COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 21 JUIN 2012
N° 2012/ 286
Rôle N° 10/20364
SCA COVIAL
C/
SCA SCA MAS DAUSSAN
[J] [E] [U]
Grosse délivrée
le :
à :BOISSONNET
JAUFFRES
BADIE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de TARASCON en date du 05 Novembre 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 10/00583.
APPELANTE
SCA COVIAL prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant [Adresse 2]
représentée par la SCP BOISSONNET ROUSSEAU, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et plaidant par Me MOULIN de la SCP MOULIN et Associés avocats au barreau de Montpellier
INTIMES
SCA MAS DAUSSAN poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, dont le siège est sis [Adresse 3]
représentée par Me Jean Marie JAUFFRES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et plaidant par Me Louis SAYN URPAR, avocat au barreau de TARASCON,
Maître [E] [U] mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la SCA MAS DAUSSAN, demeurant [Adresse 1]
représenté par la SCP BADIE, SIMON-THIBAUT et JUSTON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE constituée aux lieu et place de la SCP DE ST FERREOL ET TOUBOUL, avoués
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 15 Mai 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Jean-Noël ACQUAVIVA, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Jean-Louis BERGEZ, Président
Monsieur Jean-Noël ACQUAVIVA, Conseiller
Madame Marie-Claude CHIZAT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Juin 2012
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Juin 2012,
Rédigé par Monsieur Jean-Noël ACQUAVIVA, Conseiller,
Signé par Monsieur Jean-Louis BERGEZ, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES.
Par jugement du 22 octobre 2009, le Tribunal de Grande Instance de TARASCON a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la Société civile agricole (SCA) MAS DE DAUSSAN et désigné Monsieur [J] [E]-[U] en qualité de mandataire judiciaire.
Suivant requête du 6 novembre 2009, la SCA MAS DE DAUSSAN a saisi le juge-commissaire à l'effet de voir prononcer, en application de l'article L.622-13 du Code de commerce, la résiliation du contrat du 28 février 1995 aux termes duquel elle s'est engagée à faire apport à la Société coopérative agricole COVIAL de sa production de pommes dans les conditions prévues par les statuts de la coopérative.
Après avoir sursis à statuer jusqu'il soit prononcé sur la tierce-opposition formée par la SCA COVIAL au jugement d'ouverture du redressement judiciaire, le juge-commissaire a, par ordonnance du 25 mars 2010 prononcé la résolution du contrat conclu entre la SCA du MAS DE DAUSSAN et la SCA COVIAL.
Par déclaration de son conseil reçue le 7 avril 2010, la SCA COVIAL a fait opposition à cette décision.
Par jugement du 5 novembre 2010, le Tribunal de Grande Instance de TARASCON a confirmé l'ordonnance déférée, chaque partie devant conserver la charge de ses propres dépens.
Par déclaration de son avoué du 15 novembre 2010, la SCA COVIAL a relevé appel de cette décision, demandant à la Cour, par voie d'écritures signifiées le 17 avril 2012 de l'infirmer, de :
- dire que la résiliation du contrat d'apport du 28 février 1995 n'est pas nécessaire à la sauvegarde du débiteur mais par contre, porte une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant,
- dire en conséquence que le contrat d'apport continuera à sortir son plein et entier effet et qu'en tout état de cause, en l'état des dispositions des statuts prévoyant une obligation totale d'apport à la charge des adhérents, le tribunal ne pouvait prononcer la rupture du contrat, consubstantiel aux statuts,
- condamner la SCA DU MAS DAUSSAN au paiement d'une somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Pour sa part, aux termes d'écritures signifiées le 23 mars 2012, la SCA MAS DAUSSAN a conclu à la confirmation de la décision déférée et à l'allocation d'une somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Monsieur [J] [E]-[U] ès qualités qui a constitué avoué n'a pas conclu.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 mai 2012.
MOTIFS DE LA DÉCISION.
Attendu qu'aux termes de l'article L.622-13 IV du Code de commerce dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008 rendu applicable au redressement judiciaire par l'article L.631-14 alinéa 1 du même code, l'administrateur et à défaut d'administrateur, le débiteur lui-même par application de l'article L.627-2, peut prendre l'initiative de demander la résiliation d'un contrat en cours à la date d'ouverture de la procédure collective du débiteur ;
que cette résiliation qui doit être prononcée par le juge-commissaire doit être nécessitée par la sauvegarde du débiteur et ne doit pas porter une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant.
Attendu qu'au soutien de son appel, l'appelante fait valoir que les deux conditions imposées par ce texte ne sont pas remplies dans la mesure où d'une part la débitrice qui fait état pour justifier sa demande de retards importants dans le paiement de ses apports de récoltes ce qui grève sa trésorerie et compromet son redressement n'a jamais élevé de critiques en ce qui concerne les délais de paiement jusqu'en 2009, date à laquelle elle a cessé de son propre chef ses apports ayant trouvé un grossiste lui offrant un prix plus élevé et où d'autre part elle-même se trouve dans une sa situation financière délicate après l'homologation d'un plan de sauvegarde qui a nécessité la vente d'actifs immobiliers dont le produit a été absorbé par le coût de sa restructuration en sorte que la perte du chiffre d'affaires représenté par la débitrice menacerait sa pérennité ;
qu'elle observe, au surplus, que la débitrice qui est membre associé ne peut aux termes des statuts résilier le contrat d'apport sauf à se retirer de la coopérative ce qu'elle n'a pas fait.
Attendu qu'il convient de relever qu'aux termes de l'article 7 des statuts de la société coopérative agricole des producteurs de fruits et légumes des Costières, de la Vistrenque et de l'Alzon COVIAL, l'adhésion à la coopérative emporte pour les associés coopérateurs engagement de livrer la totalité des produits de leur exploitation tels que définis à l'article 3 des statuts, réserve faite des quantités nécessaires aux besoins professionnels et familiaux ;
qu'il s'ensuit le contrat d'engagement signé le 28 février 1995 par la SCA du MAS DE DAUSSAN, aux termes duquel celle-ci 's'engage à apporter à la Coopérative, sous réserve de son accord et sauf en cas de force majeure, la totalité de [sa ] production de pommes, réserve faite des quantités nécessaires à [ses] besoins professionnels et familiaux' pour une durée de 5 ans renouvelable par tacite reconduction est indissociable de son adhésion à ladite coopérative, une telle obligation découlant de plein droit de sa qualité d'associé puisqu'aussi bien aux termes de l'article 7-3 des statuts 'nul ne peut demeurer associé coopérateur s'il n'est lié par un engagement';
que d'ailleurs, c'est par le même acte que la SCEA du MAS DE DAUSSAN a sollicité son adhésion à la COVIAL, à compter du 1er mars 1994, cette adhésion emportant, aux termes de l'article 7 des statuts, pour le coopérateur, apporteur du produit pomme, engagement d'apport pour une durée fixée à neuf exercices consécutifs à compter de l'expiration de l'exercice en cours à la date à laquelle l'engagement a été pris.
que dès lors, sous couvert de résiliation du seul contrat d'apport de récolte, la débitrice poursuit en réalité la résiliation du contrat de société la liant en sa qualité d'associé coopérateur à la COVIAL, contrat qui ne peut s'analyser en un contrat en cours au sens de l'article L.622-13 précité ;
que par suite, il convient réformant le jugement déféré, de débouter la SCA MAS DE DAUSSAN de sa demande de résiliation du contrat d'engagement d'apport de récolte ;
qu'il appartient, en effet, à la SCA de mettre en oeuvre, si elle le juge utile la faculté de retrait prévue par l'article L.321-6 du Code de commerce rendu applicable aux coopératives à capital variable par l'article L.521-6 du Code rural, sous réserve des limitations apportées par les statuts à l'exercice de ce droit, lesquelles doivent être, toutefois, compatibles avec le respect de la liberté individuelle.
Attendu que la SCA MAS DE DAUSSAN qui succombe doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
- Sur la demande présentée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Attendu que pour n'en point supporter la charge inéquitable, la COVIAL recevra de la SCA MAS DE DAUSSAN, en compensation des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens, la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR ;
STATUANT publiquement, contradictoirement ;
INFIRME la décision déférée.
ET STATUANT à nouveau,
DEBOUTE la Société civile agricole (SCA) MAS DE DAUSSAN de sa demande tendant à voir prononcer, en application de l'article L.622-13 du Code de commerce, la résiliation du contrat du 28 février 1995 aux termes duquel elle s'est engagée à faire apport à la Société coopérative agricole COVIAL de sa production de pommes dans les conditions prévues par les statuts de la coopérative.
CONDAMNE la SCA MAS DE DAUSSAN aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile et au paiement d'une somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT