COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1re Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 19 JUIN 2012
J.V.
N° 2012/
Rôle N° 11/06197
SARL SOCIETE IMMOBILIERE DU [Adresse 7]
C/
SARL [Localité 2] RESTAURATION
SA FINAMUR
Grosse délivrée
le :
à :la SCP TOLLINCHI - PERRET-VIGNERON - BARADAT-BUJOLI-TOLLINCHI la SCP COHEN-GUEDJ la SCP JOURDAN - WATTECAMPS
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 03 Février 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 09/3801.
APPELANTE
SARL SOCIETE IMMOBILIERE poursuites et diligences de son représentant légal en exercice y domicilié [Adresse 7]
représentée par la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assistée par Me Julien TURCZYNSKI, , avocat au barreau de BRUXELLES
INTIMES
S.A.R.L [Localité 2] RESTAURATION, prise en la personne de son représentant légal en exercice y domicilié, À l'enseigne Brasserie KANTERBRAU - [Adresse 3]
représentée par la SCP COHEN GUEDJ, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée par Me Thierry FRADET, avocat au barreau de TOULON
SA FINAMUR, venant aux droits de la Société UNICOMI, prise en la personne de son représentant légal en exercice y domicilié, [Adresse 1]
représentée par la SCP J F JOURDAN - P G WATTECAMPS, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée par Me Patricia ROY-THERMES, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 14 Mai 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, M.VEYRE, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Jean-Paul LACROIX-ANDRIVET, Président
Monsieur Jean VEYRE, Conseiller
Madame Anne VIDAL, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mademoiselle Patricia POGGI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Juin 2012
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Juin 2012,
Signé par Monsieur Jean-Paul LACROIX-ANDRIVET, Président et Mademoiselle Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Vu le jugement rendu le 03 février 2011 par le tribunal de grande instance de Toulon dans le procès opposant la société Immobilière du [Adresse 7] (IQSM) à la société [Localité 2] RESTAURATION et la société FINAMUR.
Vu la déclaration d'appel de la société IQSM du 05 avril 2011.
Vu les conclusions déposées par la société IQSM le 30 janvier 2011.
Vu les conclusions déposées par la société [Localité 2] RESTAURATION le 11 mai 2012.
Vu les conclusions déposées par la société FINAMUR le 11 mai 2012.
SUR CE
Attendu que suivant actes des 28 avril et 24 juin 1987, la Société UNICOMI aux droits de qui vient la société FINAMUR, a contracté avec la société IMMOBILIERE du [Adresse 7] (IQSM) un crédit bail immobilier d'une durée de 15 ans portant sur les locaux, à usage commercial, dans un ensemble immobilier, dit Centre Commercial [Adresse 7] ; que cet acte stipulait que la société IQSM, crédit preneur, bénéficiait d'une promesse de vente unilatérale du crédit bailleur, portant sur l'immeuble ;
Que le 20 octobre 1987 la société IQSM a consenti un bail de sous location à la société RESTAURATION [Adresse 7] pour l'exploitation de la brasserie, propriétaire du fonds de commerce ;
Que le 8 novembre 1990 la société UNICOMI a adressé à la société IQSM un commandement de payer, visant la clause résolutoire, resté sans effet ;
Que le 15 mai 1991 le Tribunal de Commerce de Toulon, a ouvert le redressement judiciaire de la société IQSM et a désigné en qualité de représentant des créanciers Maître [J], par ailleurs nommé liquidateur de la société RESTAURATION [Adresse 7];
Que le 17 juillet 1991, le Tribunal de Commerce a autorisé la mise en gérance libre du fonds de commerce au profit de la SARL [Localité 2] RESTAURATION, moyennant une redevance de 12.195,92 euros ;
Que suite à la déclaration de créances et à de nouveaux impayés, la société UNICOMI a assigné en référé Maître [J], ès qualités et la société IQSM en résiliation du contrat de crédit bail;
Que le Président du Tribunal de Commerce, par ordonnance du 23 mars 1992 a pris acte d'un accord avec la société UNICOMI, et qu'un plan de redressement par voie de continuation a été arrêté, par jugement du 17 juin 1992 ;
