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20/06/2012 | FRANCE | N°10/12249

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 2e chambre, 20 juin 2012, 10/12249


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

2ème Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2012



N° 2012/ 265













Rôle N° 10/12249







S.A. CMA - CGM



C/



Société EXTRACO INTERNATIONALE EXPEDITIE P.B.





































Grosse délivrée

le :

à : BADIE

SARAGA









Décision

déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 25 juin 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 2009F02114







APPELANTE



S.A. CMA - CGM, venant aux droits de la Compagnie Maritime d'Affrêtement (CMA), agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice

dont le siège social est ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

2ème Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2012

N° 2012/ 265

Rôle N° 10/12249

S.A. CMA - CGM

C/

Société EXTRACO INTERNATIONALE EXPEDITIE P.B.

Grosse délivrée

le :

à : BADIE

SARAGA

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 25 juin 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 2009F02114

APPELANTE

S.A. CMA - CGM, venant aux droits de la Compagnie Maritime d'Affrêtement (CMA), agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice

dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par la SCP BADIE, SIMON-THIBAUT et JUSTON, avocats postulants au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constituée aux lieu et place de la SCP DE SAINT FERREOL - TOUBOUL, avoué, précédemment constituée,

plaidant par Me Jean-Léopold RENARD, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Société EXTRACO INTERNATIONALE EXPEDITIE P.B., prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est sis [Adresse 6] (Pays Bas)

représentée par Me Rachel SARAGA-BROSSAT, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constituée aux lieu et place de la SCP PRIMOUT - FAIVRE, avoué, précédemment constituée,

plaidant par Me Cyril BOURAYNE, avocat au barreau de PARIS,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 mai 2012 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller, et Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller, chargés du rapport.

Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Robert SIMON, Président

Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller

Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Mireille MASTRANTUONO

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 juin 2012

ARRÊT

Contradictoire

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 juin 2012

Signé par Monsieur Robert SIMON, Président, et Madame Mireille MASTRANTUONO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La société Extraco Internationale Expeditie P.B., société de droit néerlandais, a chargé la S.A. C M A / C G M d'acheminer trois conteneurs de 20' renfermant du jus d'orange du port de [Localité 7] à celui de [Localité 8] (Russie) suivant connaissement non négociable à personne dénommée, émis, le 17 juillet 2006, fret pré-payé, les conteneurs étant fournis au chargeur par la S.A. C M A / C G M. La marchandise est parvenue au port de destination, le 22 juillet 2006, où le destinataire avisé ne l'a pas fait retirer. Un nouveau destinataire désigné, le 19 septembre 2006, a fait également défaut. Des frais de stationnement et des surestaries ont été partiellement acquittés (13.631 $) par le second destinataire désigné par la société Extraco Internationale Expeditie P.B.. La marchandise a été détruite, au mois de mai 2008 après que des pourparlers sont vainement intervenus entre la S.A. C M A / C G M et la société Extraco Internationale Expeditie P.B..

La S.A. C M A / C G M a assigné, le 22 juillet 2008, la société Extraco Internationale Expeditie P.B. devant le tribunal de première instance de [Localité 7] en paiement de frais de stationnement et de surestaries, lequel s'est déclaré, le 4 février 2009, incompétent en raison de la clause attributive de compétence territoriale insérée au connaissement.

Par jugement contradictoire en date du 25 juin 2010, sur assignation du 28 mai 2009, le Tribunal de Commerce de Marseille a déclaré irrecevable comme prescrite par un an l'action en paiement de la S.A. C M A / C G M visant une somme de 116.017,42 € et une autre de 1.515.505,02 roubles russes.

La S.A. C M A / C G M a régulièrement fait appel de cette décision dans les formes et délai légaux.

Vu les dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret N° 98-1231 du 28 décembre 1998.

Vu les prétentions et moyens de la S.A. C M A / C G M dans ses conclusions en date du 12 mars 2012 tendant à faire juger :

que la société Extraco Internationale Expeditie P.B. a reconnu son manquement à ne pas restituer les conteneurs à l'issue du délai de franchise de quinze jours, et est donc redevable aux termes du connaissement (article 26) des frais de stationnement, des surestaries et des frais annexes,

que la mise à disposition des trois conteneurs constitue un contrat distinct du contrat de transport comme ayant un objet différent, elle doit s'analyser en un contrat autonome de location de meubles et non en un contrat accessoire au contrat de transport, l'action découlant de ce contrat distinct et autonome étant assortie de la prescription de droit commun de dix années en matière commerciale, (article L 110-4 du Code de Commerce),

qu'il n'est pas « cohérent » de fixer le point de départ de la prescription au jour où la marchandise aurait dû être retirée alors que les frais de stationnement et les surestaries ne sont dues que postérieurement à cette date, respectivement 2 jours et 15 jours après la date prévue pour la livraison,

que le point de départ de la prescription de l'action s'agissant d'une créance à exécutions successives est le jour où la créance est arrêtée et exigible c'est-à-dire à la date de la dernière opération du compte entre les parties, en l'espèce au jour où les conteneurs libérés de leur marchandise ont été restitués à la S.A. C M A / C G M, soit le 20 mai 2008,

que l'assignation devant la juridiction incompétente hollandaise a interrompu la prescription et qu'en toute hypothèse, une période qui a donné lieu aux frais de stationnement et aux surestaries n'est pas prescrite, soit du 22 juillet 2007 au 25 mai 2008 eu égard à la date d'interruption de la prescription : l'assignation du 22 juillet 2008 devant la juridiction hollandaise, soit 60.167 € au titre des surestaries,

Vu les prétentions et moyens de la société Extraco Internationale Expeditie P.B. dans ses conclusions en réponse et récapitulatives au fond en date du 2 mai 2012 tendant à faire juger :

- qu'elle n'a pas reconnu sa qualité de débitrice vis-à-vis de la S.A. C M A / C G M, ce a qui interromprait la prescription, cette reconnaissance ne devant pas être « équivoque et ne devant pas prêter à discussion », l'existence de pourparlers même avec offre de paiement pour parvenir à un règlement amiable du litige ne s'analysant pas en une reconnaissance de dette, et la S.A. C M A / C G M ne démontrant pas que le paiement partiel émane de la société Extraco Internationale Expeditie P.B. et, en toute hypothèse, emporte véritablement reconnaissance de dette,

que la loi française n° 66-420 du 18 juin 1966 qui régit le transport maritime selon les clauses du connaissement prévoit une prescription par un an à compter du jour prévu pour la livraison de toutes les actions dérivant du contrat de transport,

que les actions en paiement des frais de stationnement et des surestaries se prescrivent par un an comme toutes les autres actions dérivant du contrat de transport, ainsi que le juge la jurisprudence dominante et cela, malgré une partie dissidente de la doctrine ;

L'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire a été rendue le 18 mai 2012.

Attendu que selon l'article 2248 du Code Civil, dans sa rédaction ancienne, « la prescription est interrompue par la reconnaissance que le débiteur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait » ; que, pour être interruptive de prescription, la reconnaissance faite par le débiteur, doit être formelle et non équivoque ; qu'en l'espèce, les faits allégués par la S.A. C M A / C G M ne permettent pas de déduire une reconnaissance de cette nature de la part de la société Extraco Internationale Expeditie P.B. ; *que la S.A. C M A / C G M n'établit la réalité d'un paiement des surestaries pour les conteneurs qui aurait été fait par destinataire (Moravatrans) désigné après l'arrivé du navire au port de débarquement ; qu'au demeurant, ce prétendu paiement (qui devrait être déduit des seuls emails de la S.A. C M A / C G M le mentionnant) n'aurait pas été effectué par la société Extraco Internationale Expeditie P.B. ; *que l'émail en date du 21 février 2008 émanant de l'avocat de la société Extraco Internationale Expeditie P.B. offrant de régler une certaine somme (« la société Extraco Internationale Expeditie P.B. pourrait payer une somme de 15.000 $ US ») dans le cadre « d'un règlement créatif en faisant une concession en faveur de la S.A. C M A / C G M » (à savoir trouver un autre acquéreur pour la marchandise en souffrance et partager les bénéfices par moitié avec le transporteur maritime) ne peut valoir reconnaissance de dette et interrompre la prescription ; *que, enfin, la lettre de garantie donnée, le 8 août 2008, par un organisme financier hollandais se portant caution de la société Extraco Internationale Expeditie P.B. vis-à-vis de la S.A. C M A / C G M ensuite de l'assignation en paiement de la société Extraco Internationale Expeditie P.B. en date du 22 juillet 2008, ne vaut pas reconnaissance de dette ; que cette lettre de garantie vise les sommes qui pourraient être dues par la société Extraco Internationale Expeditie P.B. à la S.A. C M A / C G M en vertu d'un jugement de l'instance judiciaire qui venait d'être saisie ;

Attendu au fond que la S.A. C M A / C G M a mis à la disposition du chargeur trois conteneurs standards de 20 pieds ; que la fourniture « obligée » de ce matériel et imposée par le transporteur maritime eu égard au mode de transport par porte-conteurs ne fait pas l'objet d'un contrat spécial, ni d'une facturation distincte du fret ; que les clauses du connaissement type définissent le conteneur (« tout matériel ou tout équipement utilisé pour le transport des marchandises ») et le fret (« tous les frais à payer au transporteur ») ; qu'il s'agit donc d'un contrat de transport unique dont le prix inclut la fourniture des conteneurs servant au déplacement de la marchandise ; que la S.A. C M A / C G M se réserve d'ailleurs, selon l'article 9 c, la possibilité de dépoter la marchandise mise dans un conteneur et de la réexpédier dans un autre conteneur ou par tout autre moyen ; que le conteneur apparait donc être un matériel éventuellement utilisé en « groupage » (mis à la disposition de plusieurs chargeurs) que le transporteur met en 'uvre pour acheminer à sa libre convenance la marchandise au port de déchargement ; que la S.A. C M A / C G M fonde d'ailleurs son action en paiement des surestaries ou plus exactement des frais de stationnement des conteneurs au port de déchargement sur les seules stipulations du connaissement, titre de transport  ;

Attendu que le contrat de transport maritime réalisant le déplacement de marchandises constitue un tout comprenant la mise à disposition des conteneurs par le transporteur maritime au profit du chargeur ; que la mise à disposition des conteneurs par le transporteur maritime lui-même concourt à l'opération de transport de manière obligée et accessoire par rapport à son obligation essentielle d'acheminer la marchandise ; que la mise à disposition n'est donc pas une prestation indépendante ou indissociable du contrat de transport ; qu'il s'ensuit que l'action résultant de la mise à disposition des conteneurs relève du contrat de transport et donc du régime spécial de prescription organisé pour les actions découlant du contrat de transport (une courte prescription d'une année)  ; que l'article 55 du décret du 31 décembre 1966 dispose que  « le délai de prescription des actions contre le chargeur ou le destinataire court du jour prévu pour la livraison » ; qu'en l'espèce, la S.A. C M A / C G M a mis le destinataire désigné au connaissement en mesure de prendre livraison de la marchandise parvenue au port de destination, le 22 juillet 2006 ; que le destinataire désigné au connaissement, puis un second s'y sont refusés ; que le point de départ du délai d'une année a commencé à courir, le 22 juillet 2006 et le délai de prescription n'a été interrompu que par l'assignation délivrée, le 22 juillet 2008, devant une juridiction hollandaise territorialement incompétente, soit de manière tardive  ;

Attendu que le jugement attaqué qui a prononcé l'irrecevabilité de l'action de la S.A. C M A / C G M mérite confirmation pour ces motifs et ceux non contraires des premiers juges, conformément à l'article 955 du code de procédure civile ;

Attendu que l'équité commande de faire application de l'article 7OO du code de procédure civile ; que la S.A. C M A / C G M, tenue aux dépens devra payer à la société Extraco Internationale Expeditie P.B. une somme de 5.000 € au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour d'Appel d'AIX en PROVENCE à la date indiquée à l'issue des débats, conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Reçoit l'appel de la S.A. C M A / C G M comme régulier en la forme.

Au fond, confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Y ajoutant, condamne la S.A. C M A / C G M à porter et payer à la société Extraco Internationale Expeditie P.B. la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la S.A. C M A / C G M aux entiers dépens de l'instance, conformément aux articles 696 et 699 du code de procédure civile, avec, le cas échéant, s'ils en ont fait la demande, le droit pour les représentants des parties de recouvrer directement contre la (ou les) partie(s) condamnée (s) ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 10/12249
Date de la décision : 20/06/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 02, arrêt n°10/12249 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-06-20;10.12249 ?
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