COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 21 JUIN 2012
N° 2012/
Rôle N° 11/06264
[M] [C]
C/
SA HAPIE
Grosse délivrée
le :
à :
Me Fabrice CARAVA, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Gilles SALFATI, avocat au barreau de MARSEILLE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE en date du 20 Janvier 2009, enregistré au répertoire général sous le n° 07/1188.
APPELANTE
Madame [M] [C], demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Fabrice CARAVA, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
SA HAPIE, demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Gilles SALFATI, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 11 Avril 2012 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre
Madame Brigitte BERTI, Conseiller
Madame Françoise GAUDIN, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Juin 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Juin 2012.
Signé par Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Mme [M] [C] a été embauchée par la SA HAPIE, laquelle élabore et commercialise des produits industriels et d'entretien, à compter du 23 juillet 2001, d'abord en contrat à durée déterminée puis selon contrat à durée indéterminée, en qualité de Voyageur Représentant Placier, dit VRP exclusif.
Elle percevait une rémunération fixe de 1.000 € par mois à laquelle s'ajoutait une commission en fonction du chiffre d'affaires mensuel réalisé.
Mme [C] s'est vue notifier un avertissement en date du 27 juin 2006 après convocation à entretien préalable.
Elle a été convoquée à un entretien préalable en vue de son licenciement fixé au 11 septembre 2006 et licenciée pour faute grave le 29 septembre 2006.
Contestant le bien fondé de son licenciement et réclamant une indemnité de clientèle , Mme [M] [C] a saisi le conseil des prud'hommes de Marseille puis d'AIX EN PROVENCE, lequel, par jugement en date du 20 janvier 2009, a confirmé le licenciement de Mme [C] pour faute grave et l' a déboutée de toutes ses demandes.
Mme [C] a interjeté appel de ce dernier jugement le 28 janvier 2009.
L'affaire a fait l'objet d'un arrêt de radiation en date du 30 mars 2011.
Dans ses dernières écritures, reprises oralement à l'audience, Mme [C] fait conclure à l'infirmation du jugement, demande à la cour à titre principal :
de dire et juger son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,
de condamner la société HAPIE à lui verser les sommes suivantes :
-4.955,53 € à titre d'indemnité de préavis,
-495,55 € à titre de congés payés y afférents,
-24.000 € à titre d'indemnité de clientèle,
-50.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
à titre subsidiaire,
de dire et juger que son licenciement n'est pas fondé sur une faute grave,
de condamner la société HAPIE à lui verser les sommes suivantes :
-4.955,53 € à titre d'indemnité de préavis,
-495,55 € à titre de congés payés y afférents,
-24.000 € à titre d'indemnité de clientèle.
En toute hypothèse,
d'ordonner la délivrance par la société HAPIE à Mme [C] des documents de rupture rédigés en conséquence sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir,
de condamner la société HAPIE à lui verser les sommes suivantes :
668 € concernant un budget publicitaire à rembourser par l'employeur,
4.440 € à titre de commissions concernant le dossier de la Légion Etrangère ;
2.000 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle soutient que :
la clause d'exclusivité contenue dans le contrat de travail, trop large, ne répond pas aux exigences du code du travail et ne peut lui être opposée pour fonder son licenciement en application de l'article L.7313-6 dudit code.
Il n 'y a en tout état de cause pas de faute de sa part car elle n'exerçait pas d' activité professionnelle effective au sein de la société ITAL LOOK, dont elle était uniquement la gérante de droit.
Les griefs invoqués au soutien de la faute grave ont déjà été sanctionnés par l'avertissement.
La société HAPIE rétorque pour sa part que :
il y a incompatibilité entre les obligations contractuelles découlant du statut de VRP et les fonctions de dirigeant d'une société commerciale,
Mme [C] a perdu son statut de VRP du fait de son mandat social de gérante de la société ITAL LOOK.
La salariée a manqué à son obligation contractuelle d'envoi de rapports journaliers d'activité nonobstant avertissement et rappels à l'ordre de s'y conformer de la part de l'employeur ;
L'insuffisance de résultats de la salariée pour l'année 2006 est manifeste et fautive.
Elle demande à la cour de :
confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
dire et juger le licenciement justifié par la faute grave commise par Mme [C]
débouter cette dernière de toutes ses demandes.
Subsidiairement, si la faute grave n'était pas retenue,
dire et juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,
dire et juger Mme [C] irrecevable en ses demandes inhérentes au statut de VRP,
condamner la salariée au paiement d'une indemnité de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
MOTIFS
Sur le bien fondé du licenciement :
Attendu que la faute grave visée par les articles L 1234-1 et L 1234-5 du code du travail résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant de son contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
Attendu qu'il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité et de la gravité des griefs énoncés dans la lettre de rupture, dont les termes lient le débat.
