COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
17e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 5 JUILLET 2012
N°2012/440
BP
Rôle N° 10/18919
S.A.S. CREATIONS ET PARFUMS
C/
[Y] [F]
POLE EMPLOI PACA
Grosse délivrée le :
à :
Me PICAVET, avocat au barreau de GRASSE
Me MURRAY, avocat au barreau de GRASSE
Me JOGUET, avocat au barreau de NICE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de GRASSE en date du 17 Septembre 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 09/142.
APPELANTE
S.A.S. CREATIONS ET PARFUMS, prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant [Adresse 7]
représentée par Me Jean-Pierre PICAVET, avocat au barreau de GRASSE
INTIME
Monsieur [Y] [F], demeurant [Adresse 5]
représenté par Me Bruno MURRAY, avocat au barreau de GRASSE
PARTIE INTERVENANTE
POLE EMPLOI PACA, demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Isabelle JOGUET, avocat au barreau de NICE substitué par Me Richard PELLEGRINO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 31 Mai 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Brigitte PELTIER, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Yves ROUSSEL, Président
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller
Madame Brigitte PELTIER, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Monique LE CHATELIER.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Juin 2012 prorogé au 5 Juillet 2012
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2012
Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame Monique LE CHATELIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [Y] [F] a été engagé par la société CREATIONS ET PARFUMS en qualité de préparateur en parfumerie à compter du 9 avril 1996 ; il a fait l'objet d'un avertissement le le 17 décembre 2008, a été mis à pied le 5 janvier 2009, puis licencié pour faute grave par courrier du 13 janvier 2009, après entretien préalable en date du 12 janvier ;
La société CREATIONS ET PARFUMS a interjeté appel d'un jugement en date du 17 septembre 2010, au terme duquel le conseil de prud'hommes de Grasse, saisi le 4 février 2009 et statuant en formation de départage,a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné l'employeur au paiement de dommages et intérêts, rappel de salaire sur mise à pied outre congés payés y afférents, indemnité compensatrice de préavis outre congés payés y afférents, indemnité de licenciement, rappel de salaire sur prime de 13ème mois, article 700 du code de procédure civile outre dépens ; a ordonné le remboursement à Pôle Emploi d'une somme de 4.781,70 euros au titre des allocations chômage ainsi que la remise des documents sociaux rectifiés ;
Aux termes de leurs écritures, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des faits, de la procédure, et des prétentions, les parties formulent les demandes suivantes :
La société CREATIONS ET PARFUMS conclut à l'infirmation de la décision entreprise, au débouté adverse et sollicite remboursement sous astreinte de la somme perçue de 28.254,25 euros outre paiement d'une somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; subsidiairement au débouté des prétentions formulées par Pôle Emploi et très subsidiairement au paiement à cet organisme d'une indemnité limitée à 1 euro symbolique ;
M. [F] conclut à la confirmation du jugement déféré sauf en ce qui concerne les demandes dont il a été débouté ; il sollicite l'annulation de l'avertissement délivré le 17 décembre 2008 ainsi que condamnation de l'employeur au paiement d'une somme de 5.004 euros à titre de dommages et intérêts de ce chef, 2.502 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement, 5.004 euros à titre de dommages et intérêts s'agissant d'un licenciement vexatoire, outre confirmation des condamnations prononcées en 1ère instance ainsi que 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre entiers dépens.
Pôle Emploi demande condamnation de la société CREATIONS ET PARFUMS à lui payer la somme de 7.911,22 euros en remboursement des allocations chômage versées durant 180 jours, outre intérêts de droit jusqu'à complet paiement ;
SUR CE
Sur l'avertissement du 17 décembre 2008 :
M. [F] demande l'annulation de l'avertissement daté du 17 décembre 2008 délivré aux motifs suivants : « Suite à votre comportement de ces derniers mois et votre nouvelle absence de ce jour, nous avons décidé de vous adresser cet avertissement pour les motifs suivants : / mauvais contact avec vos collègues de travail, / mauvaise qualité de votre travail, / perturbation de la bonne marche de l'entreprise, prise de congés sans autorisation.» ;
La société CREATIONS ET PARFUMS soutient que les attestations produites au dossier démontrent le bienfondé des trois premiers griefs ; que M. [F] ne s'est pas présenté à son poste le mardi 16 décembre 2008 et n'a sollicité que le 17 décembre une autorisation d'absence pour cette journée là ;
M. [F] observe qu'il a contesté l'avertissement par courrier du 19 décembre 2008, que les attestations produites ne font état d'aucun fait précis, daté, portant sur un grief non prescrit ; qu'il justifie du décès de son oncle le 16 décembre 2008, en suite duquel il a sollicité et obtenu une autorisation de congé pour la journée du 17, qu'il a été payé pour la journée du 16 décembre 2008 et qu'il ne peut donc lui être reproché une absence ce jour là ;
De fait, non seulement le bulletin de salaire du mois de décembre 2008 ne mentionne aucune absence en date du 16 décembre 2008, mais encore, la cour ne peut qu'observer que la simple lecture de l'avertissement daté du 17 décembre 2008 (« Suite à (...) votre nouvelle absence de ce jour (...) ») permet d'écarter le grief tiré d'une absence en date du 16 décembre 2008 ; il s'ensuit, alors que l'employeur ne conteste pas avoir délivré une autorisation d'absence pour le 17, qu'il n'est pas fondé à retenir la dite absence autorisée comme motif fondé de l'avertissement délivré ;
Enfin, force est d'admettre comme le soutient M. [F] que les 3 attestations produites par l'employeur ne permettent de caractériser le bien fondé des trois autres griefs ; en effet, les témoins se bornent à faire état d'appréciations très subjectives (« Une attitude désinvolte vis-à-vis de ses collègues (. . .) ce qui a perturbé l'organisation et la bonne marche du service. /De plus, lors de l'embauche d'une nouvelle personne au sein de mon équipe, Monsieur [Y] [F], plutôt que de l'aider à s'intégrer, s'est contenté d'être désagréable, impoli et peu cordial ce qui a engendré une mauvaise ambiance et des situations quotidiennes pas évidentes à supporter pour tout le monde » pour M. [L], responsable du service fabrication ; « (') avait un comportement pas très correct envers le nouveau préparateur et ses collègues ce qui a créé une ambiance désagréable dans le service pendant un certain temps » pour M. [R] ; « A mon arrivée dans la Société Créations et Parfums, Monsieur [Y] [F] a eu une attitude déplorable à mon égard Cela a eu des répercussions sur mon travail et mon adaptation au sein de l'équipe. » pour le nouveau préparateur, Monsieur [U]) sans relater aucun fait précis et vérifiable ; enfin, et en tout état de cause, le grief tiré d'une mauvaise qualité du travail ne résulte ni de ces témoignages ni d'aucune des autres pièces du dossier ;
Il s'ensuit que M. [F] est fondé à demander l'annulation du dit avertissement et que le jugement déféré qui a refusé de faire droit à cette prétention au seul motif que l'existence de mauvaises relations entre lui et son nouveau collègue résulte des attestations produites sera réformé de ce chef et il lui sera alloué une indemnité de 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du nécessaire préjudice résultant de cet avertissement injustifié ;
Sur le licenciement :
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige énonce : « Absence sans autorisation le 29 décembre 2008 constituant un acte d'insubordination. (Nous vous rappelons que, suite à votre demande de congés présentée en date du 18 décembre nous vous avions notifié par lettre recommandée du 23 décembre 2008 votre présence impérative le 29 décembre 2008). / Perturbation de la bonne marche de l'entreprise Mauvais contact avec vos collègues de travail / Tous ces agissements révélant de votre part une preuve d'incapacité, d'irresponsabilité et de mauvais exemple envers vos collaborateurs, rendent donc impossible la poursuite de votre contrat de travail. » (...) » ;
La société CREATIONS ET PARFUMS affirme que contrairement aux prétentions adverses, la période de Noël n'a jamais donné lieu à une fermeture intégrale ; qu'elle avait affiché dès le début du mois de décembre 2008, les dates de fermeture de l'entreprise ainsi que suit : du mardi 23 décembre 2008 à 17h au samedi 27 décembre inclus et du mardi 30 décembre 2008 au soir au samedi 3 janvier inclus ; que ce n'est que le 18 décembre que M. [F] avait sollicité une autorisation de congés de fin d'année ; qu'il lui a été accordé le 30 décembre mais a été avisé de ce que son absence pour le 29 lui était refusée ; que l'absence du salarié a ainsi gravement perturbé le fonctionnement du service nécessitant que M. [L] exécute la charge de travail de M. [F] ;
M. [F] fait valoir quant à lui que l'entreprise était d'ordinaire fermée entre noël et le 1er de l'an et qu'en toute hypothèse, il justifie avoir avoir été en congé durant cette période les années précédentes ; il expose que dans ce contexte, il avait réservé un billet d'avion qu'il produit ; que lorsqu'il a appris l'ouverture de l'entreprise les 29 et 30 décembre 2008, il a fait une demande d'autorisation de congé acceptée pour le 30 mais refusée pour le 29 ; que son billet étant réservé, il a avisé son employeur de ce qu'il ne pourrait être présent ; il observe que son absence du 24 au 31 a été déduite de ses congés payés ;
De fait, s'il produit ses bulletins de salaire dont il résulte qu'il a été en congés payés du 24 au 31 décembre 2007, du 26 au 30 décembre 2006, du 26 au 31 décembre 2005, du 26 au 31 décembre 2004, du 24 au 31 décembre 2003, du 23 au 31 décembre 2002, du 24 au 31 décembre 2001, du 26 au 30 décembre 2000, force est d'admettre en revanche que la société CREATIONS ET PARFUMS ne démontre pas que l'entreprise ait été ouverte les dites années précédentes entre noël et le jour de l'An ;
Or, M. [F] précisait dans son courrier du 19 décembre 2008 au terme duquel contestait l'avertissement qui lui avait été délivré : « (') Chaque année, l'entreprise ferme pendant Noël et jour de l'An et depuis 12 ans nous partons en vacances. / Comme à l'habitude, j'ai déposé une demande de congés et comme vous le savez, seul un accord verbal me les accepte. Ce n'est que mardi, que mon responsable de service, m'a verbalement autorisé mes congés sauf le mardi 30 décembre. Sachant que j'ai réservé des billets d'avion, je ne pourrai pas être présent ce jour là (...) » ;
Il s'ensuit que la société CREATIONS ET PARFUMS qui ne démontre pas la date à compter de laquelle elle a fixé les jours de fermeture de l'entreprise à l'occasion des fête de fin d'année, n'est pas fondée à soutenir que l'absence de M. [F] en date du 29 décembre, conformément aux années précédentes, confirmée par lettre recommandée accusé de réception du 19 décembre 2008, a perturbé la bonne marche de l'entreprise ou constitue dans ce contexte une faute lourde ou même un acte d'insubordination caractérisé compte tenu de son courrier du 23 décembre 2008 lui rappelant qu'elle mettrait en 'uvre des mesures disciplinaires en cas d'absence le 29 décembre ;
Enfin, force est d'admettre que le grief tiré d'un « Mauvais contact avec vos collègues de travail » n'est étayé que par les attestations produites pour justifier du bienfondé de l'avertissement délivré le 17 décembre 2008 ; toutefois, et comme il a été dit précédemment, ces attestations qui ne mentionnent aucun fait vérifiable, ne peuvent, a fortiori, caractériser une faute grave ;
Il suit de ce qui précède que le jugement déféré au terme duquel les 1ers juges ont déclaré le licenciement disciplinaire, par voie de conséquence sans cause réelle et sérieuse sera confirmé, tout comme le seront les condamnations allouées à titre de rappel de salaire sur mise à pied outre congés payés y afférents, indemnité compensatrice de préavis outre congés payés y afférents, indemnité de licenciement, rappel de salaire sur prime de 13ème mois, justement évaluées et non contestées en leur montant ;
M. [F] qui avait une ancienneté de 12 années, justifie avoir été pris en charge par Pôle Emploi du mois de mars 2009 au mois d'avril 2011, avoir travaillé à temps partiel à compter du 28 février 2010 puis à temps plein à compter du mois d'avril 2011 ; La condamnation prononcée à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif à concurrence de la somme de 30.024 euros sera en conséquence confirmée sans qu'il n'y ait lieu à condamnation complémentaire du chef de licenciement vexatoire, faute de démonstration de l'existence d'un préjudice qu'il a subi un préjudice autre que celui réparé par l'indemnité allouée ci-dessus ;
Enfin il n'est pas contesté que le délai de réflexion prévu à l'article L. 1232-6 du code du travail n'a pas été respecté, non plus que M. [F] a été reçu au jour de l'entretien préalable par la secrétaire de l'employeur comme cela résulte de son courrier du 12 janvier 2009 ; il sera en conséquence alloué à une somme de 2.502 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement ;
Sur l'application de l'article 1235-4 du code du travail :
En application de l'article 1235-4 du code du travail : « Dans les cas prévus aux articles L1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. / Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées. »
Pour échapper à la demande de Pôle emploi, la société CREATIONS ET PARFUMS observe que l'organisme ne produit aucun décompte et sollicite en conséquence qu'il ne soit accordé qu'une indemnité égale à 1 euro symbolique ;
Toutefois, et comme le soutient Pôle Emploi, le montant des allocations chômage versées résulte de la pièce 10 de M. [F] visée lors des débats, au jour de l'audience, attestant du paiement de la somme de 7.372,06 euros entre le 3 mars et le 3 aout 2009, conforme à l'attestation que pôle emploi a été autorisé à communiquer et produire en cours de délibéré ;
Il convient en conséquence d'accueillir la demande en paiement à concurrence de ce montant ;
Sur les demandes accessoires :
Il sera fait droit à la demande à fin de remise des documents sociaux rectifiés mais ce, sans qu'il y ait lieu cependant au prononcé d'une astreinte ;
Les dépens ainsi qu'une somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, seront supportés par la société CREATIONS ET PARFUMS qui succombe.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant en audience publique, par arrêt contradictoire, en matière prud'homale,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société CREATIONS ET PARFUMS excepté en ce qui concerne l'avertissement, et statuant à nouveau,
Condamne la société CREATIONS ET PARFUMS à payer à M. [Y] [F] les sommes de 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l'avertissement notifié le 17 décembre 2008, 2.502 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement, 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Ordonne la délivrance par l'employeur des documents sociaux rectifiés conformément à la présente décision.
Condamne société CREATIONS ET PARFUMS à payer à Pôle Emploi la somme de 7.372,06 euros.
Condamne la société CREATIONS ET PARFUMSaux entiers dépens.
Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT