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19/06/2012 | FRANCE | N°11/15861

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre a, 19 juin 2012, 11/15861


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 19 JUIN 2012

A.V

N° 2012/













Rôle N° 11/15861







La COMMUNE DE [Localité 21]





C/



SCP [U] & [C]

SA ENTREPRISE [D] [Y]

SARL SOCIETE D'AMENAGEMENT ET D'EXPLOITATION DE LA ROQU ROQUE

BPCA - BANQUE POPULAIRE COTE D'AZUR

SA CIC LYONNAISE DE BANQUE





















Grosse délivr

ée

le :

à :la SCP ERMENEUX CHAMPLY-LEVAIQUE

SCP COHEN-GUEDJ

SIDER

badie

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de Grasse en date du 10 Août 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 10/1548.





APPELANTE



L...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 19 JUIN 2012

A.V

N° 2012/

Rôle N° 11/15861

La COMMUNE DE [Localité 21]

C/

SCP [U] & [C]

SA ENTREPRISE [D] [Y]

SARL SOCIETE D'AMENAGEMENT ET D'EXPLOITATION DE LA ROQU ROQUE

BPCA - BANQUE POPULAIRE COTE D'AZUR

SA CIC LYONNAISE DE BANQUE

Grosse délivrée

le :

à :la SCP ERMENEUX CHAMPLY-LEVAIQUE

SCP COHEN-GUEDJ

SIDER

badie

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de Grasse en date du 10 Août 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 10/1548.

APPELANTE

La COMMUNE DE [Localité 21], demeurant [Localité 21]

représentée par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

ayant pour avocat Me Jean-Pierre BERDAH, avocat au barreau de NICE

INTIMEES

S.C.P. [U] représentée par Maître [L] [U], es qualité de commissaire à l'exécution du plan de l'Entreprise [D] [Y]

Mandataires judiciaires - demeurant [Adresse 6]

représentée par la SCP COHEN GUEDJ, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée par la ASS DEPLANO-MOSCHETTI-SALOMON, avocats au barreau de NICE

SA ENTREPRISE [D] [Y] Prise en la personne de son représentant légal en exercice,domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

représentée par la SCP COHEN GUEDJ, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée par la ASS DEPLANO-MOSCHETTI-SALOMON, avocats au barreau de NICE

SARL SOCIETE D'AMENAGEMENT ET D'EXPLOITATION DE [Localité 19] prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 3]

représentée par la SCP COHEN GUEDJ, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée par la ASS DEPLANO-MOSCHETTI-SALOMON, avocats au barreau de NICE

B.P.C.A - BANQUE POPULAIRE COTE D'AZUR, dont le siège social est [Adresse 5]

représentée par la SCP BADIE, SIMON-THIBAUT et JUSTON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constituée aux lieu et place de la SCP MJ DE SAINT FERREOL ET COLETTE TOUBOUL la SCP MJ DE SAINT FERREOL ET COLETTE TOUBOUL avoués

ayant pour avocat Me SADOUSTY, avocat au barreau de NICE

SA C.I.C. LYONNAISE DE BANQUE, [Adresse 10]

représentée par Me Jean-Michel SIDER, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE constitué aux lieu et place de la SCP SIDER avoués

ayant pour avocat la SELARL DRAILLARD, avocats au barreau de GRASSE,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 14 Mai 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Mme VIDAL, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean-Paul LACROIX-ANDRIVET, Président

Monsieur Jean VEYRE, Conseiller

Madame Anne VIDAL, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mademoiselle Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Juin 2012

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Juin 2012,

Signé par Monsieur Jean-Paul LACROIX-ANDRIVET, Président et Mademoiselle Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Suivant acte d'huissier en date du 2 mars 2010, la commune de [Localité 21] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Grasse la SA Entreprise [Y], la société d'aménagement et d'exploitation de [Localité 19] (la SAER), la Banque Populaire de la Cote d'Azur (BPCA), la CIC Lyonnaise de Banque et la SCP [U] [C], es qualité de commissaire à l'exécution du plan de continuation de l'entreprise [Y], aux fins :

- au principal, de voir constater la perfection de la cession de 7 ha à détacher de la parcelle cadastrée section E n°[Cadastre 1], telle que prévue dans l'acte du 10 février 1982, et condamner la SA [Y] et la SAER à procéder à la cession de cette partie de parcelle après mainlevée des inscriptions la grevant au profit de la Lyonnaise de Banque et de la BPCA,

- à titre subsidiaire, de condamner in solidum la SA [Y] et la SAER à lui payer, à titre de dommages et intérêts, la valeur à dire d'expert de la parcelle de 7 ha, de désigner un expert évaluateur et de lui allouer une provision de 2.000.000 euros, sauf à parfaire.

Par jugement en date du 10 août 2011, le tribunal de grande instance de Grasse a débouté la commune de [Localité 21] de sa demande principale en réalisation forcée de la cession de la parcelle de 7 ha, en l'état de la vente intervenue le 30 décembre 1992 au profit de la SAER, et l'a déboutée de sa demande subsidiaire en constatant que la commune ne justifiait pas avoir déclaré sa créance à la procédure collective de la SA [Y] ouverte le 26 décembre 2002 et étendue à la SAER le 12 juin 2003 ou avoir sollicité un relevé de forclusion, de sorte que cette créance était éteinte. Il a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La commune de [Localité 21] a interjeté appel de cette décision suivant déclaration électronique.

-----------------------

La commune de [Localité 21], suivant conclusions récapitulatives et en réponse en date du 11 mai 2012, demande à la cour :

à titre principal,

de constater la perfection de la cession à son profit de la parcelle de 7 ha à détacher de la parcelle cadastrée section E n°[Cadastre 2] et de condamner en conséquence la SA Entreprise [D] [Y] et la Société d'Aménagement et d'Exploitation de [Localité 19] à comparaître en mairie ou chez notaire, à l'effet de procéder à l'acte de cession de ladite parcelle, après avoir fait mainlevée des inscriptions hypothécaires la grevant, et ce sous astreinte de 500 € par jour de retard passé le délai de deux mois suivant la signification de la décision,

de voir dire que cette cession sera opposable à la Société SAER, à la BPCA et à la Lyonnaise de Banque,

en tant que de besoin, d'annuler la vente reçue le 30 décembre 1992 pour ce qui concerne la partie d'immeuble revendiquée par la commune,

de désigner tel expert qu'il lui plaira pour déterminer l'emplacement et la consistance du terrain de 7 ha à prendre sur la parcelle, ayant fait l'objet d'une estimation domaniale le 8 novembre 1996, ainsi que pour indiquer la valeur vénale à ce jour de cette parcelle,

à titre subsidiaire,

de condamner in solidum la SA [Y] et la Sdociété SAER à lui payer, à titre de légitimes dommages et intérêts, la valeur à dire d'expert de la parcelle de 7 ha et de désigner, dans ce cas, un expert évaluateur afin d'indiquer la valeur de cette parcelle, et ce aux frais avancés des deux sociétés,

de les condamner in solidum à lui verser une provision de 2.000.000 €, sauf à parfaire, outre une somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir, pour l'essentiel, que la cession prévue dans l'acte du 10 février 1982 est parfaite et qu'en procédant à la vente ultérieure de la parcelle au profit de la SAER, la SA [Y] a méconnu les dispositions de l'article 1134 ; que la SAER, du fait de l'identité de ses dirigeants sociaux, ne pouvait ignorer l'engagement de la SA [Y] et a donc contribué, sur le plan quasi délictuel, à la violation du contrat existant et ne peut se retrancher derrière l'absence de publication de l'accord du 10 février 1982, de sorte que les deux sociétés se trouvent obligées à signer l'acte de cession ou subsidiairement à l'indemniser de son préjudice. Elle conteste avoir renoncé au bénéfice de l'engagement de cession à son profit, soulignant que la recherche de solution d'indemnisation amiable n'a pas abouti. Elle conteste également le principe d'extinction de sa créance opposé par les intimées en faisant valoir qu'elle est créancière d'une obligation de faire qui n'avait pas à être déclarée et soutient que sa créance indemnitaire est née postérieurement à la procédure collective.