Que le 02 décembre 1993 la société RESTAURATION [Adresse 7] a vendu son fonds de commerce, comprenant le droit au bail, à la société [Localité 2] RESTAURATION ;
Que la société IQSM est redevenue in bonis le 26 novembre 1997 ;
Qu'à la suite de nouveaux impayés, la société UNICOMI a engagé une procédure en paiement qui a abouti à un arrêt du 12 mai 2005, condamnant la société IQSM à payer la somme de 1.491.607,42 euros ;
Attendu que la société fait valoir qu'elle a levé l'option de vente, contenue dans le contrat de crédit bail et que la vente doit être réalisée ;
Attendu que de son côté, FINAMUR soutient que l'arrêt du 12 mai 2005, a jugé que le bail a pris fin, et que cette décision a autorité de chose jugée ;
Attendu que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et qui a été tranché dans son dispositif ;
Attendu que le dispositif de la décision précitée du 12 mai 2005 est ainsi rédigé :
'Met hors de cause Me [J], ès qualités,
Réforme le jugement et statuant à nouveau,
Condamne la SARL IMMOBILIERE DU [Adresse 7] à payer à la SA UNICOMI la somme de UN MILLION QUATRE CENT QUATRE VINGT ONZE MILLE SIX CENT SEPT EUROS ET QUARANTE DEUX CENTIMES (1.491.607,42 €),
Dit qu'il sera fait application des dispositions de l'article 1154 du Code civil,
Déboute Maître [J] ès qualités de ses demandes au titre des dommages et intérêts et de l'amende civile,
Condamne la SA UNICOM à payer à Maître [J], ès qualités, la somme de DEUX MILLE Euros (€) et la SARL IQSM à payer à la SA UNICOMI la somme de TROIS MILLE Euros (3.000) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Condamne la SARL IMMOBILIERE DU [Adresse 7] aux dépens et autorise la SCP JOURDAN - WATTECAMPS et la SCP TOLLINCHI - PERRET - VIGNERON, titulaires d'un office d'avoué à en poursuivre le recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.'
Attendu que ce dispositif ne contient aucune mention concernant la résiliation ou la fin du crédit-bail et que l'on ne peut pas considérer à la lecture de ce dispositif, que la résolution de ce contrat y est implicitement comprise, ni même que les motifs de la décision qui y font allusion soient le soutien nécessaire de ce dispositif ; que ce moyen doit en conséquence être écarté ;
Attendu par ailleurs que l'article 38 du contrat de crédit-bail prévoit que le bénéficiaire ne pourra se prévaloir de la promesse de vente :
'Qu'à la condition déterminante d'avoir rempli tous les engagements lui incombant en vertu des présentes. A défaut, la promesse de vente sera automatiquement considérée comme nulle et non avenue' ;
Que parmi les engagements du bénéficiaire de la promesse de vente figure le paiement des loyers et charges du contrat de crédit-bail immobilier ; qu'il n'est pas contesté que lorsque la société IQSM a déclaré lever l'option le 23 août 2002, elle n'était pas à jour du paiement des loyers dus, ce qui a entraîné la condamnation prononcée le 12 mai 2005 ;
Attendu que la société IQSM soutient que la sanction par la nullité du non respect de ces conditions est constitutive d'un abus de droit ; que ces conditions apparaissent cependant parfaitement légitimes et que cet argument ne peut être retenu ;
Que la société IQSM fait également valoir que le respect de la procédure prévue par l'article 30 du contrat de crédit bail devait être observé pour que l'article 38 puisse trouver à s'appliquer ; que l'article 30 stipule :
'en cas d'inexécution de l'une quelconque des obligations mises par le présent contrat à la charge du preneur, le crédit bail sera résilié de plein droit et sans aucun formalité judiciaire, si bon semble au bailleur, deux mois après la notification au preneur d'un commandement de payer ou d'une mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception restés totalement ou en partie sans effet et contenant déclaration par le bailleur de son intention d'user du bénéfice de ladite clause, étant précisé que tout paiement ou exécution faite après l'expiration d'un délai de deux mois restera sans effet [...]'
Attendu que cette clause, qui ne concerne que la résolution de plein droit du crédit-bail, est sans application s'agissant des conditions de la levée de l'option, et que ce moyen doit également être écarté ;
Qu'il s'ensuit que l'article 38 précité doit recevoir application et que, faute pour la société IQSM d'avoir satisfait aux engagement du contrat de crédit-bail immobilier, la promesse de vente doit être considérée comme nulle est non avenue ;
Que par voie de conséquence, la société IQSM doit être déboutée de sa demande en dommages et intérêts pour privation de jouissance ou résistance abusive ;
Attendu que la société FINAMUR sollicite la condamnation de la société IQSM à lui payer la somme de 2.261.637,30 euros arrêtée au 21 mars 2012 au titre des indemnités d'occupation, charges de copropriété, taxes foncières et frais divers ; que ce montant n'étant pas discuté, même à titre subsidiaire, il convient de faire droit à ce chef de demande et d'ordonner l'expulsion de la société IQSM dont le crédit-bail a pris fin à son terme ;
Attendu, sur l'opposabilité du sous bail de la société [Localité 2] RESTAURATION à la société FINAMUR, que le tribunal a estimé, par des motifs pertinents que la Cour adopte, d'une part que le contrat de sous-location dont celle-ci bénéficie est opposable à la société FINAMUR, après avoir notamment relevé qu'un agrément tacite du sous locataire par le propriétaire résulte en l'espèce en particulier des conditions dans lesquelles la société [Localité 2] RESTAURATON a acquis le sous-bail, des règlements pendant 5 ans de sommes dues, entre les mains de Maître [J], que la crédit-bailleresse a acceptées et de l'occupation sans observations de sa part depuis vingt ans des lieux par la société [Localité 2] RESTAURATION, étant par ailleurs observé que la société UNICOMI avait fait état dès le 13 avril 1992 dans un courrier adressé à Maître [J] de la venue d'un nouveau sous-locataire, et, d'autre part, qu'aucune preuve ni commencement de preuve de la mauvaise foi de la société [Localité 2] RESTAURATION ou de sa prétendue collusion avec la société IQSM n'est rapportée, rien ne démontrant notamment qu'elle ait été informée des différends opposant cette société aux sociétés UNICOMI ou FINAMUR avant la procédure de saisie-attribution dont elle a fait l'objet en 2006-2007 ;
Que le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a déclaré opposable à la société FINAMUR le contrat de sous-location bénéficiant à la société [Localité 2] RESTAURATION;
Attendu, sur les demandes en paiement de la société FINAMUR contre la société [Localité 2] RESTAURATION, sur le fondement de l'article 1166 Code civil, que c'est à juste titre que le tribunal l'en a débouté après avoir relevé que les conditions de l'exercice de l'action oblique n'étaient pas remplies, dès lors que la société FINAMUR ne démontrait pas l'inaction de IQSM en vue du recouvrement des sommes litigieuses ou de l'expulsion de la société [Localité 2] RESTAURATION ;
Attendu que la société IQSM ne donne pas le détail des sommes qu'elle réclame à la société [Localité 2] RESTAURATION au titre des loyers, charges et taxes foncières qui concerneraient, selon ses écritures, les années 2003 à 2008 ; que le contrat de crédit bail ayant pris fin à son terme le 19 octobre 2002, la société IQSM, qui ne dispose de plus aucun droit sur les locaux litigieux, doit être déboutée de ses demandes en paiement et en expulsion contre la société [Localité 2] RESTAURATION ;
Attendu que la société FINAMUR qui ne démontre pas la mauvaise fois de la société IQSM ne peut prétendre à l'allocation de dommages et intérêts ;
Attendu que la société IQSM, qui succombe au principal, doit supporter les dépens, et qu'il apparaît équitable de la condamner à payer à chaque intimé 2.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris, à l'exception des condamnations en principal et dommages et intérêts prononcées contre la société IQSM,
Le réformant de ces chefs, condamne la société IQSM à payer à la société FINAMUR la somme de 2.261.637,30 euros arrêtée au 21 mars 2012, et déboute la société FINAMUR de sa demande en dommages et intérêts contre la société IQSM,
Condamne la société IQSM à payer au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel 2.500 euros à la société FINAMUR et 2.500 euros à la société [Localité 2] RESTAURATION,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne la société IQSM aux dépens d'appel et dit qu'ils seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT