COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
2e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 11 OCTOBRE 2012
N° 2012/ 397
Rôle N° 11/19475
SARL PITO
C/
SAS BETONS GRANULATS SERVICES (BGS)
Etablissement SYLVESTRE BETONS
Grosse délivrée
le :
à :
MICHOTEY
BADIE
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 04 Novembre 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 2011R00712.
APPELANTE
S.A.R.L. PITO,
dont le siège social est sis [Adresse 9]
représentée par Me Francoise MICHOTEY, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
plaidant par la SCP GOBERT & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE (Me Nicolas FOUILLEUL)
INTIMEES
S.A.S. BETONS GRANULATS SERVICES (BGS),
dont le siège social est sis [Adresse 10]
représentée par la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocats postulants au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constituée aux lieu et place de la SCP MJ DE SAINT FERREOL ET COLETTE TOUBOUL, avoué, précédemment constituée
plaidant par Me Hugues DE CHIVRE, avocat au barreau d'AVIGNON
Etablissement SYLVESTRE BETONS,
dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocats postulants au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constituée aux lieu et place de la SCP MJ DE SAINT FERREOL ET COLETTE TOUBOUL, avoué, précédemment constituée
plaidant par Me Hugues DE CHIVRE, avocat au barreau d'AVIGNON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 20 Septembre 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur SIMON, président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Robert SIMON, Président
Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller
Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Viviane BALLESTER.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Octobre 2012
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Octobre 2012,
Signé par Monsieur Robert SIMON, Président et Madame Viviane BALLESTER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
La S.A.R.L. PITO exploite, depuis le mois de novembre 2006, un fonds de commerce de restauration à l'enseigne « Les Enfants Gâtés » à [Adresse 4] ». La S.A.S. Bétons Granulats Services et la société Établissement Sylvestre Béton exploitent à proximité immédiate une centrale de fabrication de béton prêt à l'emploi, implantée à une date controversée (janvier 2009 ou début 2010).
Par ordonnance de référé contradictoire en date du 4 novembre 2011, Monsieur le Président du Tribunal de Commerce de Marseille a débouté la S.A.R.L. PITO de sa demande fondée sur les troubles excédant les inconvénients normaux de voisinage visant à la cessation immédiate de l'exploitation de la centrale à béton, sous astreinte provisoire.
La S.A.R.L. PITO a régulièrement fait appel de cette décision dans les formes et délai légaux.
Vu les dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret N° 98-1231 du 28 décembre 1998.
Vu les prétentions et moyens de la S.A.R.L. PITO dans ses conclusions récapitulatives et en réplique N° 1 en date du 7 septembre 2012 tendant à faire juger :
que l'exploitation de son fonds de commerce de restaurant subit des nuisances anormales avec baisse du chiffre d'affaires provenant des conditions d'exploitation de la centrale à béton ( principalement nuages de poussières, routes et abords souillés par des graviers, gravillons et laits de ciment'),
que la preuve de l'importance de ces nuisances est faite par la production d'attestations de riverains ou clients, de multiples plaintes ou procédures engagées, des procès-verbaux d'huissier ou de constatations d'infractions relevées par la police municipale (sept)',
que le juge des référés est compétent à ce seul titre pour faire cesser le trouble,
qu'au surplus, la société des Établissement Sylvestre Béton a implanté de manière irrégulière la centrale à béton en sa passant de l'autorisation d'urbanisme qui était requise s'agissant d'une centrale de transformation montée sur des plots en béton et présentant une certaine dimension et une certaine surface au sol,
que la centrale à béton ne pouvait être implantée dans une zone NAE 3 réservée à des activités artisanales selon le document d'urbanisme applicable,
que la centrale à béton a été également implantée dans la zone désignée comme non aedificandi (inconstructible) de l'autoroute A 50 (bande de 50 mètres par rapport à l'axe de l'autoroute),
que la non-opposition de la commune d'Aubagne à la déclaration d'installation d'un compteur électrique pour l'alimentation de la centrale à béton ne vaut pas autorisation qui n'a jamais été sollicité et donc donnée,
que la centrale à béton a été implantée en violation des règles relatives aux Installations Classées pour la Protection de l'Environnement, qui exigeaient une demande d'autorisation antérieure au début d'activité eu égard à la puissance de l'ensemble de l'installation électrique nécessaire au fonctionnement, un contrôle de l'autorité compétente a relevé diverses infractions non réellement corrigées,
qu'il y a urgence à voir cesser les nuisances dont l'existence est patente et a été constatée à de nombreuses reprises ;
Vu les prétentions et moyens de la S.A.S. Bétons Granulats Services et de la société des Établissement Sylvestre Béton dans leurs conclusions en date du 6 avril 2012 tendant à faire juger :
que l'installation de la centrale à béton ne contrevient à aucune règle d'urbanisme (POS ou PLU), l'activité exercée étant artisanale et non industrielle au regard du nombre d'employés sur le site (2), eu égard à la nature des installations non fixes et sans emprise au sol (« deux silos de stockage, une centrale de transformation montée sur plots à béton et un abri type Algéco »),
que la commune d'Aubagne ne s'est pas opposée, le 7 décembre 2010, à l'installation d'un compteur électrique alimentant la centrale à béton,
que l'activité exercée est simplement soumise à déclaration (faite le 6 novembre 2010) et non à autorisation au regard des règles relatives aux Installations Classées pour la Protection de l'Environnement, et il a été satisfait globalement aux remarques faites à l'occasion du contrôle des services compétents de l'État,
que la preuve des nuisances ne peut être rapportée par des attestations de clients ou riverains non parties au procès,
que les nuisances principalement par temps sec et de fort Mistral n'excédent pas les inconvénients ou désagréments normaux de voisinage et devront être supportées par la S.A.R.L. PITO, outre qu'il y est remédié par un nettoiement périodique tant du site que de la voie publique ;
L'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire a été rendue le 3 septembre 2012.
Attendu que l'article 873 alinéa 1 du code de procédure civile dispose que même en présence d'une contestation sérieuse, le président du Tribunal de Commerce, dans les limites de la compétence de la juridiction consulaire, peut prescrire en référé les mesures conservatoires qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite ; que la S.A.R.L. PITO fonde son action visant à « la cessation immédiate de l'exploitation » de la centrale à béton sur le fait que l'exploitation telle qu'elle est faite actuellement entraîne pour le propriétaire du fonds de commerce riverain de restauration avec terrasse, des troubles excédant les inconvénients normaux de voisinage ;
Attendu qu'il n'est pas contesté par la S.A.S. Bétons Granulats Services et par la société des Établissement Sylvestre Béton que les limites de compétence de la juridiction consulaire sont telles que son Président peut prescrire en référé les mesures qui sont sollicitées ; que par ailleurs, l'existence d'une contestation sérieuse ne fait pas obstacle à la prescription de mesures conservatoires si des mesures s'imposent pour prévenir un dommage imminent ;
Attendu que sans s'arrêter aux conditions juridiques dans lesquelles la S.A.S. Bétons Granulats Services et la société des Établissement Sylvestre Béton ont implanté la centrale à béton et exercent depuis lors leur activité, (même s'il apparaît que plusieurs réglementations n'ont vraisemblablement pas été observées), il convient et il suffit d'examiner les conditions matérielles dans lesquelles cette activité est exercée, pour apprécier s'il y a lieu d'appliquer l'article 873 alinéa 1 du code de procédure civile ; qu'au demeurant, même pourvues de toutes les autorisations et habilitations requises, la S.A.S. Bétons Granulats Services et la société des Établissement Sylvestre Béton devraient répondre des conséquences d'une exploitation de la centrale à béton préjudiciable gravement aux intérêts de tiers ;
Attendu qu'il ressort d'un ensemble d'éléments suffisamment probants que les conditions actuelles dans lesquelles la S.A.S. Bétons Granulats Services et la société des Établissement Sylvestre Béton exploitent la centrale à béton génèrent pour la S.A.R.L. PITO des nuisances de toute nature excédant les inconvénients normaux de voisinage ; que les attestations versées au débat et parfaitement recevables, contrairement à ce que soutiennent la S.A.S. Bétons Granulats Services et la société des Établissement Sylvestre Béton qui voudraient qu'elles en soient écartées « dans la mesure où elles émanent de personnes qui ne sont pas demanderesses à la présente procédure » !!! (comme si témoigner était réservé aux parties et'possible juridiquement  !!!), font état, notamment celles de clients du restaurant dissuadés de continuer à le fréquenter, de graves nuisances (dépôt et environnement de poussières, graviers et gravillons épandus sur la voie publique devant le restaurant et sur son parking, air chargé de poussières') ; que le Maire de la Ville d'[Localité 1] a déposé une plainte contre les exploitants pour non-conformité par rapport à la réglementation d'urbanisme et « nuisances générées par la centrale à béton  » en « souhaitant l'arrêt de cette activité sur le site » ; que la police municipale a relevé de nombreuses infractions de voirie (5) et a établi des « mains courantes » (3) visant des dépôts de poussières de ciment, des projection de gravillons' ; que des constats d'huissier établis sur plusieurs jours et encore récemment, pour le dernier, les 29 et 31 août 2012 et 4 septembre 2010, avec clichés photographiques nombreux révèlent l'importance des dépôts de ciment et graviers maculant l'environnement immédiat du restaurant et celle de nuages de poussières l'enveloppant aux passages fréquents des camions-toupies ; que l'acuité du « problème » a provoqué, la création d'une association de défense collective « [Adresse 8] », déclarée en Préfecture des Bouches du Rhône, le 20 juin 2011, dont la S.A.R.L. PITO fait bien naturellement partie ;
Attendu qu'il ressort de cet ensemble d'éléments qu'il existe un dommage imminent pour la pérennité de la S.A.R.L. PITO à ce que la S.A.S. Bétons Granulats Services et la société des Établissement Sylvestre Béton continuent d'exploiter leur activité dans les conditions décrites générant effectivement un trouble anormal de voisinage ;
Attendu que l'équité commande de faire application de l'article 7OO du code de procédure civile ; que la partie tenue aux dépens devra payer à l'autre une somme de 1.500 € au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, en référé, prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour d'Appel d'AIX en PROVENCE à la date indiquée à l'issue des débats, conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Reçoit l'appel de la S.A.R.L. PITO comme régulier en la forme.
Réforme en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé attaquée.
Statuant à nouveau, ordonne l'arrêt de l'activité de la centrale à béton exercée par la S.A.S. Bétons Granulats Services et par la société des Établissement Sylvestre Béton sur le site du quartier [Adresse 4], sous astreinte provisoire de 700 € par jour de retard à l'issue d'un délai de quinze jours suivant la signification du présent arrêt.
Condamne in solidum la S.A.S. Bétons Granulats Services et la société des Établissement Sylvestre Béton à porter et payer à la S.A.R.L. PITO la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne in solidum la S.A.S. Bétons Granulats Services et la société des Établissement Sylvestre Béton aux entiers dépens de l'instance, conformément aux articles 696 et 699 du code de procédure civile, avec, le cas échéant, s'ils en ont fait la demande, le droit pour les représentants des parties de recouvrer directement contre la (ou les) partie(s) condamnée (s) ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT