COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 20 SEPTEMBRE 2012
N° 2012/
Rôle N° 10/01694
[J] [V]
C/
[A] [Z] [K]
Grosse délivrée
le :
à :
Me Edith FORCADE, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
Me Christian BAILLON-PASSE, avocat au barreau de MARSEILLE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE en date du 19 Janvier 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 08/509.
APPELANT
Monsieur [J] [V], demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Edith FORCADE, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
INTIME
Monsieur [A] [Z] [K], ex PDG de la SA COPHOC, demeurant [Adresse 3]
comparant en personne assisté de Me Christian BAILLON-PASSE, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 13 Juin 2012 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre
Madame Brigitte BERTI, Conseiller
Madame Françoise GAUDIN, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Septembre 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Septembre 2012.
Signé par Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
[J] [V] a été engagé par la SA Cophoc ( filiale de la société anciennement dénommé Shell Française SA devenue depuis société des Pétroles Schell, la société Cophoc étant devenue par absorption société Schell Direct) suivant contrat à durée indéterminée en date du 12 octobre 1981 en qualité de secrétaire général, avec le statut de travailleur handicapé B.
Al'issue de la période d'essai, le salarié a été nommé ' fondé de pouvoir' et, sur décision du conseil d'administration en date du 19 janvier 1982, il a reçu une délégation de signature, ainsi qu' à compter du mois de juillet 1988, il a bénéficié d'une délégation en matière de sécurité et d'hygiène.
La même année, 1982, [J] [V] a été élu conseiller prud'homal suppléant collège employeur, section encadrement et a prêté serment le 8 septembre 1988.
Le 5 décembre 1986, [A] [Z] [K] a été nommé président directeur général de la SA Cophoc;
A compter du 17 octobre 1988, le salarié a pris un congé individuel de formation, sa première demande pour la préparation d'un DESS juriste conseil ayant été refusé par le fonds professionnel Forecif , la seconde pour suivre la formation du Centre de formation professionnelle des avocats ayant été acceptée.
Le 19 décembre 1988, par lettre recommandée avec accusé de réception, [J] [V] a été rayé de la liste des fondés de pouvoir habilités à agir pour le compte de la SA Cophoc, sur décision du conseil d'administration en date du 23 novembre 1988, avec effet à cette date.
Le 28 avril 1989,suite à l'autorisation de l'inspection du travail délivrée le 25 avril 1989, l'employeur a licencié le salarié pour perte de confiance.
A partir de là, [J] [V] a intenté de multiples actions en justice devant les juridictions prud'homales, de sécurité sociale, administratives et pénales.
Le 14 février 2000, la cour d'appel de Nîmes sur renvoi de cassation a condamné la SAS Shell Direct à payer à [J] [V] 890 400 F à titre de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur et 108 000 F pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (à la date du 19 décembre 1988) outre la prise en charge des dépens et a ordonné d'office le remboursement par la SAS Shell Direct aux organismes concernés des indemnités de chômage payées à [J] [V] licencié du jour de son licenciement au jour de l'arrêt, dans la limite de 6 mois d'indemnité de chômage, rejeté toute autre demande, et ce au motif que la suppression de la délégation de signature pour certains actes fusse elle sans incidence substantielle sur le contrat de travail constituait une modification des conditions de travail nécessitant l'acceptation du salarié protégé auquel est assimilé le conseiller prud'homme. La Cour de cassation a le 2 juillet 2003, rejeté le pourvoi contre cette décision et celui contre l'arrêt ayant débouté M [V] de sa requête en omission de statuer.
Par lettre en date du 29 mai 2008 réceptionné au greffe le 2 juin 2008, [J] [V] a saisi le conseil des prud'hommes d'Aix-en-Provence aux fins de voir condamner [A] [Z] [K], ancien président-directeur général de la SA Cophoc à lui payer à titre de dommages et intérêts pour harcèlement en application des articles L 122-49 et L 230-3 du code du travail, 2 000 000 € pour préjudice matériel et 500 000 € pour préjudice moral.
Par jugement en date du 19 janvier 2010, la juridiction prud'homale à:
*rejeté les demandes d'exception de [A] [Z] [K],
*dit que toutes les demandes et actions de [J] [V] à l'encontre de [A] [Z] [K] sont irrecevables et forcloses,
*condamné [J] [V] à payer [A] [Z] [K] 500 €à titre de frais irrépétibles ,
*débouté [A] [Z] [K] du surplus de ses demandes,
*condamné [J] [V] aux entiers dépens.
[J] [V] a le 11 février 2010 interjeté régulièrement appel de ce jugement.
L'affaire fixée au 23 novembre 2011 a fait l'objet d'un renvoi au 13 juin 2012 à la demande du conseil de l'intimé auquel ne s'est pas opposé le conseil de l'appelant.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Dans ses conclusions, l'appelant demande à la cour de réformer le jugement déféré :
*au visa des articles L.11 21 -1, L.12 22 -1, L.11 32 -1, L.41 22 -1, L .21 41 -5, L 21 41 -8, L. 14 42 - 19, L. 14 42 - 5, L.11 52 - 1 -2- 3, L. 11 52 -4 et L 41 21 - 1 et suivants du code du travail, les articles 1134 alinéa 3,1147, 1382 , 1351, 2222, 2241 et 2244 et suivants du code civil, l'article L452 -5 du code de la sécurité sociale, l'article 26 -2 de la charte sociale européenne de Turin, la directive n° 89 - 391 du 13 juin 1989,
*sur la recevabilité, constater l'absence de prescription de l'action, l'inapplicabilité de l'autorité de la chose jugée des précédentes décisions à la présente demande, sa qualité et son droit à agir et en conséquence dire son action recevable à l'encontre de [A] [Z] [K] et justifiée par des éléments objectifs interruptifs de prescription,
*sur le fond,
-au principal,
-constater les fautes intentionnelles et/ou inexcusables ainsi que les discriminations prohibées dont il a été victime de la part de [A] [Z] [K] coauteur, que ces fautes d'une particulière gravité sont imputables à [A] [Z] [K] , que les faits fautifs se sont poursuivis après la rupture du contrat de travail, que toutefois les faits perpétrés après la rupture du contrat de travail trouvent néanmoins leur fondement dans la relations de travail, qu' il fait la démonstration de ses préjudices, qu'il existe un lien direct entre les fautes de [A] [Z] [K] et sa maladie,
- en conséquence, dire que les agissements de [A] [Z] [K] coauteur à son encontre constituent des fautes intentionnelles et/ou inexcusables, que les faits perpétrés après la rupture du contrat de travail et après la promulgation de la loi du 17 janvier 2002 doivent recevoir la qualification de harcèlement moral,
- condamner [A] [Z] [K] à lui payer les sommes suivantes:
-500'000 €, au titre de son préjudice moral,
-100'000 € au titre de la discrimination syndicale dont il a été victime,
-1'007 392,32 € au titre de son préjudice économique résultant de la perte des droits à la retraite,
-1'717'795,74 € en réparation de son préjudice résultant de la perte d'une chance de réussite professionnelle et ce de son licenciement jusqu'à la date de sa retraite,
- une indemnité fixée à dire d' expert en dédommagement de toutes ses préjudices découlant de la faute inexcusable de [A] [Z] [K] notamment ceux relatifs à la perte de la rente revalorisée au taux majoré au maximum et de ceux non couverts par le livre 4 du code de la sécurité sociale,
- 3000 €au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre la prise en charge des dépens,
- nommer tel expert qu'il appartiendra avec mission de chiffrer les préjudices réactualisés, résultant de la perte des indemnités dont il a été privé consécutivement au défaut de déclaration de son accident du travail aux organismes sociaux, CPAM et d'assurance, Proxima/Gan, par [A] [Z] [K],
- à titre subsidiaire, si la cour ne s'estimait pas suffisamment renseignée sur le préjudice, nommer tel expert qu'il plaira aux frais avancés de [A] [Z] [K] sous quinzaine avec pour mission d'en évaluer l'ampleur et de le chiffrer selon la nomenclature formulée dans le rapport [E] à la lumière de la décision du conseil constitutionnel n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010 au droit de la réparation intégrale.
- condamner l'intimé à lui verser sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à prendre en charge les dépens.
Il s'oppose à chacun des moyens adverses et soutient que depuis mars 1988 il a dû supporter de la part de [A] [Z] [K] coauteur du supérieur hiérarchique un comportement matérialisé par de nombreuses fautes répétées à son encontre et caractérisé par une véritable intention de lui nuire, cette situation étant responsable d'une dégradation des ses conditions de travail, mais aussi de sa santé lui occasionnant un préjudice dont il demande réparation.
Il critique le jugement déféré qui comporte dans sa motivation une contradiction évidente.
Il argue:
-de pressions endurées tendant à obtenir sa démission en novembre 1988 suite à sa prise de fonction le 8 septembre 1988 de conseiller prud'homme,
- du non versement des salaires et accessoires à compter du mois de novembre 1988,
- de sa radiation de la liste de fondé de pouvoir sur proposition de [A] [Z] [K],
- son licenciement discriminatoire à l'instigation de [A] [Z] [K],
- le défaut de déclaration des arrêts de cessation de travail, de délivrance de l'attestation patronale, d'information de l'assurance prévoyance entreprise du groupe Proxima, absence de déclaration de l'accident du travail ,
- le dénigrement à son encontre destiné à briser toute carrière et lui faire perdre son honneur.
Il insiste sur la responsabilité personnelle de[A] [Z] [K], les fautes qui lui sont imputables qu'elles puissent ou non recevoir la qualification de harcèlement étant des fautes intentionnelles largement démontrées dans leur matérialité et d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal de ses fonctions et considère qu'il est bien fondé à demander la reconnaissance des fautes inexcusables imputables à l'intimé qui a agi dans le cadre de ses fonctions et à obtenir conformément aux règles du droit commun, la réparation du préjudice résultant des ces fautes.
Aux termes de ses écritures dites récapitulatives et en réponse, [A] [Z] [K] conclut à la confirmation du jugement déféré sauf à voir sa demande reconventionnelle accueillie.
Il sollicite qu'il soit:
*dit toutes les actions et toutes les demandes de l'appelant irrecevables à son encontre:
- comme prescrites et forcloses pour celles relatives au paiement des salaires et accessoires, celles relative à la reconnaissance d'un syndrome anxio dépressif, celles relatives à la reconnaissance de fautes intentionnelles et/ou inexcusables de l'employeur,
- comme se heurtant au principe de l'autorité de la chose jugée et au motif que la cour est ratione materiae incompétente pour connaître des réclamations de l'appelant et ce au titre de son prétendu syndrome dépressif, de ses demandes de reconstitution du droit à la retraite, de la reconnaissance de la prétendue faute inexcusable ou intentionnelle de l'employeur et de tout chef de demandes qui se rattache à ses réclamations,
*si par impossible l'action était déclarée recevable, dit les demandes mal dirigées et non fondées en droit et en fait, l'absence de harcèlement moral imputable, dit qu'il peut être considéré en droit comme en fait tenu à une quelconque obligation contractuelle vis-à-vis de [J] [V], dit qu'il doit être mis purement hors de cause,
*en conséquence, rejeté l'ensemble des demandes de l'appelant formulées tant à titre principal qu'à titre subsidiaire, ou figurant dans ses dernières écritures,
*reconventionnellement, condamné l'appelant à lui payer:
- 10'000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- 10'000 €sur le fondement de l'article 1382 du code civil pour procédure abusive,
*statué ce que de droit sur les mérites d'une amende civile à l'encontre de l'appelant,
*condamné l'appelant aux entiers dépens des instances
Il tient à faire observer que la société Cophoc devenue Schell Direct qui a été seule en relation de travail avec [J] [V] a été parfaitement autonome de la société mère, ce que n'ignore pas l'appelant qui a pendant 20 ans exclusivement intenté ses procédures contre la société Cophoc dont il a été débouté à l'exception de celle relative au motif réel et sérieux du licenciement et qui tente depuis trois ans de porter ses actions contre la société des Pétrolles Schell, actions qui sont régulièrement rejetées.
Il précise qu'il était le PDG de la SA Cophoc mais que ce n'est pas lui 'in personam' comme le prétend l'appelant qui a suivi l'exécution du contrat de travail et l'a licencié.
Il invoque:
- au titre de la prescription, la loi du 17 juin 2008, l'application de l'article L 432-6 du code de la sécurité sociale et de l'article 2277 du code civil,
- que chacun des faits qui lui sont reprochés in personam a déjà fait l'objet de multiples procédures et décisions définitives de justice qui a débouté [J] [V], la nature et l'objet de ces décisions impliquant dans leur dispositif une autorité erga omnes,
-qu'au vu de l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 17 janvier 2008, c'est le droit à agir de l'appelant qui n'existe plus, ce dernier ne pouvant plus faire revivre quelques soient les artifices de procédure, le délai visé à l'article L 431-2 alinéa 1er du code de la sécurité sociale qui est acquis,
-l'incompétence de la juridiction prud'homale sur la plupart des demandes qui relèvent de la seule juridiction de la sécurité sociale qui les a déjà jugées.
Sur le fond, il relève:
-l'inopérance des fondements juridiques articulés par l'appelant,
-le fait qu'il ne suffit pas à l'appelant de donner l'apparence d'agissements prétendus et répétés en dressant la liste de tout ce qu'il a construit lui-même,
-que les pièces produites au débat par l'appelant sont les mêmes que celles qu'il a produites dans les autres instances depuis plus de 20 ans.
Il réfute par ailleurs point par point les allégations de l'appelant et estime que la preuve des prétendus préjudices et d'un lien avec les soi-disant fautes n'est pas rapportée.
Pour plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures déposées par les parties et réitérées oralement à l'audience.
SUR CE
I sur les demandes de l'appelant
A sur les exception et fins de non recevoir soulevées par l'intimé
1° sur l'exception d'incompétence,
Il est exact que les demandes concernant les fautes inexcusables et /ou intentionnelles fondées sur l'article L 452-5 du code de la sécurité sociale relèvent de la compétence du tribunal des affaires de sécurité sociale.
Toutefois, il n'y a pas lieu à renvoyer devant cette juridiction et ce dans la mesure où en application de l'article 79 du code de procédure civile, la présente cour saisie par l'effet dévolutif de l'appel de l'ensemble du litige et investie de la plénitude de juridiction tant en matière prud'homale qu' en matière de sécurité sociale et en matière civile, a le pouvoir et le devoir de garder la connaissance de l'affaire et d'apporter à celle ci une solution au fond.
2° les fins de non recevoir,
*sur la prescription tirée de la loi 2008-561 du 17 juin 2008,
Cette fin de non recevoir tirée de cette prescription ne peut être acceuillie par rapport à la présente action prud'homale engagée par [J] [V]
En effet, il ressort de l'examen du dossier de la juridiction prud'homale que le courrier adressé par le conseil de [J] [V] au conseil de prud'hommes d' Aix-en-Provence est en date du 29 mai 2008 et a été réceptionnée par le greffe de cette juridiction prud'homale le 2 juin 2009, que ce même jour le dit greffe a envoyé les convocations devant le bureau de conciliation, que [A] [Z] [K] a en accusé de réception le 4 juin 2009.
Considérant que c'est la date de l'accusé de réception de la convocation du défendeur devant le bureau de conciliation qui vaut acte interruptif de prescription, dont il doit être tenu compte , il apparaît que l'action qui a été en l'espèce engagée le 4 juin 2009 soit antérieurement à la loi 2008-561 du 17 juin 2008 était donc soumise à la prescription trentenaire.
Tenant les dispositions transitoires édictées par l'article 26 de cette loi et codifiées sous l'article 2222 du code civil auquel la cour renvoie, l'action de l'appelant qui a un fondement contractuel ne peut être considérée comme prescrite et sous réserve de prescription spéciale ainsi qu'il sera dit ci-après.
*sur la prescription spéciale de l'article 431-2 alinéa 1 du code de la sécurité sociale, ( et non l'article 432-6 cité par erreur),
Il convient de faire droit à cette fin de non recevoir.
En effet , il résulte de ce texte que les droits de la victime ou de ses ayants droit aux prestations et indemnités prévues par la législation professionnelle se prescrivent par deux ans à dater du jour de l'accident ou de la cessation du paiement de l'indemnité journalière.
Dès lors, la cour qui a compétence pour statuer comme il a été dit ci-dessus sur les demandes concernant les fautes inexcusables et /ou intentionnelles fondées sur l'article L 452-5 du code de la sécurité sociale lesquelles sous entendent l'existence d'une reconnaissance d' un accident du travail, ne peut que constater que le syndrome anxio-dépressif invoqué est en date du 29 avril 1989 et que [J] [V] qui n'a pas demandé la prise en charge de cet accident dans le délai de deux ans sus visé est forclos dans son action contre [A] [Z] [K] sur le fondement de la législation professionnelle comme il l' a été contre la SAS Cophoc ainsi que cela résulte de l'arrêt de la Cour de cassation en date du 17 janvier 2008 qui a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry du 17 février 2006 et contre la SAS des Pétroles Shell suivant arrêt de la Cour de cassation en date du 31 mai 2012 qui a rejeté son pourvoi sur l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry du 6 avril 2010.
En conséquence, les demandes se rapportant à l'application de la législation professionnelle notamment sur les fautes inexcusables et ou intentionnelles prétendues de l'intimé et sur leurs conséquences indemnitaires, y compris celles aux fins d'expertise sont irrecevables comme prescrites;
*sur la prescription de l'ancien article 2277 du code civil
Il n'y a pas lieu de statuer sur cette fin de non recevoir, l'appelant ne sollicitant aucun paiement de salaires ou accessoires à l'endroit de [A] [Z] [K]
*sur l'autorité de chose jugée,
L'article 1351 du code civil dispose que « l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement,; il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause, que la demande soit entre les mêmes parties et forméé par elle et contre elle à la même qualité'.
La fin de non recevoir tirée de cet article ne peut être acceuillie, faute d'identité des parties et ce dans la mesure où les différentes décisions déjà rendues en matière judiciaire, définitives et passées en force de chose jugée l'ont été à l'endroit de la SA Cophoc, ou de cette société devenue par absorption société Schell Direct ou de la société mère Shell Française SA devenue société des Pétroles Schell.
Par contre, au vu des décisions pénales rendues sur l'action intentée par [J] [V] contre [A] [Z] [K], pour délit d'entrave à la candidature et aux fonctions de conseiller prud'homme, à savoir le jugement du tribunal correctionnel d' Aix-en-Provence en date du 22 novembre ayant prononcé la relaxe [A] [Z] [K], l'arrêt confirmatif de la chambre correctionnelle de la cour d'appel du 10 janvier 1992 ainsi que l 'arrêt de rejet de pourvoi rendu par la Cour de cassation le 19 janvier 1993, il y a bien identité des parties et donc irrecevabilité des demandes fondées sur les articles L 1442-19 et L1442-5 du code du travail dans le cadre de la présente espèce et ce dans la mesure où [J] [V] invoque les mêmes faits que ceux qui ont été portés à la connaissance du juge pénal et où l' autorité de la chose jugée attachée à la décision pénale interdit au juge prud'homal de revenir sur ces mêmes faits.
B sur le fond
L'appelant produit au débat notamment:
-ses propres courriers de décembre 2008 envoyés au président directeur général,
-le rapport d'expertise de [Y] [B] désigné par le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de de Martigues et dont les conclusions précisent que [J] [V] occupait la fonction de secretaire général et non une fonction de juriste spécifique à l'intérieur d'un service juridique ou fiscal autonome qui n'existait pas dans l'entreprise,
-les documents concernant son congé individuel de formation,
-l' ordonnance de référés du 27 janvier 1989 condamnant la SA Cophoc au paiement en denier ou quittance du salaire de novembre 2008 ainsi que celle du 24 février 1989 constatant la remise par la même société de la somme 18 518,38 F net correspondant au salaire de janvier 2009 avec délivrance du bulletin correspondant.
-le solde de tout compte délivré le 28 août 2009, déduction faite des salaires de décembre, janvier et février 1989 non remboursés par le Forecif,
-le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Martigues le 24 avril 1991, condamnant [J] [V] à rembourser à la SA Cophoc 98 702,80 F au titre des salaires indument payés d'octobre 1988 à mai 1989 et l'arrêt de la cour d' Aix-en-Provence en date du 21 mars 1994 ayant réformé ce jugement et rejetant la demande de [J] [V] à titre de dommages et intérêts pour attitude dolosive, déloyale et malveillante de l'employeur au motif que la SA Cophoc n'a pas commis de faute faisant dégénérer en abus le droit d'introduire une action en justice,
-les lettres lui confiant délégation et celle en date du 19 décembre 1999 lui retirant ses délégations,
-une réponse de l'inspection du travail en date du 17 juillet 1992, faite suite aux interrogations de [J] [V] sur sa situation en stage de reclassement professionnel par rapport au mandat de conseiller prud'homme employeur,
-les déclarations collectives de candidatures au conseil de prud'hommes d' Aix-en-Provence de décembre 1982,
-deux photocopies de comptes rendus du conseil d'administration du 23 novembre 1988, l'un qualifié de projet par [J] [V] et l'autre de définitif sans que cela ne ressorte d'aucune mention,
-les décisions pénales ci-dessus visées rendues sur la citation directe par [J] [V] à l'endroit de [A] [Z] [K] pour délit d'entrave,
-le courrier en date du 11 janvier 1989 signé par [A] [Z] [K], président directeur général aux fins d'autorisation de licenciement formulée auprès de l'inspection du travail et la décision accordant cette autorisation, la lettre de licenciement,
-le courrier du cabinet d'expertise comptable [U] en date du 25 mars 1991 adressé à M [V] et lui confirmant que la lettre d'observation de M [W] commissaire aux comptes en date du 17 janvier 1989 à la société Copoc ne le mettait pas en cause directement,
-l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes en date du 14 février 2000 rendu sur renvoi de cassation,
-son arrêt de travail du 29 avril 1989, l'attestation de salaires signé par [R] [O] directeur administratif de la SA Cophoc,
-l'attestation de [S] [M] déclarant s'être rendu au siège de la SA Cophoc et s'être vu refusé par [R] [O] directeur administratif, la remise des attestations patronales afin que [J] [V] puisse bénéficier es indemnités journalières,
-le contrat prévoyance du groupe Proxima et le courrier de cet organisme, en date du 22 novembre 1989 ,
-le courrier en date du 5 avril 1989 de la SA Cophoc au Fogecif,
-le courrier de Maître [T] du 11 avril 1989 confirmant au directeur du centre de formation professionnelle d'avocat, de l la présence de M [V] au stage et faisant référence à l'attitude de M [K] qu'il a assigné pour délit d'entrave,
-la lettre signé de M [K] président directeur général à M [V] en date du 16 novembre 1988, lui demandant de justifier de ses absences depuis le 17 octobre 1988,
-la lettre en date du 12 mars 1992 de la SA Cophoc signée par A. [H] adressée à la chambre départementale des huissiers, et lui communiquant sur sa demande, la liste des procédures en cours avec M [V],
-la notification le 29 juin 1993 de l'attribution définitive d'une pension invalidité, quatre certificats médicaux le premier en date du 16 novembre 1992 faisant état de difficultés psychiatriques ou d syndrome réactionnel suite à son licenciement.
En premier lieu, il convient de tirer les conséquence de la fin de non recevoir qui a été accueillie ci dessus au titre de l'autorité de la chose jugée au pénal, ce qui exclut de l'examen au fond les faits invoqués concernant les pressions tendant à obtenir sa démission suite à sa prise de fonction de conseiller prudh'omme, le non versement des salaires et accessoires à compter du mois de novembre 1988 (évoqué expressément dans l'arrêt de la chambre correctionnelle) et le licenciement prétendu discriminatoire, ( la chambre correctionnelle ayant relevé qu'il n'y avait suite à l'enquête effectuée par les services de l'inspection du travail, aucun lien entre le mandat de conseiller prud'homme et le licenciement).
D'autre part, s'agissant du dénigrement destiné à briser sa carrière et à lui faire perdre son honneur, de la radiation de la liste des fondés de pouvoir sur proposition de [A] [Z] [K] , et du défaut de déclaration ou d'information qu'il invoque, il apparaît à l'examen de pièces produites:
- que l'appelant n'établit pas la matérialité de faits précis et concordants laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral qui aurait été perpétré par l'intimé comme 'co-auteur' de la SA Cophoc (cette dernière n'ayant jamais été au demeurant condamné à ce titre) ou même personnellement tant dans le cadre de sa mission de président directeur général ou même en dehors de sa mission , de sorte que sur la base de l'article 1147 du code civil pour la période antérieure à la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 ou postérieurement sur la base sur des articles L.11 52 - 1 -2- 3, L. 11 52 -4 et L 41 21 - 1 du code du travail, la demande de l'appelant doit à ce titre être rejetée, étant observé que l'appelant est sorti de l'entreprise en avril 1989 et que l'intimé a fait valoir ses droits à la retraite en 1994,
-qu' aucun acte d'une particulière gravité commis volontairement ou avec intention de nuire ni même de simple négligence ne peut être relevé à l'encontre de l'intimé et pouvant mettre en jeu sa responsabilité délictuelle sur le fondement de l'article 1382 du code civil à l'égard de [J] [V].
-qu'il n'est pas non plus démontré d'atteinte portée à la dignité du salarié par le président directeur général de sorte qu'il ne sera retenu aucun violation de l'article 26-2 de la charte sociale européenne,
- que de plus, il n'est fait référence dans les documents produits à l'appartenance syndicale de l'appelant et aucun indice ne peut laisser présumer une discrimination à ce titre, indépendamment de l'entrave aux fonctions prud'homales dont la demande a été déclarée ci dessus irrecevable, qu'en conséquence, aucun indemnisation ne peut être octroyée sur ce point.
Il convient de préciser:
-que comme le relève et en justifie l'intimé, la plupart des faits invoqués par l'appelant dans la présente procédure notamment au titre du harcèlement ou de la discrimination ont été également invoqués dans les autres procédures qu'il a intentée contre la SA Cophoc ou de la SAS Shell Française SA devenue société des Pétroles Schell et dont il a été en partie débouté, et que la chose demandée est toujours la même,
-que si les différentes décisions auxquelles [A] [Z] [K] n'était pas partie ne peuvent être revêtue de l'autorité de la chose jugée, il n'en reste pas moins qu'elles ne peuvent être ignorées et constituent autant de faits juridiques ou d'éléments objectifs que la cour ne peut écarter.
Il y a lieu de constater:
-que l'arrêt de la cour d'appel d' Aix-en-Provence du 21 septembre 1999 a confirmé le jugement du conseil de prud'hommes d' Aix-en-Provence du 1er mars 1996, qui a débouté [J] [V] de ses demandes à l'endroit de la SA Cophoc devenu Shell Direct pour rappel de salaires, remboursement de retenue et dommages et intérêts , et en majorant même les dommages et intérêts pour procédure abusive mis à la charge de [J] [V],
- que l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes en date du 14 février 2000 sur renvoi de cassation de l'arrêt de la cour d'appel d' Aix-en-Provence du 2 décembre 1996 sur le rejet des demandes de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, a indemnisé l'appelant des conséquences de la radiation de la liste des fondés de pouvoir dans le cadre du licenciement qualifié de sans cause réelle et sérieuse (et a rejeté les autres préjudices spécifiques invoqués notamment perte de chance de réussite professionnelle au motif que l'impossibilité de retrouver un emploi résultait de la décision de placement de [J] [V] de la sécurité sociale en invalidité 2 ème catégorie) sans qu'il puisse être déduit contrairement aux allégations de l'appelant que [A] [Z] [K] en aurait été l'instigateur,
-que de même l' arrêt en date du 30 mars 1995, la cour d'appel d' Aix-en-Provence, a confirmé pour partie le jugement du tribunal de grande instance du 8 avril 1993 qui a condamné à payer à M [V] la société Proxima 5962, 57 F au titre de l'incapacité temporaire totale de travail du 18 octobre au 30 octobre 1989, et la SA Cophoc 36 782,76 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice dû à sa négligence pour n'avoir pas déclaré les arrêts de travail du 26 juin et 13 juillet 1989 à la Proxima, et a rejeté le surplus des demandes pour exclusion de garantie que là encore il n'est pas démontré qu' un quelconque comportement personnel et/ou intentionnel puisse être reproché à l'intimé ,
-qu'enfin, s'agissant du syndrome dépressif réactionnel à compter du 29 avril 1989 ( postérieur au licenciement) , la Cour de cassation dans son arrêt du 31 mai 2012 sur le pourvoi rejeté contre l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry du 6 avril 2010, fait référence au fait qu'elle même dans son arrêt du 17 janvier 2008 a définitivement tranché la question du caractère non professionnel de ce syndrome à l'égard de la SAS Cophoc, employeur, ce qui exclut toute demande de l'appelant directe ou indirecte s'y rapportant dans le cadre du présent litige.
En conséquence, en dehors des fins de non recevoir ci dessus accueillies, le débouté de l'action de l'appelant au fond s'impose.
II sur les autres demandes
Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande reconventionnelle en dommages et intérêts, l'action de l'appelant ne peut être déclaré d'abusive.
Par contre, il convient d'allouer en équité à l'intimé une indemnité de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
L'appelant qui succombe ne peut bénéficier de cet article et doit être tenu aux dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Réforme le jugement déféré en toutes ses dispositions pour une meilleure compréhension,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que par application de l'article 79 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de renvoyer l'examen des questions relevant du tribunal des affaires de sécurité sociale, la cour ayant le pouvoir de statuer.
Rejette la fin de non recevoir tirée de la loi 2008-561 du 17 juin 2008, ainsi que celle tirée de l'autorité de la chose jugée sauf en ce qui concerne les demandes se rapportant à l'entrave aux fonctions prud'homales,
Dit que les demandes se rapportant à l'application de la législation professionnelle notamment sur les fautes inexcusables et ou intentionnelles prétendues consécutives à un accident du travail et sur leurs conséquences indemnitaires, y compris celles aux fins d'expertise sont irrecevables comme prescrites en application de l'article 431-2 alinéa 1 du code de la sécurité sociale,
Déboute [J] [V] de ses autres demandes.
Rejette la demande reconventionnelle de [A] [Z] [K].
Condamne [J] [V] à payer à [A] [Z] [K] la somme de 2500 € à titre d'indemnité sur le fondement del'article 700 du code de procédure civile,
Condamne [J] [V] aux dépens d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT