COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
2e Chambre
ARRÊT
DU 05 SEPTEMBRE 2012
N° 2012/ 327
Rôle N° 11/21145
SA ELECTRICITE RESEAU DISTRIBUTION FRANCE 'ERDF'
C/
SAS SOLAIRE SAINT JACQUES
Grosse délivrée
le :
à : ERMENEUX
BADIE
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par Monsieur le Président du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 06 Décembre 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 2011R753.
APPELANTE
S.A. ELECTRICITE RESEAU DISTRIBUTION FRANCE 'ERDF'
dont le siège social est sis [Adresse 7]
représentée par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avocats postulants au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Pascal CERMOLACCE, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
S.A.S. SOLAIRE SAINT JACQUES, prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par la SCP BADIE, SIMON-THIBAUT et JUSTON, avocats postulants au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Adrien LE DORE, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 21 Juin 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Robert SIMON, Président
Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller
Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Mireille MASTRANTUONO.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Septembre 2012
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Septembre 2012,
Signé par Monsieur Robert SIMON, Président et Madame Viviane BALLESTER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DE L'AFFAIRE
La société SOLAIRE SAINT JACQUES a pour objet social d'installer et d'exploiter des toitures photovoltaïques sur des bâtiments du grand port maritime de [Localité 5].
Par acte d'huissier du 24 octobre 2011, la société SOLAIRE SAINT JACQUES a fait assigner devant le juge des référés du tribunal de commerce de Marseille, la société ERDF pour qu'il lui soit ordonné sur la base de la demande déposée le 16 juin 2010, de lui délivrer une proposition technique et financière de raccordement dans un délai de 15 jours sous astreinte; d'ordonner à la société ERDF d'appliquer au projet une fois cette proposition acceptée le cadre réglementaire qui lui était applicable avant l'entrée en vigueur du décret du 9 décembre 2010 tant en ce qui concerne l'inscription dans la file d'attente de raccordement qu'en ce qui concerne les échanges d'informations entre la société ERDF et la société EDF.
La société ERDF a soulevé l'incompétence de la juridiction commerciale au profit du tribunal administratif de Paris.
Par ordonnance du 6 décembre 2011, le juge des référés a rejeté l'exception d'incompétence présentée par la société ERDF qui a relevé appel de cette décision.
La société ERDF indique tout d'abord qu'en application du décret du 9 décembre 2010 elle a suspendu son obligation d'achat d'électricité fournie par un système photovoltaïque et qu'en vertu du décret du 4 mars 2011 il appartient aux producteurs d'électricité d'effectuer une nouvelle demande.
Elle ajoute que bien qu'ayant reçu le dossier de la société SOLAIRE SAINT JACQUES le 16 juin 2010 et s'étant engagée à lui adresser la proposition technique et financière avant le 16 septembre 2010, elle n'a pu respecter son engagement et lui adresser ses propositions que le 2 décembre 2010 et a appliqué le décret du 9 décembre 2010.
Cette société prétend que le contrat que la société SOLAIRE SAINT JACQUES entendait conclure est de nature administrative et qu'il appartient à la seule juridiction administrative de connaître un litige l'opposant au producteur autonome d'électricité puisque même si les deux personnes sont de droit privé, la société ERDF agit pour le compte d'une personne publique et que le litige porte sur un ouvrage publique.
Elle ajoute que la convention de raccordement forme avec le contrat d'achat d'électricité un ensemble contractuel indivisible ainsi que cela résulte du décret 2001-410 du 10 mai 2001.
En conséquence, la société ERDF conclut à l'infirmation du jugement et demande de déclarer le tribunal de commerce de Marseille incompétent au profit du tribunal administratif de cette ville.
Elle sollicite le paiement d'une somme de 20.000 euros sur le fondement de l'articles 700 du code de procédure civile.
La société SOLAIRE SAINT JACQUES réplique qu'elle a déposé une demande de proposition technique financière le 16 juin 2010 et que les conditions générales en matière de conventions de raccordement résultaient d'un document du 1er juin 2008 prévoyant que les litiges étaient portés devant le tribunal de commerce de Paris, et que ce n'est qu'au 1er janvier 2012 qu'il a été prévu que ces litiges seraient portés devant le tribunal administratif de Paris.
La société intimée prétend donc que le litige qui oppose deux sociétés commerciales est de la compétence de la juridictions judiciaire et conclut dès lors à la confirmation de l'ordonnance attaquée. Elle réclame paiement d'une somme de 15.000 euros à titre de dommages intérêts pour appel abusif et de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La cour renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il est constant que le 16 juin 2010 la société SOLAIRE SAINT JACQUES a déposé une demande de proposition technique financière auprès de la société ERDF concernant le raccordement au réseau de distribution d'électricité de ses toitures photovoltaïques.
Par courrier du 25 juin 2010 la société ERDF a informé la société SOLAIRE SAINT JACQUES que la proposition technique financière serait délivrée dans un délai de trois mois soit au plus tard le 16 septembre 2010.
Il résulte de l'article 2 de la loi du 10 février 2000 que «le service public de l'électricité assure le développement équilibré de l'approvisionnement en électricité. La mission de développement équilibré de l'approvisionnement en électricité vise notamment à réaliser les objectifs définis par la programmation pluriannuelle des investissements de production arrêtée par le ministre chargé de l'énergie. Les producteurs, et notamment Electricité de France, contribuent à la réalisation de ces objectifs.
Un contrat conclu entre personnes privées est en principe un contrat de droit privé, et il en va toutefois autrement dans le cas où l'une des parties au contrat agit pour le compte d'une personne publique.
Si en vertu des dispositions de l'article 8 de la loi du 10 février 2000 relatives aux contrats conclus entre la société ERDF et les producteurs d'électricité, ceux-ci contribuent au service public de l'électricité, les contrats en cause et les acceptations par la société ERDF de demandes visant au raccordement par un producteur au réseau de distribution électriques ne peuvent être regardés comme conclus pour le compte d'une personne publique, alors que la production d'électricité ne relève de l'Etat ou d'une autre personne publique, ni par nature ni par détermination de la loi, et est au contraire une activité économique exercée par des entreprises privées.
La société ERDF n'exerce donc dans ce domaine aucune mission pour le compte d'une personne publique et n'est pas placée, pour la mission de service public à laquelle elle contribue, sous l'autorité de l'Etat ou d'une autre personne publique. A supposer même que le contrat ou la demande de proposition technique financière soient soumis à un régime exorbitant du droit commun, ce qui ne peut résulter des seules conditions relatives à sa passation, cette circonstance serait en tout état de cause sans incidence, s'agissant d'un contrat entre deux personnes privées.
Il convient de relever surabondamment que l'article 88-III de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement précise la nature juridique de ces conventions d'achat d'électricité. L'article 10 de la loi n°2000-108 du 10 février 2000 prévoit que: « Les contrats régis par le présent article sont des contrats administratifs qui ne sont conclus et qui n'engagent les parties qu'à compter de leur signature. Ces dispositions ont un caractère interprétatif ».
Ce texte ne pourrait en aucun cas être applicable en l'espèce du fait de l'absence de contrat de fourniture d'électricité signé entre la société ERDF et la société SOLAIRE SAINT JACQUES.
En conséquence, le présent litige relève des juridictions de l'ordre judiciaire, et la décision attaquée doit être confirmée.
La société ERDF dont les demandes sont rejetées est condamnée à payer à la société SOLAIRE SAINT JACQUES, qui ne justifie pas d'un préjudice autre que celui résultant de l'obligation de plaider, une somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme l'ordonnance attaquée,
Y ajoutant,
Condamne la société ERDF à payer à la société SOLAIRE SAINT JACQUES une indemnité de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples,
Condamne la société ERDF aux dépens recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,
2e Chambre