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05/11/2012 | FRANCE | N°09/21121

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 2e chambre, 05 novembre 2012, 09/21121


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

2e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 05 NOVEMBRE 2012



N°2012/ 434













Rôle N° 09/21121







[D] [N]

liquidateur SA Ets FONTVIEILLE



C/



Société CMA CGM BELGIUM NV



SA CMA - CGM



Société CHINA SHIPPING CONTAINERS LTD





































Grosse délivrée



le :

à :

COHEN

BADIE

MAGNAN







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 30 Octobre 2009 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2007F1833.





APPELANT



Maître [D] [N], prise en sa qualité de mandataire liquidateur de la S.A. des Etablissements FONTVIEILLE

n...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

2e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 05 NOVEMBRE 2012

N°2012/ 434

Rôle N° 09/21121

[D] [N]

liquidateur SA Ets FONTVIEILLE

C/

Société CMA CGM BELGIUM NV

SA CMA - CGM

Société CHINA SHIPPING CONTAINERS LTD

Grosse délivrée

le :

à :

COHEN

BADIE

MAGNAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 30 Octobre 2009 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2007F1833.

APPELANT

Maître [D] [N], prise en sa qualité de mandataire liquidateur de la S.A. des Etablissements FONTVIEILLE

né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 11], demeurant [Adresse 4]

représenté par la SCP COHEN L ET H GUEDJ, avocats postulants au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEES

Société CMA CGM BELGIUM NV,

dont le siège social est sis [Adresse 14] (BELGIQUE)

représentée par la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocats postulants au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constituée aux lieu et place de la SCP MJ DE SAINT FERREOL ET COLETTE TOUBOUL, avoué, précédemment constituée

plaidant par Me André JEBRAYEL, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Arthur GIBON, avocat au barreau de MARSEILLE

S.A. CMA - CGM,

dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocats postulants au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constituée aux lieu et place de la SCP MJ DE SAINT FERREOL ET COLETTE TOUBOUL, avoué, précédemment constituée

plaidant par Me André JEBRAYEL, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Arthur GIBON, avocat au barreau de MARSEILLE

Société CHINA SHIPPING CONTAINERS LTD,

dont le siège social est sis C/O Société NAVITRANS - [Adresse 3]

représentée par la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocats postulants au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

plaidant par la SELARL RENARD & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 11 Octobre 2012 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Robert SIMON, Président, et Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller, chargés du rapport.

Monsieur Robert SIMON, Président, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Robert SIMON, Président

Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller

Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Viviane BALLESTER.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Novembre 2012.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Novembre 2012.

Signé par Monsieur Robert SIMON, Président et Madame Viviane BALLESTER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*-*-*-*-*

La S.A. Établissements FONTVIELLE a acheté divers de lots de bois industriels (panneaux de contreplaqués) à la société Nanjing Arser Wood & Co et à la société Jangsu Jinteco International Trading Co Ltd, sociétés chinoises, sept ventes ont été passées, courant du mois de février 2006, sous l'incoterm CNF [Localité 6] ou CNF [Localité 10] et payables 10 % à la commande et le solde (90 %) quinze jours après la date d'émission des connaissements. Les chargeurs, la société Nanjing Arser Wood & Co et la société Jangsu Jinteco International Trading Co Ltd, sociétés chinoises venderesses, ont fait acheminer *par la société China Shipping Containers Ltd 4 expéditions, faisant l'objet d'autant de connaissements et concernant 13 conteneurs au total - une expédition (3 conteneurs) à destination d'[Localité 6] et - trois expéditions (10 conteneurs) à destination de [Localité 10] où les marchandises sont arrivées dans le courant des mois de mai et juin 2006 et *par la S.A. C M A / C G M une expédition couverte par un connaissement concernant 4 conteneurs à destination d'[Localité 6] où les marchandises sont parvenues, le 3 août 2008. La S.A. Établissements FONTVIELLE a réglé les sept acomptes (10 %) et le solde du prix de vente concernant un seul contrat n ° JTK 81044. Les chargeurs, eu égard à un défaut partiel de paiement du prix de vente, n'ont pas expédié les marchandises faisant l'objet de deux contrats de vente et ont conservé les connaissements afférents aux marchandises arrivées aux deux ports de destination.

Par ordonnance de référé en date du 27 octobre 2006, le Président du Tribunal de Commerce de Salon de Provence, ordonnait la remise par les chargeurs/vendeurs de l'original du connaissement afférent aux marchandises faisant l'objet de la vente dont le prix était intégralement payé. Ceux-ci saisissaient une instance d'arbitrage à Shanghai (Chine) concernant quatre contrats de vente, une condamnation au paiement du prix de vente était prononcée contre la S.A. Établissements FONTVIELLE par cette instance, le 16 août 2007.

La S.A. Établissements FONTVIELLE, le 27 décembre 2006, puis les transporteurs maritimes, saisissaient le Tribunal de Commerce de Marseille, la première d'une action en résolution des ventes et les seconds d'une action en paiement des frais d'immobilisation des conteneurs. La vente des marchandises stationnées à [Localité 6] a été autorisée judiciairement à la requête de la S.A. C M A / C G M (vente du 14 septembre 2007 produisant 34.397,50 €) et la vente des marchandises stationnées à [Localité 10] a été autorisée judiciairement, le 8 février 2008, à la requête de la société China Shipping Containers Ltd, les fonds produits par la vente s'élevant à 77.082 €, somme consignée sur le compte Carpa à [Localité 11].

La S.A. Établissements FONTVIELLE qui bénéficiait d'un plan de redressement par continuation a fait l'objet, le 26 octobre 2007, d'une liquidation judiciaire, Maître [D] [N] étant désignée en qualité de liquidatrice judiciaire.

Par jugement contradictoire en date du 30 octobre 2009, le Tribunal de Commerce de Marseille s'est déclaré incompétent pour connaître de l'action en résolution des ventes, a fixé à la somme de 312.285 € et à celle de 81.216 € les créances respectives de la société China Shipping Containers Ltd et de la S.A. C M A / C G M au passif de la S.A. Établissements FONTVIELLE en constatant leur caractère privilégié, et a condamné la société Nanjing Arser Wood & Co, considérée comme étant à l'origine du dommage subi par la S.A. C M A / C G M, au paiement de la somme de 81.216 €, le jugement étant assorti de l'exécution provisoire pour l'ensemble de ses dispositions.

Maître [D] [N], ès-qualités, a régulièrement fait appel de cette décision dans les formes et délai légaux à l'encontre de toutes les parties. Il s'est désisté de son appel à l'encontre de la société Nanjing Arser Wood & Co et de la société Jangsu Jinteco International Trading Co Ltd, ordonnance du Conseiller chargé de la Mise en État en date du 6 septembre 2011.

Vu les dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret N° 98-1231 du 28 décembre 1998.

Vu les prétentions et moyens de Maître [D] [N], ès-qualités, dans ses conclusions au fond en date du 20 avril 2012 tendant à faire juger :

que la demande de la société China Shipping Containers Ltd seulement contenue dans ses conclusions déposées, le 3 avril 2007 devant le Tribunal de Commerce de Marseille, est irrecevable comme mal dirigée, elle aurait dû être renouvelée contre Maître [D] [N] pris ès-qualités, après l'ouverture de la procédure collective, le 26 octobre 2007,

que l'action de la société China Shipping Containers Ltd en paiement d'une créance de nature maritime bénéficiant d'un privilège et/ou d'un droit de rétention est prescrite, dès lors qu'elle n'a pas conclu dans le nouveau délai d'une année commençant à courir à compter de sa déclaration de créance faite à titre privilégié, le 26 février 2008,

subsidiairement au fond, que la société China Shipping Containers Ltd a exercé de manière abusive et de mauvaise foi son droit de rétention sur la marchandise, un courrier officiel d'avocat à avocat en date du 14 novembre 2006 l'autorisant à mettre en 'uvre dès le 20 novembre 2006 son privilège de transporteur maritime, or cette mise en 'uvre a été différée de 15 mois,

que la procédure de vente judiciaire est irrégulière au regard de l'article L 521-3 du Code de Commerce, à défaut de sommation préalable,

que la marchandise contenue dans trois conteneurs stationnés au port d'[Localité 6] n'a pas été retrouvée soit un manquant imputable au transporteur et préjudiciable au destinataire à concurrence de 52.299,40 € représentant la valeur de la marchandise,

que la S.A. C M A / C G M a renoncé à se prévaloir du caractère privilégié de sa créance en effectuant, le 21 décembre 2007, une déclaration faisant mention d'une créance chirographaire, sans pouvoir invoquer une déclaration rectificative faite hors délai légal de déclaration,

que la S.A. C M A / C G M qui n'était plus un créancier privilégié, après avoir déclaré une créance à titre chirographaire, ne pouvait faire vendre la marchandise qu'elle avait retenue,

que subsidiairement au fond, la S.A. C M A / C G M a exercé de manière abusive et de mauvaise foi son droit de rétention sur la marchandise, un courrier officiel d'avocat à avocat en date du 14 novembre 2006 l'autorisant à mettre en 'uvre dès le 20 novembre 2006 son privilège de transporteur maritime, or cette mise en 'uvre a été différée, ce qui a permis l'émission de factures de frais d'immobilisation,

Vu les prétentions et moyens de la société China Shipping Containers Ltd dans ses conclusions N° 3 en date du 13 septembre 2012 tendant à faire juger :

que Maître [D] [N] est intervenue volontairement, le 23 avril 2009, à l'instance engagée devant le Tribunal de Commerce de Marseille qui avait été saisi, le 3 avril 2007, de conclusions formant des demandes contre la S.A. Établissements FONTVIELLE, et une déclaration de créance a été faite, le 26 février 2008, tout cela « régularise » la procédure,

que le délai de prescription a été interrompu, par le dépôt de conclusions, le 3 avril 2007, et la procédure collective postérieure n'ayant qu'un effet suspensif,

l'interruption de la prescription jouant jusqu'à ce que le litige reçoive une solution,

au fond, que la demande en paiement de frais d'immobilisation engagés par la faute du destinataire qui ne retire pas les marchandises est fondée à hauteur de 642.492 €, le transporteur maritime bénéficiant d'un droit de rétention et d'un privilège spécial sur la marchandise le dispensant de la signification préalable, outre que l'assignation à comparaître en référé constitue cette signification préalable,

que la disparition des marchandises du port d'[Localité 6] n'est pas avérée, outre que la S.A. Établissements FONTVIELLE n'en avait pas intégralement payé le prix, seul un acompte de 10 % ayant été versé aux sociétés venderesses ;

Vu les prétentions et moyens de la S.A. C M A / C G M qui a régularisé une nouvelle constitution d'avocat, le 28 août 2012, dans ses conclusions d'appel incident antérieures en date du 18 mai 2011 tendant à faire juger :

que le décompte final des surestaries s'élève à 81.216 € arrêtés au 7 octobre 2007,

que la déclaration de créance est entachée d'une simple erreur matérielle « manifeste » en ce qu'elle ne mentionne pas le caractère privilégié de la créance, qui était parfaitement connu et admis par la S.A. Établissements FONTVIELLE et dont la S.A. C M A / C G M avait fait continuellement mention auparavant, outre d'une part, que la déclaration rectificative n'a pas à être faite dans le délai légal de déclaration de créance, aucune forclusion n'étant encourue, et d'autre part que la vente consacrant le privilège spécial est intervenue avant l'ouverture de la procédure collective,

que sa créance a bien un caractère privilégié et le produit de la vente résulte de l'exercice régulier du privilège,

que le droit de rétention a été exercé en toute bonne foi, la S.A. Établissements FONTVIELLE ne pouvant reprocher à la S.A. C M A / C G M ne de ne pas avoir délivré la marchandise, la seule issue existante étant sa vente à défaut de détention par la S.A. Établissements FONTVIELLE de l'original du connaissement,

que la société Nanjing Arser Wood & Co, en sa qualité de chargeur et en litige avec la S.A. Établissements FONTVIELLE, doit être tenue pour responsable in solidum des frais d'immobilisation des conteneurs à hauteur de 81.216 € ;

L'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire a été rendue le 14 septembre 2012.

Attendu que la S.A. C M A / C G M qui a constitué avocat devant la Cour d'Appel d'AIX en PROVENCE, le 28 août 2012, a fait délivrer, le 29 août 2012, à l'encontre de la société Nanjing Arser Wood & Co un appel provoqué visant à la condamnation de celle-ci à lui régler la somme de 81.206 € représentant des frais de stationnement des conteneurs au port d'[Localité 6] au motif retenu par les premiers juges que la société Nanjing Arser Wood & Co doit être tenue in solidum avec la S.A. Établissements FONTVIELLE dès lors que le stationnement prolongé des conteneurs « est la conséquence directe d'un litige » entre d'une part, le vendeur/chargeur et d'autre part, l'acheteur/destinataire ; qu'un appel incident avait été formé, le 18 mai 2011, par la S.A. C M A / C G M  qui le renouvelle en raison du désistement d'appel de Maître [D] [N], ès-qualités, contre la société Nanjing Arser Wood & Connaissement, constaté par une ordonnance du Conseiller chargé de la Mise en État  ; qu'il ne peut être procédé à la jonction « administrative » des deux instances dès lors que les délais de comparution pour l'appelée en intervention forcée, la société Nanjing Arser Wood & Connaissement, société chinoise, (-délais qui ont été allongés en raison de son éloignement-), n'ont pas été respectés (assignation 29 août 2012 pour une audience du 10 octobre 2012) ;

A ) Sur la demande de la société China Shipping Containers Ltd formée contre la S.A. Établissements FONTVIELLE.

Attendu qu'après l'assignation délivrée, le 27 décembre 2006, par la S.A. Établissements FONTVIELLE alors in bonis à l'encontre notamment de la société China Shipping Containers Ltd, la S.A. Établissements FONTVIELLE a été mise en liquidation judiciaire, le 26 octobre 2007 ; que la société China Shipping Containers Ltd qui avait formé initialement par conclusions du 3 avril 2007, des demandes contre la S.A. Établissements FONTVIELLE, les a réitérées par conclusions du 11 mai 2009, à l'encontre de Maître [D] [N], ès-qualités, qui était intervenue volontairement à l'instance par conclusions du 23 avril 2009, devant le Tribunal de Commerce de Marseille sous la qualité de « mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire » de la S.A. Établissements FONTVIELLE ; que le jugement frappé d'appel mentionne le déroulement de la procédure et la chronologie de l'échange des conclusions ; que le jugement mentionne expressément en page 9 que la société China Shipping Containers Ltd demande la condamnation de Maître [D] [N], ès-qualités, à lui payer la somme de 504.349,33 € et reprend in extenso en 7 alinéas le dispositif des conclusions en date du 11 mai 2009 de la société China Shipping Containers Ltd contre Maître [D] [N], ès-qualités ; qu'il s'ensuit que Maître [D] [N], ès-qualités, est bien mal venue de soutenir qu'aucune demande n'a été formée contre elle, ès-qualités, par la société China Shipping Containers Ltd ;

Attendu que la société China Shipping Containers Ltd a interrompu le cours de la prescription annale d'une année en matière de transport maritime commençant à courir en l'espèce en mai/juin 2006 (dates d'arrivée des navires aux deux ports de destination) en enrôlant au greffe du Tribunal de Commerce de Marseille, le 3 avril 2007, des conclusions sollicitant la condamnation de la S.A. Établissements FONTVIELLE à lui payer des frais de stationnement des conteneurs aux deux ports de destination ; que l'effet interruptif de la prescription produit ses effets jusqu'à ce que le litige reçoive une solution par une décision qui met définitivement fin à l'instance ; que la mise en liquidation judiciaire de la S.A. Établissements FONTVIELLE, société défenderesse, ne fait pas disparaître l'effet interruptif sous réserve que la procédure soit régularisée à l'égard de la société mise en liquidation judiciaire ; que cela a été le cas, la société China Shipping Containers Ltd a déclaré sa créance entre les mains de Maître [D] [N], ès-qualités, le 26 février 2008 et l'instance a été reprise par la société China Shipping Containers Ltd contre Maître [D] [N], comme il a été vu ci-dessus (intervention volontaire au débat de Maître [D] [N], ès-qualités, le 23 avril 2009, et conclusions prises contre elle, ès-qualités, par la société China Shipping Containers Ltd, le 11 mai 2009) ;

Attendu que Maître [D] [N], ès-qualités, ne peut reprocher à la société China Shipping Containers Ltd sa mauvaise foi à l'occasion de l'exercice de son droit de rétention sur la marchandise et à l'occasion de la mise en 'uvre du privilège sur les marchandises pour le paiement de ses frets et accessoires, dont elle bénéficiait en sa qualité de transporteur maritime ; que la S.A. Établissements FONTVIELLE, le 14 novembre 2006, pour recevoir la marchandise sans présenter les connaissements y afférents et tout en imputant à ses vendeurs des manquements à leurs obligations, a proposé d'acquitter la totalité des frais de surestaries et de remettre à la société China Shipping Containers Ltd une lettre (simple) de garantie ; qu'après sa proposition en vue de dénouer une situation dont la société China Shipping Containers Ltd n'était en rien responsable, la S.A. Établissements FONTVIELLE n'a rien fait de concret pour mettre à exécution ses intentions ; que le litige de fond relatif à  la vente entre d'une part, les sociétés Nanjing Arser Wood & Co et Jangsu Jinteco International Trading Co Ltd et d'autre part, la S.A. Établissements FONTVIELLE a été tranché par une instance arbitrale chinoise, le 16 août 2007 ; que la S.A. Établissements FONTVIELLE n'a pas déféré à la condamnation prononcée contre elle par l'instance arbitrale au paiement du prix des ventes de lots de bois ; que l'instance arbitrale a reconnu la validité des ventes et dit infondée la résistance de la S.A. Établissements FONTVIELLE à en payer le prix ; que dès lors cette dernière qui n'a pas rempli ses obligations d'acheteur en matière de paiement et qui porte, seule, la responsabilité de l'échec de l'opération commerciale, ne peut reprocher à la société China Shipping Containers Ltd d'avoir « fait prospérer artificiellement sa créance de surestaries » en « tardant » à mettre en 'uvre son privilège sur les marchandises ; que la société China Shipping Containers Ltd était fondée, avant de mettre en 'uvre son privilège, à attendre raisonnablement la solution du litige au fond et également un début de concrétisation des « engagements » pris par la S.A. Établissements FONTVIELLE (notamment la délivrance d'une lettre de garantie suffisante) ;

Attendu que la société China Shipping Containers Ltd, bénéficiaire d'un droit de rétention, a correctement mis en 'uvre la procédure de sa réalisation en faisant procéder à la vente par un courtier conformément aux articles L 521-3 et L 332-9 à L 322-13 du Code de Commerce ; que l'acte d'huissier en date du 24 janvier 2008 délivré à Maître [D] [N], ès-qualités, à la requête de la société China Shipping Containers Ltd en vue d'obtenir la désignation d'un courtier pour réaliser la vente vaut « simple signification » à la débitrice, exigée par l'article L 521-3 dudit code, de l'intention de faire procéder à la vente publique des lots de bois en souffrance sur le port de [Localité 10], cette « simple signification » devant intervenir huit jours au moins avant la date effective de la vente publique ;

Attendu que la société China Shipping Containers Ltd conserve sur les sommes tirées de la vente aux enchères publiques de la marchandise faisant l'objet de son droit de rétention, le privilège spécial accordé au transporteur maritime pour le paiement de son fret ;

Attendu que Maître [D] [N], ès-qualités, ne démontre pas que les marchandises ( renfermées dans 3 conteneurs) faisant l'objet du contrat de vente N° JTK 81043 ont « disparu » du port d'[Localité 6] (un dépôt de plainte classé sans suite étant insuffisant) ; qu'au demeurant, la S.A. Établissements FONTVIELLE n'ayant pas acquitté le prix de vente (10 % d'acompte seulement ayant été versés), Maître [D] [N], ès-qualités, n'a pas qualité à solliciter le paiement de la valeur desdites marchandises ;

Attendu que Maître [D] [N], ès-qualités, ne conteste pas le calcul des frais d'immobilisations des conteneurs (frais de déchargement, frais de mouvement, frais de « demurrage » -surestaries-), effectué à hauteur de 642.492 € par la société China Shipping Containers Ltd au titre des conteneurs « bloqués » sur les deux ports ; que Maître [D] [N], ès-qualités, s'est contentée de soutenir qu'elle ne doit plus ces frais au-delà du 20 novembre 2006 ; que cet argumentation a été écartée ; que la société China Shipping Containers Ltd justifie suffisamment par des factures et un « barème » des prix unitaires le montant de sa créance ;

B ) Sur la demande de la S.A. C M A / C G M formée contre la S.A. Établissements FONTVIELLE.

Attendu que pour les mêmes motifs que ceux énoncés en ce qui concerne la demande de la société China Shipping Containers Ltd, les objections de Maître [D] [N], ès-qualités, relativement à l'absence de bonne foi de la S.A. C M A / C G M à l'occasion de l'exercice de son droit de rétention sur la marchandise et à l'occasion de la mise en 'uvre du privilège sur les marchandises pour le paiement de ses frets et accessoires, dont elle bénéficiait en sa qualité de transporteur maritime,   devront être écartées ; que la S.A. C M A / C G M a été plus diligente que la société China Shipping Containers Ltd en obtenant dès le 22 mai 2007 d'un juge anversois l'autorisation de réaliser publiquement le gage sur la marchandise renfermées dans 4 conteneurs stationnés au port d'[Localité 6] ; qu'en outre la proposition de la S.A. Établissements FONTVIELLE en date du 14 novembre 2006 concernant la délivrance de la marchandise sans présentation du connaissement mais contre la remise d'une lettre de garantie simple supposait l'accord du chargeur, la société Nanjing Arser Wood & Connaissement, outre une garantie bancaire à première demande, deux conditions qui n'ont pas été obtenues par la S.A. Établissements FONTVIELLE ;

Attendu que les articles 23 et 24 de la loi n° 66-420 du 18 juin 1966 instituent au profit du transporteur maritime un privilège spécial sur les marchandises de son chargement pour le paiement du fret et de ses accessoires ; que la S.A. C M A / C G M a adressé, le 21 décembre 2007, à Maître [D] [N], ès-qualités, une « déclaration de créance à titre chirographaire » d'un montant de 90.489,52 € représentant les frais de stationnement de 4 conteneurs au port d'[Localité 6] ; que, le 30 avril 2009, la S.A. C M A / C G M a adressé à Maître [D] [N], ès-qualités, une « rectification d'erreur matérielle » visant à substituer à la nature chirographaire de la créance déclarée, une nature privilégiée ; que dans les relations entre d'une part, le créancier et d'une part, le débiteur faisant l'objet d'une procédure collective et son représentant, l'inopposabilité d'un privilège non déclaré est susceptible d'être invoquée par le débiteur  ; qu'une demande supplémentaire d'admission de créance doit être faite dans le délai légal de la déclaration des créances ; que seule une demande s'analysant en une rectification d'une erreur purement matérielle peut compléter la déclaration de créance affectée d'une erreur et ne constitue pas une nouvelle déclaration de créance ; qu'en l'espèce, en faisant une seconde déclaration de créance qui modifie la nature de la créance initialement déclarée en ce qu'elle lui confère désormais une nature privilégiée au lieu de chirographaire, la S.A. C M A / C G M a fait une déclaration de créance nouvelle et non une demande de rectification d'une erreur matérielle qui aurait été, selon elle, à l'évidence commise ; qu'aucun élément intrinsèque de la première déclaration de créance ne donne à penser que le déclarant entendait se prévaloir du privilège spécial institué en droit maritime ; qu'il est seulement indiqué que la créance « représente des frais d'immobilisation de 4 conteneurs à [Localité 6] » sans référence à l'éventuel privilège dont la créance compte tenu de sa nature particulière pouvait être assortie ; que la « déclaration de créance à titre chirographaire » est accompagnée de deux pièces dont l'assignation en date du 10 juillet 2007 de laquelle il n'est pas possible de déduire que la S.A. C M A / C G M entendait se prévaloir du privilège spécial ; que dans le corps de l'assignation (les motifs), il est fait simplement état « d'une procédure de vente gage de la marchandise engagée devant le tribunal d'Anvers », indication insuffisante, fugace et très indirecte pour permettre au mandataire de justice qui reçoit une telle déclaration, de se convaincre de la nature privilégiée de la créance ; que la « rectification d'erreur matérielle » a les effets d'une seconde déclaration de créance, en conférant des droits accrus au bénéfice de la S.A. C M A / C G M, l'un des créanciers de la S.A. Établissements FONTVIELLE , et au détriment de tous les autres ; que la déclaration de créance supplémentaire a été faite hors délai et est donc atteinte par la forclusion ;

Attendu que le droit de rétention constitue, selon le nouvel article 2286 du Code Civil, une sûreté réelle qui permet au transporteur maritime en garantie du paiement de son fret, de retenir la marchandise qu'il détient et qui fait l'objet d'un contrat de transport l'obligeant à la livrer au destinataire ; que la S.A. C M A / C G M en ne faisant pas état dans sa déclaration de créance du privilège dont elle bénéficiait et en renonçant en quelque sorte à l'invoquer, perd sa qualité de créancier privilégié que lui conférait la loi n° 66-420 du 18 juin 1966 et ne pourrait plus retenir la marchandise, (les deux instruments : droit de rétention et privilège du transporteur maritime étant fortement imbriqués à cet égard) ; que, cependant, la S.A. C M A / C G M avait déjà réalisé son gage en obtenant, le 22 mai 2007, l'autorisation judiciaire en Belgique de faire vendre la marchandise et de se faire remettre par l'autorité chargée d'effectuer la vente (l'expert [K]), les sommes tirées de celle-ci ; que l'expert [S] [K] a procédé à l'adjudication par soumission d'offres jusqu'au 24 septembre 2007, avec obligation pour l'acquéreur mieux-disant de prendre livraison de la marchandise avant le 8 octobre 2007, (le profit net de la vente s'élevant à la somme de 34.397,50 € a été remise à l'avocat belge de la S.A. C M A/C G M Belgium) ; que la S.A. C M A / C G M a donc fait réaliser son gage avant l'ouverture de la procédure collective de la S.A. Établissements FONTVIELLE, mise en liquidation judiciaire immédiate, le 26 octobre 2007 ; que les fonds tirés de la mise en 'uvre régulière du droit de rétention et attribués à la S.A. C M A / C G M avant l'ouverture de la procédure collective  doivent lui rester définitivement acquis ; que, par contre, la déclaration de créance faite à hauteur de 90.489,52 € (réclamation ramenée ultérieurement à 81.216 €), sans indication de sa nature privilégiée produira ses effets en ce qui concerne le surplus de la créance après déduction de la somme de 34.397,50 €, soit (81.216 € - 34.397,50 € = ) 46.818,50 € ;

Attendu que l'exercice de la voie de recours et l'attitude procédurale globale de Maître [D] [N], ès-qualités, n'ont pas dégénéré en abus dès lors qu'ils n'ont pas révélé de la part de son auteur une intention manifeste de nuire et/ou qu'ils n'ont pas procédé d'une erreur grossière équipollente au dol ; que les intimées seront déboutées de leur demande en dommages-et-intérêts présentée à ce titre ;

Attendu que l'équité commande de faire application de l'article 7OO du code de procédure civile ; que la partie tenue aux dépens devra payer aux deux autres des sommes au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour d'Appel d'AIX en PROVENCE à la date indiquée à l'issue des débats, conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Reçoit l'appel de Maître [D] [N], ès-qualités, comme régulier en la forme.

Dit n'y avoir lieu à jonction de l'instance principale, RG N ° 2009/211121 avec l'appel provoqué de la S.A. C M A / C G M à l'encontre de la société Nanjing Arser Wood & Co.

Au fond, confirme le jugement déféré en ses dispositions ayant débouté Maître [D] [N], ès-qualités, de sa demande en paiement au titre du contrat de vente N° JTK 81044, ayant constaté l'existence de la créances de la société China Shipping Containers Ltd au passif de la S.A. Établissements FONTVIELLE et ayant reconnu son caractère privilégié, sauf à en fixer le montant à 642.492 € et ayant constaté l'existence de la créance de la S.A. C M A / C G M au passif de la S.A. Établissements FONTVIELLE, sauf à en fixer le montant à 46.818,50 € et lui reconnaître le caractère chirographaire pour ce montant.

Y ajoutant, condamne Maître [D] [N], ès-qualités, à porter et payer à la société China Shipping Containers Ltd et à la S.A. C M A / C G M, à chacun d'elles, la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel.

Condamne Maître [D] [N], ès-qualités, aux entiers dépens de l'instance, conformément aux articles 696 et 699 du code de procédure civile, avec, le cas échéant, s'ils en ont fait la demande, le droit pour les représentants des parties de recouvrer directement contre la (ou les) partie(s) condamnée (s) ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision.

LE GREFFIERP/LE PRÉSIDENT empêché

M. Baudouin FOHLEN, Conseiller


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 09/21121
Date de la décision : 05/11/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 02, arrêt n°09/21121 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-11-05;09.21121 ?
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