Elle critique le jugement en ce qu'il a considéré que le transfert de propriété n'était pas intervenu, alors que l'acte ne prévoit pas de report du transfert de propriété au jour de l'acte authentique et en ce qu'il n'a pas retenu la fraude de la Société SAER, émanation de la SA [Y], justifiant que soit constatée la nullité de la vente de 1992 à son profit et que soit rejeté le moyen tiré par elle de l'inopposabilité de la cession de 1982 pour défaut de publication. Elle lui fait également grief d'avoir dit que la SA [Y] était débitrice d'une obligation de faire, alors qu'il s'agissait de constater l'existence du transfert de propriété.

Elle ajoute que la SA [Y] et la société SAER, en l'état de la fraude démontrée, ne peuvent lui opposer l'absence de prise de possession du terrain et que la chose cédée peut être parfaitement déterminée dans le cadre de la mesure expertale sollicitée.

La SA Entreprise [D] [Y], la Société SAER et la SCP [U] [C], es qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SA [Y], en l'état de leurs écritures récapitulatives du 4 avril 2012, demandent à la cour :

- de constater que le protocole d'accord du 10 février 1982, non publié, ne constitue en aucune manière une vente parfaite mais un engagement de cession futur et conditionnel,

- de constater que la condition posée au débit de la commune, à savoir la réalisation d'un lotissement après modification des règles d'urbanisme, n'a pas été réalisée dans le délai contractuel et de constater en conséquence la caducité du protocole,

- de constater en tout état de cause qu'en 1995 et 1997, la commune de [Localité 21] a constaté l'inexécution de l'obligation contractée, a renoncé expressément à la cession forcée pour proposer une indemnisation financière,

subsidiairement,

- de constater, sur le fondement de l'article 1174 du code civil, la nullité du protocole du fait du caractère potestatif des engagements de la commune et de débouter en conséquence l'appelante de sa demande de réalisation forcée,

- de constater, au visa de l'article L 621-46 du code de commerce, que la commune de [Localité 21] n'a pas produit son éventuelle créance tant à la procédure collective de la SA [Y] qu'à celle de la SAER, entraînant son extinction, et de la débouter en conséquence de sa demande subsidiaire de provision et d'expertise,

- de la condamner à leur verser une somme de 3.000 € à chacune sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elles soutiennent :

que l'article 1583 du code civil n'a pas à trouver application en l'espèce, mais que le protocole contient une promesse de vente mettant en jeu les dispositions de l'article 1589, la SA [Y] ayant, non pas cédé des terrains, mais pris l'engagement de céder ces terrains ; que la chose cédée n'est d'ailleurs pas déterminée, puisqu'il s'agit de lots à créer sur un terrain non encore constructible et dans un lotissement non déterminé ;

que l'article 3.4 du protocole prévoyait des délais de réalisation de la zone d'urbanisation future, la première tranche devant être réalisée dans un délai de cinq ans, soit avant le 10 février 1987, alors que la modification des règles d'urbanisme par le biais de la révision du POS n'a été approuvée qu'en mars 2002, soit plus de 20 ans après la signature du protocole ; que la commune, consciente de ces difficultés, a renoncé à se prévaloir de la promesse de cession puisqu'elle a proposé, en 1995, puis en 1997, un projet d'indemnisation ;

que si l'on devait considérer qu'il n'y avait pas de délai, les conditions posées en contrepartie de la cession gratuite des terrains dépendraient de la seule volonté de la commune qui pourrait exiger la réalisation 30 ou 40 ans après la promesse ;

que la demande de la commune est vouée à l'échec, tant en ce qui concerne la délivrance des lots puisque le lotissement n'existe pas, qu'en ce qui concerne la demande indemnitaire, la commune n'ayant pas produit sa créance à la procédure collective ; qu'en outre, son action se trouve soumise à la règle de la suspension des poursuites individuelles ;

qu'elles ont été trompées par la commune qui leur affirmait que les règles d'urbanisme allaient évoluer et que la réalisation du projet était imminente ; que la Société SAER a acquis en prenant l'engagement de revendre dans les 4 ans, pensant alors pouvoir réaliser l'opération, ce qu'elle n'a pu faire du fait de la commune et ce qui lui a occasionné une dette fiscale de 1.425.912 € ; qu'elles sont en droit de solliciter la condamnation de la commune à leur verser une somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts.

La Société Lyonnaise de Banque, aux termes de ses conclusions en date du 9 janvier 2012, demande à la cour :

de constater que la demande de la commune de [Localité 21] en mainlevée de son inscription est irrecevable faute de fondement légal à son encontre, les articles 1583 et 1134 du code civil, comme les articles 1382 et 1142, ne concernant pas l'inscription d'hypothèque dont elle est bénéficiaire sur l'immeuble,

de constater au surplus que cette demande n'est pas fondée, faute d'opposabilité des droits de la commune à l'égard de la banque, puisque la commune n'a jamais fait procéder à la publication de ses droits à la conservation des hypothèques,

de constater que toute demande en dommages et intérêts ne peut être formée contre elle,

en conséquence de débouter la commune de [Localité 21] de toutes ses demandes contre elle,

de statuer ce que de droit sur les demandes de la commune à l'égard des autres parties,

de condamner tout succombant à lui verser une somme de 10.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La BPCA, suivant conclusions déposées le 6 février 2012, sollicite la confirmation de la décision déférée et demande à la cour de constater que le protocole d'accord du 10 février 1982 n'a pas été publié de sorte qu'il n'existait à la date de l'octroi de l'ouverture de crédit, le 29 juin 1993, aucune restriction aux demandes de la Société SAER, de débouter en conséquence la commune de [Localité 21] de ses demandes contre la banque et de condamner la partie succombante à lui verser une somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 14 mai 2012.

MOTIFS DE LA DECISION :

Attendu que la SA [D] [Y], propriétaire de différentes parcelles exploitées à usage de carrière sur la commune de [Localité 21], cadastrées lieudit [Localité 20] n° [Cadastre 8] et [Cadastre 9], lieu-dit [Localité 19] n°[Cadastre 2] et lieu-dit [Localité 18] n°[Cadastre 7] pour une surface totale de 37 ha 50 a et 22 ca, a conclu avec la commune de [Localité 21] un protocole en date du 10 février 1982 aux termes duquel il était convenu qu'en contrepartie de l'obtention de l'autorisation d'augmenter de manière substantielle la production annuelle de la carrière (de 1.000.000 tonnes à 1.800.000 tonnes) grâce à un avis favorable émis par le maire de la commune, la SA [Y] prenait l'engagement ferme et irrévocable de céder gratuitement à la commune, en toute propriété, dans le délai de trois mois de l'achèvement complet de l'exploitation de la carrière, une portion de terrain fixée à 7 ha de la superficie planifiée, sous réserve de son classement en zone NA, la surface cédée étant ramenée à 4 ha dans le cas de non inscription du terrain dans cette zone ;

Qu'il était plus précisément prévu que :

La commune donnerait son accord pour l'inscription des parcelles [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 2] et [Cadastre 7] au POS en cours d'établissement, pour les parties planifiées en zone NA « urbanisation future, activités », avec réalisation par tranches de 3 ha minimum, chaque tranche comportant des lots de 2.500 m² au minimum, et pour les parties inexploitées et fronts de taille en talus en secteur ND « espace naturel protégé » ;

La réalisation de la première tranche de la zone serait effectuée dans le délai compatible avec la libération de la surface planifiée suffisante, soit dans un délai de l'ordre de cinq ans à compter de la signature du protocole ;

Les parcelles de terrain planifié cédées à la commune dans le secteur NA à concurrence de 7 ha seraient situées de telle sorte que les diverses tranches de réalisation comprennent, dans chaque tranche y compris la première, des lots appartenant à l'entreprise et des lots appartenant à la commune dans la proportion des surfaces planifiées dont chacune des parties serait alors propriétaire ;

Que l'article 5 indiquait que le protocole était soumis à deux conditions résolutoires :

L'augmentation de tonnage annuel autorisé au profit de l'entreprise [Y],

L'appui favorable du préfet des Alpes Maritimes à la publication dans le POS du zonage adapté à la nouvelle destination des sols,

Etant ajouté que la non réalisation de l'une ou l'autre de ces conditions rendrait le protocole caduc de plein droit ;

Attendu que suivant acte authentique en date du 30 décembre 1992, la Société d'Aménagement et d'Exploitation de [Localité 19] (la SAER) a acquis auprès de la SA [Y] un terrain sur la commune de [Localité 21] d'une superficie de 44 ha 77 a 26 ca englobant les parcelles [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 2] et [Cadastre 7], objets du protocole du 10 février 1982, moyennant le prix de 52.000.000 F, dans le but d'aménager une partie des terrains dans le cadre de l'extension de SOPHIA ANTIPOLIS, mais également d'exploiter un fonds de commerce de décharge ; que le financement de cette opération a été réalisé grâce à une ouverture de crédit de la Lyonnaise de Banque à hauteur de 15.000.000 F et de la BPCA à hauteur de 16.500.000 F, lesquelles ont donné lieu à l'inscription d'hypothèques au profit des banques sur les biens ainsi acquis ;

Attendu que la commune de [Localité 21] demande à la cour, à titre principal, de constater que la cession serait parfaite à son profit par l'effet du protocole du 10 février 1982 et d'ordonner en conséquence la réitération forcée devant notaire à l'effet de procéder à l'acte de cession, après avoir opéré mainlevée des inscriptions d'hypothèque grevant les parcelles à détacher ;

Que c'est cependant en vain que la commune de [Localité 21] soutient que la cession prévue dans ce protocole serait parfaite au sens de l'article 1583 du code civil et que la vente consentie au profit de la SAER en 1992 serait nulle comme conclue en violation du contrat de cession existant, l'acquéreur n'ayant pu, dit-elle, ignorer ce transfert de propriété, nonobstant le défaut de publicité du protocole à la conservation des Hypothèques ;

Que l'article 1583 du code civil prévoit en effet que la vente est parfaite entre les parties et que la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé ; que cela suppose que l'objet de la cession ait été déterminé ou soit déterminable, ce qui n'est pas le cas dans le protocole du 10 février 1982 puisque la chose cédée est constituée de lots de lotissements à créer, sur des terrains non encore constructibles, devant bénéficier d'une inscription en zone NA à définir, et sans aucune indication de leur emplacement dans les différentes tranches à réaliser ; qu'il est d'ailleurs justement fait observer que les modifications du POS permettant le changement de zonage des terrains n'ont été adoptées qu'en mars 2002, soit plus de vingt ans après la signature du protocole et que le lotissement n'est toujours pas créé ;

Que le protocole doit en conséquence s'analyser comme un engagement de faire et non comme un acte translatif de propriété ;

Qu'il doit être relevé à cet égard que les parties, y compris la commune de [Localité 21], avaient bien procédé à la même analyse juridique du protocole puisque, dans les suites de la signature de l'acte de vente par la SA [Y] à la SAER, la commune, loin de mettre en cause la validité de cette vente, entendait obtenir la signature d'un acte complémentaire portant transfert sur la SAER de la charge de l'engagement de cession pris par la SA [Y] ;

Que la même analyse a guidé les parties lorsqu'elles se sont également rapprochées, entre 1995 et 1997, en vue de conclure une transaction permettant à la commune de recevoir l'indemnisation de la non réalisation de l'engagement de cession ; qu'il était alors considéré que la vente de 1992 était intervenue sans qu'aient été repris les engagements pris par la SA [Y] à l'égard de la commune et que le non respect de cette obligation de faire justifiait le versement d'une indemnité dont le montant avait été soumis à l'avis du service des Domaines ; que, certes, les différents projets transactionnels n'ont pas été suivis d'effets, mais que leur lecture permet d'éclairer sur la nature et la portée du protocole de 1982 et de retenir qu'il comportait un engagement de faire à la charge de la SA [Y] mais qu'il ne valait pas acte de cession ;

Qu'il convient en conséquence de débouter la commune de [Localité 21] de ses demandes formées à titre principal en réitération forcée de la cession de 7 ha à son profit et en annulation de la vente intervenue le 30 décembre 1992 au profit de la SAER ;

Que la demande de mainlevée des inscriptions d'hypothèques conventionnelles prises au profit de la Lyonnaise de Banque et de la BPCA est dès lors sans objet ;

Attendu que la commune de [Localité 21] sollicite, à titre subsidiaire, la condamnation in solidum de la SA [Y] et de la SAER à l'indemniser du préjudice résultant pour elle de l'inexécution de l'obligation souscrite dans le protocole et correspondant à la valeur de la parcelle de 7 ha qui aurait dû lui être cédée à titre gratuit ;

Que le tribunal a toutefois justement retenu que la SA [Y] avait fait l'objet d'une procédure collective ouverte par jugement du tribunal de commerce du 26 décembre 2002 et que cette procédure avait été étendue à la SAER par jugement du 12 juin 2003 ; que la commune de [Localité 21], dont la créance indemnitaire avait son origine antérieurement à l'ouverture de la procédure collective - puisque reposant, à l'égard de la SA [Y], sur le non respect du protocole de 1982, et à l'égard de la SAER, sur la faute résultant de l'acquisition des terrains, en méconnaissance du protocole de 1982 - n'avait pas déclaré sa créance et n'avait pas sollicité de relevé de forclusion ; qu'ainsi, aux termes de l'article L 621-46 du code de commerce alors applicable, cette créance était éteinte ; qu'au surplus, la demande de condamnation se heurtait au principe de suspension des poursuites individuelles, au sens de l'article L 621-40 du code de commerce ;

Qu'il convient dès lors de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la commune de [Localité 21] de sa demande en paiement de dommages et intérêts ;

Attendu que la SA [Y] et la SAER ont exposé, dans leurs écritures, avoir subi un préjudice du fait des atermoiements de la commune, voire de ses tromperies, et indiqué vouloir lui réclamer le versement de dommages et intérêts ; mais que cette prétention n'ayant pas été reprise dans le dispositif de leurs dernières conclusions en date du 4 avril 2012, la cour n'est pas saisie de cette demande ;

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu l'article 696 du Code de Procédure Civile,

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, contradictoirement,

en matière civile et en dernier ressort,

Déboute la commune de [Localité 21] de son appel et confirme le jugement du tribunal de grande instance de Grasse déféré en ce qu'il l'a déboutée de toutes ses demandes  et en ce qu'il l'a condamnée aux entiers dépens ;

Y ajoutant,

Déboute la commune de [Localité 21] de sa demande en annulation de la vente intervenue le 30 décembre 1992 entre la SA [Y] et la SAER et portant, pour partie, sur les parcelles [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 2] et [Cadastre 7] sises à [Localité 21] ;

Constate que la demande de mainlevée des inscriptions d'hypothèques conventionnelles au profit de la Lyonnaise de Banque et de la BPCA est sans objet ;

Constate que la cour n'est pas saisie de la demande en dommages et intérêts formulée par la SA [Y] et la SAER dans leurs écritures du 4 avril 2012 et non reprise dans le dispositif ;

Condamne la commune de [Localité 21] à payer à la SA [Y], la SAER et la SCP [U] [C], es qualités, ensemble, une somme de 2.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

La condamne également à payer à la Société Lyonnaise de Banque, d'une part, et à la BPCA, d'autre part, une somme de 1.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

La condamne aux dépens d'appel qui seront recouvrés dans les formes et conditions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1re chambre a
Numéro d'arrêt : 11/15861
Date de la décision : 19/06/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°11/15861 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-06-19;11.15861 ?
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