Attendu que la lettre de licenciement en date du 29 septembre 2006 est libellée en ces termes :
« Mme,
..(..) Vous avez reconnu être la gérante de la société ITAL LOOK immatriculée au registre du commerce et des sociétés d'Aix en Provence.
Par courrier du 27 juin 2006, nous vous demandions de quitter ces fonctions au sein d'une autre entreprise afin de respecter vos engagements contractuels ( article 4 de votre contrat de travail).
L'interrogation au RCS en date du 11 septembre 2006 laisse apparaître que vous avez conservé vos fonctions.
En suite de notre entretien du mois de juin 2006, vous vous étiez engagée à respecter vos obligations contractuelles en nous adressant un rapport journalier d'activité.
Du 26 juin 2006 au 11 juillet 2006, vous n'avez adressé aucun rapport, du 12 juillet 2006 au 26 juillet 2006, vous étiez en arrêt de travail. Pour les journées du 27 et 28 juillet 2006, vous n'avez adressé aucun rapport d'activité.
Il en est de même depuis la réouverture de la société le 21 août 2006 à aujourd'hui.
L'envoi d'un rapport d'activité journalier justifiant de la réalité de votre activité au profit de l'employeur est une de vos obligations contractuelles prévues à l'article 5 de votre contrat de travail.
Ce même contrat stipulait un objectif de chiffre d'affaire minimum de 7.000 € par mois avenant de mai 2005 accepté par les parties.
Nous avons à déplorer une baisse substantielle de votre chiffre d'affaires depuis le début de l'année 2006' (chiffres suivent)
Force est de constater que celui-ci a été atteint uniquement deux fois depuis 2006 après notre rappel à l'ordre (lettre AR du 25 avril 2006) et que les commandes enregistrées ne sont dues qu'à un réapprovisionnement de vos clients habituels et non à de nouveaux clients.
Nous constatons que les 28 et 29 septembre 2006, vous ne vous êtes pas présentée au séminaire de formation obligatoire.
L'insuffisance de résultats, l'insubordination par le non accomplissement de vos obligations contractuelles laissant le terrain à nos concurrents alors que vous êtes la seule représentante de notre société sur le secteur, le développement d'une activité au profit d'une autre entreprise dont vous êtes la principale animatrice, le désintérêt pour vos fonctions au sein de notre société nous amènent à vous licencier pour faute grave eu égard à l'accumulation des griefs relevés à votre encontre et qui rend impossible votre maintien dans l'entreprise.. »
Attendu que les griefs invoqués s'articulent autour de trois axes : l'activité au profit d'une autre société, l'insuffisance de résultats et le non respect des obligations contractuelles.
Attendu que l'employeur reproche à Mme [C] d'avoir développé une activité au profit d'une société ITAL LOOK, spécialisée dans la vente, l'import et l'export de produits textiles, immatriculée au registre du commerce et des sociétés d'Aix en Provence le 10 février 2006, dont elle était la gérante, selon extrait Kbis versé au dossier.
Attendu que cependant , aux termes de l'article 4 du contrat de travail liant les parties en date du 1er septembre 2001 , Mme [C] devait exercer ses fonctions de représentant exclusif, en ces termes :
« pendant toute la durée du présent contrat, le représentant s'engage à exercer son activité exclusivement pour le compte de la société et s'interdit d'exercer directement ou indirectement toute autre activité tant pour son compte personnel que pour le compte de tout autre employeur ou producteur concurrent ou non de la société. La non exécution de cette obligation constituerait une faute grave justifiant le licenciement du représentant sans préavis ni indemnité ».
Que dès lors, bien que Mme [C] ne percevait pas de rémunération pour son mandat social et que la société dont elle était la gérante n'avait pas d'activité concurrentielle de la société HAPIE, il y a eu violation manifeste de sa part de son engagement contractuel, que l'employeur a d'ailleurs sanctionné dans un premier temps par un avertissement par lettre recommandée du 27 juin 2006.
Qu'aux termes de celle-ci, il était demandé expressément à Mme [C] afin de se mettre en conformité avec ses obligations contractuelles, notamment « de cesser toute activité au sein de l'entreprise ITAL LOOK, ce qui sera certifié par l'envoi d'un K-bis d'ITAL LOOK où votre nom en tant que gérante aura disparu, dans les meilleurs délais » ;
Que nonobstant cette mise en demeure, le manquement contractuel de Mme [C] à ce niveau a perduré puisque selon extrait K bis en date du 11 septembre 2006, elle conservait la gérance de la société litigieuse.
Que ce premier grief est donc caractérisé.
Que la société HAPIE reproche en outre à Mme [C] le non envoi de comptes rendu d'activité et la non assistance à un séminaire de formation.
Que l'article 5 alinéa 9 du contrat de travail stipule l'obligation pour le représentant d'adresser tous les jours un rapport détaillé sur son activité de la journée précédente, ledit rapport servant de justificatif de l'activité réelle du représentant.
Que cette obligation a été rappelée à plusieurs reprises à la salariée le long de la relation contractuelle, notamment par lettre recommandée du 14 avril 2003 valant 1er avertissement et par lettre recommandée du 25 avril 2006.
Qu'enfin, par le courrier susvisé d'avertissement en date du 27 juin 2006, Mme [C] était mise en demeure afin de se mettre en conformité avec ses obligations contractuelles, « de nous adresser vos rapports journaliers, de téléphoner chaque lundi soir à 18 heures à M.[U].. ».
Que la salariée n'a cependant justifié en aucune manière de son activité postérieurement audit avertissement , ainsi que le relevait l'employeur dans un nouveau courrier recommandé en date du 22 août 2006.
Qu'elle n'a pas adressé de compte rendu de son activité entre le 27 juin et le 11 juillet 2006, les 27 et 28 juillet 2006, ni enfin du 21 août 2006 (date de réouverture de l'entreprise) jusqu'au 29 septembre 2006, date du licenciement.
Que cette absence de compte rendus par la salariée, quelque soit leur forme (courriel ou imprimé type..) est caractérisée en l'espèce et constitue une violation de ses obligations que l'employeur était en droit de sanctionner.
Que de même, il est constant que Mme [C] ne s'est pas rendue au séminaire de formation les 28 et 29 septembre 2006, sans justifier d'une demande écrite de prise en charge préalable des frais de déplacement à laquelle l'employeur n'aurait pas agréée, alors que son contrat de travail lui imposait de se rendre à de telles formations.
Qu'il est également admis par les parties que la salariée avait accepté, notamment par avenant signé le 2 mai 2005, un quota minimum mensuel de chiffre d'affaires à réaliser de 7.000 €.
Que l'employeur invoque enfin l'insuffisance des résultats de Mme [C] pour 2006 par rapport à ceux de l'année précédente, baisse en relation directe avec les griefs précédemment caractérisés et notamment l'activité de gérante de Mme [C] .
Qu'il résulte des chiffres rapportés dans la lettre de licenciement et non contestés par la salariée que ses résultats ont baissé à compter du début de l'année 2006, concomitamment à sa nomination en qualité de gérante d'une autre société, sans autre explication avancée par la salariée alors que dans le même temps, les autres représentants de la société HAPIE effectuaient en moyenne 15 commandes mensuelles pour seulement 4 pour Mme [C].
Que les objectifs à atteindre étaient donc sérieux et réalisables et Mme [C] ne les a pas atteints en 2006 (sauf pour les mois de mai et juin) du fait de sa carence fautive et de l'absence de ses rapports de visites.
Que l'insuffisance de résultats a perduré après l'avertissement du 27 juin 2006, Mme [C] n'ayant pas développé d'activité en juillet 2006 avant son arrêt de travail ni durant la dernière saison d'août ou le mois de septembre 2006.
Qu'en conséquence, la société HAPIE était bien fondée à prononcer le licenciement de sa salariée pour faute grave, celle-ci étant constituée par l'accumulation des griefs ci-dessus caractérisés, comme l'a constaté le premier juge.
Qu'il convient donc de confirmer le jugement déféré, et de dire et juger qu'était fondé sur une faute grave, le licenciement prononcé par lettre du 23 septembre 2006.
Que Mme [C] sera déboutée en conséquence de ses demandes liées à un licenciement abusif et de ses demandes en paiement des indemnités de rupture.
Que la résiliation d'un contrat de VRP statutaire par le fait de l'employeur pour cas de faute grave, n'ouvre pas droit à une indemnité de clientèle.
Que Mme [C] a donc été déboutée à juste titre de cette demande.
Sur les demandes annexes :
sur le remboursement du budget publicitaire et le solde de commissions :
Attendu que Mme [C] ne justifie pas du bien fondé de ces demandes, aucune facture ou bon de commande n'étant produit au débat, ni que le contrat conclu avec le 1er Régiment étranger le 23 janvier 2004 ait été renouvelé.
Que ces chefs de demandes ont été justement rejetés.
Attendu qu'aucune considération d'équité ne commande l'application en l'espèce, compte tenu de la situation respective des parties, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les demandes formées à ce titre seront rejetées.
Que l'appelante supportera les dépens de l'instance ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute les parties de leurs demandes réciproques en paiement de sommes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Laisse les dépens à la charge de l'appelante.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,