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06/09/2012 | FRANCE | N°10/08159

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre b, 06 septembre 2012, 10/08159


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 06 SEPTEMBRE 2012



N°2012/



Rôle N° 10/08159







SAS SOCACEN





C/



[T] [W]



















Grosse délivrée le :



à :



Me Daniel LAMBERT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE





Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :r>


Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARTIGUES en date du 29 Mars 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 08/919.





APPELANTE



SAS SOCACEN, demeurant [Adresse 3]



représentée par Me Daniel LAMBERT...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 06 SEPTEMBRE 2012

N°2012/

Rôle N° 10/08159

SAS SOCACEN

C/

[T] [W]

Grosse délivrée le :

à :

Me Daniel LAMBERT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARTIGUES en date du 29 Mars 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 08/919.

APPELANTE

SAS SOCACEN, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Daniel LAMBERT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIME

Monsieur [T] [W], demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 23 Mai 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre et Madame Françoise GAUDIN, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre

Madame Brigitte BERTI, Conseiller

Madame Françoise GAUDIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Septembre 2012

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Septembre 2012

Signé par Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

M. [T] [W] a été embauché par la société SOCACEN S.A.S , selon un contrat à durée déterminée de trois mois du 28 septembre 2004, en qualité d'échafaudeur calorifugeur, dont le terme a été reporté au 29 mars 2005, selon avenant du 21 décembre 2004.

Il a été engagé selon contrat à durée indéterminée en date du 1er mars 2005, à effet du 29 mars, en qualité d'échafaudeur - calorifugeur, statut ouvrier, niveau 2, position 1, coefficient 185, sur la base d'une rémunération mensuelle brute qui était dans le dernier état de la relation contractuelle de 1.603,63 € pour un horaire mensuel de 152 h, la convention collective applicable étant celle du bâtiment.

M. [W] a été licencié le 11 décembre 2007 pour faute grave.

Le 5 novembre 2008, M. [W] a saisi le conseil des prud'hommes de MARTIGUES d'une demande de requalification de la relation contractuelle initiale en un contrat de travail à durée indéterminée et en paiement d'heures supplémentaires, de dommages et intérêts pour repos compensateurs non pris du fait de l'employeur et travail dissimulé, sans contester le bien fondé de son licenciement.

Par jugement de départage en date du 29 mars 2010, le conseil des prud'hommes a :

. prononcé la requalification en contrat de travail à durée déterminée des contrats de travail à durée déterminée des 28 septembre 2004 et 1er janvier 2005.

. condamné la société SOCACEN à payer à M. [W] les sommes suivantes :

. 2.814,55 € à titre d'indemnité de requalification ,

. 50.868,65 € à titre d'heures supplémentaires,

. 5.086,86 € à titre de congés payés y afférents,

. 35.776,08 € à titre de dommages et intérêts compensatoires des repos compensateurs non pris du fait de l'employeur,

. 16.887,28 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

. 2.141,10 € à titre de rappel d'indemnité petits déplacements,

. 214,11 € d'incidence congés payés,

. 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

. ordonné la délivrance des documents sociaux rectifiés.

La société SOCACEN S.A.S a régulièrement formé appel de ladite décision .

Dans ses dernières conclusions, ladite société demande à la cour de :

la dire bien fondée en son appel,

infirmer le jugement déféré,

- débouter M. [W] de l'ensemble de ses demandes, comme injustifiées,

condamner ce dernier à payer à la société SOCACEN une indemnité de 1.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Elle soutient en substance que :

en raison de l'accroissement, au cours des années 2006 et 2007, des activités de la société ARCELOR MITTAL, dont elle était un principal sous-traitant, elle a eu recours à des contrats de travail temporaire ou à durée déterminée de « calorifugeurs », afin de renforcer les équipes employées sur des postes de « calorifugeur ' monteur 'échafaudeur « constituant la totalité des effectifs permanents de l'entreprise.

Le salarié ne produit pas d'élément suffisant de nature à établir l'existence d'heures supplémentaires, alors que l'huissier nommé par ordonnance sur requête n'a rien pu obtenir.

- les primes exceptionnelles, inexactement saisies sous l'appellation « primes de déplacement » sont destinées à rémunérer un travail difficile réalisé de façon urgente.

M. [W] demande la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a requalifié en contrat de travail à durée indéterminée les deux contrats de travail à durée déterminée conclu le 28 septembre 2004 et le 1er janvier 2005, à raison de la violation des dispositions de l'article L.1242-1 du code du travail et en application de l'article L.1245-1 et dit y avoir lieu à rappel d'heures supplémentaires et d'indemnités de petits déplacements.

Il demande en conséquence la condamnation de la société SOCACEN au paiement des sommes suivantes :

. 3.000 € à titre d'indemnité de requalification ,

. 50.868,65 € à titre d'heures supplémentaires,

. 5.086,86 € à titre de congés payés y afférents,

. 35.776,08 € à titre de dommages et intérêts compensatoires des repos compensateurs non pris du fait de l'employeur,

. 16.887,28 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

. 2.141,10 € à titre de rappel d'indemnité petits déplacements,

. 214,11 € d'incidence congés payés,

. 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

et d'enjoindre à la société appelante de lui délivrer sous astreinte des bulletins de salaire et attestation destinée à Pôle Emploi rectifiés en conséquence.

Il fait valoir que :

. le motif de recours aux contrats à durée déterminée n'est pas justifié, lesdits contrats ont servi de super-période d'essai et destinés à pourvoir une activité normale de l'entreprise.

. le même motif a d'ailleurs été utilisé à de nombreuses reprises pour recruter en intérim ou en contrat à durée déterminée, alors que la société ne produit aucun élément pour justifier de l'accroissement temporaire d'activité allégué.

. il a effectué un grand nombre d'heures supplémentaires, lesquelles ne lui ont jamais été payées en tant que telles, mais dissimulées sous forme de « primes de déplacement « alors qu'il a toujours été affecté sur le seul site sidérurgique Arcelor- Mittal de Fos-sur-Mer.

. la société SOCACEN, qui se contente de contester l'existence d'heures supplémentaires sans rien produire, a élaboré un système pour contourner la législation sur le temps de travail et dissimuler une partie de son activité, éléments caractérisant l'intention frauduleuse de l'employeur et fondant sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé.

Pour plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures déposées par chaque partie et réitérées oralement à l'audience.

MOTIFS

Sur la requalification

Attendu que M. [W] a été embauché selon un contrat initial à durée déterminée de trois mois à compter du 28 septembre 2004, prolongé le 1er décembre 2004, dont il demande la requalification pour non respect des dispositions de l'article L 1242-1 du code du travail.

Attendu qu'il résulte de ces dispositions que le contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

Que le motif invoqué au sens de l'article L.1242-2,2° , est celui de « surcroît exceptionnel et temporaire d'activité en travaux de calorifuge et échafaudage sur le secteur train à bandes de SOLLAC [Localité 4] ».

Qu'il appartient à l'employeur de rapporter la preuve d'un accroissement temporaire d'activité justifiant le recours à un contrat à durée déterminée.

Que la société SOCACEN, sous-traitant du groupe sidérurgique français, Arcelor-Mittal, intervient sur des sites sidérurgiques et n'emploie que des calorifugeurs ' échafaudeurs et monteurs.

Que les documents généraux sur ce domaine d'activité et son évolution qu'elle produit sont à eux seuls insuffisants, en l'absence de marché ou commande ponctuelle conclus avec un fournisseur quelconque, pour démonter que le recours au contrat de travail à durée déterminée était justifié par un accroissement temporaire de son activité qui ne s'inscrivait pas dans le cadre de son activité habituelle.

Que la société ne fournit par ailleurs aucune indication sur la spécificité des travaux dans le secteur train à bandes qui commandaient un renfort ponctuel et temporaire de personnel pour pallier des circonstances passagères.

Qu' en réalité, M. [W] a occupé dès l'origine un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise et le contrat ne satisfait pas aux exigences légales susvisées.

Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a requalifié la relation contractuelle en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 28 septembre 2004.

Qu'en conséquence de ladite requalification, M. [W] peut prétendre à une indemnité au moins égale à un mois de salaire, justement fixée par le premier juge à la somme de 2.814,55€.

Sur les heures supplémentaires

Attendu qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production de tous éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en apportant, le cas échéant, ses propres éléments sur les horaires effectivement réalisés ;

Que le salarié produit ses bulletins de salaire sur lesquels figure le versement, tous les mois, d'importantes primes dites de « déplacement » , en sus de primes de petit déplacements, alors qu'il travaillait uniquement sur le site sidérurgique de [Localité 4], et n'a jamais effectué de grands déplacements.

Qu'il verse également aux débats les attestations d'autres salariés, ayant également initié une procédure à l'encontre de l'employeur dans les mêmes termes ([L] [V], [F] [G] et [F] [C]) mais également d'autres intervenants sur le site ( Mrs [N] et [J]) lesquels confirment la pratique généralisée d'heures supplémentaires effectuées par le personnel, dont les intérimaires, réglées sous couvert de primes.

Que cette thèse s'avère en outre étayée par les fiches de pointage des travailleurs intérimaires produites par M. [W] mentionnent pour leur part d'importantes heures supplémentaires effectuées par semaine, et sur lesquelles figurent des annotations manuscrites de responsables, sans équivoque, telles « pour info, ces heures ont déjà été comptabilisées dans la prime ».

Que l'employeur ne fournit pour sa part aucun élément probant alors qu'il lui incombe de mettre en place , conformément aux dispositions légales, un dispositif permettant d'établir le décompte du temps de travail du salarié ce qu'il n'a pas fait sans fournir d'explication.

Que les relevés hebdomadaires individuels du salarié remis par la société en juin 2008 à l'huissier nommé sur requête, ne peuvent suffire pour établir les horaires effectivement réalisés, car ils font figurer de manière permanente et invariable, des journées de travail de 7 heures et l'absence totale d'heures supplémentaires.

Que les primes versées ne peuvent, ainsi que l'employeur l'affirme, rémunérer un travail difficile et urgent, alors que lesdits travaux, de même nature pour tous les salariés, s'étalaient sur plusieurs années et cette version n'explique pas le montant variable d'un mois sur l'autre desdites sommes versées sous une fausse appellation.

Que la cour est donc convaincue, au vu de l'ensemble des pièces produites de part et d'autre, de l'existence d'heures supplémentaires effectuées par le salarié et non rémunérées comme telles.

Que le versement, même volontaire, de primes ne saurait tenir lieu de règlement d'heures supplémentaires.

Qu'en effet, les heures supplémentaires ne donnent pas uniquement droit à un paiement majoré mais, d'une part, doivent s'exécuter dans le cadre d'un contingent annuel et, d'autre part, ouvrent droit à un repos compensateur ;

Que dès lors, c'est à bon droit que le premier juge a fait droit à la demande en paiement d'heures supplémentaires, sur la période non prescrite, formée par M. [W], selon le décompte effectué par le salarié, calculé d'après le taux horaire et les majorations légales, lequel devra être validé dans son quantum, confirmant le jugement déféré sur ces points.

Qu'il en est de même, pour les dommages et intérêts compensatoires des repos compensateurs non pris du fait de l'employeur.

Sur le travail dissimulé

Attendu que selon l'article L.8221-5 du code du travail, la mention sur le bulletin de paye d'un nombre d'heures inférieur à celui réellement effectué constitue une dissimulation d'emploi salarié emportant application de la sanction prévue à l'article L.8223-1 dudit code, à condition que soit établi le caractère intentionnel de cette dissimulation ;

Attendu qu'il a été établi que l'employeur a violé en connaissance de cause les prescriptions légales, en mentionnant sur les bulletins de paie de l'intéressé, un nombre inférieur d'heures de travail réellement accompli, celui-ci étant comptabilisé en paiement de primes, caractérisant l'intention de se soustraire aux prescriptions des articles L.3243-2 et L.8221-3 du code du Travail.

Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société SOCACEN, à titre de sanction, une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire, soit la somme de 16.887,28 €.

Sur le rappel d'indemnités de petit déplacement

Attendu que M. [W] a bénéficié d'une indemnité dite de « petit déplacement », destinée à couvrir les frais de transport et de repas exposés par le salarié amené à se déplacer de façon habituelle sur un site extérieur.

Que l'employeur fait valoir qu'il a appliqué la lettre circulaire n° 2005-021 concernant le barème fixé, en tenant compte des distances parcourues à cette occasion par les intéressés, ce à quoi M. [W] rétorque qu'il a perçu des indemnités d'un montant inférieur à celui des indemnités perçues au même titre par d'autres salariés, Mrs [F] et [A] notamment, lesquels habitent la même commune que lui et travaillaient sur le même site.

Que le salarié démontre qu'effectivement il percevait une indemnité journalière de 18,30 € pour 21,35 € pour ses collègues de travail habitant la même commune.

Que l'employeur ne justifiant en aucune manière cette différence salariale, notamment par une augmentation de ladite indemnité à une date quelconque, c'est justement que la décision querellée a fait droit au rappel de salaire à ce titre outre son incidence congés payés et sera confirmée de ces chefs.

Que dès lors, il y a lieu de confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositons.

Qu'il paraît équitable que la société SOCACEN participe à concurrence de 1.000 € aux frais exposés par le salarié en cause d'appel et non compris dans les dépens en application de l'article 700 du code de procédure civile et que sa propre demande à ce titre soit rejetée.

Que les dépens seront laissés à la charge de l'appelante qui succombe.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

Condamne la société SAS SOCACEN à payer à M. [W] [S] une somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Rejette toute autre demande.

Laisse les dépens d'appel à la charge de l'appelante.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre b
Numéro d'arrêt : 10/08159
Date de la décision : 06/09/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-09-06;10.08159 ?
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