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15/05/2012 | FRANCE | N°11/11707

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre b, 15 mai 2012, 11/11707


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 15 MAI 2012



N°2012/303

GP













Rôle N° 11/11707







SAS DERICHEBOURG ATIS AERONAUTIQUE





C/



[T] [W]































Grosse délivrée le :



à :



Me SARTOR, avocat au barreau de TOULOUSE





Me GHASEM, avocat au

barreau de NICE



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 19 Mai 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 10/1780.





APPELANTE



SAS DERICHEBOURG ATIS AERONAUTIQUE, demeurant [Adresse 1]



rep...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 15 MAI 2012

N°2012/303

GP

Rôle N° 11/11707

SAS DERICHEBOURG ATIS AERONAUTIQUE

C/

[T] [W]

Grosse délivrée le :

à :

Me SARTOR, avocat au barreau de TOULOUSE

Me GHASEM, avocat au barreau de NICE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 19 Mai 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 10/1780.

APPELANTE

SAS DERICHEBOURG ATIS AERONAUTIQUE, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Olivia SARTOR, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIME

Monsieur [T] [W], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Sarah GHASEM, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 27 Mars 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Yves ROUSSEL, Président

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller

Madame Brigitte PELTIER, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Monique LE CHATELIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Mai 2012.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Mai 2012

Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame Monique LE CHATELIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur [T] [W] a été embauché en qualité de technicien coordinateur « FAA » (Federal Aviation Administration) le 2 juin 2008 par la SAS DERICHEBOURG ATIS AERONAUTIQUE. Il était chargé de la maintenance des avions de la société Delta Airlines, à laquelle la SAS DERICHEBOURG ATIS AERONAUTIQUE est liée par un contrat de maintenance sous l'agrément FAR 145.

Il a été licencié pour faute grave le 19 juillet 2010 en ces termes, exactement reproduits :

« Au cours de cet entretien, nous avons abordé les faits qui vous sont reprochés, à savoir la mise en route des moteurs d'un avion ainsi que son déplacement, ce qui est strictement interdit car l'entreprise n'est pas habilitée.

Vous reconnaissez les faits, et vous les avez d'ailleurs consignés dans un rapport que vous avez établi immédiatement le 02/07/10.

Votre comportement et vos actions n'étaient absolument pas autorisés sous l'agrément FAR 145 de l'entreprise et sous votre licence A et P.

Cette attitude est liée à un manque de maîtrise d'une situation certes pressante, mais qui ne justifiait en aucun cas de prendre des risques majeurs.

Ce comportement se caractérise par une attitude imprévisible et non réfléchie, puisqu'à aucun moment, malgré la possibilité de le faire, vous n'avez stoppé les opérations.

Ce que vous avez effectué a mis la sécurité des hommes et de l'avion en cause, et caractérise une attitude particulièrement dangereuse de votre part.

Les conséquences de votre acte auraient pu être très lourdes, à ce titre nous vous le rappelons, sur un point humain, technique et commercial, le contrat que nous avons avec la compagnie cliente est majeur pour l'entreprise et pour les activités de maintenance en ligne... ».

Contestant le bien fondé de la mesure ainsi prise à son encontre et réclamant sa réintégration dans l'entreprise, Monsieur [T] [W] a saisi la juridiction prud'homale.

Par jugement du 19 mai 2011, le Conseil de Prud'hommes de Nice a jugé que Monsieur [T] [W] n'avait pas commis de faute grave, que le licenciement prononcé à son encontre était dépourvu de cause réelle et sérieuse, a condamné la SAS DERICHEBOURG ATIS AERONAUTIQUE à payer à Monsieur [T] [W] :

-1569,96 € de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire,

-177,65 € d'heures supplémentaires du 13 juillet 2010,

-89,20 € de remboursement des frais engagés sur autoroute le 13 juillet 2010,

-11 523,70 € d'indemnité de préavis,

-1152,38 € d'indemnité de congés payés sur préavis,

-1536,60 € nets d'indemnité de licenciement,

-35 000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

et a condamné la SAS DERICHEBOURG ATIS AERONAUTIQUE au paiement de 1000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Ayant relevé appel, la SAS DERICHEBOURG ATIS AERONAUTIQUE conclut à l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions aux fins de voir juger le licenciement du salarié fondé sur une faute grave, de voir débouter Monsieur [T] [W] de l'intégralité de ses prétentions, et à la condamnation de Monsieur [T] [W] à lui payer une somme, non chiffrée, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que Monsieur [T] [W], chargé de la maintenance sur les avions, a mis en route les moteurs de l'avion pour le déplacer en le pilotant lui-même, qu'une telle man'uvre n'entre pas dans le cadre de ses attributions ni dans ses compétences reconnues par la licence A et P, qui n'est qu'une licence de maintenance et non de pilotage, qu'il a agi sans autorisation et sans respect de la procédure quant à la sécurité du personnel au sol et que son comportement particulièrement dangereux justifie son licenciement pour faute grave.

Monsieur [T] [W] conclut à la confirmation du jugement entrepris aux fins de voir constater qu'il n'a pas commis de faute grave et à la condamnation de la SAS DERICHEBOURG ATIS AERONAUTIQUE à lui payer la somme de 3000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

Il expose que, lors du tractage de l'avion, la barre de tractage s'est cassée, que l'avion bloquait alors les voies de circulation et que la tour de contrôle exigeait que l'avion soit déplacé au plus vite, qu'aucune autre barre de tractage n'étant disponible, il a démarré l'avion et l'a déplacé sur ordre de la tour de contrôle alors qu'il était accompagné d'un superviseur Delta Airlines qui était avec lui à bord du cockpit ; il fait valoir qu'il dispose d'une licence A et P qui lui permet de démarrer les moteurs des avions et que ces man'uvres n'étaient pas interdites sous l'agrément FAR 145 délivré à la SAS DERICHEBOURG ATIS AERONAUTIQUE, qu'il a agi sur ordre de la tour de contrôle sous les yeux de son supérieur hiérarchique, Monsieur [H], qui n'est pas intervenu pour lui demander de stopper les man'uvres, que les man'uvres ont eu lieu en présence des agents de sûreté et des gendarmes et qu'elles n'étaient donc aucunement dangereuses et qu'aucune faute grave ne peut être retenue à son encontre.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il est renvoyé au jugement entrepris, aux pièces de la procédure et aux conclusions des parties oralement reprises.

SUR CE :

Attendu que les circonstances ayant précédé le déplacement de l'avion le 2 juillet 2010 ne sont pas discutées : casse de la barre de tractage, immobilisation de l'avion sur les voies de circulation, mise en route des moteurs et déplacement de l'avion par Monsieur [T] [W] jusqu'au parking en présence du superviseur Delta Airlines présent avec lui dans le cockpit, présence sur la piste de son chef de service Monsieur [H], de l'agent de piste chargé du tractage (M. [X] [M]), de l'agent d'opérations aériennes (M. [S] [L]), des agents de sécurité (ICIS) et des gendarmes (selon le témoignage de M. [L]) ;

Attendu que Monsieur [T] [W] soutient qu'il a déplacé l'avion sur ordre de la tour de contrôle ;

Attendu que, s'il est possible que la tour de contrôle ait donné l'ordre de dégager la piste tel que relevé par les premiers juges, cela ne signifie pas pour autant que l'exécution d'un tel ordre entrait dans les attributions ou les compétences de Monsieur [T] [W], lequel ne prétend pas par ailleurs avoir reçu un tel ordre de son employeur ou de son chef de service ;

Attendu que Monsieur [T] [W] soutient qu'il dispose d'une licence A et P, qui lui permet de démarrer les moteurs des avions et que les man'uvres qu'il a effectuées étaient autorisées sous l'agrément FAR 145 de la SAS DERICHEBOURG ATIS AERONAUTIQUE, le point 2.24 du manuel des spécifications de l'organisme d'entretien (MOE) précisant que « pour les procédés de point fixe, remorquage, roulage, mise en pression aéronef, lavage technique, mise sur vérins et contrôle et supervision des dégivrages, le personnel technique applique les instructions spécifiques présentes dans l'AMM (manuel de maintenance de l'avion), et qui sont référencées dans les cartes de travail » et le carton d'autorisation FAR 145 délivré au salarié par la SAS DERICHEBOURG ATIS AERONAUTIQUE incluant la mise en route des moteurs ;

Mais attendu qu'il ressort de la carte de travail FAR 145 délivrée par la SAS DERICHEBOURG ATIS AERONAUTIQUE à Monsieur [T] [W] qu'il était autorisé, dans le cadre des « limitations » de ses attributions, à « la mise en route des moteurs » sans autorisation de roulage ;

Que le salarié n'était donc pas autorisé par son employeur à effectuer les man'uvres de déplacement de l'avion sur la piste après la mise en route des moteurs, peu importe de savoir s'il disposait effectivement de compétences pour effectuer le roulage et qui auraient été reconnues par DELTA, société tiers à laquelle la SAS DERICHEBOURG ATIS AERONAUTIQUE est lié par un contrat de maintenance ;

Qu'il y a lieu d'observer par ailleurs que la licence A et P délivrée par la FFA (Federal Aviation Administration) à Monsieur [T] [W] précise sa qualification de mécanicien, sans aucune mention d'autorisation de démarrage des moteurs ;

Attendu que la présence du chef de service de Monsieur [T] [W] sur les lieux et son absence de réaction face à l'initiative de son subordonné n'est pas de nature à affranchir le salarié de sa responsabilité, étant précisé que Monsieur [N] [H] était présent sur la piste et non dans le cockpit et qu'il n'a donné aucun ordre au salarié de faire rouler l'avion ;

Que Monsieur [H] a adressé immédiatement un rapport d'incident à sa direction et demandé à son directeur si celui-ci avait « donné l'autorisation à M. [W] de rouler les avions sur l'aéroport de [Localité 4] et (s'il) doit approuver ce comportement ' » ;

Attendu que la présence du superviseur Delta dans le cockpit et des agents de sécurité et des gendarmes sur la piste ne permet pas de conclure que Monsieur [T] [W] était autorisé à effectuer ces man'uvres et qu'il n'a pas eu une attitude dangereuse ;

Qu'il ressort d'ailleurs du rapport d'incident de Monsieur [N] [H] que Monsieur [W] a donné l'ordre au pushiste de retirer la barre « car il a démarré les moteurs pour rouler l'avion à sa destination. Et donc il démarre les moteurs, avec une personne de MAP au casque, soudain l'avion avance avec toujours la personne de Map branché puis pile d'un seul coup. La personne de MAP se débranche...»;

Que le Directeur Qualité, Monsieur [D] [U], a signifié le même jour à Monsieur [T] [W] la suspension de ses habilitations, par courriel du 2 juillet 2010, en lui précisant : « je ne reviendrai pas sur ce qui aurait pu arriver à l'agent de MAP, alors que celui-ci était toujours connecté par le casque à l'avion et que vous relâchiez les freins moteurs tournant », le salarié ayant accusé réception de sa suspension d'habilitation et de sa mise à pied conservatoire, par courriel du 2 juillet 2010 « confirmant comme par téléphone (sa) faute et ne (pouvant lui) dire que (il s') en excuse » ;

Attendu qu'il ressort de ces derniers éléments que Monsieur [T] [W], qui n'était pas autorisé à faire rouler l'avion, n'a pas au surplus pris toutes les précautions susceptibles d'assurer la sécurité des hommes sur la piste et a agi de manière dangereuse ;

Que la faute ainsi commise par le salarié est d'une gravité telle qu'elle rendait impossible son maintien dans l'entreprise et justifiait son licenciement pour faute grave privative des indemnités de rupture ;

Attendu qu'il convient, dans ces conditions, d'infirmer le jugement et de dire que le licenciement du salarié est fondé sur une faute grave ;

Qu'il y a lieu de débouter Monsieur [T] [W] de ses demandes de rappel de salaire sur mise à pied à titre conservatoire, d'indemnité de préavis, de congés payés sur préavis, d'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu que Monsieur [T] [W] sollicite le remboursement des frais professionnels et des heures supplémentaires effectuées le 13 juillet 2010 pour se rendre à l'entretien préalable qui s'est tenu au siège de la société à [Localité 3], précisant qu'il n'a été rémunéré que de sa journée de travail alors qu'il a pris la route à 6 h 30 pour rentrer à 22 h 30 et qui lui est donc dû le paiement de 8 heures supplémentaires ;

Attendu que la SAS DERICHEBOURG ATIS AERONAUTIQUE fait valoir que le salarié n'a droit au remboursement des frais que lorsque l'entretien préalable est organisé en dehors du siège social de l'entreprise et que, d'autre part, il a été payé de sa journée du 13 juillet 2010 alors même qu'il était mis à pied à titre conservatoire et que la mise à pied n'a pas à être rémunérée ;

Mais attendu que l'employeur est tenu de rémunérer le salarié pour le temps passé à l'entretien préalable et doit lui rembourser les frais de déplacement, peu importe que le salarié soit placé en situation de mise à pied ;

Qu'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a alloué à Monsieur [T] [W] 177,65 € en paiement des heures supplémentaires du 13 juillet 2010 et 89,20 € en remboursement des frais engagés correspondant à des frais d'autoroute justifiés par la production de reçus de péage ;

Attendu que l'équité n'impose pas qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

STATUANT PUBLIQUEMENT, EN MATIERE PRUD'HOMALE, PAR ARRET CONTRADICTOIRE,

Reçoit l'appel en la forme,

Confirme le jugement en ce qu'il a condamné la SAS DERICHEBOURG ATIS AERONAUTIQUE à payer à Monsieur [T] [W] 177,65 € au titre des heures supplémentaires du 13 juillet 2010, 89,20 € au titre du remboursement des frais d'autoroute du 13 juillet 2010 et 1000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Réforme pour le surplus,

Dit que le licenciement du salarié est fondé sur une faute grave,

Déboute Monsieur [T] [W] de ses demandes en paiement de rappel de salaire sur la mise à pied à titre conservatoire, d'indemnité de préavis, de congés payés sur préavis, d'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne Monsieur [T] [W] aux dépens d'appel et dit n'y avoir lieu, en cause d'appel, à application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre b
Numéro d'arrêt : 11/11707
Date de la décision : 15/05/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 7B, arrêt n°11/11707 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-05-15;11.11707 ?
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