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02/10/2012 | FRANCE | N°11/13104

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre, 02 octobre 2012, 11/13104


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 02 OCTOBRE 2012



N°2012/

CH/FP-D













Rôle N° 11/13104







[Y] [O]





C/



SARL CHACO













































Grosse délivrée le :

à :

Me Emilie VERGERIO, avocat au barreau de GRASSE



M

e Philippe LASSAU, avocat au barreau de GRASSE



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CANNES en date du 16 Juin 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 10/293.





APPELANTE



Madame [Y] [O], demeurant [Adresse 1]



comparant en pe...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 02 OCTOBRE 2012

N°2012/

CH/FP-D

Rôle N° 11/13104

[Y] [O]

C/

SARL CHACO

Grosse délivrée le :

à :

Me Emilie VERGERIO, avocat au barreau de GRASSE

Me Philippe LASSAU, avocat au barreau de GRASSE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CANNES en date du 16 Juin 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 10/293.

APPELANTE

Madame [Y] [O], demeurant [Adresse 1]

comparant en personne, assistée de Me Emilie VERGERIO, avocat au barreau de GRASSE

INTIMEE

SARL CHACO, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Philippe LASSAU, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 25 Juin 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Corinne HERMEREL, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Jean-Marc CROUSIER, Président

Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller

Madame Corinne HERMEREL, Conseiller

Greffier lors des débats : Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Octobre 2012

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Octobre 2012

Signé par Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller, pour le Président empêché, et Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Madame [Y] [O] a été engagée le 14/05/1997, selon contrat de travail à durée indéterminée, par la SARL CHACO, à [Localité 3], en qualité de vendeuse, pour un temps partiel de 15 heures par semaine, pour une rémunération brute mensuelle de 2.464, 15 francs.

Selon les termes du contrat, ses horaires sont du lundi au vendredi, de 15 heures à 18 heures. Ils pourront être modifiés, en fonction des besoins de la bijouterie, Madame [D] devant en être informée au moins 7 jours avant.

Madame [O] a été en arrêt de maladie à compter du 16/09/2009.

A l'issue de deux visites médicales de reprise en date des 12 avril et 4 mai 2010, Madame [O] a été considérée 'inapte à la reprise du travail et à tous postes dans l'entreprise ; à réorienter en dehors de l'entreprise'.

Le 30 Mai 2010, Madame [O] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 9 Juin 2010.

En juin 2010, jour non précisé sur le courrier, Madame [O] a été licenciée pour inaptitude définitive à tous les postes de l'entreprise.

Le 10 Mai 2010 Madame [O] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Cannes aux fins de voir la juridiction:

*Constater que l'employeur a manqué à ses obligations de manière grave et réitéré

*Condamner la SARL CHACO à lui verser

- 27.763,43 euros à titre de rappel de salaire.

- 2.716,34 € à titre de congés payés y afférent

-8.859.48 € (6 mois de. salaires) en application de l'article L324~ 11-1 du code du travail.

*Ordonner la rectification sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de l'ordonnance à intervenir, de l'ensemble des fiches de paye de la salariée pour la période non prescrite en ce qui concerne les heures travaillées, le coefficient et le montant de la prime d'ancienneté et dire qu'ils devront prévoir:

- un salaire de base de 151.61 heures mensuelles,

- un coefficient de 221,

- un emploi d'assistante de direction et non de vendeuse,

- la prime d'ancienneté,

*Dire que la rupture a produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*Condamner la SARL CHACO à verser à Madame [O] :

-la somme de 3S.437t92 euros à. titre de dommages et intérêts outre 10.000 euros nu titre du préjudice distinct

-la somme de 2.953,16 euros au titre du préavis (2mois) outre 295~31 euros au titre des congés payés sur préavis.

-la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC,

- avec exécution provisoire

Selon jugement prononcé le 16 Juin 2011, le Conseil de Prud'hommes de CANNES a:

*Débouté Madame [O] de ses demandes principales en retenant que la salariée effectuait 32,25 heures payées 35 heures; qu'elle ne rapportait pas la preuve irréfutable des heures supplémentaires; que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse.

*Fait droit aux demandes relatives au préavis, aux congés payés y afférents et a condamné la SARL CHACO à payer à Madame [O] les sommes de :

- 2.953,16 euros au titre de l'indemnité de préavis de licenciement en derniers ou quittance.

- 295,31 euros au titre des congés payé sur préavis.

*Débouté Madame [O] du surplus de ses demandes et débouté la SARL CHACO de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Le 8 Juillet 2011, Madame [Y] [O] a interjeté appel du jugement.

Elle demande à la Cour, à titre principal:

*au titre de l'exécution du travail,

- la requalification du temps partiel à temps plein soit un rappel de salaire de 25.704,10 euros outre 10% des congés payés y afférent soit 2.570,41 euros,

- le rappel sur prime d'ancienneté soit 2.055,33 euros, outre 10% des congés payés y afférent soit 205,33 euros,

- la requalification de son poste à celui d'assistante de direction au coefficient 221, générant un rappel de salaire de 4.119,36 euros, outre 10% des congés payés y afférent soit 411,93 euros,

-la remise sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir, des fiches de paye de Mme [O], rectifiées, pour la période non prescrite en ce qui concerne les heures travaillées,

- compte tenu de la rupture intervenue, l'application des articles L8221-5 et suivants du Code du travail au titre du travail dissimulé, la somme de 11.665,14 euros (6 mois de salaire)

* au titre de la rupture du contrat:

- de dire que l'inaptitude de Madame [O] a trouvé son origine dans le comportement de l'employeur s'analysant en des actes de harcèlement moral causant la nullité du licenciement,

- subsidiairement de dire que le licenciement est intervenu sans cause réelle et sérieuse en raison de la violation de son obligation de payer le salaire,

- en toute hypothèse, de condamner la SARL CHACO à verser à Mme [O] la somme de 46.660,56 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, 3.888,38 euros au titre du préavis outre 388,83 euros au titre des congés payés sur préavis,

- de condamner la SARL CHACO à verser à Mme [O] la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens.

La SARL CHACO sollicite l'infirmation de la décision, le débouté de toutes les demandes de Madame [O] ainsi que sa condamnation à lui verser 3000 euros au titre des frais irrépétibles.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure des moyens et des prétentions des parties, il est renvoyé au jugement entrepris, aux pièces de la procédure, et aux conclusions des parties oralement reprises.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein

Selon les dispositions de l'article L 3123 -14 du code du travail :

« Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit. Il mentionne:

1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif de travail conclu en application de l'article L. 3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois;

2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification;

3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d'aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié;

4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat. »

L'article L3123 -17 précise:

« Le nombre d'heures complémentaires accomplies par un salarié à temps partiel au cours d'une même semaine ou d'un même mois ne peut être supérieur au dixième de la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévue dans son contrat. »

En l'espèce, l'unique contrat de travail signé par les parties est le contrat initial signé le 14 mai 1997, qui prévoit un temps partiel de 15 heures par semaine. Ce contrat ne comporte pas toutes les mentions légales obligatoires.

Aucune des parties au contrat ne s'y réfère tant elles le considèrent obsolète.

Il s'en déduit qu'il existe une présomption de contrat de travail à temps complet qu'il appartient à l'employeur de combattre.

La SARL CHACO soutient que, par l'effet d'avenants successifs, la durée du travail a été portée à 109 heures par mois.

Il ne peut être tenu compte des avenants qu'elle produit puisqu'ils ne sont pas signés et qu'ils sont contestés par la salariée.

Il argue d'un courrier qu'il a adressé à la salariée le 25 Septembre 2009 pour lui rappeler ses horaires en ces termes : « ton jour de congé est le mercredi et tes jours les lundi mardi jeudi vendredi et samedi, soit 32H25 voir 35 heures..pour les semaines pleines où nous ne sommes pas là, étant entendu que tu récupères tes jours le lundi et le mardi suivants, voir le jeudi, vendredi et le samedi suivants' mais dans tous les cas toujours dans la limite de tes 109 heures mensuels.

PS si les semaines de 32/35 H te semblent trop lourdes à assumer, je peux te proposer des horaires fixes soit les lundi, jeudi, vendredi et samedi de 10 h à 12 h 30 et de 14 h 30 à 18 heures. »

Il produit tous les bulletins de salaire de Madame [O], sur lesquels sont mentionnées, depuis Octobre 2003, 109 heures mensuelles de travail.

L'employeur produit aussi l'attestation de Monsieur [W], expert comptable de la société, qui rapporte qu'il arrivait fréquemment que Madame [O] soit absente le lundi et le mardi et qu'il s'agissait pour elle de récupérer les jours travaillés et qu'elle avait indiqué, à l'occasion d'une augmentation de son salaire, que ses horaires étaient pour autant inchangés, soit 109 heures par mois.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments, corroborés par l'absence de réclamation de la salariée durant plusieurs années consécutives au sujet des horaires effectués et payés, et ce alors même que c'est elle qui transmettait au cabinet comptable les renseignements permettant l'établissement des fiches de paye, que l'employeur a suffisamment démontré le temps partiel de Madame [O] à hauteur de 109 heures par mois.

La salariée expose avoir réclamé la régularisation de sa paye, en vain, mais s'être accommodée de cette situation, compte tenu de ses relations d'amitié avec son employeur et de son aisance financière de l'époque. Mais la première réclamation qu'elle produit date de l'éclatement du conflit en septembre 2008, alors qu'elle prétend être à temps complet depuis plus de cinq années.

Elle soutient qu'elle a travaillé en réalité 151,67 heures par mois et produit diverses attestations de témoins, commerçants voisins ou relations professionnelles, Monsieur [P], la bijouterie AUBRY, Monsieur [L], Madame [E], Madame [T], Monsieur [G] notamment, qui attestent de ce qu'elle était toujours présente à la bijouterie, sauf le mercredi.

Cependant, ces témoins ne pouvaient être quotidiennement au contact de la salariée et cette dernière admet elle-même dans le courrier adressé à son employeur le 28 novembre 2009 qu'elle était parfois absente le lundi et le mardi lorsqu'elle travaillait le week-end pour préparer des salles de vente.

Dès lors ces attestations ne démontrent pas que la salariée était à temps complet.

Enfin, Madame [O] soutient que dès lors que l'employeur admet qu'elle effectuait 109 heures de travail par mois, il conviendrait de requalifier le contrat en contrat de travail à temps complet.

Cependant, s'il est exact que le nombre d'heures accomplies, selon la SARL CHACO, par la salariée a été supérieur au dixième de la durée prévue dans le contrat écrit signé initialement par les parties, ce dépassement des plafonds d'heures complémentaires, qui n'a pas pour effet de porter la durée du travail accomplie au niveau de la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement entraîne, non pas la requalification du contrat de travail de Madame [O] en contrat de travail à temps complet, mais ouvre le droit, pour Madame [O] de réclamer l'indemnisation du préjudice éventuellement subi de ce fait.

Ainsi, la Cour retient que la présomption de travail à temps complet a été utilement combattue par l'employeur, qui démontre un temps partiel de 109 heures par mois, et qu'il n'y a pas lieu de requalifier le contrat de travail en contrat de travail à temps plein.

Le jugement déféré, dont le dispositif sur ce point manque de clarté, sera réformé en ce sens.

Les demandes de rappel de salaires au titre du travail à temps complet et de l'indemnité pour travail dissimulé ne peuvent donc prospérer, comme l'a justement décidé le Conseil de Prud'hommes.

Sur la fonction de Madame [O] dans la bijouterie

Il résulte des attestations produites par Madame [O] , établies par des professionnels en relations commerciales avec la bijouterie, notamment Monsieur [P], gérant de société, fabriquant, Monsieur [A] joaillier, de Monsieur [L], horloger réparateur que Madame [O] était l'unique interlocutrice de ces professionnels, ainsi passait elle les commandes de fabrication, les réparations, signait-elle les chèques de règlements, établissait les factures.

Monsieur [W], expert comptable de la SARL CHACO, atteste que « Madame [O] jouissait d'une délégation de fait en vue de me transmettre les papiers et renseignements concernant la comptabilité ».

Monsieur [J] indique que Madame [O] lui avait été présentée comme la collaboratrice de [S] [F] .

De même, c'est une association au sein de la société CHACO que Monsieur [F] avait proposé à Madame [O] .

L'employeur réfute cette requalification en exposant que la procuration sur le compte avait été donnée pour des raisons de commodités, afin d'établir un fond de caisse permanent tandis que le gérant lui, remplit le livre de police, achète la marchandise, prépare la comptabilité et la répercute au cabinet comptable [W].

Cette description des tâches de Madame [O] est contredite par le fait que cette dernière réclame en vain la production du livre de police en possession de l'employeur, qui n'est pas versé aux débats, par Monsieur [W] lui-même qui atteste que c'est Madame [O] qui transmettait au cabinet les renseignements relatifs à la comptabilité, par les attestations des témoins qui déclarent tous que Madame [O] se trouvait seule au sein de la bijouterie , de Monsieur [F] lui même qui, dans le courrier recommandé du 15 Septembre 2009 lui écrit, « encore une fois je vous fais remarquer que vous êtes responsable des salaires au sein de notre société et que de ce fait vous devez faire nos chèques de salaires.. ».

Il résulte de ces éléments que les fonctions de Madame [O] dépassaient largement le cadre de ses fonctions contractuelles de vendeuse puisqu'elle signait même les chèques de règlement des fournisseurs ou des réparateurs, qu'elle établissait les salaires, signait les chèques , achetait et vendait les bijoux, avait une procuration sur le compte bancaire , faisait le lien avec le cabinet comptable.

Madame [O] démontre par les attestations produites, ci-dessus analysées, qu'elle a en réalité occupé un poste d'assistante de direction et non de vendeuse, comme indiqué sur son contrat de travail.

Cette qualification correspond, selon les dispositions de l'article 26 de la convention collective applicable à savoir la convention nationale de la Bijouterie, joaillerie, orfèvrerie, à la catégorie 3 coefficient 221.

En l'état de cette qualification, la salariée aurait du percevoir un salaire au taux horaire de 8,65 € d'avril 2002 à Juin 2005 et de 9,54 euros de juillet 2005 à Décembre 2006.

Compte tenu des taux horaires appliqués par la SARL CHACO, et de la prescription quinquennale applicable, il est dû à la salariée pour la période réclamée d'octobre 2004 à avril 2007, la somme de 2960,44 euros, outre 10 % au titre des congés payés y afférents, soit 296,04 euros.

Le jugement déféré sera infirmé en ce sens.

Sur la prime d'ancienneté

La SARL CHACO ne conteste pas la demande formulée par Madame [O] qui justifie qu'en application des dispositions de la convention collective, l'employeur s'est trompé dans le taux de prime et reste redevable à Madame [O] de la somme de 2055,33 euros de rappel de prime, outre 205,53 euros au titre des congés payés y afférents.

Il sera ajouté au jugement sur ce point, les premiers juges n'ayant pas statué sur cette demande dans le dispositif de la décision.

Sur le harcèlement moral

Aux termes des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du code du travail , aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

 

Selon l'article L. 1154-1 du même code, en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.  

En l'espèce, il est incontestable que la salariée et son employeur Monsieur [F] au sein de la SARL CHACO, ont entretenu pendant de longues années (12 ans) des relations cordiales voire amicales, et que leurs relations professionnelles étaient bonnes puisque Madame [O] n'a jamais été critiquée dans son travail.

Le 16 Septembre 2009, la salariée a arrêté de travailler pour « syndrome dépressif réactionnel ».

Par courrier recommandé datée du 15 Septembre, expédié le 18, postérieurement à l'arrêt de travail, l'employeur voussoyant la salariée, lui fait le reproche de ne pas respecter ses horaires de travail, de recevoir des amies dans la bijouterie, des appels téléphoniques personnels, et de s'être absentée pour faire une course'. L'employeur écrit « si vous voulez toujours partir, pour faire suite à votre demande de juillet 2008, je vous confirme que je suis en mesure de vous proposer un licenciement économique' »

Il termine sa lettre en lui reprochant d'avoir refusé sa proposition de lui vendre la boutique.

Par courrier du 17 Septembre, expédié le 21 septembre l'employeur exprime sa surprise à la réception de l'arrêt de travail en disant « Vous n'étiez pas malade, juste contrariée de ne plus recevoir vos amies» et termine sa lettre par « Vous avez formulé le désir de démissionner en 2008, je ne voulais pas vous perdre mais si vous voulez toujours partir, je ne vous retiens plus »

Par courrier du 25 Septembre 2009 adressé en recommandé également, l'employeur, employant le tutoiement cette fois-ci, assène divers reproches quant à la qualité de son travail , ses horaires élastiques, dénigre toutes ses activités au sein de la bijouterie. Il s'exprime notamment en ces termes, « quant à ta qualification, tu n'en as aucune, tu n'es plus une bonne vendeuse, tu ne parles aucune langue, tu ne fais aucun achat significatif, pas de comptabilité, juste rentrer les ventes et les dépenses du jour dans le livre de caisse que tu tiens une fois tous les deux jours' » et termine par « cependant, vous gardez toujours notre confiance, nous te souhaitons un prompt rétablissement »

Le 13 novembre, le médecin prolongeait l'arrêt de travail d'un mois en notant « syndrome dépressif sévère ».

Par courrier recommandé en date du 16 Novembre 2009, l'employeur lui écrit « je suis toujours dans l'attente de ta lettre de démission je comprends très bien que tu veuilles nous quitter avec un peu d'argent en contrepartie mais là où je ne te comprends pas, c'est sur les moyens..pourquoi ces mensonges encore une fois nous te souhaitons un prompt rétablissement' »

Ces missives contiennent des propos méprisants, tour à tour agressifs et dévalorisants et poussent la salariée à la démission, alors même qu'elle est arrêtée pour syndrome dépressif.

En réponse, Madame [O] a écrit à son employeur le 22 Septembre 2009, le 30 Octobre 2009 et le 28 Novembre 2009, pour contester les propos tenus qualifiés d'injustes et d'agressifs, contenant des allégations absurdes et pour lui rappeler la chronologie des événements et le comportement humiliant de Monsieur [V], nouveau gérant, à son égard et le fait qu'en dépit de ses demandes, il n'avait jamais régularisé ses bulletins de paie à hauteur de 141 heures et de sa réelle qualification.

Madame [O] a alerté également l'inspection du travail le 12 Janvier 2010.

Les courriers adressés par l'employeur à Madame [O] constituent des agissements répétés de harcèlement détériorant la relation de travail puisqu'ils ont manifestement pour but de faire pression sur la salariée pour la pousser à démissionner et sont de nature à aggraver l'état de santé de la salariée. Ils laissent présumer un véritable harcèlement moral.

L'employeur ne fournit aucun élément de nature à justifier ces comportements inadmissibles à l'égard d'une personne déjà fragilisée puisqu'en arrêt de maladie. Si l'employeur a pu insinuer dans ses courriers que la maladie de Madame [O] était le fruit d'une simple contrariété, il est en réalité établi par un certificat médical parfaitement circonstancié et objectif, rédigé par le docteur [C] , psychiatre expert mandaté par la CPAM et non par la salariée, que Madame [O] suit un traitement anti dépresseur depuis le mois de septembre 2009, et bénéficie d'un suivi psychiatrique auprès du docteur [I] depuis octobre 2009, suivi dont le rythme au départ mensuel s'est accéléré au fil des mois, avec poursuite d'un traitement psychotrope, toujours en cours en mai 2010.

Le psychiatre expert a conclu le 10 Juin 2010 que la salariée a subi une décompensation psychologique en rapport avec des troubles de l'adaptation apparus à la suite d'une situation conflictuelle l'opposant au gérant du commerce qui l'emploie depuis 1997 et où elle s'était particulièrement investie.

Il est ainsi démontré que l'inaptitude au poste de travail, déclarée par le médecin du travail lors de la deuxième visite de reprise en date du 4 Mai 2010, résulte bien du harcèlement subi par la salariée.

La salariée peut donc prétendre à l'indemnisation du préjudice né du harcèlement. Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

Sur l'indemnisation du préjudice et le licenciement

En application de l'article 1152-3 du Code du travail ' toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du travail, toute disposition ou tout acte contraire est nul '.

En l'espèce, le licenciement prononcé pour inaptitude est donc nul.

La salariée ne demande pas sa réintégration.

Compte tenu du préjudice subi par Madame [O] qui avait 14 années d'ancienneté dans cette bijouterie, qui a été contrainte de cesser de travailler en raison de la dégradation de son état de santé du fait des agissements de son employeur, et qui n'a pu retrouver du travail pendant deux années, cette salariée sera indemnisée par l'allocation de 40 000 euros.

Sur l'indemnité de préavis

Si la salariée ne peut en principe prétendre au paiement d'une indemnité pour un préavis qu'elle est dans l'impossibilité d'exécuter en raison d'une inaptitude à l'emploi, cette indemnité lui est due dès lors que, comme en l'espèce, l'inaptitude est imputable à l'employeur puisqu'elle résulte du harcèlement subi par la salariée.

L'indemnité différente de celle allouée en première instance, réclamée en cause d'appel, n'est pas explicitée et est manifestement basée sur le salaire considéré à temps complet.

L'employeur, pour sa part, réfute totalement devoir une indemnité de préavis mais ne conteste pas, au subsidiaire, la décision prud'homale quant au calcul effectué.

Il convient de confirmer la décision déférée qui lui a alloué la somme de 2953,16 euros, outre 259,31 euros au titre des congés payés y afférents.

Sur la délivrance des documents sociaux rectifiés

Il convient d'ordonner à l'employeur de remettre à Madame [O] les documents sociaux rectifiés et notamment un bulletin de salaire récapitulatif prenant en compte la présente décision, en ce qui concerne le taux horaire, la qualification et la classification de la salariée, soit assistante de direction au coefficient 221ainsi que le montant de la prime d'ancienneté.

Il n'est pas opportun de prononcer une astreinte.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il serait inéquitable de laisser Madame [O] supporter la charge des frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'engager pour faire valoir ses droits. La SARL CHACO sera condamnée à lui verser la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile

Les dépens seront supportés par la SARL CHACO qui succombe.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud'homale

Confirme le jugement déféré en ce que la SARL CHACO a été condamnée au paiement de l'indemnité de préavis et de congés payés y afférents et en ce que Madame [O] a été déboutée de ses demandes au titre du rappel de salaire à hauteur d'un travail à temps complet et au titre de l'indemnité pour travail dissimulé.

Infirme le jugement déféré pour le surplus et statuant à nouveau,

Dit n'y avoir lieu à requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein.

Dit que le temps partiel effectué était de 109 heures par mois.

Dit que Madame [O] a occupé un poste d'assistante de direction au coefficient 221.

Condamne la SARL CHACO à verser à Madame [O] la somme de 2960,44 euros au titre du rappel de salaires correspondant à sa qualification effective, outre 296,04 euros au titre des congés payés y afférents.

Dit que la salariée a été victime de harcèlement moral et que l'inaptitude résulte de ce harcèlement.

Déclare le licenciement nul.

Condamne la SARL CHACO à verser à Madame [O] la somme de 40 000 euros en indemnisation du préjudice subi.

et ajoutant au jugement,

Condamne la SARL CHACO à verser à Madame [O] la somme de 2055,33 euros au titre de la prime d'ancienneté, outre 205,53 euros au titre des congés payés y afférents.

Ordonne à la SARL CHACO de remettre à la salariée, dans les 15 jours suivant la notification de l'arrêt, les documents sociaux ainsi rectifiés ainsi qu'un bulletin de salaire récapitulatif comportant les modifications résultant du présent arrêt.

Condamne la SARL CHACO à payer à la salariée la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamne la SARL CHACO aux dépens.

LE GREFFIERPOUR LE PRESIDENT EMPÊCHÉ

LE CONSEILLER

Madame VERHAEGHE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 11/13104
Date de la décision : 02/10/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 17, arrêt n°11/13104 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-10-02;11.13104 ?
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