COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
17e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 18 SEPTEMBRE 2012
N° 2012/
MV/FP-D
Rôle N° 10/18027
[O] [I]
C/
SA CEGID
Grosse délivrée
le :
à :
Me Jean-pierre POLI, avocat au barreau de NICE
Me Joseph AGUERA, avocat au barreau de LYON
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE en date du 15 Septembre 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 10/23.
APPELANT
Monsieur [O] [I], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Jean-pierre POLI, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
SA CEGID, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Joseph AGUERA, avocat au barreau de LYON ([Adresse 2]) substitué par Me Bruno DEGUERRY, avocat au barreau de LYON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 13 Juin 2012 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Marc CROUSIER, Président
Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller
Madame Corinne HERMEREL, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Françoise PARADIS-DEISS.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Septembre 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Septembre 2012.
Signé par Monsieur Jean-Marc CROUSIER, Président et Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Monsieur [O] [I] a été engagé selon lettre d'embauche du 30 mars 2000 à compter du 4 avril 2000 par la SA CEGID en qualité de Commercial et exerçait depuis le 15 février 2006 le poste de Responsable de site au sein de l'établissement de Sophia-Antipolis.
Le contrat prévoyait le système de rémunération suivant :
« Vos appointements mensuels sont fixés à 8 500F, incluant une indemnité maintien ARTT de 870 francs. En complément de votre salaire fixe, une prime d'un montant annuel de 72 000 F congés payés compris, vous sera attribuée, en acomptes mensuels, en fonction de votre position par rapport aux objectifs définis. Cette prime est versée sous forme d'acomptes mensuels avec un mois de décalage par rapport à la période travaillée. La réalisation de ces objectifs constitue un élément essentiel du présent engagement, leur non réalisation est susceptible d'entraîner la résiliation du présent engagement. Etant entièrement libre d'organiser votre activité qui s'exerce en dehors de tout établissement et de tout horaire contrôlable vous ne pourrez vous prévaloir de la réglementation sur la durée du travail...
Les frais consécutifs aux déplacements que vous pourriez être amené à faire vous seront remboursés dans les conditions et selon les modalités déterminées par note de service dont vous déclarez avoir pris connaissance.... »
Chaque année était signée entre les parties une lettre de mission définissant notamment l'objectif à réaliser et le mode de calcul de la partie variable de la rémunération.
La lettre de mission 2008 signée entre les parties prévoyait un objectif à réaliser de 280 K€ et un calcul de la prime sur marge fixée de la façon suivante :
« La somme des marges réalisée nette donne lieu à calcul du commissionnement selon le barème des Taux de Commissionnement suivant:
Condition 1 :
Montant de marge facturé
global à atteindre
Tranche 1 de 0% à 20% de l'objectif : taux de commission : 3 %
Tranche 2 de 20% à 60% de l'objectif : taux de commission : 8 %
Tranche 3 de 60% à 85% de l'objectif : taux de commission : 15 %
Tranche 4 de 60% à 85% de l'objectif : taux de commission : 16 %
Tranche 4 de 85% à 100% de l'objectif : taux de commission : 21 %
Tranche 5 au-delà de 100 % : taux de commission : 20 %
Condition 2 :
Montant de marge facturé
TPE PE à atteindre
de 0 à 15 K€ : taux de commission : 3 %
Supérieur ou égal à 15 k€ : taux de commission : 8 %
Supérieur ou égal à 45 k€ : taux de commission : 15 %
Supérieur ou égal à 60 k€ : taux de commission : 16 %
Supérieur ou égal à 90 k€ : taux de commission : 21 %
Supérieur ou égal à 90 k€ : taux de commission : 20 %
Le passage à la tranche supérieure nécessite de répondre aux 2 conditions.
Le Taux de commissionnement est appliqué sur chacune des tranches (Taux 1 sur Tranche 1, puis Taux 2 sur Tranche 2, suivants .... etc) »
Le 7 avril 2009 la société adressait à M. [I] la lettre de mission 2009 que celui-ci refusait de signer.
Le 21 avril 2009 un avertissement était délivré à M. [I], avertissement contesté par ce dernier le 13 mai 2009.
Le 9 juillet 2009 l'employeur informait M. [I] de la suspension du versement des primes.
Le 20 juillet 2009 l'employeur informait M. [I] que la prime allait être égale à zéro.
Le 28 juillet 2009 l'employeur informait M. [I] que les avances sur primes seront régularisées en fin d'année.
Le 21 septembre 2009 M. [I] saisissait le Conseil de Prud'hommes de GRASSE d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Le 27 juillet 2010 un avertissement était notifié à M. [I].
Le 15 septembre 2010 le Conseil de Prud'hommes de GRASSE, au visa de l'article 1184 du Code civil, des articles L. 1121. 1 du code du travail et 695,696 et 700 du code de procédure civile, disait que la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur n'était pas justifiée, disait que l'avertissement du 21 avril 2009 était justifié, en conséquence, déboutait M. [I] de toutes ses demandes, déboutait la société CEGID de sa demande reconventionnelle et condamnait M. [I] aux dépens.
Le 7 octobre 2010 M. [I] relevait régulièrement appel de cette décision.
Le 27 septembre 2010 M. [I] prenait acte de la rupture de son contrat de travail dans les termes suivants :
« Depuis plusieurs mois je suis confronté à de nombreuses difficultés dans l'exécution de mon contrat de travail.
En effet, depuis que j'ai refusé la lettre de mission que vous m'avez présentée en avril 2009 et qui comportait une augmentation importante de mes objectifs individuels ainsi que la réduction de mon secteur d'activité, entraînant une diminution considérable de ma rémunération que je ne pouvais accepter, j'ai été placé dans une situation, d'un point de vue tant professionnel que salarial, qui n'a eu de cesse de se dégrader.
Ainsi, bien que mes résultats aient continué de progresser (en dépit, notamment, de la suppression arbitraire de nombreux de mes dossiers), vous avez multiplié à mon égard les critiques injustifiées.
De plus, j'ai subi une réduction unilatérale et inacceptable de ma rémunération puisque vous avez refusé, au motif de mon défaut de signature de la lettre de mission proposée pour 2009, d'appliquer la lettre de mission régulièrement signée en 2008 et qui devait être maintenue tant qu'aucun nouvel accord n'était trouvé entre nous.
Ce comportement était d'autant plus abusif que vous aviez déclaré, lors de l'instance prud'homale que j'ai été obligé d'engager pour obtenir le respect de mes droits, appliquer ces modalités de rémunération fixées sur 2008.
Vous vous étiez par ailleurs engagés à " régulariser " ma situation à la fin de l'année 2009 ; or, près d'un an plus tard, rien n'a été fait.
Manifestement, vous considérez que la lettre de mission de 2008 que nous avons régulièrement signée, ne s'imposait pas à vous et que vous pouviez m'imposer les conditions de rémunération que vous avez arbitrairement définies, sans que mon accord pourtant indispensable à la modification de mon contrat de travail, n'ait d'importance.
C'est ce qui ressort d'ailleurs de la position que vous avez développée devant le Conseil de Prud'hommes de GRASSE qui a retenu à tort votre argumentaire selon lequel " l'adoption d'une nouvelle politique commerciale et de la part salariale et variable, la fixation des objectifs aux salariés, la modification unilatérale de la part variable du salaire, relèvent du pouvoir de direction de l'employeur " .
J'al fait appel de cette décision et face à cette situation, je suis aujourd'hui dans l'impossibilité de poursuivre l'exécution de mon contrat de travail.
Non seulement vous ne respectez pas vos obligatIons les plus élémentaires en refusant de me régler l'ensemble des salaires qui me sont dus mais en plus vous n'avez de cesse de multiplier les agissements déloyaux à mon égard.
Vous avez tout fait pour me pousser à bout,
Par conséquent, votre comportement ne me permet plus de continuer de travailler au sein de votre société et je vous informe par la présente prendre acte de la rupture de mon contrat de travail à vos torts exclusifs.
Je vous remercie de me faire parvenir l'ensemble de mes documents de fin de contrat et de me régler le solde des salaires qui me restent dus, notamment depuis 2009.
Dans cette attente... »
M. [I] conclut à la réformation du jugement déféré et demande à la Cour d'annuler l'avertissement disciplinaire du 21 avril 2009, d'annuler l'avertissement disciplinaire du 27 juillet 2010, de condamner la SA CEGID à lui verser les sommes de :
110 702,47 € à titre de rappel de salaire sur commissions 2009-2010 ,
11 070,24 € au titre des congés payés y afférents,
3000 € sur un rappel de salaire sur prime Champion's club 2009,
300 € au titre des congés payés y afférents,
30 579 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
3057,90 € au titre des congés payés y afférents,
35 392,36 € au titre de l'indemnité de licenciement,
365 000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,
29 377,90 € à titre d'indemnité de congés payés sur commissions et primes,
ainsi qu'à lui remettre sous astreinte de 100 € par jour de retard son certificat de travail, l'attestation Pôle Emploi et ses bulletins de salaire,
et de dire que les créances salariales porteront intérêts au taux légal capitalisé à compter de la demande en justice.
Il sollicite enfin la somme de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La SA CEGID conclut à la confirmation du jugement déféré aux fins de voir débouter M.[I] de l'intégralité de ses demandes et de le condamner à lui verser les sommes de :
100 000 € à titre de dommages et intérêts,
16 578,66 € au titre du préavis,
5 000 € à titre de dommages et intérêts en application de l'article 30.1 du code de procédure civile,
10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
et de le condamner en outre au paiement d'une amende civile de 3000 € sur le fondement de l'article 30.1 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il y a lieu de se référer au jugement du Conseil de Prud'hommes et aux écritures déposées, oralement reprises.
Sur ce,
Sur la demande d'annulation des avertissements disciplinaires,
Attendu que concernant l'avertissement du 21 avril 2009 il apparaît d'une part que la SA CEGID n'apporte aucune pièce justificative aux reproches formulés et fait valoir à tort que M. [I] aurait le 13 mai 2009 « reconnu avoir détourné les règles relatives à l'enregistrement des contrats d'assistance » alors que dans ledit courrier M. [I] fait uniquement état d'une erreur ayant une incidence de 24 € sur son salaire brut et de ce qu'il est « peiné après 10 ans de collaboration d'être sanctionné pour une telle erreur », erreur dont il explique le mécanisme et qui est implicitement reconnue par un mail en réponse du 15 mai 2009 émanant de M. [K], Directeur d'Agence («la commande Euro'Dit a été remise dans les normes: +86/mois de récurrent et - 3490 € de prod. Si ces montants ne sont pas significatifs, pourquoi se créer des pbs là où il n'y en a pas! ... », de sorte que cet avertissement n'était pas justifié au regard de la modicité de l'erreur commise et doit être annulé, précision faite que cet avertissement contient en outre une sanction pécuniaire illicite puisqu'il prévoit le retrait « de l'affaire EURO'DIT de votre plan de rémunération variable » de sorte qu'à ce double titre son annulation s'impose ;
Attendu que concernant l'avertissement délivré le 27 juillet 2010 pour lequel la société CEGID ne produit ni pièce ni explication , il doit également être annulé ;
Sur la demande de rappel de salaire sur commissions 2009-2010,
Attendu que la lettre d'engagement de M. [I] prévoit « un appointement mensuel fixe et en complément, une prime d'un montant annuel de 72 000 F congés payés compris attribuée en acomptes mensuels en fonction de votre position par rapport aux objectifs définis » la lettre de mission du 24 mai 2000 précisant à ce titre que le versement de la prime d'objectifs est soumis « à l'acceptation d'un commun accord des objectifs précisés ci-après » de sorte que c'est à tort que le jugement déféré a dit que la fixation des objectifs et la modification unilatérale de la part variable du salaire relevait du pouvoir de direction de l'employeur en oubliant d'indiquer qu'à défaut d'accord entre les parties, celles-ci devaient continuer à appliquer les dispositions contractuelles antérieurement convenues entre elles ;
Attendu que M. [I] ayant refusé de signer sa lettre de mission du 27 mars 2009 qui lui a été remise le 7 avril 2009 - fixant des objectifs pour l'année 2009 à 290 K€ HT ainsi qu'un « objectif de facturation influencée, générée par les ingénieurs commerciaux sédentaires sur votre secteur » et un calcul de prime sur activité comportant 5 tranches alors que la lettre de mission 2008 prévoyait un objectif de 280 K€ HT, pas de facturation influencée et un calcul de prime sur activité comportant 6 tranches - seules devaient continuer à lui être appliquées les modalités de rémunération conformes à la lettre de mission 2008 et non les modalités de rémunération correspondant la lettre de mission 2009 non acceptée ;
Attendu que la SA CEGID a de façon abusive tenter d'obtenir la signature par M. [I] et par quelques autres salariés de la feuille de mission 2009 en leur indiquant par deux e-mails du 9 juillet 2009 : « je vous informe suspendre le versement des primes variables pour ces ingénieurs commerciaux... vous faites partie des 11 qui n'ont pas retourné leur lettre de mission, il est dommage d'en arriver là après les nombreux échanges sur ce sujet. Je confirme donc la suspension du versement des primes » puis par nouveau mail du 17 juillet 2009 adressé spécialement à M. [I] et ayant pour objet « lettre de mission » : « rappelle-moi à ce sujet car la prime va être à 0 ce mois-ci et la situation devient ridicule » exerçant à ce titre une forme de chantage inacceptable et affirmant enfin dans un courrier du 28 juillet 2009 régulariser la situation sur la base de la lettre de mission 2008 («...Par ailleurs, nous tenons à vous rappeler que la lettre de mission et d'objectifs qui vous a été présentée comme à l'ensemble des ingénieurs commerciaux de la branche pour l'année 2009 répond à la stratégie commerciale définie au niveau de l'entreprise.En conséquence, nous ne pouvons que regretter votre refus d'adhérer à la politique commerciale de l'entreprise. Par ailleurs, vous indiquez être sanctionné du fait de la non signature de votre lettre de mission et objectifs 2009, par un versement de primes non conforme aux facturations réalisées. Or, nous vous rappelons que votre objectif est annuel et que, vous percevez, comme chacun ingénieur commercial des acomptes chaque mois. Sur ce point, nous souhaitons vous confirmez que, conformément aux années antérieures, vous percevez à ce jour des avances sur primes qui feront, bien entendu, l'objet d'une régularisation en fin d'année conformément à nos engagements contractuels... ») alors qu'elle ne justifie d'aucune régularisation sur la base 2008 et a à compter du mois d'avril 2009 versé à M. [S] des acomptes sur primes d'objectifs très inférieurs aux acomptes perçus antérieurement sans démontrer que lesdits acomptes réduits soient en relation avec « la position » de l'intéressé « par rapport aux objectifs définis » tel que contractuellement prévu ;
Attendu que la SA CEGID continuait encore le 10 mars 2010 dans un mail adressé à M.[I] à calculer les acomptes « sur la base de l'objectif 2009 », persistant en cela dans la modification unilatérale de la structure de la rémunération du salarié dans sa partie variable entraînant pour ce dernier une baisse de rémunération sensible dont il justifie au travers des pièces qu'il communique et qui ne sont pas sérieusement critiquées par la société CEGID laquelle se contente de soutenir que « les éléments versés aux débats par le salarié ne sont pas pertinents pour le calcul des commissions qui lui étaient dues au titre de l'année 2009 » car M. [I] « ne bénéficie d'une prime que sur les seules marges facturées et en aucun cas sur les commandes enregistrées » sans pour autant produire en ce qui la concerne un décompte clair sur la base de la lettre de mission 2008 produisant en effet deux pièces contradictoires (numéro 14 et numéro 23) concernant le décompte de prime au 31 décembre 2009 l'une fondée sur un objectif de 290 000 € l'autre de 280 000 € ,les deux tenant compte à tort du palier de CA influencé avec de surcroit 5 tranches pour l'un et 6 tranches pour l'autre (dont deux tranches "4" ) et ne répondant - en dehors de ses dénégations et de ses affirmations selon lesquelles M. [I] n'aurait pas atteint en 2009 les objectifs qui lui étaient assignés et aurait manqué d'activité commerciale - à aucun des reproches formulés par ce dernier concernant notamment l'absence de régularisation des primes, le retrait de plusieurs contrats passant sous le code du directeur alors qu'il s'agissait de clients qu'il avait démarchés personnellement, la baisse de son taux de marge passant de 54 % à 29 %, la non production de bons de commande dont il avait demandé la transmission par voie de sommation de communiquer et la baisse de sa rémunération en 2009 alors qu'il avait eu une activité encore en augmentation par rapport à celle de 2008 ;
Attendu qu'il y a lieu en conséquence au regard de la carence manifeste de la société CEGID à établir le décompte des sommes dues à M. [I] en 2009 et jusqu'au 30 septembre 2010 sur la base de la lettre de mission 2008, seule applicable, de faire droit à la demande formée par ce dernier et non subsidiairement sérieusement contestée à hauteur de 110 702,47 € ;
Attendu en revanche que tant la lettre d'embauche que les lettres de mission ultérieurement signées prévoyant que « la partie variable inclut la part des congés payés (10 %) », il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes formées par M. [I] au titre des congés payés afférents au rappel de salaire susvisé ni à la demande formée à hauteur de 29 377,90 € relative aux congés payés sur les primes et commissions des années 2004 à 2007, peu important à ce titre que les bulletins de salaire ne fassent pas apparaître de façon distincte la part correspondant aux congés payés dans la mesure où le taux de ceux-ci est connu et donc identifiable ;
Sur la demande relative à la prime Champion's club 2009,
Attendu qu'indépendamment du fait que M. [I] a au minimum réalisé au 30 novembre 2009 (même en ne tenant compte que des seules pièces contradictoires susvisées ), son objectif à plus de 110 % il ressort d'une note du 1er décembre 2009 que la société a décidé que l'octroi de la prime champion serait notamment soumise à la signature de la lettre de mission 2009 («Tout collaborateur remplissant les conditions pour pouvoir faire partie du " Champion's Club 2009 " , ... devra en outre avoir respecté toutes les procédures commerciales, ne pas être en période de préavis et avoir signé sa lettre de mission pour 2009 ; sans quoi il ne pourra pas être considéré comme gagnant.. » ) introduisant ainsi une condition arbitraire de nature à constituer une sanction pécuniaire illicite de sorte que M.[I] est en droit de prétendre en 2009 à l'attribution de la prime en question soit la somme de 3000 €, les congés payés afférents à cette prime n'étant pour les mêmes raisons que précédemment exposées pas dus ;
Sur la prise d'acte de la rupture,
Attendu que lorque M. [I] a le 21 septembre 2009 saisi le CPH de GRASSE d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail il avait déjà fait l'objet de la part de la Société CEGID d'une baisse injustifiée de ses avances sur commissions, avait déjà sollicité par courrier du 18 juillet 2009 la régularisation de la partie variable de son salaire ( " Je fais suite à nos différents échanges concernant la lettre de mission 2009 dont vous exigez la signature depuis le 6 avril 2009. Je note un changement radical de comportement depuis cette même date ... et surtout la suppression unilatérale d'une partie substantielle de ma rémunération. Je vous rappelle que depuis 5 ans, je suis en tête des différents classements nationaux me permettant de gagner les différents " Champion 's" Club et d'être cité en référence au sein de notre entreprise. Je n'ai d'ailleurs fait l'objet d'aucun reproche depuis toutes ces années " bien au contraire ". J'avoue donc avoir beaucoup de mal à comprendre les mesures de rétorsion prises à mon encontre et en particulier la suppression d'une partie importante de mon salaire, ce qui me cause un préjudice considérable. Je vous rappelle que je suis seul à travailler, marié et père de deux enfants en bas âge avec un crédit immobilier à supporter, que ma rémunération est indexée depuis des années sur les bénéfices que je dégage et ceux-ci ont toujours été aussi constants avec une rémunération sensiblement identique chaque année jusqu'au mois de mars de cette année. depuis le mois d'avril 2009 ...ma rémunération se retrouve amputée. Jusqu'à ce jour, je ne perçois pratiquement plus que mon salaire fixe c'est- à-dire 25% de ma rémunération habituelle. Il me semble que cette mesure n'est pas acceptable car elle consiste à sanctionner indûment ma légitime interrogation concernant la lettre de mission. La modification de cette lettre modifie le calcul de ma rémunération et indexe le calcul de mon variable sur des factures dont je n'ai aucune maîtrise...Je suis donc contraint de vous adresser la présente afin que vous régularisiez à réception mon salaire en m'adressant les arriérés qui s'élèvent à la somme de 10000 € environ brut de salaire. Je reste dans l'attente de votre réponse ..."),avait déjà été destinataire d'un avertissement injustifié, avait reçu en juilllet deux courriers l'avertissant de la suspension des primes de sorte que la société ayant unilatéralement modifié sans son accord les modalités de sa rémunération variable et l'ayant privé indûment d'une partie non négligeable de sa rémunération sa demande de résiliation judiciaire aux torts de l'employeur produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse était justifiée, le jugement déféré l'ayant à tort débouté de cette demande ;
Attendu que s'il apparaît qu'un mois avant la saisine de la juridiction prud'homale, le 17 août 2009, l'épouse de M. [I] avait crée la société DATACORP dont ce dernier n'était alors qu'associé majoritaire dans le cadre légal du régime de la séparation de biens, ce fait est sans influence sur les fautes préalables commises par la société [I] d'une part parce que l'épouse de l'intéressée était libre de créer sa propre société surtout au regard de la baisse de rémunération sensible imposée à son époux d'autre part parce que la société CEGID ne démontre pas que M. [I] ait eu quelconque rôle dans cette société ni que la société DATACORP ait eu un objet social identique au sien ;
Attendu en effet que la Société CEGID est spécialisée dans l'édition de logiciels de gestion à destination des TPE, des PME et des grandes entreprises, tandis que la société Datacorp a pour objet notamment la distribution de progiciel ou logiciel informatique ,la distribution et le négoce de matériel informatique et des services associés, le négoce de consommable informatique, la vente de service de type consulting et autres, la vente de solution télécom et service associés, la vente de contrat d'assistance et de maintenance informatique , ce qui constitue une activité complémentaire mais non identique;
Attendu par ailleurs que les imprimés que la Société CEGID produit pour tenter de démontrer que le société DATACORP aurait copié dans leur forme et leur contenu ses propres imprimés sont en réalité des imprimés types et au surplus en l'espèce non strictement identiques, de sorte qu'elle ne démontre pas que M. [I] ait exercé une activité concurrente et ce d'autant qu'elle n'a intenté aucune action en concurrence déloyale à l'encontre de la société DATACORP ;
Attendu enfin que la société CEGID en dehors d'une copie d'écran non identifiable désignant à une date inconnue M. [I] comme étant le Directeur de la socité Datacorp et d'un mail en date du 14 avril 2010 non davantage conforté par témoignage ou constat d'huissier censé être adressé à M.[I] par un client de la Société Datacorp sont insusceptibles d'établir que ce dernier exerçait préalablement à la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail une activité commerciale concurrente ou exécutait de façon déloyale son contrat de travail ;
Attendu qu'en toutes hypothèses le manquement contractuel initial incombe à la Société CEGID de sorte que cette dernière ne peut reprocher à M. [I] d'avoir tenter de préserver un avenir professionnel qu'elle avait délibérement compromis en le privant d'une partie de sa rémunération et en exerçant sur lui un chantage financier afin de le contraindre à signer la lettre de mission 2009 ;
Attendu que du fait de la prise d'acte la demande de résiliation judiciaire devient sans objet mais les motifs la justifiant sont identiques de sorte qu'il y a lieu de dire que cette prise d'acte produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse;
Attendu que la rupture étant imputable à la société CEGID les demandes reconventionnelles formées par cette dernière doivent être rejetées ;
Attendu que sur la base de la rémunération 2008 ( 122316,40 € bruts ) la moyenne de salaire mensuelle de M. [I] était de 10193 € de sorte qu'il y a lieu de condamner la Société CEGID à verser à ce dernier au titre du préavis de trois mois la somme de 30579 € outre 3057 € au titre des congés payés y afférents et au titre de l'indemnité de licenciement pour une ancienneté de 10 ans et 5 mois la somme non subsidiairement contestée dans son quantum de 35392,36 € ;
Attendu que les créances salariales allouées porteront intérêts au taux légal à compter de la demande en justice soit le 21 septembre 2009 ;
Attendu qu'eu égard à l'ancienneté de M. [I],10 ans, à son âge lors de la rupture, 33 ans , mais compte tenu de ce qu'il ne justifie pas de sa situation professionnelle postérieurement à la rupture, il y a lieu , en fonction du seul préjudice dont il est justifié, de fixer à 70000 € le montant des dommages intérêts devant lui être alloués ;
Attendu que la SA CEGID devra délivrer à M. [I] le certificat de travail, l'attestation Pôle Emploi et les bulletins de salaire rectifiés conformément au présent arrêt, la nécessité du prononcé d'une astreinte n'étant pas rapportée ;
Attendu qu'il y a lieu de condamner la SA CEGID à verser à M. [I] la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS ,
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale,
Infirme le jugement déféré,
Et statuant à nouveau sur le tout,
Annule les avertissements du 21 avril 2009 et du 27 juillet 2010,
Dit que la prise d'acte par M. [I] de la rupture de son contrat de travail produit les effets d'un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ,
Condamne la SA CEGID à payer à M.[I] les sommes de :
110702,47 € à tire de rappel de commissions sur l'année 2009 et jusqu'au 27 septembre 2010,
3000 € au titre de la prime Champion's Club 2009,
30579 € au titre du préavis,
3057 € au titre des congés payés y afférents,
35392,36 € au titre de l'indemnité de licenciement,
70000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
ainsi qu'à lui délivrer le certificat de travail, l'attestation Pôle Emploi et les bulletins de salaire rectifiés conformément au présent arrêt,
Dit que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter du 21 septembre 2009,
Déboute M. [I] de ses demandes en paiement de congés payés sur commissions et primes,
Déboute la Société CEGID de ses demandes reconventionnelles,
Rejette toute demande plus ample ou contraire,
Condamne la SA CEGID aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à M. [I] la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT