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07/06/2012 | FRANCE | N°10/02414

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre b, 07 juin 2012, 10/02414


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 07 JUIN 2012



N° 2012/



Rôle N° 10/02414





[D] [L]





C/



[H] [W]



CGEA AGS DE [Localité 8] DELEGATION REGIONALE AGS SUD EST











Grosse délivrée

le :



à :



Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE





Me Dominique CHABAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



Me Frédéric LACRO

IX, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE





Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARTIGUES en date du 21 Décembre 2009, enregistré au répertoire...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 07 JUIN 2012

N° 2012/

Rôle N° 10/02414

[D] [L]

C/

[H] [W]

CGEA AGS DE [Localité 8] DELEGATION REGIONALE AGS SUD EST

Grosse délivrée

le :

à :

Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Dominique CHABAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARTIGUES en date du 21 Décembre 2009, enregistré au répertoire général sous le n° 08/761.

APPELANT

Monsieur [D] [L], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIME

Maître [H] [W], pris ens a qualité de liquidateur judiciaire de la Société SIS SARL dont le siège social est sis [Adresse 9], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Dominique CHABAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Amandine ORDINES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

CGEA AGS DE [Localité 8] DELEGATION REGIONALE AGS SUD EST, demeurant [Adresse 7]

représenté par Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 28 Mars 2012 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre

Madame Brigitte BERTI, Conseiller

Madame Françoise GAUDIN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Juin 2012.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Juin 2012.

Signé par Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

[D] [L] a été engagé par la Société Industrielle du Sud dite SIS suivant contrat à durée indéterminée à temps complet en date du 26 juin 2006, en qualité de tuyauteur, catégorie OQ niveau IV échelon 3 coefficient 285 et ce moyennant une rémunération mensuelle brute qui était dans le dernier état de la relation contractuelle de 3314 € pour un horaire mensuel de 151 h 67, la convention collective applicable étant celle de la métallurgie des Bouches-du-Rhône.

Le 21 février 2008, le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence a prononcé la liquidation judiciaire de la société SIS , Me [H] [W] ayant été désigné liquidateur.

Le 6 mars 2008, le liquidateur judiciaire a licencié le salarié pour motif économique.

Le 5 septembre 2008, [D] [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Martigues lequel section industrie en formation de départage par jugement en date du 21 décembre 2009, la juridiction prud'homale a :

*dit que le salarié ne rapporte pas la preuve de l'intention frauduleuse de l'employeur,

*débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

*dit sans objet sa demande d'exécution provisoire,

*déclaé le jugement commun et opposable au CGEA,

*dit le salarié infondé en sa demande au titre des frais irrépétibles,

*condamné le salarié aux dépens.

[D] [L] a interjeté régulièrement le 8 février 2010 appel de ce jugement qui lui a été notifié le 1er février 2010.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses conclusions, l'appelant demande à la cour de :

* le dire bien fondé de son appel ,

*infirmer le jugement déféré,

*dire que la société SIS a eu recours au travail dissimulé, en violation des dispositions de l'article L8221 -3 du code du travail,

*fixer sa créance dans le cadre de la liquidation judiciaire à 23 935,54 € à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,

*dire l'arrêt à intervenir opposable au CGEA dans la limite des plafonds légaux,

*statuer ce que de droit du chef des dépens.

Il critique chaque point de la motivation du jugement déféré;

Il fait valoir:

- que le premier juge en inversant la charge de la preuve a statué contra legem et rend impossible l'application de la loi,

- qu'il ressort de son relevé de carrière que l'employeur s'est abstenu de le déclarer auprès des organismes sociaux, qu'il en résulte une apparence de travail dissimulé sauf à ce que soit établi le caractère non intentionnel du défaut de déclaration;

Il souligne:

- que le relevé de carrière est le seul document qu'il peut se procurer pour s'assurer que les salaires qui lui ont été servis ont été effectivement déclarés alors qu'il est aisé à l'employeur ou à son représentant de faire la preuve que le défaut de mention résulte d'une erreur en justifiant que les salaires n'ont été déclarés en temps utile,

- que la circonstance que certains relevés de carrière édités par les salariés eux-mêmes fassent apparaître la mention 'votre relevé de carrière imprimée n'est pas un document recevable pour faire valoir vos droits' signifie seulement que les droits la retraite ne peuvent être déterminée à partir d'un tel document mais seulement être liquidé sur la base du dossier réglementaire,

Il considère que le relevé de carrière qui fait apparaître que des salaires payés n'ont pas été déclarés emporte présomption simple de travail dissimulé laquelle présomption peut être renversée par la démonstration que l'employeur ou son représentant sont recevables à faire du caractère erroné du relevé de carrière , seul document dont le salarié peut être possesseur et du caractère non intentionnel de la non déclaration lorsque celle-ci est avérée;

Il indique que tous les salariés de la sociéte SIS n'ont pas été déclarés durant la période incriminée, étant précisé que si les déclarations réglementaires avaient été effectuées, il serait aisé d'en justifier.

Il rappelle que la sanction civile attachée à la déclaration des salaires n'a pas une fonction réparatrice d'un quelconque préjudice mais vaut pénalité forfaitaire indépendante de la personne et dela situation du salarié, que seul le défaut de déclaration constitue le manquement au travail dissimulé et non le non paiement de cotisations notamment pour difficultés de trésorerie.

Il ajoute qu'il ne conteste pas avoir travaillé du du 26 mars au 7 avril 2007 soit deux semaines pour la société Ponticelli Frères, avec l'accord de la société SIS et qu'il n'y a pas d'erreur sur ce point sur le relevé de carrière.

Aux termes de ses écritures, Maître [H] [W] ès qualités de liquidateur de la société SIS conclut à la confirmation du jugement déféré au rejet de la demande de l'appelant et à ce qu'il soit statuer ce que de droit sur les dépens.

Il relève :

- au préalable que l'alinéa 3 de l'article L 8221-5 du code du travail a été introduit par la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 article 40, que la période concernée se rapportant à l'année 2007 et le salarié ayant vu son contrat rompu en 2008, ces dispositions ne peuvent s'appliquer au cas d'espèces,

-en outre, que la preuve de la dissimulation d'activité n'est pas rapportée, que les documents produits n'ont qu'une force probante que très relative et ne démontre pas à eux seuls l'absence de déclaration par l'employeur des salaires aux organismes sociaux,

-de plus, que la société SIS qui a été placée en liquidation judiciaire en 2008, connaissait des difficultés financières en 2007, dont il convient de tenir compte dans l'appréciation de l'existence d'une dissimulation d'activité,

-que si les cotisations n'ont pu être payées, il est certain que le relevé de retraite du salarié ne fera pas mention des salaires correspondants,

-enfin que si la cour retient que l'employeur a manqué à ses obligations légales, il n'est aucunement démontré une intention dans la dissimulation d'activité, qu'il s'agit plutôt d'une omission consécutive à une désorganisation engendrée par les difficultés économiques, l'ayant conduit à la liquidation judiciaire.

Le CGEA de [Localité 8] délégation régionale de l' AGS Sud Est demande à la cour dans ses écrits au visa de l'article L 8223 - 1du code du travail:

*dire que la société SIS ne s'est pas livrée à la dissimulation d'emploi salarié de [D] [L] ,puisqu'il est établi qu'elle lui a délivré un contrat de travail, des bulletins de salaires, le paiement des salaires, la lettre de licenciement et les documents de fins de contrat par l'intermédiaire du liquidateur,

*dire que le relevé de la CRAM produit par l'appelant qui énonce ' votre relevé de carrière imprimé n'est un document recevable pour faire valoir vos droits' est un document qui n'est pas susceptible de caractériser l'intention de dissimulation d'emploi de la part de la société SIS,

*confirmer le jugement déféré et débouter [D] [L] de ses demandes et le condamner aux dépens

* subsidiairement,

-dire que l'indemnité pour travail dissimulé est égale à 6 mois de salire bruts soit 6x3414 € = 19884 € et non 23 935, 54 € comme réclamé par l'appelant,

-dire que la garantie de l'AGS ne s'applique aux indemnités de rupture que lorsque celle-ci intervient dans l'une des périodes définies à l'article L. 3253-8, 2° du code du travail,

- le mettre hors de cause pour les demandes au titre des frais irrépétibles, des dépens, de l'astreinte, des cotisations patronales ou résultant d'une action en responsabilité,

-dire que son obligation de faire l'avance de la somme à laquelle a été évaluée le montant total des créances définies aux articles L3253 -6 et suivants, compte tenu du plafond applicable (article L. 32 53 - 17 et D 32 53 -5) ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé de créances par le mandataire judiciaire et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L. 32 53 - 19 du code du travail,

-dire que le jugement d'ouverture de la procédure collective opère arrêt des intérêts légaux conventionnels (article L6 122 - 26 du code de commerce).

Pour plus ample exposé, la Cour renvoie aux écritures déposées par chaque partie et réitérées oralement à l'audience.

SUR CE

L'article L 8223 - 1 du code du travail dispose qu' « en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a recours dans les conditions de l'article L8221 -3 du même code( travail dissimulé par dissimulation d'activité ) ou en commettant les faits prévus à l'article L 8221 -5 ( travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié ) a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire ».

En premier lieu, et comme le fait à juste titre observer le liquidateur, il doit être relevé que l'article L8 221 -5 sus visé ( ancien article L324-10 ) dans sa rédaction applicable au présent litige ne mentionne pas le cas spécifique de ne pas avoir accompli auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales les déclarations relatives aux salaires; cette disposition qui constitue le paragraphe n°3 de l'article L8 221 -5 n'a été ajoutée dans cet article que par la loi 2010- 1594 du 20 décembre 2010 (article 40 J.O. du 21) c'est à dire postérieurement à la situation en cause.

Au demeurant, en l'espèce, le salarié reproche à la société SIS de ne pas avoir déclaré ses salaires pour l'année 2007 et début 2008 en se basant sur les seules dispositions de l'article L 8221-3, seul article qu'il invoque.

Cet article L 8221-3 vise effectivement dans son 2° le fait de n'avoir pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l'adminstration fiscale, mais exige l'élement intentionnel en ce sens que le travail dissimulé ne peut être retenu que s'il est établi que l'employeur s'est soustrait intentionnellement à cette obligation.

Contrairement aux affirmations contenues dans le jugement sur la charge de la preuve , il convient de rappeler que l'élement intentionnel nécessaire à la sanction de travail dissimulé, relève de l'appréciation des juges du fond qui se déterminent au vu de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce et des pièces qui lui sont versées au débat par les parties.

En l'état, il est produit au débat notamment:

-le contrat de travail de [D] [L] et une attestation d'emploi,

-des bulletins de salaires concernant ce salarié délivrés par la société SIS, de janvier à décembre 2007,

-un relevé de carrière émanant du site de retraite. Cnav .fr au nom du salarié et imprimé le 25 février 2008 où sont mentionnés le nom des employeurs, et pour l'année 2007 la société Ponticelli Frères du 26 mars 2007 au 7 avril 2007 (1162 € ),

-un extrait du jugement rendu le 21 février 2008 rendu par le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence.

A l'examen de ces pièces, et bien que le relevé de carrière émanant du site internet n'ait qu'une valeur indicative, ne peut créer de droit et est susceptible d'être entâché d'erreurs, il apparaît que pour l'année 2007, il n'y a pas eu de report sur le dit relevé de des salaires perçus par l'appelant au sein de la société SIS qui se sont élévés ainsi qu' il résulte des bulletins de salaires de janvier à décembre 2007 à 61 413,61 € brut.

S'il peut être admis en l'espèce que la société SIS employeur se soit effectivement abstenue de procéder à la déclaration de salaires 2007, aucun élément ne permet d'établir qu'elle aurait agi intentionnellement alors que dans le même temps, elle connaissait en 2007 des difficultés ayant abouti à sa liquidation judiciaire immédiate le 21 février 2008.

De plus, et contrairement au raisonnement de l'appelant, les seules pièces susvisées ne sont pas suffisantes à établir une présomption de travail dissimulé et de considérer que c'est au liquidateur de démontrer le caractère non intentionnel.

Le simple fait que le liquidateur judiciaire qui représente la société SIS ne soit pas en mesure de produire les déclarations trimestrielles qui ont pu être faites auprès de l'URSSAF ne permet pas d'établir que l'employeur se serait soustrait volontairement à son obligation de déclaration.

Il en est de même du fait que d'autres salariés ont intenté la même action individuelle sur le même fondement envers le même l'employeur.

Dans ces conditions, faute d'élement intentionnel, aucune indemnité sur le fondement de l'article L 8223 - 1 susvisé ne peut être octroyée à l'appelant.

Eu égard à la motivation critiquée des premiers juges et au fait qu'ils ont retenu dans le dispositif que le salarié ne rapportait pas la preuve de l'intention fraudueuse , il convient de réformér le jugement déféré.

Aucune condamantion n'étant prononcée, la garantie du CGEA de [Localité 8] délégation régionale de l' AGS Sud Est n 'a pas lieu de jouer.

Les dépens seront laissés à la charge de l'appelant qui succombe.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Réforme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Constate que l'élément intentionnel du travail dissimulé sur le fondement de l'article L 8221-3 2° du code du travail n'est pas établi.

Déboute l'appelant de sa demande d'indemnisation au titre du travail dissimulé prévue par l'article L 8223-1 du même code.

Laisse les dépens d'appel à la charge de [D] [L] .

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre b
Numéro d'arrêt : 10/02414
Date de la décision : 07/06/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-06-07;10.02414 ?
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