COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 13 SEPTEMBRE 2012
N°2012/
Rôle N° 10/22187
SARL 2 A DONATACCI
C/
[V] [T] épouse [E]
Grosse délivrée le :
à :
Me Dominique LEDUC, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Me Marjorie BOYER RAVANAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE en date du 30 Novembre 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 08/1124.
APPELANTE
SARL 2 A DONATACCI, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Dominique LEDUC, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
Madame [V] [T] épouse [E], demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Marjorie BOYER RAVANAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 04 Juin 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre
Madame Brigitte BERTI, Conseiller
Madame Françoise GAUDIN, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Septembre 2012
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Septembre 2012
Signé par Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
[V] [T] épouse [E] a été engagée par la société Royer Nettoyage, suivant contrat à durée indéterminée en date du 22 janvier 2003 à temps partiel en qualité d'agent de propreté.
A compter du 1er septembre 2007, le contrat de la salariée a été repris par la Sarl 2A Donatacci.
Le 28 juin 2008, la salariée a fait l'objet d' un arrêt de travail prolongé jusqu'au 31 août 2008;
Le 22 août 2008, l'employeur a convoqué la salariée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 1er septembre 2008.
Le 18 septembre 2008, l'employeur a adressé à la salariée un courrier recommandé pour lui demander de justifier de son absence depuis le 1er septembre 2008.
Le 22 septembre 2008, la salariée lui a répondu en invoquant son impossibilité de travailler en absence de clés et face à la décision prise de la licencier.
Le 26 septembre 2008, l'employeur a notifié à la salariée un avertissement pour absence injustifiée depuis le 1er septembre 2008, sanction contestée à la salariée suivant courrier du 3 octobre 2008.
Après convocation le 24 octobre 2008 à un entretien préalable et par lettre recommandée du 7 novembre 2008 avec avis de réception, l'employeur a licencié la salariée en ces termes :
« suite à l' entretien que nous avons eu ensemble le 31/10/2008 à 17:30, nous avons le regret de vous informer que nous sommes dans l'obligation de vous licencier pour le motif suivant : faute grave. En effet vous n'avez pas repris votre travail le 1er septembre 2008 et vous n'avez pas justifié de cette absence ce qui constitue une faute grave. Votre licenciement définitif interviendra à la réception de la présente, le délai de préavis n' étant pas du s'agissant d'une faute grave. Nous joignons à ce courrier votre bulletin de paye, votre chèque, votre certificat de travail votre attestation ASSEDIC votre reçu pour solde de tout compte dont vous retournerez une copie signée».
Contestant la légitimité de son licenciement, [V] [T] épouse [E] a le 4 décembre 2008 saisi le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence lequel section commerce par jugement en date du 30 novembre 2010 a:
*dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
*dit que l'ancienneté de la salariée est reprise à compter du 22 janvier 2003,
*dit que le salaire moyen est de 536,33 €,
*condamné l'employeur à payer à la salariée les sommes suivantes
- 1072,66 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 107,26 €pour les congés payés afférents,
- 941,76 € à titre de rappel de salaire du 1er septembre 2008 au 7 novembre 2008 et 94,17€ pour les congés payés,
- 643,20 € à titre d'indemnité de licenciement,
- 50 € pour non-respect de la procédure de licenciement,
- 3500 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 79,02 € à titre de prime d'ancienneté calculée à compter du 22 janvier 2003,
- 1000 €sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
*ordonné à l'employeur de délivrer à la salariée l'attestation Assedic, le certificat de travail, le solde de tout compte conformes sous astreinte de 10 € par document et par jour à compter 60e jour de la notification du présent jugement, astreinte limitée à 90 jours,
*dit que les sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la demande en justice sauf pour les dommages-intérêts qui porteront réitérer à compter du prononcé et dit que les intérêts seront capitalisés,
*prononcé l'exécution provisoire en application des dispositions de l'article 515 du code de procédure civile,
*débouté l' employeur de sa demande d'article 700 du code de procédure civile,
*condamné l'employeur aux entiers dépens
La Sarl 2A Donatacci a le 13 décembre 2010 interjeté régulièrement appel de ce jugement.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Dans ses conclusions, la société appelante demande à la cour de:
* réformer le jugement déféré,
*dire sa défense régulière en la forme et justifiée,
*débouter l'intimée de l'ensemble de ses demandes,
*condamner l'intimée à lui verser 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à prendre en charge les entiers dépens.
Elle précise que l'intimé ne justifie pas à remplir les conditions prévues par la convention collective pour percevoir la prime d'expérience.
Elle fait valoir:
- que la première convocation à un entretien préalable du 1er septembre était motivée par le fait qu'elle avait appris qu'à son insu la salariée, dans l'exercice de ses fonctions, se faisait assister de façon habituelle par son mari lequel n'était lié par aucun contrat de travail,
- que la salariée ne s'est pas présentée à cet entretien, pas plus qu'elle n'a repris son travail à l'issue de son arrêt pour maladie,
- qu'elle est malvenu de soutenir qu'elle se croyait licencier alors que le courrier du 22 août était sans équivoque aucune une simple convocation à un entretien préalable.
Elle souligne:
-qu'il ne peut lui être reprochée le fait que la Poste ait présenté la lettre que le 27 octobre, que de plus la salariée a pu être effectivement et pleinement assistée de sorte que le délai réduit ne lui a causé aucun préjudice,
- que l'absence injustifiée de la salariée à compter du 1er septembre 2008 s'est prolongée postérieurement à l'avertissement du 26 septembre 2008,
-qu'à l'issue de son arrêt de travail, il lui suffisait de récupérer les clés des lieux à entretenir auprès de sa remplaçante et d'accomplir les fonctions pour lesquelles était employée, ce qu'elle n'ignorait pas et ce qui lui a été rappelée téléphoniquement,
- qu'en réalité la salariée ne souhaitait pas reprendre ses fonctions et avait manifesté à plusieurs reprises le désir de ne plus travailler de se voir licencier dans la mesure où il lui était interdit de se faire seconder par son mari.
Aux termes de ses écritures, l'intimée conclut à :
*la confirmation du jugement déféré sauf sur le montant des dommages-intérêts,
*à ce que l'appelante soit condamnée à lui payer en sus des sommes confirmées :
- 537 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement irrégulier,
- 16'800 €à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause et sérieuse,
- 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre la prise en charge des dépens.
Elle soutient :
- qu'elle s'est présenté le 1er septembre 2008 et n'a trouvé personne pour mener l'entretien ni pour lui remettre les clés des appartements qu'elle avait restitué à la demande de son employeur lors de son arrêt maladie de sorte qu'elle se trouvait dans l'impossibilité de travailler,
- qu'elle a pensé alors que son licenciement était effectif et a sollicité un rendez-vous auprès de l' Assedic,
- que n'étant pas en réalité licenciée, elle a téléphoné à l'employeur, s'est présentée et a sollicité la remise des documents de rupture ou la remise des clés des appartements pour effectuer son travail,
- que contre toute attente, l'employeur attendra près de trois semaines pour lui adresser une lettre datée du 18 septembre, indiquant qu'elle devait justifier de son absence.
Elle invoque l'irrégularité de la procédure de licenciement, et le motif injustifié tant en fait qu'en droit du licenciement.
Elle considère que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse puisque l'avertissement a épuisé le pouvoir disciplinaire de l'employeur; elle déclare contester l'absence injustifiée au motif qu'elle a écrit immédiatement employeur après l'avertissement en indiquant qu'elle voulait travailler et qu'elle se tenait à sa disposition.
Elle estime que l'employeur qui ne s'est pas manifesté, l'a par sa propre carence empêcher
de reprendre son travail sans que cela soit contestable, postérieurement à l'avertissement.
Elle réfute les attestations versées au débat par l'employeur qui sont dépourvues de toute valeur probante ne remplissant pas les formes prévues par l'article 202 du code de procédure civile, celle de Mme [I] semblant avoir une signature mal assurée, différente de celle du texte.
Pour plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures déposées par les parties et réitérées oralement à l'audience.
SUR CE
I sur les demandes au titre de l'exécution du contrat de travail,
1° sur la reprise de l'ancienneté.
S'agissant d'une perte de marché avec transfert de salariés, la reprise de l'ancienneté au 22 janvier 2003, telle que retenue par les premiers juges doit être confirmé en application de la convention collective des entreprises de propreté, le même contrat s'étant poursuivi.
2°sur le rappel de prime d'expérience (ancienne prime d'ancienneté)
L'article 11. 07 de la convention collective des entreprises de propreté prévoit le paiement d'une prime d'expérience d'un montant de 2 % après quatre ans d'ancienneté mais cet article dispose dans son alinéa 3 que 'cette prime n'est due qu'à la condition que sur présentation de justificatifs (tels que certificats de travail ) il n'y ait eu entre l'embauche et le contrat de travail précédent, effectué dans la profession, une interruption supérieure à 12 mois'.
Au vu des bulletins de salaires dans son emploi précédent auprès de Royer Nettoyage, il apparaît que l'intimée remplit toutes les conditions pour bénéficier de ce rappel de prime.
La confirmation s'impose donc sur ce point.
3° sur les salaires perdus du 1er septembre 2008 au 7 novembre 2008,
La salariée qui n'a pas travaillé et n'a pas justifié de son absence pour cette période ne peut prétendre au rappel revendiqué de sorte que la réformation du jugement sera prononcée.
II sur le licenciement
1° sur la régularité de la procédure,
L'article L 1232 -2 alinéa 3 du code du travail prévoit que 'l'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation'.
En l'espèce, il ressort des pièces versées au débat que la lettre recommandée de convocation certes datée du 24 octobre n 'a été présentée à la salariée que le 27 octobre et distribuée le 28 octobre pour un entretien fixé au 31 octobre 2008, que le délai légal susvisé n'a pas respecté.
Considérant que la salariée a pu néanmoins se faire assister, il y a lieu de lui accorder pour cette irrégularité une indemnité de 800 €.
2° sur le fond
La faute grave se définit comme la faute qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis sans risque de compromettre les intérêts légitimes de l'employeur.
Il appartient à l'employeur qui invoque la faute grave de son salarié d'en rapporter seul la preuve.
En l'état, la Sarl 2A Donatacci démontre la faute grave de l'intimée .
En effet, au vu des pièces versées, au débat, il s'avère:
-que la salariée n'a pas justifiée de son absence depuis le 1er septembre 2008 comme le lui a demandé l'employeur par lettre du 18 septembre 2008, à la suite de quoi, l'employeur lui a délivré un avertissement, sanction au demeurant dont la salariée n'a pas demandé ni ne réclame l'annulation et doit être considéré comme bien fondé,
-que postérieurement, à cet avertissement, la salariée a maintenu son comportement et n'a pas plus qu'avant l'avertissement justifié de son absence.
Le moyen soulevé par la salariée de l'épuisement du pouvoir disciplinaire de l'employeur suite à l'avertissement doit être rejeté au vu des constatations ci dessus énoncées.
De même, la contestation développée sur l'absence injustifiée proprement dite ne saurait prospérer et ce dans la mesure où elle n'établit pas que l'employeur se serait opposé à la reprise de son travail et l'aurait mis dans l'impossibilité de reprendre son travail, que bien au contraire, il ne ressort d'aucun élément qu'elle aurait fait une démarche positive en ce sens traduisant sa volonté sérieuse de reprendre le travail notamment en récupérant les clés chez sa remplaçante.
Sur ce point, l'employeur produit au débat les attestations de [D] [H], ancien employeur, et d' [P] [J] salariée de la Sarl 2A Donatacci, témoignages qui bien que ne comportent pas toutes les mentions légales exigées, présentent des garanties suffisantes et qui précisent la pratique instaurée dans l'entreprise au cas de remplacement, la personne remplaçante devant récupérer les clés auprès de la personne qu'elle devait remplacer et vice versa, à son retour la personne remplacée devait s'adresser à la personne qui l'avait remplacée pour se faire remettre les clés.
Dès lors, le licenciement pour faute grave est parfaitement fondé, l'attitude persistante de la salariée malgré l'avertissment rendait impossible son maintien au sein de l'entreprise sans risque pour cette dernière.
D'autre part, il y a lieu de constater que contrairement à l'analyse des premiers juges, les témoignages versés au débat par la salariée de deux autres employeurs chez qui elle a travaille [G] [M] et [N] [B] vantant ses qualités professionnelles ne sauraient l' exonérer de son comportement fautif vis à vis de la Sarl 2A Donatacci.
Dans ces conditions, la faute grave étant justifiée, l'intimée doit être débouté de ses demandes de dommagges et intérêts et d'indemnités de licenciement et de préavis.
Le jugement déféré sera donc réformé .
III Sur les autres demandes ou sur les demandes annexes
Les intérêts au taux légal avec capitalisation sur le fondement de l'article 1154 du code civil sur les sommes sus visées seront dus dans les conditions précisées au dispostif.
La remise de l'attestation Pôle Emploi, d'un certificat de travail, d'un solde de tout compte conformes au présent arrêt s'impose sans qu'il y ait lieu de prévoir une astreinte.
Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile à l'intimé.
L'employeur qui succombe au moins partiellement ne peut bénéficier de cet article et doit être tenu aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
.
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit que l'ancienneté devait être reprise au 22 janvier 2003 et a condamné la Sarl 2A Donatacci à payer à [V] [T] épouse [E] 79,02 € à titre de prime d'expérience (et non d'ancienneté).
Le réforme pour le surplus,
Statuant à nouveau sur les points réformés et y ajoutant,
Dit la procédure de licenciement irrégulière mais le licenciement pour faute grave justifié sur fond,
Condamne la Sarl 2A Donatacci à payer à [V] [T] épouse [E] en sus du rappel de primes d'expérience confirmé, la somme de 800 € à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement.
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Ordonne la remise par la Sarl 2A Donatacci à payer à [V] [T] épouse [E] de l'attestation Pôle Emploi, du certificat de travail et d'un solde de tout compte rectifiés et conformes au présent arrêt,
Condamne la Sarl 2A Donatacci aux dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT