COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
18e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 16 OCTOBRE 2012
N°2012/
Rôle N° 11/10180
Sarl LES PALMIERS
C/
[P] [C]
Grosse délivrée le :
à :
- Me Patrick INGLESE, avocat au barreau de TOULON
- Me Xavier ARRIGHI, avocat au barreau de TOULON
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 27 Mai 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 10/788.
APPELANTE
Sarl LES PALMIERS, demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Patrick INGLESE, avocat au barreau de TOULON
INTIMEE
Madame [P] [C]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2011/005687 du 18/10/2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Xavier ARRIGHI, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 05 Septembre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Guénael LE GALLO, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Gisèle BAETSLE, Président
Monsieur Guénael LE GALLO, Conseiller
Madame Fabienne ADAM, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Julia DELABORDE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Octobre 2012
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Octobre 2012
Signé par Monsieur Guénael LE GALLO, Conseiller, pour le Président empêché et Mme Julia DELABORDE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES
Embauchée par la S.A.S. Les Palmiers, exploitant un magasin Intermarché à [Localité 2], en qualité de 'second responsable marée', statut agent de maîtrise niveau 5 de la convention collective du commerce à prédominance alimentaire, suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 octobre 2006, victime d'un accident du travail le 18 octobre 2008, Madame [P] [C] a été licenciée le 22 juin 2010 pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.
Par requête déposée le 5 août 2010, Madame [C], estimant avoir été victime d'une rupture d'égalité de rémunération par rapport à un autre salarié travaillant dans le même rayon, Monsieur [M], embauché le 3 avril 2007, a saisi le conseil de prud'hommes de Toulon afin d'obtenir la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 62.712,16 € à titre de rappel de salaire sur le fondement du principe 'à travail égal, salaire égal', outre une indemnité pour frais irrépétibles.
Par jugement du 27 mai 2011, le conseil de prud'hommes a dit qu'il y avait eu inégalité de traitement entre Madame [C] et Monsieur [M] et a condamné la S.A.S. Les Palmiers à payer à la requérante la somme de 59.405 € à titre de 'reconstitution de salaire', outre une indemnité de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à lui remettre les documents sociaux conformes, sous astreinte de 50 € par jour de retard passé le délai de 30 jours à compter de la notification du jugement dans la limite de 3 mois.
La société Les Palmiers a interjeté appel de cette décision le 6 juin 2011.
Aux motifs selon elle que Madame [C], second responsable de marée, et Monsieur [M], responsable du rayon poissonnerie, embauché en remplacement de Monsieur [Z], absent pour longue maladie, n'exerçaient pas les mêmes fonctions, n'avaient pas le même niveau de responsabilité, ne justifiaient pas de la même expérience et n'étaient donc pas placés dans une situation identique, ce qui explique la différence de rémunération, l'appelante a fait soutenir oralement à l'audience des conclusions écrites dans lesquelles elle demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, de débouter la salariée de ses prétentions et de la condamner à payer la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Répliquant dans ses écritures plaidées à l'audience qu'elle exerçait les mêmes fonctions que Monsieur [M], que son expérience était équivalente à celle dont celui-ci se prévalait et qu'elle bénéficiait d'une ancienneté supérieure, la salariée intimée demande à la cour :
- à titre principal, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a reconnu l'existence d'une discrimination salariale sur le fondement du principe 'à travail égal, salaire égal', mais de le réformer sur le montant de la somme allouée, qu'elle demande de porter à 60.912,16 € ;
- subsidiairement, de lui allouer la somme de 51.675 € en réparation de son préjudice ;
- en tout état de cause, d'ordonner la remise des documents sociaux conformes sous astreinte de 50 € par jour de retard et de condamner l'employeur à lui payer la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE L'ARRÊT
- sur la recevabilité de l'appel
La recevabilité de l'appel n'est pas discutée. Les éléments du dossier ne conduisent pas la cour à le faire d'office.
- sur le fond
En application du principe 'à travail égal, salaire égal', il appartient à l'employeur d'établir que la différence de rémunération constatée entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale est justifiée par des éléments objectifs et pertinents.
En l'espèce, s'il est exact que Madame [C] a été embauchée, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 octobre 2006, en qualité de 'seconde responsable marée', moyennant un salaire mensuel brut de base de 1.600 €, tandis que Monsieur [M] a pour sa part été engagé, suivant contrat de travail à durée déterminée à terme incertain à compter du 3 avril 2007, en qualité de 'responsable poissonnerie', moyennant un salaire mensuel brut de base de 1.800 € porté à 2.100 €, en remplacement de Monsieur [Z], absent pour maladie, qui percevait quant à lui un salaire brut mensuel de 1.650 €, il n'en demeure pas moins :
- que Madame [C] et Monsieur [M] avaient le même statut d'agent de maîtrise, niveau 5 de la convention collective applicable ;
- que la 'fiche indicative de fonctions pour l'emploi de second responsable de marée', annexée au contrat de travail de Madame [C], et la 'fiche indicative de fonctions pour l'emploi de responsable de marée', annexée au contrat de travail de Monsieur [M], sont, hormis cette différence d'intitulé, strictement identiques quant aux diverses missions confiées sous les mêmes rubriques : 'commercial', 'management', 'gestion', 'administratif' et 'réglementation'.
Au surplus, alors que Madame [C] produit une attestation de Monsieur [Z], déclarant que tous deux exerçaient exactement les mêmes fonctions, en alternance le matin et l'après-midi, ce que confirme une autre salariée employée dans un rayon voisin, l'employeur se borne à communiquer les témoignages de :
- Monsieur [M], déclarant simplement qu'après une période d'essai de quatre mois, le poste de responsable du rayon poissonnerie lui a été proposé 'avec un salaire équivalent', compte tenu de la 'progression du rayon et de (son) professionnalisme' ;
- Monsieur [W], directeur du magasin, dont il ne résulte pas qu'en dépit des critiques émises sur ses 'capacités de chef de rayon', Madame [C] exerçait des fonctions différentes de celles de Monsieur [M].
Enfin, si l'employeur met en exergue la différence de parcours professionnel et la plus grande expérience de Monsieur [M], dont le curriculum vitae mentionne l'exercice d'emplois de responsable marée et d'agent de maîtrise marée depuis 1987, tandis que, dans une attestation qu'il verse aux débats, la responsable d'une agence de travail intérimaire déclare avoir régulièrement employé Madame [C], à partir du mois de septembre 2004, en qualité de simple 'vendeuse marée ou de poissonnière', et ajoute que celle-ci 'n'a jamais exercé de poste de responsable de rayon', la salariée intimée communique son propre curriculum vitae, indiquant qu'elle a géré une supérette, puis une poissonnerie et un restaurant, avant d'exercer, de 1996 à 2006, des emplois intérimaires de 'chef de rayon en grande surface.'
En conséquence, c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a considéré que l'employeur ne justifiait pas la différence de rémunération entre Madame [C] et Monsieur [M] par des éléments objectifs et pertinents.
Non utilement contredite par l'employeur, la demande de rappel de salaire au titre de la période du 3 avril 2007 au 18 octobre 2008, fondée dans son principe et son montant fixé en cause d'appel à la somme de 10.800 €, sera accueillie.
S'agissant de la période postérieure, au cours de laquelle Madame [C] a été placée en arrêt de travail ininterrompu jusqu'à son licenciement, si celle-ci est fondée à réclamer, non pas un rappel de salaire, mais l'indemnisation du préjudice qu'elle a nécessairement subi du fait que ses indemnités journalières de sécurité sociale ont été calculées sur la base d'un salaire inférieur à celui auquel elle était en droit de prétendre, elle ne justifie toutefois pas sa demande, chiffrée à la somme de 50.112,16 € par comparaison entre son salaire brut mensuel de 2.186 €, qui a servi de base au calcul de ces indemnités, et celui de Monsieur [M], qu'elle fixe à 5.500 €, alors que ce montant correspond à la rémunération que ce dernier a perçue pour le seul mois de septembre 2008 et qu'elle admet que le salaire mensuel brut moyen de l'intéressé ressort à la somme de 3.325 €.
En conséquence, suivant sa méthode de calcul non sérieusement critiquée par l'employeur et que la cour adopte, consistant à déduire le montant des indemnités journalières de sécurité sociale qu'elle a perçues, pendant la période du 18 octobre 2008 au 15 mai 2010, sur la base de son salaire brut mensuel de 2.186 €, soit la somme totale de 33.043,92 €, du montant des indemnités qu'elle aurait perçues sur la base du salaire brut mensuel de 3.325 € auquel elle pouvait prétendre, Madame [C] se verra allouer la somme de 17.230,06 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice afférent.
Le jugement sera infirmé en ce sens, étant précisé que l'employeur devra remettre les documents sociaux conformes sous astreinte de 20 € par jour de retard passé le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale, par mise à disposition au greffe,
Reçoit l'appel,
Confirme le jugement entrepris, sauf sur le montant du rappel de salaire alloué à Madame [C],
Statuant de nouveau à ce titre et y ajoutant,
Condamne la S.A.S. Les Palmiers à payer à Madame [C] les sommes suivantes :
* rappel de salaire du 3/04/2007 au 18/10/200810.800,00 €
* dommages et intérêts au titre de la période postérieure 17.230,06 €
Dit que l'employeur devra remettre à la salariée les documents sociaux conformes sous astreinte de 20 € par jour de retard passé le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt,
Dit que la somme allouée à Madame [C] en première instance couvrira les frais irrépétibles d'appel,
Rejette la demande de la S.A.S. Les Palmiers au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Condamne cette société aux dépens d'appel.
LE GREFFIER. LE CONSEILLER,
POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ.