COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 11 OCTOBRE 2012
N° 2012/ 384
Rôle N° 11/11250
Sarl BARBOSSI EXCOM
C/
Société OCIAL P7 LIMITED
[M] [C]
Sarl FONTVAL EVASION
Grosse délivrée
le :
à :JAUFFRES
TOLLINCHI
MAGNAN
Décision déférée à la Cour :
Certificat d'admission n° 11/643 du Juge Commissaire du Tribunal de Commerce d'AIX-EN-PROVENCE en date du 27 Mai 2011
APPELANTE
Sarl BARBOSSI EXCOM, poursuites et diligences de son représentant légal en exxercice et encore à l'enseigne 'L'ETRIER DE BARBOSSI', [Adresse 5], dont le siège est sis [Adresse 1]
représentée par Me Jean Marie JAUFFRES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et plaidant par Me Michèle ROCCA, avocat au barreau de GRASSE,
INTIMES
Société OCIAL P7 LIMITED, poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, dont le siège est sis [Adresse 3]
défaillante
Maître [M] [C], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la Société OCIAL 97 LIMITED, demeurant [Adresse 2]
représenté par la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et plaidant par Me Stéphane AGUIRAUD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Sarl FONTVAL EVASION, agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice, intervenante volontaire
demeurant [Adresse 4]
représentée par la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et plaidant par Me Camille GENEVOIS, avocat au barreau de MARSEILLE du cabinet de Me Frédéric BOUHABEN, avocat au barreau de MARSEILLE
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COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 11 Septembre 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Vincent PELLEFIGUES, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Jean-Louis BERGEZ, Président
Madame Brigitte BERTI, Conseiller
Monsieur Vincent PELLEFIGUES, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Octobre 2012
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT
Défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Octobre 2012,
Rédigé par Monsieur Vincent PELLEFIGUES, Conseiller
Signé par Monsieur Jean-Louis BERGEZ, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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La société aussi OCIAL P7 TLD a donné en pension à la SARL BARBOSSI EXCOM ,qui exploite un centre équestre , deux chevaux.
La société OCIAL rencontrant des difficultés financières ne s'est plus acquittée des frais de pension
Le 1er octobre 2009, le juge de l'exécution de Grasse, sur l'assignation de la société BARBOSSI, a autorisé celle-ci a procédé à la saisie conservatoire des deux chevaux, fixant provisoirement sa créance en principal à la somme de 14'563,84 € .
Par jugement du 9 décembre 2009, le tribunal de commerce de Cannes, saisi au fond par la société BARBOSSI, a notamment :
- condamné la société OCIAL en paiement de la somme de 18'163,64 €
- autorisé la vente des deux chevaux fixée , dans la suite de la procédure de saisie, au 28 mai 2010.
Le 11 mars 2010, le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence ,aux termes d'une ordonnance publiée au BODACC le 25 mars 2010, a placé la société OCIAL en redressement judiciaire, procédure convertie le 8 juin 2010 en liquidation judiciaire , Me [C] étant désigné comme liquidateur judiciaire.
Le 19 mai 2010, la société BARBOSSI a déclaré sa créance à hauteur de 34'470,69 € admise à titre chirographaire.
Par ordonnance du 28 juillet 2010, le juge commissaire du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence a débouté la société BARBOSSI de sa demande visant à être relevée de la forclusion attachée à la déclaration d'une créance complémentaire de 13'539,91 € intervenue tardivement le 2 août 2010 et , pour ce même motif, a refusé d'admettre une autre créance complémentaire de 8432,84 € déclarée le 6 avril 2011.
La vente sur saisie des chevaux à la requête du créancier n'a pas pu se tenir à la date fixée du 28 mai 2010 , au motif de l'arrêt des poursuites individuelles lié à la mise en oeuvre de la procédure collective , aucun huissier n'ayant souhaité y apporter son concours.
Par ordonnance du 14 septembre 2010, le juge commissaire saisi par le liquidateur, a ordonné la vente des chevaux aux enchères publiques réalisée le 26 novembre 2010 au prix de 62'000 € .
Par courrier du 6 avril 2011, la société BARBOSSI a présenté sa dernière déclaration de créance portant à 56'443,44 € le montant total des sommes par elle revendiquées, le juge commissaire ,selon certificat du 27 mai 2011 , ne retenant à nouveau que la seule et même somme de 34'470,69 € à titre chirographaire.
Le 27 juin 2011 , la société BARBOSSI a régularisé appel de cette décision.
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Dans ses dernières écritures déposées le 1er juin 2012, la société BARBOSSI sollicite :
- la condamnation de Me [C], ès qualité, en paiement de la somme de 56'443,44 € en principal augmentée des intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2011, date de la mise en demeure d'avoir à payer la créance en principal ainsi que les frais de saisie
- le débouté des demandes de la SARL FONTVAL ÉVASION, intervenante volontaire à la procédure en tant que créancier privilégié, comme mal fondée à revendiquer le privilège du bailleur
- la condamnation in solidum de Me [C] ès qualité et de la société Fontval Évasion aux dépens paiement de la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La SARL BARBOSSI indique avoir obtenu, antérieurement à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, deux décisions validant sa créance à hauteur de la somme qu'elle réclame , celle-ci étant constituée non seulement de la somme de 34'470,69 € admise par le juge commissaire mais également par les frais à venir de pension et d'entretien des chevaux liés à leur saisie et non encore liquidés
Elle ajoute qu'en tant que dépositaire de la chose , elle n'entre pas en concours avec les autres créanciers, notamment la Sarl FONTVAL ÉVASION , intervenante à la procédure, dont elle conteste le caractère privilégié de la créance.
Elle se prévaut du caractère définitif des décisions rendues à son avantage avant que ne se mette en place la procédure collective , s'estimant en droit d'obtenir paiement des dépenses effectuées pour la conservation de la chose déposée en application de l'article 1947 du Code civil et du bénéfice du droit de rétention de l'article 1948 du Code civil jusqu'à son complet désintéressement.
Elle considère que les dispositions des articles L622 - 24 et R622-2 du code du commerce relatives aux déclarations de créances non encore chiffrées, lesquelles doivent être déclarées sur la base d'une estimation , ne s'appliquent pas au titulaire d'un droit réel sur la chose , ce dernier pouvant en effet revendiquer de plein droit sinon le bien du moins sa valeur à hauteur de ce qui lui est dû , ce sans entrer en concours avec les autres créanciers.
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Me [C], mandataire judiciaire agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société OCIAL P7 LIMITED, dans ses dernières écritures déposées le 28 novembre 2011 sollicite :
- la confirmation du certificat d'admission rendu le 27 mai 2011 par le juge commissaire à la liquidation judiciaire
- le constat que la société BARBOSSI n'a pas déclaré dans les délais légaux sa créance complémentaire de 21'972,75 € née postérieurement au jugement d'ouverture du RJ
- le constat que les demandes de la société BARBOSSI violent le principe d'interdiction des poursuites individuelles et le principe d'interdiction des poursuites civiles d'exécution
- le constat que cette société ne bénéficie pas d'un droit de priorité sur sa créance
- la condamnation de la société BARBOSSI aux dépens et en paiement de de la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Me [C] soutient que la société BARBOSSI avait obligation de déclarer l'intégralité de sa créance dans le délai légal en stricte application des dispositions de l'article L622- 24 al 1 et 3 du code du commerce et R 622 -24 et 26 de ce même code.
Il ajoute quel'article L622 -21 et 22 du code de commerce posent le principe de l'interdiction des poursuites individuelles et celui de l'interruption des instances en cours jusqu'au moment où le créancier a déclaré sa créance, cette règle étant d'ordre public et applicable aux créances nées antérieurement au jugement d'ouverture comme aux créances nées postérieurement lorsqu'elles ne sont pas utiles à la poursuite d'activité.
Il conteste le caractère privilégié de la créance détenue par la société BARBOSSI en raison de sa qualité de dépositaire de la chose , faisant observer que les articles 1947 et 2332 du Code civil et articles L622-7 du code du commerce sur lesquels cette société se fonde n'ont pas vocation à s'appliquer , aucune action n'ayant été entreprise pour revendiquer le bien et ces créances concernées n'étant pas utiles à la poursuite de l'activité d'une société en liquidation.
Par ailleurs, il écarte la possibilité pour la société BARBOSSI de solliciter le bénéfice d'un privilège dont elle n'a pas fait état dans les six mois de la publication du jugement de liquidation judiciaire intervenu le 24 juin 2010, ce conformément à l'article L641-13 du code du commerce , et rappelle que la jurisprudence écarte le privilège conféré par une saisie conservatoire signifiée avant la date de cessation des paiements lorsque celle-ci n'a pas été convertie en saisie attribution. Ce qui est le cas de la société Barbossi
A tout le moins et subsidiairement, il demande à cantonner à la somme admise de 34'470,69 euros le privilège qui viendrait à être reconnu à la société BARBOSSI.
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La SARL FONVAL ÉVASION, dans des écritures déposées le 23 avril 2012, intervient volontairement à la procédure en sa qualité revendiquée de créancier privilégié, au soutien de l'argumentaire de Me [C] , concluant au débouté les prétentions de la société BARBOSSI dont elle sollicite la condamnation aux dépens et en paiement de la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
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Le Ministère Public s'en rapporte à la décision de la Cour.
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Après évocation de l'affaire à l'audience, il a été demandé aux parties leurs observations quant au fait que le juge en charge de la vérification des créances ne peut se prononcer que sur les créances nées antérieurement à l'ouverture de la procédure collective et ne peut prononcer de condamnation au paiement.
La société OCIAL P7 admet que la compétence du juge le commissaire comme celle de la cour d'appel saisie sur recours s'entend de la seule admission ou pas d'une créance et est exclusive de toute condamnation.
Elle argue de son droit d'opposer l'intégralité de sa créance en vertu de son droit sur la chose qui lui confère privilège.
Me [C] et la société FONTVAL ÉVASION assurent que la cour d'appel comme le juge commissaire n'ont pas de pouvoir pour prononcer l'admission de créances postérieures au jugement d'ouverture ni pour prononcer de condamnation
SUR QUOI
L'article L 622 - 24 du code du commerce stipule notamment :
'à partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leur créance au mandataire judiciaire. Les créanciers titulaires d'une sûreté publiée ou liés aux débiteurs par un contrat publié sont avertis personnellement ou, s'il y a lieu, à domicile élu. Le délai de déclaration court à l'égard de ceux-ci à compter de la notification de cet avertissement.
La déclaration des créances peut être faite par le créancier ou par tout préposé au mandataire de son choix.
La déclaration des créances doit être faite alors même qu'elles ne sont pas établies par un titre. Celles dont le montant n'est pas encore définitivement fixé sont déclarées sur la base d'une évaluation. Les créances du trésor public ou des organismes de prévoyance ou de sécurité sociale ainsi que les créances recouvrées par les organismes visés à l'article L. 351 - 21 du code du travail qui n'ont pas fait l'objet d'un titre exécutoire au moment de leur déclaration sont admises à titre provisionnel pour leur montant déclaré. En tout état de cause, les déclarations du trésor et de la sécurité sociale sont toujours faites sous réserve des impôts et autres créances non établis à la date de la déclaration. Sous réserve des procédures judiciaires ou administratives en cours, leur établissement définitif doit, à peine de forclusion, être effectué dans le délai prévu l'article L 624 - 1.
Les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture, autres que celles mentionnées au 1 de l'article L 622 - 17 et les créances alimentaires, sont soumises aux dispositions du présent article. Les délais courent à compter de la date d'exigibilité de la créance. Toutefois, les créanciers dont les créances résultent d'un contrat à exécution successive déclarent l'intégralité des sommes qui leur sont dues dans des conditions prévues par décret en conseil d'État.'
L'article R. 622 - 22 ajoute :
' en application du cinquième alinéa de l'article L.622- 24, les créanciers dont les créances, nées régulièrement après le jugement d'ouverture autres que celles mentionnées au 1 de l'article L622 - 17, résultant d'un contrat à exécution successive déclarent leurs créances, pour la totalité des sommes échues et à échoir, sur la base d'une évaluation, dans un délai de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture au bulletin officiel des annonces légales et commerciales.
Lorsque le contrat est conclu postérieurement à ce jugement, les créanciers déclarent leurs créances pour la totalité des sommets échues et à échoir, sur la base d'une évaluation, dans un délai de deux mois à compter de la première échéance impayée qu'elle ait été et non régularisée »
L'article R. 622 - 23 poursuit :
' outre les indications prévues à l'article L. 622 - 25, la déclaration de créance contient :
1) les éléments de nature à prouver l'existence et le montant de la créance si elle ne résulte pas d'un titre, à défaut une évaluation de la créance si son montant n'a pas encore été fixé
2) les modalités de calcul des intérêts dont le cours n'est pas arrêté, cette indication valant déclaration pour le montant ultérieurement arrêté '.
Il s'évince de la combinaison de ces textes que le créancier doit procéder à la déclaration de l'intégralité de sa créance pour son montant connu mais aussi, quand il n'est pas connu, pour son montant prévisible en se basant sur une évaluation.
En l'espèce, la société BARBOSSI EXCOM a procédé à une première déclaration de créance à hauteur de la somme certaine de 34'478,69 € dans le délai de deux mois fixé par l'article R. 622 - 24 du code du commerce.
Elle a par la suite déclaré hors délai deux autres créances de respectivement 13'539,91€ et 8432,84 € plus de deux mois après la publication du jugement d'ouverture au BODDACC et le juge commissaire a rejeté sa demande en relevé de forclusion ne s'appliquant qu'à la première d'entre elles .
Ces deux créances complémentaires dont il a été sollicité à nouveau l'admission le 6 avril 2011 , en sus de la condamnation liquide et certaine prononcée par le tribunal de commerce de Cannes le 7 janvier 2010 , dérivent de la décision du juge d'exécution de Grasse du 1er octobre 2009 précisant que les frais entraînés par la saisie conservatoire par lui autorisée , en ce compris les frais d'entretien et de garde des chevaux, seraient à la charge exclusive de la société OCIAL P7.
Pour autant, il appartenait à la société BARBOSSI EXCOM de procéder ex ante à l'évaluation de cette créance , quelle que soit sa nature, pour se conformer aux textes applicables.
En s'abstenant de procéder ainsi , la société BARBOSSI EXCOM se heurte aux sanctions prévues par l'article L. 622 - 26 du code du commerce qui rend inopposables au débiteur les créances non déclarées dans les délais prescrits.
Il s'ensuit que la décision du juge commissaire sera confirmée .
Succombant, la société BARBOSSI EXCOM , supportera les dépens sans qu'il y ait toutefois lieu d'envisager sa condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour des raisons d'équité , tenant sa qualité de créancier .
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et par défaut :
- confirme la décision attaquée,
- déboute Me [C] et la SARL FONTVAL ÉVASION de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- condamne la SARL BARBOSSI EXCOM aux dépens dont distraction au profit de la SCP
Magnan, avocats
Le GreffierLe Président