COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
17e Chambre
ARRÊT MIXTE
DU 30 OCTOBRE 2012
N°2012/
YR/FP-D
Rôle N° 11/14800
[L] [X]
C/
ASSOCIATION SPORTIVE DE [Localité 6] FOOTBALL CLUB
Grosse délivrée le :
à :
Me Michel DUHAUT, avocat au barreau de GRASSE
Me René SCHILEO, avocat au barreau de NICE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 19 Juillet 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 09/1266.
APPELANT
Monsieur [L] [X], demeurant Chez Monsieur [N] [Adresse 8]
représenté par Me Michel DUHAUT, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Leslie GIANNIELLO, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
ASSOCIATION SPORTIVE DE [Localité 6] FOOTBALL CLUB, agissant en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualité audit siège, demeurant Stade [4] - [Adresse 1]
représentée par Me René SCHILEO, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 10 Septembre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Yves ROUSSEL, Président, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Yves ROUSSEL, Président
Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller
Madame Corinne HERMEREL, Conseiller
Greffier lors des débats : Françoise PARADIS-DEISS.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Octobre 2012
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Octobre 2012
Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le 21 août 2003, M. [L] [X] a signé avec l' AS [Localité 6] FC un contrat de travail à durée déterminée à effet du 1er juillet 2003 au 30 juin 2004, pour occuper un emploi de préparateur physique adjoint, tant auprès de l'équipe professionnelle qu'auprès de l'équipe amateur.
Par l'effet d'un avenant signé le 2 juillet 2004, le contrat a été prolongé jusqu'au 30 juin 2007, puis il a été prolongé une nouvelle fois jusqu'au 30 juin 2009, date à laquelle il y a été mis fin.
Contestant ce qu'il a estimé être une rupture illicite de ce contrat, M. [L] [X] a saisi le tribunal du travail de Monaco le 24 juillet 2009 et le conseil de prud'hommes de Nice, le 30 juillet 2009, de différentes demandes.
L'instance pendante devant le tribunal du travail de Monaco a été radiée et l'AS [Localité 6] a soulevé l'incompétence territoriale du conseil de prud'hommes de Nice, au profit du juge monégasque.
Par jugement du 27 juillet 2010, le conseil de prud'hommes de Nice s'est déclaré compétent et a renvoyé la cause les parties à plaider au fond.
Ce jugement est définitif par suite du désistement de l' AS [Localité 6] FC du contredit qu'elle a formé contre celui-ci.
C'est ainsi que par jugement du 19 juillet 2011, le conseil de prud'hommes de Nice a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par l' AS [Localité 6] FC , jugé que le droit français était applicable, ainsi que la convention collective du sport, débouté M. [L] [X] de sa demande et l' AS [Localité 6] FC de sa demande reconventionnelle et mis les dépens à la charge de cette dernière.
Appelant, M. [L] [X] demande à la cour de juger que la loi française est applicable au présent litige ; que son contrat de travail à durée déterminée doit être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée et que l' AS [Localité 6] FC lui est redevable de la somme de 5516 €, au titre de l'indemnité de requalification, de celle de 9424,81 euros, au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, de celle de 11 033,92 euros, au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre le 10e de cette somme au titre des congés payés, de celle de 5116 €, à titre de dommages-intérêts pour irrégularité du licenciement, de 61 192 €, à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de celle de 33 021,25 euros, à titre de rappel de salaire au titre du 13e mois, de celle de 3302 €, au titre des congés payés et de celle de 3000 €, à titre d'indemnité, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les intérêts légaux à compter de la saisine du conseil de prud'hommes, la remise d'un bulletin de salaire et des documents sociaux sous astreinte et la condamnation de l' AS [Localité 6] FC aux dépens.
L' AS [Localité 6] FC demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et, vu la convention de Rome en date du 19 juin 1980, de dire que le contrat de travail litigieux doit être régi dans les aspects visés à l'article 10 de la dite convention, en application de la loi monégasque, de débouter M. [L] [X] de sa demande tendant à faire appliquer la loi française, de renvoyer les parties à conclure sur l'application de la loi monégasque, de rejeter la demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée et de condamner M. M. [L] [X] à lui payer la somme de 3500 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, il est renvoyé au jugement entrepris, aux pièces et aux conclusions développées oralement à l'audience.
SUR CE, LA COUR,
Les parties articulent leurs moyens et prétentions sur la base des dispositions de la convention de Rome du 19 juin 1980, applicable aux obligations contractuelles dans les situations comportant un conflit de lois, même si la loi désignée est celle d'un État non contractant, comme l'est la principauté de Monaco.
En l'espèce, les parties, qui avaient la liberté de le faire, n'ont pas choisi explicitement une loi applicable.
Pour le contrat de travail, est d'application soit la loi du pays où le travailleur accomplit habituellement son travail ( art.6a), soit la loi du pays où se trouve l'établissement qui a embauché le travailleur (6b), à moins qu'il ne résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays.
M. [L] [X] prétend rapporter la preuve de ce qu'il accomplissait habituellement son travail en France.
À cet égard il fait valoir que, pendant six ans, il a exercé les attributions de préparateur physique adjoint au centre d'entraînement de [2] de l' AS [Localité 6] FC, lequel est situé sur le territoire français ; que dans la pièce adverse numéro 5, employeur reconnaît : « après l'arrivée de M. [F] [V], il a été adjoint et chargé de la mise en récupération des joueurs blessés » ; qu'or, la mise en récupération des joueurs blessés se déroule uniquement au centre d'entraînement de [2] ; que M. [C] [H], ancien préparateur physique, en témoigne dans ces termes : « j'atteste qu'[L] [X] effectuait la grande majeure partie de son temps de travail au centre d'entraînement de l' AS [Localité 6] de La Turbie. Il était présent au centre d'entraînement de [2] pour les entraînements et la réhabilitation des blessés de l'équipe professionnelle » ; que ce témoin atteste aussi que sa présence au stade [S] II représentait une petite partie de son temps de travail et qu'il n'y était présent que pour de rares entraînements; que l' AS [Localité 6] FC qui prétend le contraire, ne produit aucune preuve de ses affirmations, à l'exception d'un planning rédigé par elle-même pour les besoins de la cause, qui est dépourvu de toute valeur probante ; qu'au surplus, elle reconnaît dans sa pièce numéro 4 que tous les entraînements ont lieu au centre d'entraînement de [2] ; qu'elle se garde bien de produire la liste des matchs à domicile où elle affirme qu'il est intervenu ; qu'il était également présent au centre d'entraînement de [2] pour des entraînements individuels permettant aux joueurs revenant de blessure de récupérer le plus rapidement possible une condition physique élevée ; que de plus, chaque séance d'entraînement comportait un temps de présence plus important que le temps d'entraînement sur le terrain pour différents préparatifs (faire le point sur les joueurs avec le staff médical, mettre en place le matériel sur le terrain, ranger le matériel après la séance, accompagner les joueurs ayant un programme spécifique dans la salle de musculation, etc.), ce qui représentait pour chaque entraînement, un temps de présence d'environ 4h30 minimum ; que d'autre part, la veille d'un match à l'extérieur l'entraînement collectif a lieu au centre d'entraînement de [2] ; que n'ayant pas de rôle attribué lors des rencontres sportives, il se déplaçait avec l'équipe et assistait à celles-ci uniquement par plaisir ; que le témoignage de M.[P], responsable financier de l' AS [Localité 6] FC n'est guère probant, et fait, au demeurant, référence à son activité à [2].
L' AS [Localité 6] FC ne conteste pas que M. [L] [X] exerçait, pour partie, ses activités professionnelles sur le territoire français à [2] mais prétend qu'il n'y exerçait pas ses fonctions de manière habituelle, puisqu'il était surtout amené à travailler au stade [4], en principauté de Monaco où se trouvent les installations sportives et médicales principales, pour des séances d'entraînement et des rencontres à domicile officielles ou amicales, ou encore des tests d'aptitude physique, alors que le centre d'entraînement de [2] n'est pas un établissement de l'employeur, mais seulement un ensemble de terrains de jeu, de vestiaires et une salle de soins, notamment, ce qui n'est pas contesté par le salarié.
De fait, M. [P], responsable financier de l' AS [Localité 6] FC , atteste en pièce numéro 5 :«M.[L] [X] (') A exercé son activité en partie au centre d'entraînement du club situé à (')[2] (') Par contre il était présent au stade [4] (') Monaco ») .
Ces éléments, qui contredisent l'attestation produite parle salarié, sont à mettre en parallèle avec le fait que M. [L] [X] devait à son employeur 169 heures de travail hebdomadaire et qu'au regard des éléments de planning donnés par ce dernier ( « à l'exception du mardi, jour où était prévu de séance d'entraînement et du lundi, totalement vacant, les autres jours ne comprenaient qu'une seule séance d'entraînement d'une heure ou d'une heure et demie, soit un travail d'une durée de 7h30 par semaine à [2] »), M. [X] n'étaye pas suffisamment son affirmation selon laquelle il passait la majeure partie de son temps sur le territoire français, alors au surplus que le contrat de travail signé le 12 juin 2007 mentionne que son activité « s'exerce principalement à Monaco et en tout lieu où l'équipe professionnelle sera amenée à s'entraîner ou se produire ».
Au regard de ces éléments, le critère subsidiaire à prendre en compte est le lieu où se trouve l'établissement qui a procédé à l'embauche, soit la principauté de Monaco .
Pour mettre en échec l'application de ce dernier critère, M. [L] [X] fait valoir que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays, en l'occurrence la France, ceci en raison du fait que l' AS [Localité 6] FC engage son équipe professionnelle dans le championnat de France de ligue 1 ; qu'elle est affilié à la Fédération Française de Football, laquelle est signataire de la convention collective des personnels administratifs et assimilés du football dont le champ d'application vise les organismes employeurs relevant d'elle ; qu'il en résulte l' acceptation de l' AS [Localité 6] FC se soumettre à la loi française ; que selon l'article L2262-1 du code du travail, l'application des conventions et accords est obligatoire pour tous les signataires ou membres des organisations ou groupements signataires, règles qui s'appliquent à la Fédération Française de Football qui est signataire de la convention collective des personnels administratifs et assimilés du football ; que dès lors le contrat de travail de M. [L] [X] est régi par cette convention, puisque il est de nationalité française, que son domicile est situé en France, qu'il a perçu sa rémunération en France et a toujours accompli son travail en France.
Mais aux critères ainsi énoncés par le salarié, s'oppose le fait que contrat a été établi conformément aux lois monégasques ( contrat signé le 12 juin 2007 à Monaco : « le présent contrat est un contrat de travail à durée déterminée conclu conformément à la législation du travail en vigueur en principauté de Monaco »), ceci en vertu d'une autorisation d'embauche délivrée par les autorités monégasques le 23 août 2004 et qu'il a été exécuté principalement en principauté de Monaco sous le régime de protection sociale de la principauté, la rémunération ayant été versée à partir d'un compte bancaire monégasque.
Il en résulte qu'il présente des liens plus étroits avec Monaco qu'avec la France, en sorte que, la loi monégasque étant applicable, la cour ne peut accueillir les demandes présentées sur le fondement de la loi française, lesquelles seront rejetées.
En revanche, les parties devront faire valoir leurs observations sur les conséquences de l'application de la loi monégasque au contrat et présenter leurs prétentions, s'il échet , à une audience de renvoi.
À ce stade, l'équité commande qu'il ne soit pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens seront réservés.
PAR CES MOTIFS
statuant publiquement contradictoirement,
INFIRMANT le jugement entrepris,
DIT qu'en application de la convention de Rome du 19 juin 1980, la loi applicable au contrat de travail conclu entre les parties est la loi monégasque,
En conséquence,
REJETTE les demandes présentées par M. [L] [X] contre l' AS [Localité 6] FC sur le fondement de la loi française,
RENVOIE les parties à présenter leurs observations et prétentions, sur le fondement de la loi compétente, à l'audience du lundi 25 février 2013 à 8 h 45, la notification du présent arrêt valant convocation des parties,
REJETTE toute autre demande,
RESERVE les dépens.
LE GREFFIERLE PRESIDENT