêcher d'y travailler.[...]J'ai toujours eu beaucoup de respect et d'admiration pour le professionnel qu'est Mr [M] et c'est en pleine connaissance de cause que j'établis, malgré les risques que cela me fait prendre, la présente attestation. Je sais, de façon certaine, que Mr [M] a travaillé pour CAP AGENCE pleinement et sincèrement jusqu'à son licenciement et que s'il a pris la précaution de demander une carte professionnelle à son nom et de créer une structure dénommée [M], son seul objectif était de préparer : « l'après CAP AGENCE» puisqu'il savait pertinemment que sa femme et son beau-fils finiraient tôt ou tard par le mettre à la porte et sans doute après le divorce en question. J'atteste n'avoir jamais été témoin d'une quelconque démarche de la part de Mr [M] pour faire échapper une affaire à CAP AGENCE pendant le temps où il en était le salarié. En revanche, il m'a été clairement ordonné de répondre à toutes personnes qui chercheraient à joindre Mr [M] que celui-ci avait quitté l'entreprise et que j'ignorais ses coordonnées, ce qui bien sûr était faux surtout à l'époque où tout cela a commencé, soit au début de l'année 2009. J'ai décidé de prendre le risque d'attester contre mon actuel employeur car il me semble tout à fait juste et honnête de transcrire ici la vérité et de permettre à Mr [M] de faire valoir ses droits en contestant le licenciement dont il a été victime et qu'il me parait totalement injustifié. Je sais que aujourd'hui il a même pas le droit de toucher aux ASSEDIC, qu'il est dans une situation très précaire et qu'il a dû investir les quelques économies qu'il avait encore pour tenter de subsister en tant que gérant. » (Pièce 10).

Dans le même sens, il fait valoir que Madame [N], qui cherchait à le joindre à la SARL CAP AGENCE s'est entendu dire, le 14 août 2009, qu'il ne travaillait plus à l'agence ; que Monsieur [P] atteste avoir tenté de le joindre à la SARL CAP AGENCE à plusieurs reprises, entre le début de l'année et le mois de juin 2009 soit deux mois avant le licenciement, et qu'il lui était systématiquement indiqué qu'il ne travaillait plus à l'agence (Pièce 13) ; que Monsieur [A] atteste dans le même sens(Pièce 14).

Mais, ceci est contesté par la SARL CAP AGENCE qui prétend que M. [S] [M] a été joignable à l'agence, sauf durant ses congés en juin 2012 et qu'en toute hypothèse il pouvait être joint à tout moment sur son téléphone portable professionnel.

Elle met également en cause la sincérité des témoignages produits par le salarié et vise plusieurs pièces qui les contredisent.

De fait, la production des factures montrent que M. [M] a disposé d'un téléphone portable professionnel jusqu'à son licenciement et, en raison du contentieux ayant opposé la SARL CAP AGENCE à Monsieur [D], son témoignage est sujet à caution.

Au demeurant, il est parfaitement contredit par celui de Mme [O] qui atteste (pièce numéro 50 : « je n'ai jamais reçu de consigne de la part de M.[Z] et Mme [U] pour faire obstacle aux personnes qui souhaitaient joindre M.[M] ou le rencontrer ; ce dernier était souvent absent sans explications précises sur ses déplacements. De ce fait, j'atteste que tous les messages que j'ai reçus personnellement des clients lors de ses absences lui ont été transmis dans les plus brefs délais (') Je tiens toutefois à signaler, à ma grande surprise, que durant la période de congé entre Noël et jour de l'an, je me suis rendue (') Et j'ai vu M.[D] dans le bureau de la société [M]. Ce dernier m'a paru gêné de me voir car je pense qu'il ne s'agissait pas d'une visite de courtoisie compte tenu que Monsieur [D] ne portait ni veste, ni blouson. Je comprends mieux le changement de comportement de M. [D] ».

Mme [K] atteste dans le même sens (« depuis mars 2005, je m'occupe personnellement de l'accueil et du standard téléphonique (') Je n'ai jamais reçu d'ordre de mon supérieur (') de répondre aux appels destinés à M. [M] que celui-ci ne faisait plus partie du personnel et refuser de transmettre ses coordonnées téléphoniques »).

Par ailleurs, plusieurs personnes certifient qu'en dépit de leur divorce, M.[M] et Mme [U] ont continué à entretenir des relations courtoises (attestations [H], [R]), les pièces produites montrant au surplus que le divorce des époux [M]-[U] s'est inscrit dans un cadre non conflictuel.

Enfin, les allégations de M. [S] [M] , sur les consignes prétendument données par son employeur pour qu'il ne soit pas joint, sont contredites par le fait qu'il a continué à 'uvrer pour la SARL CAP AGENCE jusqu'à son départ, lui-même indiquant qu'il a passé une vente concernant une villa dont le compromis a été régularisé le 29 juillet 2009 et qu'entre la date de l'entretien préalable et la notification de son licenciement, il a fait visiter des biens proposés à la vente par son employeur .

2. M. [S] [M] prétend également que ses associés, c'est-à-dire son ex-épouse et le fils de cette dernière, par ailleurs gérant de la société, lui ont offert un prix dérisoire pour le rachat de ses parts et s'appuie à cet égard sur l'attestation, vivement contestée, délivrée par M. [L] [W], ancien expert-comptable de la société.

Toutefois, le litige opposant les associés sur la valeur des parts, alimenté par des analyses comptables contraires ne peut guère être tranché en l'état des éléments produits devant la cour.

3. Dans ces conditions, il n'est pas établi que la fin des relations de travail a reposé sur des considérations d'ordre personnel et que la SARL CAP AGENCE a mené contre M. [M] une entreprise de harcèlement pour le pousser à la démission et à la vente de ses parts sociales à vil prix , comme il le soutient.

4. Demeure le grief concernant la création par M. [S] [M] de la SARL [M] CIEL.

5. M. [S] [M] prétend que quoiqu'immatriculée, cette société n'a pas eu d'activité en 2009 ;que son agence immobilière a été inaugurée seulement le 18 février 2010, un procès verbal de constat d'huissier de justice montrant qu'en janvier 2010 les travaux n'étaient pas achevés et qu'aucune affiche n'était apposée en vitrine ; que, de même, le site Internet de la société ne proposait aucun bien à la vente.

Mais, quoiqu'il en dise, M. [S] [M] ne s'est pas contenté de préparer son activité professionnelle future, puisqu'il a entrepris les démarches permettant à sa société d'être opérationnelle très tôt comme le montre le fait qu'il a souscrit une assurance professionnelle dès le mois de mai 2009, alors que son licenciement lui a été notifié au mois d'août suivant.

Il a par ailleurs obtenu sa carte d'agent immobilier le 9 juin 2009 (pièce numéro 25) au prix d'une fausse déclaration sur la date de la fin de son activité salariée au sein de la SARL CAP AGENCE qu'il a indiqué être le mois de décembre 2008 ( lettre du préfet des [Localité 2] en date du 31 mai 2010 en pièce 54), ce qui donne la mesure de l'urgence qu'il attachait à l'obtention de cette carte.

Il a donc été en mesure de constituer très tôt un portefeuille d'affaires, ce dont témoigne le procès verbal de constat huissier de justice du 15 mars 2010 qui permet de chiffrer à cinq le nombre des transactions immobilières auxquelles était intéressée à cette date la société [M], deux biens ayant été vendus par elle-même, suivant les mentions affichées en vitrine.

Dans ces conditions, la SARL CAP AGENCE est fondée à soutenir que le choix du lieu d'implantation de son agence par M. [S] [M], dans le centre de la commune d'[Localité 3], ville de petite taille comportant plus d'une centaine d'agences immobilières a été dicté par le fait qu'il entendait puiser dans la clientèle de l'employeur, le cas le plus emblématique, avancé par elle non sans raison, étant celui de son client [E], devenu celui de M. [M] après la rupture d'un contrat d'exclusivité dans des formes litigieuses .

6. Si l'intention de nuire n'est pas rapportée, il est clair, en revanche, que M. [S] [M] a fait preuve de déloyauté en débutant une activité professionnelle dans de telles conditions, avant même la fin de son contrat de travail.

Ceci caractérise la faute grave ayant pour conséquence la privation des indemnités qu'il réclame.

7. M. [S] [M] fait valoir qu'en application de l'article 4 de la convention collective applicable, modifiée par l'avenant numéro 40 du 15 mai 2008, le salaire minimal mensuel applicable à son poste de VRP, majoré du 13e mois, était de 1408 € ;qu'or, il n'a perçu que la somme de 383,18 euros en septembre 2008 et aucune rémunération pour les mois de février, avril, mai et juillet 2009.

Mais, cet avenant, modifiant le salaire minimum brut mensuel du négociateur immobilier fait explicitement référence à la rémunération minimum des négociateurs non-cadres, catégorie à laquelle M. [S] [M] n'appartenait pas, puisqu'il était cadre ( pièce numéro 9).

D'autre part, M. [S] [M] était payé à la commission, ses bulletins de salaire mentionnant des avances sur commission, dont l'employeur indique que, d'un commun accord, elles constituaient le salaire minimum et qu'en 2009 elles ont atteint, suivant le cumul porté sur les bulletins de salaire du mois de décembre, la somme de 14 976 €.

En conséquence, M. [S] [M] ne justifiant pas d'un droit excédant cette somme, sa demande sera rejetée.

8. Pour s'opposer à la demande par laquelle M. [S] [M] sollicite le paiement de la somme de 57 994 €, à titre de dommages-intérêts pour perte de chance, au titre de la réparation du préjudice qui lui a été causé par sa non-affiliation au pôle emploi et la non perception subséquente de l'allocation de retour à l'emploi, la SARL CAP AGENCE fait valoir qu'il était associé majoritaire avec son épouse et ne pouvait ainsi prétendre aux allocations de retour à l'emploi ; que les cotisations ASSEDIC qui ont été prélevées à tort sur son salaire jusqu'au mois de juin 1999 lui ont été restituées en août 2009 et qu'en sa qualité d'associé, il n'ignorait rien de sa situation.

Mais, M. [S] [M], marié sous le régime de la séparation de biens, n'était pas associé majoritaire et rien n'établit qu'il a acquiescé à la décision prise de ne pas l'affilier aux organismes d'assurance-chômage.

Au contraire, comme il le souligne, il a mis en demeure l'employeur de justifier de son affiliation par lettre du 8 août 2009.

L'employeur a donc méconnu les dispositions de l'article L5422-13 du code du travail qui prévoit que tout employeur est tenu d'assurer les salariés contre les risques de privation d'emploi.

C'est donc à juste titre que M. [S] [M] soutient qu'il ne peut se déduire du seul remboursement des cotisations salariales déjà prélevées, enregistré sur son bulletin de salaire du mois d'août 2009, c'est-à-dire au moment où la relation de travail a pris fin, qu'il avait renoncé au droit qu'il tenait des dispositions précitées, dès lors que selon l'article L. 3243-3 du code du travail, l'acceptation sans protestation ni réserve d'un bulletin de paye par le salarié ne peut valoir renonciation du salarié au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaires qui lui sont dus en application de la loi, ni de compte arrêté et réglé.

Il a donc été privé de la chance de pouvoir percevoir l'allocation d'aide au retour à l'emploi, bien qu'il faille observer qu'il a exercé une activité professionnelle indépendante dès que son contrat de travail a pris fin.

Dans ces conditions, le préjudice né de la perte de chance sera indemnisé à hauteur de 1500 €.

9. L'équité conduit à rejeter les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile.

En revanche, la SARL CAP AGENCE, succombant pour partie, sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

statuant publiquement et contradictoirement,

REÇOIT l'appel,

CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a rejeté une demande de dommages-intérêts pour perte de chances de percevoir l'allocation de retour à l'emploi,

STATUANT à nouveau de ce chef,

CONDAMNE la SARL CAP AGENCE à payer à M. [S] [M], la somme de 1500 €, à titre de dommages intérêts,

REJETTE toute autre demande,

CONDAMNE la SARL CAP AGENCE aux dépens.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 11/06009
Date de la décision : 13/11/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 17, arrêt n°11/06009 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-11-13;11.06009 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award