COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
2ème Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 4 AVRIL 2012
N° 2012/ 161
Rôle N° 10/22456
S.A. [K]
[C] [F]
C/
S.N.C. INEO PROVENCE ET COTE D'AZUR
Grosse délivrée
le :
à :
BOULAN
MAGNAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 6 décembre 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 2009F5010
APPELANTS
S.A. [K], prise en la personne de son Président Directeur Général
dont le siège social est sis [Adresse 3]
Maître [C] [F], pris en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la S.A. [K]
demeurant [Adresse 2]
Représentés par la SELARL BOULAN CHEFILS IMPERATORE, avocats postulants au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constituée aux lieu et place de la SCP BLANC-CHERFILS, avoué, précédemment constituée
INTIMEE
S.N.C. INEO PROVENCE ET COTE D'AZUR, prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocats postulants au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Emmanuelle ARM, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 8 mars 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de procédure civile, Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Robert SIMON, Président
Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller
Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Mireille MASTRANTUONO
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 4 avril 2012.
ARRÊT
Contradictoire
Prononcé par mise à disposition au greffe le 4 avril 2012
Signé par Monsieur Robert SIMON, Président, et Madame Mireille MASTRANTUONO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * *
EXPOSÉ DE L'AFFAIRE
La société [K] est spécialisée dans la fourniture et pose de chaudronnerie en tout genre.
Selon devis du 9 janvier 2003, la société INEO PROVENCE ET COTE D'AZUR a commandé à la société [K] deux réservoirs doubles parois de 151 M3 et un réservoir simple paroi de 40 M3 pour une somme de 150.000 euros.
La réalisation des revêtements intérieurs et extérieurs était sous-traitée par la société [K] à une société dénommée PIND'ALP qui a fait l'objet d'une liquidation judiciaire.
À la réception des cuves intervenue en juin 2003, la société INEO PROVENCE ET COTE D'AZUR a émis des réserves sur le revêtement interne et externe des cuves, et des reprises ont été effectuées par un autre sous-traitant de la société [K].
Le 31 juillet 2007, la société INEO PROVENCE ET COTE D'AZUR informait la société [K] que son client, le service des Essences des Armées, l'avait avisée de l'existence de désordres affectant la cuve numéro six.
La société INEO PROVENCE ET COTE D'AZUR a saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Marseille qui, par ordonnance du 1er juillet 2008, a désigné M. [I] en qualité d'expert.
Par acte du 15 décembre 2009, la société INEO PROVENCE ET COTE D'AZUR a fait assigner devant le tribunal de commerce de Marseille la société [K] afin que celle-ci, dans le cadre la garantie décennale, soit condamnée à lui payer la somme de 64.000 euros hors taxes correspondant aux travaux de reprises qu'elle à dû faire réaliser à la place de cette société qui s'y refusait.
Par jugement du 6 décembre 2010, le tribunal, constatant que la société [K] était tenue dans le cadre d'une garantie décennale, l'a condamnée à payer à la société INEO PROVENCE ET COTE D'AZUR la somme de 36.000 euros hors taxes outre celle de 2.000 euros à titre de dommages intérêts.
La société [K] et Me [F] ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de cette société ont relevé appel de cette décision.
Ils soutiennent tout d'abord toute absence de garantie décennale due par la société [K] puisqu' il n'était pas établi que les dispositions du cahier des clauses techniques particulières auxquelles se réfère la société intimée aient été portées à sa connaissance. Ils ajoutent qu'aucun document contractuel ne renvoie à une quelconque annexe de ce cahier des charges.
Ils prétendent que la commande de la société INEO PROVENCE ET COTE D'AZUR fait expressément référence à son offre et que seules les dispositions contractuelles y figurant doivent être retenues.
Ils précisent qu'aucune disposition législative n'impose au fournisseur dans ce type d'activité une garantie pendant 10 ans notamment pour les peintures et les revêtement intérieurs et que le fait que la société INEO PROVENCE ET COTE D'AZUR ait pris l'engagement à l'égard du Service des Essences des Armées de proposer une garantie décennale ne lui est nullement opposable. Dès lors que la cuve n'a pas présenté de désordres pendant plus de quatre ans et que la garantie est d'une année ils soutiennent ne pas avoir à supporter le paiement des travaux de remise en état.
Les appelants demandent donc la réformation du jugement et le rejet des réclamations présentées à leur encontre.
À titre subsidiaire la société [K] et Me [F] ès-qualités font valoir que le coût de la remise en état ne saurait excéder la somme hors taxes 13.900 euros qui correspond à un devis établi par une société dénommée SERVICES APPLICATIONS.
Ils demandent paiement d'une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société INEO PROVENCE ET COTE D'AZUR rétorque qu'aux termes de l'article 24 du cahier des charges, les garanties pour les revêtements intérieurs et extérieurs des réservoirs sont de 10 ans. Elle ajoute que compte tenu du support et de son contenant à savoir des produits pétroliers la garantie du revêtement est décennale suivant les normes applicables en la matière.
La société intimée précise que l'expert a relevé que les désordres étaient dus à une mauvaise application du produit et à des travaux qui n'étaient pas conduits dans les règles de l'art. Elle demande donc la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société [K].
Au titre du coût des travaux de reprises, elle sollicite le paiement d'une somme de 65.780 euros TTC ainsi que le paiement d'une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice subi, outre une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La cour renvoie, pour l'exposé complet des moyens prétentions des parties, à leurs écritures précitées.
MOTIFS DE LA DECISION
A la suite de ses investigations, l'expert judiciaire relève notamment que le revêtement complet de peinture se décolle complètement et laisse apparaître le support à nu; qu'il présente des défauts de surface tels que des vagues dues à des surépaisseurs et donc à un défaut d'application; que les épaisseurs mesurées présentent des valeurs non conformes aux valeurs initialement prévues; que le revêtement de peinture complet s'enlève simplement à l'aide d'une spatule sans effort, ce qui montre le manque d'adhérence du système sur le support.
Il ajoute qu'aucun document de suivi de travaux ne permet de s'assurer que les conditions d'application été respectées telles que le respect de l'hygrométrie, les températures d'application, la température de la tôle; qu'aucun document n'établit que les phases de séchage et d'inter couches n'ont été respectées; qu' aucun document ne fait apparaître le respect des normes ISO 8501 et ISO 8503.
Le rapport de l'expert judiciaire qui démontre donc que les travaux n'ont pas été conduits dans les règles de l'art et que les désordres proviennent d'une mauvaise application du produit n'est pas critiqué par les parties.
La société INEO PROVENCE ET COTE D'AZUR invoque l'existence d'une garantie décennale en se fondant sur l'article 2.4 du cahier des clauses techniques particulières.
Toutefois elle ne démontre pas que la société [K] aurait eu connaissance du cahier des clauses techniques particulières précité.
En effet les seuls documents contractuels passés entre les parties et produits aux débats sont un devis rédigé le 9 janvier 2003 par la société [K] «suite à un entretien téléphonique» avec un responsable de la société INEO PROVENCE ET COTE D'AZUR et un accusé de réception de commande envoyé par la société [K] à la société INEO PROVENCE ET COTE D'AZUR le 15 janvier 2003.
Dans les documents précités émis par la société [K] il n'est nullement mentionné l'existence d'une garantie décennale.
Si le cahier des clauses techniques particulières prévoit effectivement une garantie de 10 ans pour le revêtement intérieur et extérieur des réservoirs à axe horizontal, la société INEO PROVENCE ET COTE D'AZUR ne prouve pas que ces dispositions auraient été portées à la connaissance de la société [K] et elle ne peut donc s'en prévaloir.
La société INEO PROVENCE ET COTE D'AZUR soutient aussi que la société [K] en sa qualité de professionnel ne pouvait ignorer que les travaux effectués bénéficiaient d'une garantie décennale au titre du revêtement.
Cependant, la société intimée ne produit aucun texte imposant à une société chargée de procéder à la pause de réservoirs métalliques avec revêtements intérieurs et extérieurs de garantir les travaux effectués pendant une durée de 10 années.
Dès lors, les désordres étant survenus plus d'une année après reprise de travaux suite à la réception des cuves intervenue en juin 2003, la société [K] n'a pas à les garantir.
En conséquence, les demandes présentées par la société INEO PROVENCE ET COTE D'AZUR doivent être rejetées et le jugement est infirmé en toutes ses dispositions.
Il est équitable d'allouer à société [K] et Me [F] ès-qualités une indemnité de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement attaqué,
Statuant à nouveau,
Déboute la société INEO PROVENCE ET COTE D'AZUR de ses demandes,
La condamne à payer à société [K] et Me [F] ès-qualités une indemnité de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
La condamne aux dépens de première instance et d'appel recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER,LE PRESIDENT,