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17/04/2012 | FRANCE | N°11/08204

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre a, 17 avril 2012, 11/08204


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 17 AVRIL 2012

A.V

N° 2012/













Rôle N° 11/08204







[P] [G]





C/



[X] [V]

[K] [I]





















Grosse délivrée

le :

à :BADIE

BOULAN

la SCP COHEN-GUEDJ

















Décision déférée à la Cour :
>

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 14 Avril 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 09/04874.





APPELANT



Monsieur [P] [G]

né le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 8], demeurant [Adresse 4]



représenté par la SCP BADIE, SIMON-THIBAUT et JUSTON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constituée aux li...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 17 AVRIL 2012

A.V

N° 2012/

Rôle N° 11/08204

[P] [G]

C/

[X] [V]

[K] [I]

Grosse délivrée

le :

à :BADIE

BOULAN

la SCP COHEN-GUEDJ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 14 Avril 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 09/04874.

APPELANT

Monsieur [P] [G]

né le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 8], demeurant [Adresse 4]

représenté par la SCP BADIE, SIMON-THIBAUT et JUSTON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constituée aux lieu et place de la SCP DE SAINT FERREOL - TOUBOUL avoués

assisté par Me Laurent POZZI-PASQUIER, avocat au barreau de TOULON

INTIMES

Monsieur [X] [V]

né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 8], demeurant [Adresse 5]

représenté par la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constitué aux lieu et place de la SCP BLANC CHERFILS, avoués

assisté par Me Véronique LIPARI, avocat au barreau de TOULON

Maître [K] [I], notaire associé de la SCP [H] [I], [U] [I], et [K] [I], demeurant [Adresse 3]

représenté par la SCP COHEN GUEDJ, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté par Me Maria DA SILVA, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 20 Mars 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Mme VIDAL, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean-Paul LACROIX-ANDRIVET, Président

Monsieur Jean VEYRE, Conseiller

Madame Anne VIDAL, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mademoiselle Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Avril 2012.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Avril 2012,

Signé par Monsieur Jean-Paul LACROIX-ANDRIVET, Président et Mademoiselle Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Suivant acte d'huissier en date du 12 août 2009, M. [P] [G] a fait assigner M. [X] [V] et Me [K] [I] devant le tribunal de grande instance de Toulon en nullité des actes authentiques conclus les 6 et 12 août 2008 comme destinés à contourner l'interdiction des pactes commissoires sur sa résidence principale, en requalification du contrat de vente à réméré en contrat pignoratif et en responsabilité du notaire. Il sollicitait la condamnation solidaire des deux défendeurs à lui verser diverses sommes à titre de dommages et intérêts.

Par jugement en date du 14 avril 2011, le tribunal de grande instance de Toulon a dit M. [P] [G] mal fondé en toutes ses demandes et l'en a débouté. Il l'a condamné à payer la somme de 1.500 € à M. [X] [V] et celle de 1.000 € à Me [K] [I] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, avec exécution provisoire.

M. [P] [G] a interjeté appel de cette décision suivant déclaration déposée au greffe le 5 mai 2011.

------------------

M. [P] [G], aux termes de ses conclusions en date du 14 juin 2011, demande à la cour :

De réformer le jugement déféré,

De constater l'existence d'une violence viciant son consentement au moment de la conclusion des engagements,

De constater le montage contractuel frauduleux constitué par les différents actes et notamment les actes authentiques des 6 et 12 août 2008, destiné à contourner l'interdiction des pactes commissoires sur la résidence principale de M. [P] [G],

De requalifier le contrat de vente à réméré en acte pignoratif,

De prononcer la nullité de tous les actes conclus par M. [P] [G],

De constater la responsabilité civile délictuelle de M. [X] [V] et de Me [K] [I] et de les condamner solidairement à lui payer la somme de 15.000 au titre de son préjudice moral, celle de 61.099,31 € en réparation de son préjudice financier et celle de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir que son appartement de [Localité 6] ' qui constituait sa résidence principale ' faisait l'objet de poursuites de saisie immobilière par divers créanciers et que M. [X] [V], marchand de biens, lui a proposé de désintéresser ses créanciers pour éviter la vente sur saisie et de conclure divers actes, l'un valant reconnaissance de dette à hauteur de 71.928,28 € remboursable à première demande par compensation avec le prix d'achat de l'appartement dans le délai de 12 mois, en une seule mensualité sans intérêts, l'autre constatant la vente du bien avec faculté de rachat pendant un délai de 12 mois moyennant paiement du prix et des frais majorés de 16%, le prix de vente étant payé à hauteur de 71.928,28 € par compensation avec la reconnaissance de dette établie quelques jours auparavant.

Il prétend qu'il était en état de faiblesse et de contrainte économique au moment de la signature des actes, ce qui a entraîné la perte de son libre arbitre ; que la violence morale qui a été exercée sur lui par M. [X] [V], professionnel, doit être appréciée in concreto et en prenant en compte l'aggravation de sa dépendance économique créée par la remise, par M. [X] [V], de deux avances de 22.500 € en tout. Il soutient en outre que la vente à réméré a été utilisée pour contourner l'interdiction des pactes commissoires permettant au créancier gagiste de s'approprier le gage en cas de carence de son débiteur, interdiction maintenue par la réforme du droit des sûretés lorsque le gage est la résidence principale du débiteur ; qu'elle doit être requalifiée en contrat dit pignoratif, donc frappé de nullité ; qu'ici, le cumul entre le prêt souscrit quelques jours avant la vente, le maintien de M. [P] [G] dans les lieux (clause non écrite mais résultant des faits), la sous-estimation du prix (le prix de 97.000 € étant très éloigné de la valeur du bien, estimée entre 150.000 et 180.000 €) et le taux usuraire assortissant le prix de rachat (16%), permettent de retenir qu'il s'agit d'un contrat pignoratif.

Il ajoute que la responsabilité du notaire est engagée, l'exercice de son devoir de conseil lui commandant d'alerter le signataire sur le risque de perte de son logement, le notaire ne pouvant se retrancher derrière son rôle de simple authentificateur des actes dont il savait, puisqu'il les a reçus tous les deux, à quelques jours d'intervalle, qu'ils méconnaissaient les droits de M. [P] [G] ; que le notaire a également manqué à son obligation de conseil en n'appelant pas son attention sur les risques d'un paiement d'une partie du prix en espèces qui a été au demeurant fictive.

Il indique qu'il a droit, outre la nullité des actes, à la réparation de son préjudice moral et de son préjudice financier constitué par le fait que la reconnaissance de dette de 71.938,28 € représente quasiment le double de la créance originelle due à ses créanciers poursuivants.

M. [X] [V], en l'état de ses écritures en date du 10 août 2011, demande à la cour :

de dire les demandes de M. [P] [G] irrecevables sur le fondement, de l'article 1351 du code civil, pour autorité de chose jugée des jugements du tribunal d'instance de Toulon du 28 avril 2009 prononçant son expulsion et du JEX du 27 avril 2010 rejetant sa demande de délais,

De confirmer le jugement déféré et de débouter M. [P] [G] de toutes ses demandes,

De dire que l'acte contesté est bien une vente avec faculté de rachat et de débouter M. [P] [G] de ses demandes en nullité et en requalification du contrat du 12 août 2008 en acte pignoratif et de sa demande en dommages et intérêts pour préjudice moral et pour préjudice financier, ainsi que de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

De condamner M. [P] [G] à lui verser une somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile et une somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir :

que l'acte authentique du 12 août 2008 mentionne à plusieurs reprises que le bien vendu est libre de toute occupation et que M. [P] [G] ne peut donc se prévaloir de l'article 2459 du code civil qui interdit la clause d'une convention d'hypothèque prévoyant que l'immeuble sera la propriété du créancier en cas de défaillance du débiteur lorsqu'il s'agit de la résidence principale de celui-ci, étant ajouté au demeurant que la convention d'hypothèque n'a jamais été suivie d'effet puisque le créancier est devenu propriétaire par l'effet de l'acte de vente ;

que M. [G] a accepté la vente avec faculté de rachat, qu'il a encaissé le prix de vente et qu'il doit exécuter la convention de bonne foi ;

qu'il est de mauvaise foi en refusant livrer le bien depuis plus de 3 ans et en prétendant qu'il l'occuperait avec l'accord de l'acquéreur, et ce malgré le jugement d'expulsion du 28 avril 2009 ;

que M. [G] pouvait parfaitement, s'il l'entendait, souscrire un prêt pour rembourser la somme de 39.118,57 € qu'il devait à la Banque Patrimoine et Immobilier ; qu'entre les parties, il a toujours été question de vente et non de prêt et que le prix de vente est d'ailleurs très supérieur à la dette ;

que M. [G] n'a jamais été en état de faiblesse et qu'il n'a jamais subi la moindre violence ;

que le contrat n'est pas pignoratif à défaut d'existence des quatre indices révélant un contrat pignoratif : pas de relocation du bien à M. [P] [G], pas de stipulation de rachat perpétuel ou prorogé, pas d'habitudes d'usurier de l'acquéreur (le taux annuel brut étant en réalité, compte tenu du délai entre le versement et la faculté de rachat et compte tenu des frais qu'a dû supporter M. [X] [V], de 4,61% l'an), pas de vileté du prix (M. [X] [V] ayant dû débourser en fait 109.276,25 € et le prix devant subir une décote en raison de la faculté de rachat donnée au vendeur et des diverses contraintes du bien).

Il ajoute qu'il a dû payer pour M. [P] [G] , outre le remboursement de la créance de la banque, les frais de procédure de saisie immobilière (8.212,46 €), le chèque de 1.196 € remis au conseil de M. [P] [G], la somme de 2.500 € remise en espèces, une somme de 20.000 € versée par chèque le 22 mars 2008, la somme de 300 € versée à Me [K] [I] et le solde du prix de vente à hauteur de 17.061,72 € en numéraires.

Me [K] [I], suivant conclusions en date du 21 juillet 2011, sollicite la confirmation du jugement du tribunal de grande instance de Toulon déféré et le rejet des prétentions de M. [P] [G].

A titre subsidiaire, s'il en était besoin, il demande à la cour de constater l'absence de toute démonstration de l'existence d'un vice du consentement de M. [P] [G] par la violence au sens des articles 1109, 1111 et 1112 du code civil, et l'absence de toute faute du notaire, de tout lien de causalité et de tout préjudice subséquent, donc de prononcer la mise hors de cause du noatire, Me [K] [I].

Il réclame la condamnation de M. [P] [G] à lui verser une somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait observer que les actes sous seing privé ont été régularisés par les parties bien avant son intervention et que les accords étaient scellés entre elles, de sorte que le notaire les a seulement authentifiés et ne pouvait influer sur l'économie des accords préalables ; que M. [P] [G] ne faisait l'objet ni d'une tutelle ni d'une curatelle et que le notaire ne pouvait douter de sa capacité à contracter ; que l'état de nécessité ou de faiblesse allégué n'est pas établi et qu'il n'existe pas d'éléments objectifs qui auraient permis au notaire d'être alerté sur une éventuelle violence exercée sur M. [P] [G] ; que les contrats reflètent l'intention des parties et que les critères de l'acte pignoratif ne sont pas remplis, le notaire n'ayant, en tout état de cause, aucune connaissance de la prétendue location du bien à M. [P] [G] (d'ailleurs rejetée par le tribunal d'instance) et de la prétendue vileté du prix (celui-ci ayant été librement négocié par les parties) ; que le paiement du prix par compensation avec une dette n'est nullement prohibé.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 20 mars 2012.

MOTIFS DE LA DECISION :

Attendu qu'il est constant, à la lecture des pièces versées au dossier par les parties :

- que M. [G] faisait l'objet d'une procédure de saisie immobilière sur l'appartement dont il était propriétaire à [Adresse 7], sur les poursuites de la Banque Patrimoine et Immobilier en vertu d'une créance de celle-ci arrêtée au 1er octobre 2007 à la somme de 31.230,27 €, mais que cette procédure a été stoppée par jugement en date du 13 mars 2008, la banque poursuivante ayant été désintéressée ;

- que M. [G] a signé, le 22 mars 2008, une reconnaissance de dette au profit de M. [V] pour une somme de 71.938,28 € dont il était indiqué qu'elle avait été versée par celui-ci directement entre les mains de ses créanciers et entre ses propres mains pour faire face à ses dépenses personnelles (2.500 € remis en espèces et 20.000 € versés par chèque de banque), suivant détail très précis mentionné dans l'acte ; qu'il s'engageait, par cet acte, à rembourser la somme de 71.938,28 € à première demande par compensation sur le prix d'achat de son appartement conformément à un compromis de vente signé le 22 mars 2008 pour le prix de 97.000 € (acte non versé aux débats) ;

- qu'un acte authentique de prêt avec garantie hypothécaire a été signé le 6 août 2008 en l'étude de Me [K] [I], par lequel il était acté que M. [V] avait prêté à M. [G] la somme de 71.938,28 € visée dans la reconnaissance de dette du 22 mars, remboursable en une seule échéance fixée au 6 août 2009, sans intérêt ;

- qu'un second acte authentique était établi en l'étude de Me [K] [I] le 12 août 2008 portant vente du bien immobilier de M. [G] à M. [V] pour le prix de 97.000 € ; qu'il était inclus une clause de réméré pendant un an, soit jusqu'au 12 août 2009, le vendeur ayant ainsi la possibilité de racheter son bien en remboursant le prix ainsi que divers frais et travaux effectués par l'acquéreur, majoré de 16% ; que le prix était stipulé payé à hauteur de 71.938,28 € par compensation avec la créance de M. [V], à hauteur de 17.061,72 € versés par avance en espèces suivant quittance signée le 22 avril 2008, et à hauteur de 8.000 € consignés entre les mains du notaire ;

- que, suivant jugement du tribunal d'instance de Toulon en date du 28 avril 2009, l'expulsion de M. [G] de l'appartement qu'il continuait d'occuper, comme occupant sans droit ni titre, a été prononcée ;

- que M. [G] n'a pas exercé sa faculté de rachat avant le 12 août 2009, mais a, à cette date, assigné M. [V] devant le tribunal de grande instance de Toulon en nullité des différents actes passés et en réparation des préjudices subis ;

Attendu que c'est en vain que M. [V] soutient que les demandes de M. [G] seraient irrecevables en invoquant l'autorité de chose jugée du jugement du tribunal d'instance de Toulon ayant prononcé son expulsion et du jugement du JEX de Toulon ayant rejeté sa demande de délais ;

Qu'en effet, le litige soumis à l'appréciation du tribunal d'instance et du JEX n'avait pas le même objet que le présent litige, s'agissant pour eux d'apprécier, non pas la validité des contrats conclus entre les parties, mais l'existence d'un titre d'occupation de M. [G] sur l'immeuble et sa bonne foi pour obtenir des délais ;

Attendu, sur la nullité des actes pour vice du consentement, que c'est à juste titre que le tribunal a rejeté la demande en considérant qu'il n'était pas rapporté par M. [G] qu'il aurait été placé dans un état de nécessité ou de faiblesse tel qu'il aurait été contraint, sous la contrainte morale, de contracter avec M. [V] ;

Que l'attestation de son médecin traitant indiquant que M. [G] serait soigné pour état dépressif n'est pas suffisante pour établir que ses facultés auraient été altérées et qu'il aurait été particulièrement vulnérable, le tribunal ayant, de manière pertinente, relevé que l'intéressé ne faisait l'objet d'aucun arrêt de travail ; que l'attestation de Mme [E] qui indique que M. [G] aurait été 'une proie facile pour un marchand de biens malhonnête' ne peut être retenue, compte tenu du parti pris manifeste du témoin et de son absence d'impartialité ;

Que le fait que M. [G] ait rencontré des difficultés financières ne le plaçait pas en état de nécessité lui interdisant d'apprécier sa situation de manière éclairée, compte tenu du montant modéré de la créance de la Banque Patrimoine Immobilier et de sa situation de fonctionnaire à France Telecom lui assurant un revenu régulier ; que l'intéressé ne justifie d'ailleurs pas qu'il n'aurait pu obtenir le moindre crédit auprès des banques ou organismes de crédit pour faire face à ses obligations vis à vis de ses créanciers ;

Qu'en tout état de cause, l'opération consistant à vendre à l'amiable son bien au prix de 97.000 € lui permettait d'éviter la vente judiciaire prévue sur une mise à prix de 60.000 € et n'était pas contraire à ses intérêts ;

Attendu, sur la nullité des actes comme constituant un acte pignoratif, que c'est également à bon droit que le tribunal a rejeté les prétentions de M. [G] ;

Qu'en effet, celui-ci prétend que la vente à réméré conclue parallèlement à l'acte de prêt avec constitution d'hypothèque constituerait un montage permettant de contourner l'interdiction des pactes commissoires en donnant au créancier, bénéficiaire d'une hypothèque, la possibilité d'appréhender le bien immobilier servant de garantie en l'acquérant et en conservant la propriété si le vendeur n'a pas les fonds nécessaires à l'exercice du rachat ; qu'il soutient que la nullité des actes est encourue, nonobstant les dispositions de l'ordonnance du 23 mars 2006 relative aux sûretés qui rend le pacte commissoire licite, dès lors que celui-ci reste prohibé dans l'hypothèse où l'immeuble constitue la résidence principale du débiteur, ce qui est, dit-il, le cas de l'espèce ;

Mais que la cour observe que la vente à réméré est une convention admise légalement et que sa requalification en acte pignoratif n'est pas une opération aisée qui pourrait se déduire de la seule concomitance entre un acte de prêt et un acte de vente, mais doit s'apprécier en fonction d'un certain nombre d'indices :

- la vileté du prix,

- la relocation du bien au vendeur,

- la fréquence des achats effectués par la même personne,

- le caractère usuraire de l'opération ;

Que le critère de la vileté du prix est essentiel puisqu'en l'état d'un prix raisonnable, l'opération revêt le caractère d'une véritable vente ; qu'en l'espèce, M. [G] ne démontre pas que le prix de 97.000 € serait éloigné des valeurs du marché immobilier pour ce type de bien ; que les attestations des agents immobiliers locaux estimant le studio entre 150.000 et 180.000 € n'ont aucune valeur probante ; que le rapport établi par M. [O] retenant une valeur de 153.950 € n'apparaît pas probant, la cour relevant que cet expert a retenu une superficie de l'appartement de 51 m² (en intégrant dans la superficie habitable la véranda), alors que la surface Carrez mentionnée dans l'acte de vente est de 40,13m² ; que par ailleurs, l'évaluation a été faite en valeur novembre 2010, alors que l'acte de vente conclu entre les parties date d'août 2008, soit plus de deux années auparavant ;

Que par ailleurs, M. [G] prétend vainement que, dans l'opération, il était prévu qu'il reste dans les lieux ou que le bien lui serait reloué ; qu'en effet, l'acte de vente précise que le bien est libre de toute occupation et qu'aucun engagement de location n'y est pris par l'acquéreur au profit du vendeur ; que les faits démentent également cette affirmation puisque M. [V] a, dès le 5 septembre 2008, réclamé le départ des lieux de M. [G], d'abord par lettre simple, puis par lettre recommandée enfin par sommation interpellative, sans aucune réaction de la part de ce dernier ; que, bien qu'assigné en expulsion devant le tribunal d'instance, celui-ci n'a pas comparu pour faire valoir son prétendu droit d'occupation ; qu'il ne justifie d'ailleurs pas avoir versé quelque somme que ce soit à titre de loyer ou d'indemnité d'occupation depuis le mois d'août 2008 ;

Qu'il n'est pas plus rapporté la fréquence des achats effectués par M. [V], la seule qualité de marchand de biens n'étant pas suffisante pour établir qu'il aurait l'usage de ce type d'opérations ;

Qu'enfin, il est admis, en matière de vente à réméré, qu'une clause prévoyant un prix de rachat différent du prix de vente est en principe valable et n'est pas contraire à l'essence de ce type de vente, sauf si la somme à rembourser était très supérieure au prix de vente, ce qui donnerait à l'opération un caractère usuraire ; qu'en l'espèce, ainsi que l'expose longuement et précisément M. [V] dans ses écritures, la faculté pour M. [G] de racheter le bien moyennant le paiement du prix - augmenté des frais et travaux nécessaires supportés par l'acquéreur - assorti d'une majoration de 16% n'apparaît pas usuraire s'il est tenu compte du fait qu'il avait désintéressé les créanciers de M. [G] et réglé sa situation à l'égard de la copropriété dès le mois de mars 2008, de sorte que la majoration correspondait à une avance des fonds pendant 18 mois et non pendant un an ;

Attendu que la cour constate enfin, comme l'avait fait le tribunal, que, contrairement à ce qui est soutenu par M. [G] dans ses écritures, la reconnaissance de dette est parfaitement fondée, les sommes payées par M. [V] pour le compte de M. [G] pour désintéresser ses créanciers, stopper l'astreinte courant contre lui au profit du syndicat des copropriétaires, régler les divers frais et avancer des fonds à M. [G] pour ses dépenses personnelles, telles que détaillées très précisément dans l'acte, étant justifiées par la production, pour chacune d'elles, du chèque ou de la quittance établissant leur règlement ;

Attendu qu'il convient en conséquence de débouter M. [G] de sa demande en nullité des actes de prêt et de vente des 6 et 12 août 2008 ainsi que de sa demande en dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et d'un prétendu préjudice financier à l'encontre de M. [V] ;

Attendu que l'action en responsabilité engagée par M. [G] contre Me [K] [I] doit également être rejetée ; que le notaire fait justement observer qu'il n'avait pas à conseiller les parties sur l'économie des accords passés entre elles avant son intervention ; qu'il ne peut lui être fait grief d'avoir manqué à son obligation de conseil pour avoir admis qu'une partie du prix (17.061,72 €) soit payée en espèces et hors sa comptabilité, s'agissant d'une somme qui avait été versée bien antérieurement à l'acte et qui faisait l'objet d'une quittance en date du 22 avril 2008 ; qu'enfin, au regard de la validité des actes reçus par le notaire, il ne peut lui être reproché un manquement à son obligation d'efficacité ;

Attendu qu'il n'est pas établi que l'exercice par M. [G] de son action en justice constitue de sa part un acte de malice ou de mauvaise foi ou résulte d'une faute équipollente au dol ; que la demande de M. [V] en paiement de dommages et intérêts sur le fondement des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile a donc été justement rejetée par le tribunal ;

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu l'article 696 du Code de Procédure Civile,

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, contradictoirement,

en matière civile et en dernier ressort,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Toulon déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne M. [G] à payer à M. [V], d'une part, et à Me [K] [I], d'autre part, une somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Le condamne aux dépens d'appel qui seront recouvrés dans les formes et conditions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1re chambre a
Numéro d'arrêt : 11/08204
Date de la décision : 17/04/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°11/08204 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-04-17;11.08204 ?
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