COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
17e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 06 SEPTEMBRE 2012
N° 2012/484
YR
Rôle N° 11/02486
ASSOCIATION SOPHIA ALPES MARITIMES PROMOTION (SAM)
C/
[U] [P]
Grosse délivrée le :
à :
Me Maxime ROUILLOT, avocat au barreau de NICE
Me Jean-michel D'ASTE, avocat au barreau de GRASSE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de NICE en date du 15 Décembre 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 09/323.
APPELANTE
ASSOCIATION SOPHIA ALPES MARITIMES PROMOTION (SAM) prise en la personne de Monsieur [T] [E], Président en exercice domicilié ès qualité audit siège, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Maxime ROUILLOT, avocat au barreau de NICE substitué par Me Livia LANFRANCHI, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
Madame [U] [P], demeurant [Adresse 2]
comparant en personne, assistée de Me Jean-michel D'ASTE, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Marie-france GERAUD-TONELLOT, avocat au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 05 Juin 2012 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Yves ROUSSEL, Président
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller
Madame Brigitte PELTIER, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Monique LE CHATELIER.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Septembre 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Septembre 2012.
Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame Monique LE CHATELIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Madame [U] [P] a été engagée en qualité de directeur de la communication, à compter du 1er juin 1995 par l'Association Côte d'Azur Développement (CAD), association créée à l'initiative du Conseil Général des Alpes Maritimes, pour promouvoir le département des Alpes- Maritimes.
Le contrat de travail liant Madame [P] et l'association COTE D'AZUR DEVELOPPEMENT a été rompu par convention.
Madame [P] a aussitôt été engagée, en qualité de responsable réseaux et partenariats, par la Chambre de Commerce et d'Industrie [Localité 7] Côte d'Azur, selon lettre d'embauche du 16 juin 2005.
Sa lettre d'embauche indiquait qu'elle était « affectée, dans le cadre d'une convention de mise à disposition (...) à SAM PROMOTION, association loi 1901, créée par le Conseil Général et la CCI [Localité 7] Côte d'Azur ».
Madame [U] [P] a été licenciée par la Chambre de Commerce et d'Industrie [Localité 7] Côte d'Azur, par une lettre en date du 12 janvier 2009, après avoir été reçue en entretien préalable, le 13 novembre 2008.
Des indemnités lui ont été versées par cet organisme.
Madame [U] [P] a néanmoins saisi le conseil de prud'hommes de Nice de différentes demandes à l'encontre de l'association SAM PROMOTION.
Par jugement de départage en date du 15 décembre 2010, le conseil de prud'hommes a dit qu'elle était liée par un contrat de travail à cette association ; que la rupture anticipée de la mise à disposition ne pouvait intervenir qu'en cas de faute grave, laquelle n'était ni alléguée, ni démontrée ; que le licenciement était donc dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné l'association SAM PROMOTION à payer à Madame [U] [P] 11.107,73€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 1.110,77€ à titre de congés payés sur indemnité de préavis, 66.700€ au titre de la rémunération qu'elle aurait perçu jusqu'à la fin de sa mise à disposition et 1.500€ par application de l'article 700 du Code de procédure Civile.
L'association SAM fait valoir qu'elle n'a jamais été l'employeur de Madame [U] [P] et que celle-ci était rémunérée par la Chambre de Commerce et d'Industrie [Localité 7] Côte d'Azur.
Elle indique que les compagnies consulaires ont, en vertu du statut du personnel administratif des Chambres de Commerce et d'Industrie, la faculté de mettre les agents publics à la disposition d'une autre personne morale, y compris de droit privé ; que, selon l'article 2 de l'annexe 3 « à la fin de la mise à disposition, l'agent retrouve son emploi précédent ou un emploi similaire assorti d'une rémunération équivalente » ; qu'en somme, si ce mécanisme a pour effet de distendre le lien de subordination avec le corps d'origine, il ne le fait pas disparaître.
Elle en conclut que, n'étant pas liée contractuellement à Madame [U] [P] , elle n'avait pas qualité pour mettre un terme à la relation existant entre celle-ci et la Chambre de Commerce et que la rupture est le fait , seulement, de la Chambre de Commerce.
Subsidiairement , pour le cas où serait retenue l'existence d'un contrat de travail liant Madame [U] [P] à elle-même, l'association SAM PROMOTION fait valoir que, contrairement à ce qui a été décidé par le premier juge, il ne peut être accordé à la salariée la somme des rémunérations qu'elle aurait perçues jusqu'à la fin de sa mise à disposition ; que l'entreprise comptant moins de 11 salariés, Madame [U] [P] ne peut prétendre qu'à une indemnité correspondant au préjudice effectivement subi et ne démontre en rien celui-ci , puisqu'elle a perçu une indemnité de licenciement de 34.019 € à l'occasion de son licenciement notifié par la Chambre de Commerce.
Elle sollicite la condamnation de Madame [U] [P] à lui verser la somme de 3.000 € par application des dispositions de l'article 700 du CPC, outre les dépens.
Madame [P] demande à la cour de constater qu'elle était liée à l'association SAM PROMOTION par un contrat de travail et que celle-ci ne lui a pas notifié de licenciement, comme elle aurait dû le faire ; de dire que la rupture anticipée de la mise à disposition ne pouvait intervenir qu'en cas de faute grave ; de juger son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ; de condamner l'association SAM PROMOTION à lui payer 14.481 € au titre de l'indemnité de préavis outre la somme de 1.448 € au titre des congés payés et celle de 66.700 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que 2.000 € au titre de l'article 700 du NCPC et les dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il est renvoyé au jugement entrepris, aux pièces de la procédure et aux conclusions des parties oralement reprises.
SUR CE, LA COUR,
Pour établir l'existence d'un contrat de travail avec l'association, Madame [U] [P] fait valoir que la Cour de cassation a jugé que l'agent public, mis à la disposition d'un organisme de droit privé et qui accomplit un travail pour le compte de celui-ci dans un rapport de subordination, se trouve lié à cet organisme par un contrat de travail ; que depuis l'arrêt du 7 octobre 1996, le tribunal des conflits considère que la relation contractuelle entre un fonctionnaire et l'organisme de droit privé qui l'emploie est régie par le droit privé ; qu'en l'espèce, elle a été engagée par la Chambre de Commerce et d'Industrie [Localité 7] Côte d'Azur, selon lettre d'embauche du 16 juin 2005 pour être affectée, dans le cadre d'une convention de mise à disposition à SAM PROMOTION, association loi 1901, créée par le Conseil Général et la CCI [Localité 7] Côte d'Azur ; qu'elle a exercé ses fonctions sous la subordination du président et du directeur de l'association SAM PROMOTION laquelle avait le pouvoir de lui donner des instructions, d'en contrôler l'exécution et, éventuellement de la sanctionner ; que ce lien de subordination résulte clairement de la lettre d'embauche du 16 juin 2005 ; que les objectifs à atteindre par elle étaient définis par l'association SAM PROMOTION, suivants contrats d'objectifs 2006 ( pièce n° 21 à n° 23) ; que la bonne réalisation de ces objectifs annuels était évaluée par Messieurs [E] et [W], respectivement président et directeur de l'association SAM PROMOTION ; que des courriels montrent que Monsieur [W] lui donnait des instructions en sa qualité de CEO, c'est-à-dire de « chief executive officer », appellation anglo-saxonne pour directeur général de l'association SAM PROMOTION ; qu'elle-même rendait compte auprès de son président ou de son directeur de l'avancée des dossiers et demandait des instructions pour les traiter ; que le paiement des salaires par le corps d'origine n'exclut pas l'existence d'un lien de subordination et qu'au cas particulier, il existe un contrat de droit privé qui a été rompu.
Mais, après avoir accepté les conditions dans lesquelles la relation contractuelle s'est déroulée entre elle-même et la Chambre de Commerce et d'Industrie [Localité 7] Côte d'Azur, et sans même contester en tant que tel le licenciement qui lui a été notifié par cet employeur et qui s'est conclu par le versement d'une indemnité qu'elle ne conteste pas s'être élevée à la somme de 34.019 € , Mme [P] entend faire assumer par l'association SOPHIA ALPES MARITIMES PROMOTION les conséquences indemnitaires du même fait de rupture ayant trait à une prestation unique et indivisible de travail salarié.
Or, il n'y a pas eu cumul de liens contractuels.
En tout état de cause, le lien de subordination entre Madame [U] [P] et la Chambre de Commerce et d'Industrie [Localité 7] Côte d'Azur, a été maintenu par la convention de mise à disposition du 16 juin 2005 (« l'employeur de Madame [U] [P] demeure la Chambre de Commerce et d'Industrie [Localité 7] Côte d'Azur ; Madame [U] [P] continue à bénéficier des règles applicables prévues par le statut du personnel des compagnies consulaires et du règlement intérieur de la Chambre de Commerce et d'Industrie [Localité 7] Côte d'Azur ; Seule la Chambre de Commerce et d'Industrie [Localité 7] Côte d'Azur détermine l'organisation du travail de Madame [U] [P] ; Madame [U] [P] est sous la responsabilité hiérarchique de son directeur, lui-même agent de la Chambre de Commerce et d'Industrie [Localité 7] Côte d'Azur mis à disposition auprès de l'association SAM PROMOTION »).
De fait, l'association SOPHIA ALPES MARITIMES PROMOTION est fondée à mettre en avant et à soutenir que Madame [U] [P] est demeurée sous la direction effective d'un agent de la Chambre de Commerce et d'Industrie [Localité 7] Côte d'Azur, en la personne de Monsieur [O] [W] lui-même entré en fonction au sein de la Chambre de Commerce et d'Industrie [Localité 7] Côte d'Azur le 4 mai 2005 ; que les e-mails produits aux débats par elle et émanant de Monsieur [O] [W], ne caractérisent pas l'existence d'un pouvoir de directive et de contrôle de l'association SAM PROMOTION sur elle, puisque M. [O] [W] recevait les directives de la Chambre de Commerce et d'Industrie [Localité 7] Côte d'Azur , les objectifs à atteindre étant déterminés conjointement par la Chambre de Commerce et d'Industrie [Localité 7] Côte d'Azur et le Conseil Général par le biais d'un comité mensuel réunissant les directeurs généraux des deux organismes qui sont à l'origine des synthèses sous forme de contrats d'objectifs produits aux débats par Madame [U] [P] ; que l'évaluation annuelle de Madame [U] [P] était également réalisée par des agents de la Chambre de Commerce et d'Industrie [Localité 7] Côte d'Azur ; que les comptes-rendus d'entretien annuel produits aux débats par Madame [U] [P] sur la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2006 et sur la période du janvier 2007 au 31 décembre 2007 en témoignent puisque ne comportant aucune appréciation de Monsieur [T] [E], président de l'association, qui n'a apposé qu'un visa alors que Messieurs [L] et [W], agents de la Chambre de Commerce et d'Industrie [Localité 7] Côte d'Azur, étaient seuls en charge de l'évaluation de Madame [U] [P] ; qu'au surplus, la Chambre de Commerce et d'Industrie [Localité 7] Côte d'Azur, auprès de laquelle Madame [P] a sollicité la réduction de son temps de travail, dans le cadre d'un congé parental d'éducation a décidé et notifié seule à cette salariée , le 27 janvier 2007, sa décision de lui accorder un temps partiel .
C'est donc à tort que le premier juge a considéré que l'association SOPHIA ALPES MARITIMES PROMOTION devait assumer les conséquences financières de la rupture du contrat de travail de Madame [U] [P], licenciée par son employeur, la Chambre de Commerce et d'Industrie [Localité 7] Côte d'Azur.
En conséquence, les demandes de Madame [U] [P] seront rejetées.
Elle sera condamnée à payer à l'association SOPHIA ALPES MARITIMES PROMOTION la somme de 1000 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sera condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
REÇOIT l'appel,
INFIRMANT le jugement entrepris,
REJETTE les demandes de Madame [U] [P],
CONDAMNE Madame [U] [P] à payer à l'association SOPHIA ALPES MARITIMES PROMOTION la somme de 1000 €, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
LA CONDAMNE aux dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT