COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
18e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 15 MAI 2012
N°2012/367
Rôle N° 10/22686
[I] [J]
C/
SAS CARREFOUR HYPERMARCHES
Grosse délivrée le :
à :
Me Cécile GERMANI, avocat au barreau de TOULON
Me Laurent COUTELIER, avocat au barreau de TOULON
Copie certifiée conforme délivrée le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 30 Novembre 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 10/280.
APPELANT
Monsieur [I] [J], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Cécile GERMANI, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Miloud ADDA, avocat au barreau de TOULON
INTIMÉE
SAS CARREFOUR HYPERMARCHES, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Laurent COUTELIER, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Séverine PENE, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 06 Mars 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Alain BLANC, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Gisèle BAETSLE, Président
Monsieur Alain BLANC, Conseiller
Monsieur Guénael LE GALLO, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Lydie BERENGUIER.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Avril 2012 prorogé au 15 Mai 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Mai 2012
Signé par Monsieur Alain BLANC, Conseiller pour le Président empêché, et Madame Lydie BERENGUIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
Monsieur [I] [J] est régulièrement appelant d'un jugement rendu le 30 novembre 2010 par le Conseil de Prud'hommes de TOULON qui l'a débouté partiellement de ses demandes présentées à l'encontre de la S.A.S CARREFOUR HYPER-MARCHÉS en requalifiant son licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse et condamnant la société à lui payer les sommes suivantes :
- 2 338,76 euros au titre du préavis;
- 3 861,00 euros à titre d'indemnité de licenciement ;
Par des moyens qui seront analysés dans le corps du présent arrêt, l'appelant demande à la Cour de :
- rejeter les pièces et conclusions communiquées le 2 mars 2012 par la SAS CARREFOUR HYPER-MARCHÉS
- infirmer le jugement en ce qu'il prononce le licenciement pour cause réelle et sérieuse
- confirmer le dit jugement en ce qu'il a condamné la SAS CARREFOUR HYPER-MARCHÉS au paiement de la somme de 2.338,76 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis;
- condamner la SAS CARREFOUR HYPER-MARCHÉS au paiement du complément de la somme de 816,52 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, portant ainsi le montant de l'indemnité conventionnelle à la somme totale de 4 676,00 euros.
- condamner 1a dite société au paiement des sommes de :
- 21 048,84 euros à titre d' indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 25 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ,
- débouter la société intimée de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et la condamner au paiement de la somme de 3 500,00 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La société intimée demande à la Cour de débouter l'appelant de l'ensemble de ses demandes et de le condamner au paiement de la somme de 2 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et à celle de 2 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Vu les conclusions des parties oralement reprises à l'audience;
Attendu que Monsieur [J] a été engagé le 11 octobre 1989 en qualité d'équipier de service par la société sus visée, la Convention Collective Nationale des magasins de vente d'alimentation et d'approvisionnement général étant applicable aux relations contractuelles ;
Attendu que, par lettre recommandée avec avis de réception datée du 26 septembre 2005, il a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement pour le 5 octobre 2005 ;
Attendu que, par lettre recommandée en date du 14 octobre 2005 , son licenciement lui a été notifié en ces termes:
' En étant complice de Monsieur [V], équipier de service dans notre magasin, vous avez escroqué la Société Carrefour.
Monsieur [V] par son emploi, reconditionne de la marchandise du magasin dans un local situé dans la cour de service. Celui-ci mettait de côté des articles neufs et propres à la vente sur lesquels il apposait des prix dérisoires contrairement aux consignes du magasin, pour en tirer profit et vous en faire aussi bénéficier.
Vous vous êtes rendu plusieurs fois dans ce local pour remplir un caddy d'articles avec des prix frauduleux. Vous avez réglé ces différents articles pour vous et Monsieur [V]. Vous les avez rangés dans le coffre de son véhicule sur le parking du centre commercial.
Avec cette combine, vous avez profité frauduleusement à plusieurs reprises d'articles en bon état à des prix très avantageux exemple
Une bouteille de Ricard payée 5 euros au lieu de 15 euros.
Ces faits, vous les avez confirmés lors de notre entretien, en précisant que vous aviez agi par crédulité.
Nous considérons que ces actes constituent une faute grave rendant impossible votre maintien, même temporaire, dans l'entreprise.
Votre licenciement sera donc effectif dès la première présentation de cette lettre, soit le 21 octobre 2005, sans préavis ni indemnité de rupture. Nous tenons à votre disposition votre certificat de travail, ainsi que les salaires et indemnités de congés payés qui vous sont dus, l'attestation Assedic nécessaire à votre inscription au chômage.
Nous vous précisons qu'en raison de la gravité des faits qui vous sont reprochés, le salaire correspondant à la période pendant laquelle nous vous avons mis à pied à titre conservatoire ne vous sera pas versé.' ;
Attendu que la juridiction prud'homale, saisie d'un litige relatif aux motifs d'un licenciement, doit apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur au vu des éléments fournis par les parties, étant précisé que les limites du litige sont fixées par la lettre de licenciement et que, s'agissant d'un licenciement pour faute grave, la preuve en incombe à l'employeur;
Attendu qu'il est constant que l'appelant a reconnu les faits reprochés tant lors de sa garde à vue qu'au cours de l'entretien préalable au licenciement, en indiquant avoir sorti en deux/trois mois une dizaine de caddies remplis d'objets qui avaient été reconditionnés par Monsieur [V] qui, en contrepartie, lui proposait des cannettes;
que cependant il précise avoir 'commencé à (se) douter que les caddies qu'il(Monsieur [V]) remplissait ne contenaient peut être pas que des produits à reconditionner. Je pense aussi que certains prix ne devaient pas être conformes au barème en vigueur pour le reconditionnement' ;
que cependant l'employeur n'établit pas que le but de ces opérations douteuses était d'acquérir des articles pour un prix très inférieur à leur valeur marchande et ne justifie pas d'un préjudice alors qu'en tout état de cause ces produits étaient déclassés même s'il est constant que l'appelant avait connaissance de l'interdiction de procéder de la sorte;
Attendu que c'est en vain que l'appelant invoque la décision de relaxe rendue à son profit par le Tribunal Correctionnel de Toulon alors qu'en tout état de cause, la faute pénale et la faute disciplinaire sont totalement distinctes;
que l'appelant se borne à faire état de cette décision et soutient à tort qu'il n'a commis aucune faute alors que l'article 10 du règlement intérieur, contenant les dispositions générales relatives à la discipline, prévoit que: « toute marchandise autre que celles mises en vente dans le magasin, (matériel, accessoires, emballages, etc .. .) ne peut quitter l'établissement à des fins particulières, sauf accord écrit de la Direction », ce dont il résulte que les marchandises, qu'elles soient ou non déclassées, ne pouvaient être acquises par le salarié qu'à condition d'avoir été mises en vente et non prises directement dans l'atelier, étant observé qu'il n'est nullement reproché à l'intéressé d'avoir effectué les achats litigieux pendant ses heures de travail, ce qui est par ailleurs proscrit par l'Article 11 de ce règlement ;
qu'il ressort des éléments de la cause que l'appelant n'a pas respecté les instructions de l'employeur en prenant des articles « avant les clients réguliers du magasin» en dépit de l'interdiction dont il avait connaissance et que, dès lors, les premiers juges , par des motifs que la Cour adopte, en estimant que le licenciement était fondé sur une faute réelle et sérieuse et en déboutant l'appelant de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et au titre du préjudice moral, ont fait une exacte appréciation des éléments de la cause et le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions ;
Attendu qu'en l'absence de faute caractérisée de l'appelant ayant fait dégénérer en abus le droit qu'il avait de relever appel, la société intimée sera déboutée de sa demande de dommages intérêts pour procédure abusive ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale,
Confirme le jugement déféré,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Condamne l'appelant à supporter les éventuels dépens d'appel.
LE GREFFIER.LE CONSEILLER, Alain BLANC
POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ.