COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1re Chambre A
ARRÊT A.D.D.
DU 03 AVRIL 2012
A.V.
N° 2012/
Rôle N° 11/10331
[M] [Y] veuve [R]
GARANTIE MUTUELLE DES FONCTIONNAIRES
MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE - MAIF
[F] [L]
[O] [X] épouse [L]
C/
[G] [Z]
[W] [A]
Compagnie d'assurances AXA CORPORATE SOLUTIONS
SA GRDF (GAZ RESEAU DISTRIBUTION FRANCE)
Grosse délivrée
le :
à :BADIE
la SCP COHEN-GUEDJ
BOULAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 13 Mai 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 06/2033.
APPELANTS
Madame [M] [Y] veuve [R]
née le [Date naissance 2] 1944 à [Localité 14] (ALGERIE) (99000), demeurant [Adresse 12]
représentée par la SCP BADIE, SIMON-THIBAUT et JUSTON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constituée aux lieu et place de la SCP DE SAINT FERREOL - TOUBOUL avoués
assistée par Me François QUILICHINI, avocat au barreau de MARSEILLE
GARANTIE MUTUELLE DES FONCTIONNAIRES, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice y domicilié, d DIRECTION AIS GMF - [Adresse 20]
représentée par la SCP BADIE, SIMON-THIBAUT et JUSTON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constituée aux lieu et place de la SCP DE SAINT FERREOL - TOUBOUL avoués
assistée par Me François QUILICHINI, avocat au barreau de MARSEILLE
MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE - MAIF, RCS NIORT B 341 672 681 ( 87 B 108) , prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié également en sa [Adresse 21]
représentée par la SCP COHEN GUEDJ, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée par Me Michel ROUSSET, avocat au barreau de MARSEILLE
Monsieur [F] [L]
né le [Date naissance 3] 1936 à [Localité 16] (ALGERIE) (99), demeurant [Adresse 9]
représenté par la SCP COHEN GUEDJ, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assisté par Me KHAROUBY, substitué par Michel ROUSSET, avocat au barreau de MARSEILLE
Madame [O] [X] épouse [L]
née le [Date naissance 1] 1939 à [Localité 15], demeurant [Adresse 9]
représentée par la SCP COHEN GUEDJ, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée par Me KHAROUBY, substitué par Michel ROUSSET, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES
Monsieur [G] [Z]
né le [Date naissance 5] 1948 à [Localité 19], demeurant [Adresse 7]
représenté par la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constitué aux lieu et place de la SCP BLANC CHERFILS, avoués
assisté par Me Marianne ROUSSOT, avocat au barreau de PARIS
Monsieur [W] [A]
né le [Date naissance 6] 1959 à [Localité 19], demeurant [Adresse 18]
représenté par la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constitué aux lieu et place de la SCP BLANC CHERFILS, avoués
assisté par Me Marianne ROUSSOT, avocat au barreau de PARIS
Compagnie d'assurances AXA CORPORATE SOLUTIONS, prise en la personne de son représentant légal en exercice y domicilié, demeurant [Adresse 8]
représentée par la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constitué aux lieu et place de la SCP BLANC CHERFILS, avoués
assistée par Me Marianne ROUSSOT, avocat au barreau de PARIS
SA GRDF (GAZ RESEAU DISTRIBUTION FRANCE), venant aux droits de la SA GAZ DE FRANCE, RCS PARIS 542 107 651 prise en la personne de son représentant légal en exercice y domicilié, demeurant [Adresse 11]
représentée par la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constitué aux lieu et place de la SCP BLANC CHERFILS, avoués
assistée par Me Marianne ROUSSOT, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 06 Mars 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Mme VIDAL, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Jean-Paul LACROIX-ANDRIVET, Président
Monsieur Jean VEYRE, Conseiller
Madame Anne VIDAL, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mademoiselle Patricia POGGI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Avril 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Avril 2012,
Signé par Monsieur Jean-Paul LACROIX-ANDRIVET, Président et Mademoiselle Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
A la suite de l'explosion d'un immeuble sis [Adresse 13] ayant entraîné la mort de quatre personnes et l'effondrement des quatre étages supérieurs du bâtiment, Mme [R], propriétaire de l'appartement à partir duquel provenait la fuite de gaz à l'origine de l'explosion, et MM. [A] et [Z], agents de Gaz de France dépêchés sur place, ont été condamnés par arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 17 décembre 2007, pour homicide involontaire par imprudence.
Suivant acte d'huissier en date du 25 janvier 2006, la Cie MAIF a assigné devant le tribunal de grande instance de Marseille MM. [A] et [Z], Gaz de France et la Cie AXA, ainsi que Mme [R] et la Cie GMF pour obtenir leur condamnation solidaire à lui rembourser les indemnités versées par elle à ses assurés.
Par acte du 29 avril 2008, M. et Mme [L] ont également assigné devant le tribunal de grande instance de Marseille Mme [R] et la Cie GMF ainsi que Gaz de France pour obtenir réparation de leur préjudice matériel consécutif à cette explosion.
Ces deux procédures ont été jointes.
Par jugement en date du 13 mai 2011, le tribunal de grande instance de Marseille a mis MM. [A] et [Z] hors de cause et a condamné la Société GRDF in solidum avec son assureur la Cie AXA, et Mme [R] in solidum avec la Cie GMF, chacune pour moitié, à payer à la Cie MAIF la somme de 51.604,13 € réclamée en remboursement des sommes versées à ses assurés, avec intérêts au taux légal à compter du jugement, outre une somme de 1.200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il a rejeté les demandes de M. et Mme [L].
Mme [R] et la Cie GMF ont interjeté appel de cette décision suivant déclaration déposée au greffe le 9 juin 2011, M. et Mme [L] ont fait appel le 16 juin 2011 et la Cie MAIF a fait appel le 27 juin 2011. Les trois appels ont été joints.
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Mme [R] et la Cie GMF, aux termes de leurs conclusions en date du 9 septembre 2011, demandent à la cour :
De dire qu'en lecture de l'arrêt correctionnel de la cour d'appel, MM. [A] et [Z] et Mme [R] ont été condamnés et sont réputés avoir participé par parts égales à l'infraction et à la réalisation du préjudice en résultant,
De dire en conséquence que l'indemnisation ne doit peser sur elles que pour un tiers et non pour la moitié, les deux autres tiers devant être supportés par GRDF, en qualité de civilement responsable,
De condamner tout succombant à leur verser une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elles soutiennent que le juge pénal a condamné les trois personnes physiques in solidum pour avoir concouru, chacune en ce qui la concerne, à la réalisation du sinistre et qu'entre les condamnés la répartition se fait nécessairement par parts viriles.
M. et Mme [L], en l'état de leurs écritures déposées le 8 novembre 2011, sollicitent la réformation du jugement et demandent à la cour :
- de constater que le premier juge ne s'est fondé que sur la demande de la Cie MAIF, sans examiner la position clairement exprimée par leurs écritures et par leurs pièces,
- de retenir la responsabilité civile pleine et entière de Mme [R] et donc de la Cie GMF, et celle de la société GRDF venant aux droits de Gaz de France pour le compte de ses préposés retenus responsables, MM. [A] et [Z], et de leur assureur la Cie AXA et la Cie GMF,
- de condamner Mme [R] et la Cie GMF, la Société GRDF et la Cie AXA in solidum, sur le fondement des articles 1383, 1384 alinéa 1er et alinéa 5 du code civil, pour les fautes commises par les uns et les autres et génératrices de l'entier dommage, à leur payer la somme de 80.000 € à titre de provision, outre une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils font valoir que le tribunal a considéré que les pièces produites n'étaient pas probantes et que l'expertise sollicitée était sans intérêt alors qu'il est constant qu'ils ont subi quinze ans de procédure et que leur appartement a été entièrement détruit, de sorte qu'aucun document n'a pu être retrouvé ; qu'ils ont cependant pu produire des photos, un rapport d'évaluation BETAG, des devis'.concernant les embellissements de l'appartement, les biens mobiliers et les objets de valeur qu'ils possédaient (faïence et ouvrages anciens) ; que leur préjudice personnel va donc très au-delà de l'indemnité de 195.573,17 € qu'ils ont reçue de la MAIF.
La Cie MAIF, suivant conclusions en date du 1er septembre 2011, demande à la cour:
1- de dire que du fait de la responsabilité de Mme [R] d'une part et de MM. [A] et [Z] d'autre part dans la survenance de l'explosion, ils sont tenus in solidum de la dédommager du préjudice résultant de l'indemnisation de ses sociétaires,
2- de dire que la condamnation de Mme [R] interviendra in solidum avec son assureur la GMF et celle de MM. [A] et [Z] in solidum avec leur employeur la Société GRDF et son assureur, la Cie AXA,
3- de dire qu'en l'état des justificatifs produits, l'ensemble des sommes payées à ses sociétaires et dont elle demande le remboursement par subrogation s'élève à la somme de 223.855,39 €,
4- en conséquence, de condamner in solidum les parties requises à lui verser la somme de 223.855,39 €, outre une somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts pour compenser le retard dans le remboursement et une somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle indique que ses paiements sont les suivants :
- à M. [H], suivant quittance subrogatoire : 7.883,38 €,
- à Mme [T], suivant justificatifs de paiement : 20.398,86 €,
- à M. [U], suivant justificatifs de paiement : 391,98 €,
- à M. et Mme [L], suivant quittance subrogatoire : 195.573,15 €.
La Cie AXA, MM. [A] et [Z] et la Société GRDF, suivant conclusions récapitulatives en date du 27 février 2012, demandent à la cour :
De confirmer le jugement en ce qu'il a mis MM. [A] et [Z] hors de cause, la société GRDF venant au procès en qualité de civilement responsable,
A titre principal, de dire que les pièces produites par la Cie MAIF sont insuffisantes pour justifier l'origine, la nature et l'étendue des préjudices prétendument subis par M. et Mme [L], Mme [T], M. [U] et M. [H] suite à l'explosion du 20 juillet 1996, de confirmer en conséquence le jugement en ce qu'il a débouté la Cie MAIF de ses demandes en qualité de subrogée dans les droits de Mme [T] et de M. [U] et de l'infirmer en ce qu'il a accueilli les demandes de la Cie MAIF comme subrogée dans les droits de M. et Mme [L] et de M. [H],
De dire également que M. et Mme [L] ne démontrent ni l'existence ni l'étendue du préjudice matériel qu'ils allèguent et de confirmer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes,
A titre subsidiaire, si la cour accueillait les demandes de la Cie MAIF et de M. et Mme [L] en tout ou en partie, d'infirmer le jugement en ce qu'il a mis la moitié des condamnations à la charge de GRDF et de son assureur et de dire que GRDF ne peut être tenue au-delà de 25% des condamnations prononcées,
De condamner in solidum la Cie MAIF, M. et Mme [L], Mme [R] et la Cie GMF à leur verser une somme de 2.000 € à chacun des concluants sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils font valoir, pour l'essentiel, que M. et Mme [L] sont incapables d'établir la preuve d'un préjudice qui n'aurait pas été pris en charge par la MAIF ; que le rapport BETAG n'est pas contradictoire et totalement incompréhensible, outre le fait qu'il n'est produit que partiellement ; qu'il n'établit pas l'existence de prétendus embellissements ; que la liste des biens mobiliers a été établie unilatéralement et que les biens ont été évalués arbitrairement, sans production d'aucune facture. Ils ajoutent que la quittance subrogative de la Cie MAIF pour une somme de 195.573,17 € n'est accompagnée d'aucune pièce justificative, ni du contrat d'assurance, ni des documents ayant servi de base à l'indemnisation, mais qu'il est permis de penser que la MAIF a indemnisé ses assurés de la totalité de leur préjudice.
Ils ajoutent que MM. [A] et [Z] n'ont pas accompli d'actes distincts mais ont agi de concert et simultanément, de sorte qu'il ne peut être mis à la charge de chaque prévenu un tiers des conséquences de l'accident ; que la faute de Mme [R] est au surplus d'une plus grande gravité.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 6 mars 2012.
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Suivant conclusions de procédure en date du 6 mars 2012, M. et Mme [L] et la MAIF sollicitent le rejet des écritures déposées par la Société GRDF, MM. [A] et [Z] et la Cie AXA le 27 février 2012, considérant que celles-ci comporteraient une argumentation nouvelle à laquelle ils n'ont pu utilement répliquer compte tenu de leur tardiveté.
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Suivant note en délibéré en date du 9 mars 2012, le conseil de M.et Mme [L] demande à la cour de constater que c'est par l'effet d'une erreur matérielle que le dispositif de leurs écritures ne comporte pas de demande d'expertise, alors que celle-ci est évoquée dans leurs explications et avait été demandée en première instance. Ils sollicitent en conséquence la désignation d'un expert afin d'évaluer leurs différents postes de préjudice.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la note en délibéré :
Attendu que la note en délibéré déposée par le conseil de M.et Mme [L] sera rejetée par la cour à défaut d'avoir été autorisée ; qu'en tout état de cause, il importe peu que ceux-ci n'aient pas expressément formulé de demande d'expertise, la cour disposant du pouvoir d'office d'ordonner une mesure d'instruction avant dire droit sur l'évaluation du préjudice si elle l'estime nécessaire au vu des éléments produits ;
Sur le demande de rejet des conclusions :
Attendu que la cour constate que les dernières écritures prises par les intimés et déposées le 27 février 2012 n'apportent aucun élément de discussion nouveau par rapport à celles qui avaient été signifiées le 27 septembre 2011 et qu'elles n'appellent pas une réplique de la part des appelants ; qu'il y est juste fait mention de quelques observations sur les dernières pièces communiquées par M. et Mme [L] ;
Que dès lors, il y a lieu de rejeter la demande des appelants visant à voir écarter ces conclusions des débats ;
Sur le fond :
Attendu qu'à la suite de la violente explosion survenue le 20 juillet 1996 dans l'immeuble du [Adresse 13], provoquée par une importante fuite de gaz et ayant entraîné la mort de quatre personnes, occasionné des blessures à vingt-deux autres personnes et détruit partiellement le bâtiment dans ses étages supérieurs, Mme [R], habitante de l'appartement du 4ème étage, et MM. [A] et [Z], employés de Gaz de France, dépêchés sur place la veille de l'accident, ont été condamnés par la cour d'appel d'Aix-en-Provence pour homicides et blessures involontaires ;
Que la présente instance a pour objet d'assurer aux victimes la réparation des préjudices matériels occasionnés par les dégradations importantes des appartements, la Cie MAIF agissant sur le fondement de l'action subrogatoire au titre des indemnités versés à ses assurés, M. [H], Mme [T], M. [U] et M. et Mme [L], et ces derniers réclamant réparation de la partie de leur préjudice non prise en charge par leur assureur ;
Sur la responsabilité :
Attendu que la cour d'appel, statuant sur l'action pénale, a constaté que l'explosion était due à une fuite de gaz massive en provenance de l'appartement de Mme [R] situé au 4ème étage droite de l'immeuble, le tuyau de raccordement de la cuisinière à la canalisation d'arrivée du gaz de ville s'étant désolidarisé en raison d'un montage anormal de celui-ci ;
Que la cour d'appel a condamné Mme [R] en retenant qu'elle avait commis diverses fautes d'imprudence et de négligence, directement à l'origine de l'explosion, pour avoir fait changer le tube de raccordement de la cuisinière par un non professionnel - de sorte que le tube souple avait été mal assujetti à ses deux extrémités, notamment en raison de son inadaptation à l'about de forme tronconique vissé à la canalisation d'arrivée du gaz - pour n'avoir pas fait vérifier la conformité de son installation lors de son entrée dans les lieux et pour n'avoir pas fermé le robinet d'arrivée du gaz alors qu'elle partait pour plusieurs jours de son appartement ; que la cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par Mme [R] en considérant que, si les fautes reprochées n'étaient pas la cause directe du dommage, il était avéré qu'elles avaient avait créé la situation ayant permis la réalisation du dommage et exposé autrui à un risque d'une particulière gravité que leur auteur ne pouvait ignorer ;
Que la cour d'appel a également condamné MM. [A] et [Z], employés du gaz envoyés sur place la veille de l'explosion à la demande d'une voisine, considérant qu'en réparant une petite fuite de gaz sur le robinet extérieur au niveau du 5ème étage, sans se préoccuper de l'odeur signalée au 4ème étage (alors que le gaz étant plus léger que l'air, la légère fuite du 5ème étage ne pouvait être à l'origine des odeurs du 4ème) et en négligeant de frapper aux portes des appartements du 4ème étage et de faire une enquête de voisinage (qui les auraient amenés à se faire ouvrir la porte de l'appartement de Mme [R]), ils n'avaient pas accompli les diligences normales qui leur incombaient compte tenu de la nature de leur mission et de leurs fonctions, de leur compétence ainsi que des moyens dont ils disposaient ; que la cour de cassation a rejeté le pourvoi interjeté par MM. [A] et [Z], retenant que les intéressés n'avaient pas pris les mesures qui auraient permis d'éviter le dommage ;
Qu'il ressort de ces décisions qui ont autorité de chose jugée à l'égard de la juridiction civile que le dommage s'est réalisé par l'effet conjugué des fautes commises par Mme [R] et par MM. [A] et [Z] ;
Attendu que la faute de MM. [A] et [Z] ayant été commise dans l'exercice de leurs fonctions au service de Gaz de France, devenu la Société GRDF, c'est à juste titre que le tribunal de grande instance a considéré que cette dernière était responsable du fait de ses préposés sur le fondement de l'article 1384 alinéa 5 du code civil, étant rappelé que le préposé qui agit sans excéder les limites de la mission qui lui a été impartie par son commettant et qui ne commet pas d'infraction pénale intentionnelle n'engage pas sa responsabilité civile à l'égard des tiers ;
Attendu que les fautes respectives de Mme [R] et de MM. [A] et [Z] ayant contribué à la réalisation de l'entier dommage, c'est donc à bon droit que la Cie MAIF et M. et Mme [L] réclament que les condamnations civiles décidées à leur profit soient prononcées in solidum contre Mme [R] et son assureur, la GMF, et contre la Société GRDF et son assureur, la Cie AXA ;
Que le jugement sera donc réformé en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande de condamnation in solidum des responsables à l'égard des victimes ;
Attendu qu'il y a lieu de procéder, par contre, à un partage des responsabilités dans les rapports des civilement responsables entre eux ;
Que, tant Mme [R] et la GMF que la Société GRDF et la Cie AXA, contestent le partage de responsabilité décidé par le tribunal à proportion de moitié / moitié ;
Que c'est à tort que Mme [R] et la GMF sollicitent que le partage soit opéré pour 1/3 à leur charge et pour 2/3 à la charge de la Société GRDF et de la Cie AXA, à raison des fautes commises par les trois prévenus et par application d'une répartition par parts viriles ; qu'en effet, si les condamnations pénales ont été prononcées de manière égale contre les trois prévenus, force est de constater que la cour d'appel et la cour de cassation n'ont pas retenu de fautes distinctes commises par les deux employés du gaz et qu'elles ont au contraire considéré qu'ils avaient, ensemble et de manière commune, négligé de prendre toutes les mesures adéquates qui entraient dans le champ de leurs pouvoirs et de leurs compétences ; qu'il s'agit donc d'une faute civile unique, même si la condamnation pénale a été prononcée contre les deux employés du gaz ;
Que Mme [R] a, par ses fautes, créé la situation ayant permis la réalisation du dommage et les préposés de Gaz de France, dont la mission était d'intervenir utilement pour mettre fin à la fuite de gaz et prévenir tout risque d'explosion, ont failli dans leurs tâches et contribué de ce fait à la survenance de l'explosion ; qu'il convient, au regard de ces deux fautes, de partager la responsabilité entre eux par moitié ;
Sur les demandes de la MAIF :
Attendu que la MAIF réclame le remboursement des sommes qu'elle a versées à ses assurés au titre du sinistre, en application des dispositions de l'article L 121-12 du code des assurances qui lui ouvrent une action subrogatoire contre les tiers auteurs des dommages ;
Qu'il convient de rappeler que, pour que son action contre le tiers responsable soit recevable, l'assureur doit faire la preuve qu'il a payé l'indemnité d'assurance à son assuré ;
Que les demandes de la MAIF concernent les assurés suivants :
1- M. [H] (locataire) : que l'assureur produisant une quittance subrogatoire en date du 16 novembre 1996 pour une somme de 51.711,60 F, soit 7.883,38 €, il convient de faire droit à sa réclamation à hauteur de cette somme ;
2- Mme [T] : que la MAIF produit trois courriers faisant état du versement de diverses sommes à Mme [T] au titre des dommages aux biens mobiliers, des embellissement de l'immeuble et de la perte locative, mais ne communique ni la quittance subrogatoire signée par l'assurée, ni la justification du versement des sommes énoncées dans ses courriers ; que c'est donc à juste titre que le tribunal a débouté la MAIF de sa réclamation au titre de cette assurée ;
3- M. [U] : que la MAIF ne verse aux débats qu'une quittance subrogatoire non signée, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de cet assuré ;
4- M. et Mme [L] : que la MAIF fait état des divers courriers adressés à ses assurés, détaillant les divers postes de préjudice indemnisés :
Capital décès : 10.000 F,
dommages aux biens, plafonnés à 660.000 F, valeur déclarée par les assurés,
dommages immobiliers privatifs (embellissements et agencement cuisine): 440.282 F,
indemnité de relogement : 150.000 F,
frais divers (expertise, ouverture coffre, pénalités AOM) : 22.982,80 F ;
Que la MAIF produit également la quittance subrogatoire signée le 15 novembre 2004 pour un montant total de 1.282.875,90 F, soit une somme en euros de 195.573,17 € ; qu'il convient en conséquence de faire droit à sa demande à hauteur de cette somme et de réformer le jugement, qui n'avait retenu qu'une somme de 195.573,17 F soit 51.604,13 euros ;
Attendu que la MAIF sera déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du retard dans le remboursement des indemnités versées à ses assurés, la cour observant que la MAIF n'a assigné en paiement qu'en 2006 et que si elle n'a obtenu en première instance qu'une partie des sommes ce n'est qu'en raison de son erreur de conversion des francs en euros ;
Sur les demandes de M. et Mme [L] :
Attendu que l'appartement de M. et Mme [L], situé au dessus de l'appartement de Mme [R], et leur studio du 7ème étage ont été entièrement démolis par l'explosion ; que M. et Mme [L] ont obtenu, ainsi qu'il a été vu plus haut, l'indemnisation de leurs divers postes de préjudice par l'intermédiaire de la MAIF, à hauteur d'une somme totale de 1.282.875,90 F, soit 195.573,17 € ;
Attendu que la MAIF leur a versé une somme de plus de 440.000 F au titre des embellissements et des agencements de cuisine réalisés dans l'appartement et le studio et qu'il doit être considéré que cette somme correspond à la réparation intégrale de leur préjudice de ce chef, au regard du rapport BETAG ;
Attendu que la MAIF leur a versé une somme de 660.000 F (100.616,35 €) au titre des dommages mobiliers, cette somme correspondant au plafond de garantie souscrit dans leur police d'assurance ;que c'est sur ce poste de préjudice, plafonné par l'effet du contrat d'assurance, que M. et Mme [L] prétendent ne pas avoir été remplis de leurs droits;
Que M. et Mme [L] font état du rapport BETAG, mis en place par la MAIF, retenant un chiffrage de 1.014.500 F (154.659,53 €) au titre des dommages mobiliers ;
Qu'ils produisent par ailleurs un rapport d'expertise dressé en 1988 par le cabinet SEBE, à la suite d'un dommage survenu lors de l'accrochage d'un tableau, qui nous renseigne sur l'appartement sinistré puisqu'il y est indiqué :'M. [L] occupe un grand appartement ancien dans lequel il dispose d'un grand nombre de meubles et d'objets anciens de valeur' ; que le rapport fait état plus précisément des quelques pièces de cet ameublement, objets de l'indemnisation alors sollicitée, notamment un grand tableau début 19ème (pouvant être réparé), et des assiettes en faïence ancienne (MOUSTIERS FERRAT et MONTEREAU évaluées 2.700 F et 1.000 F), outre une statuette Kmère ou chinoise en ivoire d'une valeur de 7.500 F et un petit meuble (cabinet anglais) ;
Qu'il est certain que M. et Mme [L], du fait de la démolition de leur appartement qui a été soufflé par l'explosion, d'une part ont perdu l'intégralité de leurs meubles et objets personnels, d'autre part ne disposent pas des factures de ceux-ci et ne peuvent produire que des éléments un peu épars, tels des photographies et des attestations ; qu'ils versent ainsi aux débats les attestations d'un antiquaire, d'un expert en faïence, d'un expert en livres anciens, d'un joaillier et d'une galerie de tableaux qui donnent une liste des meubles et objets d'art qu'ils savent avoir appartenu à M. et Mme [L] et qui en chiffrent la valeur ;
Qu'ils ont établi un document très détaillé listant l'ensemble des biens se trouvant dans leur appartement et dans leur studio et proposant une évaluation totale de 2.880.160 F (soit 439.077 €), en partie fondée sur les estimations avancées par les spécialistes consultés ; qu'ils y ont ajouté une évaluation faite par un expert, M. [V], aboutissant à un chiffre de 126.104 € ;
Qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que M. et Mme [L] justifient d'une préjudice mobilier excédant le plafond de garantie souscrit auprès de la MAIF et qu'il convient, d'une part de mettre en place une mesure d'expertise en vue d'évaluer le montant des dommages mobiliers subis, d'autre part de faire droit à leur demande de provision à hauteur d'une somme estimée à 50.000 € ;
Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu l'article 696 du Code de Procédure Civile,
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, contradictoirement,
en matière civile et en dernier ressort,
Déclare la note en délibéré déposée par M.et Mme [L] irrecevable ;
Dit n'y avoir lieu de rejeter les écritures déposées par la Société GRDF, MM. [A] et [Z] et la Cie AXA le 27 février 2012 ;
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a mis MM. [A] et [Z] hors de cause ;
Le réformant pour le surplus de ses dispositions et statuant à nouveau,
Condamne Mme [R] et la GMF ainsi que la Société GRDF et la Cie AXA in solidum à réparer l'entier préjudice subi par les victimes et résultant de l'explosion survenue le 20 juillet 1996 dans l'immeuble [Adresse 13] mais dit que, dans leurs rapports entre elles, les condamnations seront supportées par moitié par Mme [R] et la GMF et par moitié par la Société GRDF et la Cie AXA ;
Condamne en conséquence Mme [R] et la GMF ainsi que la Société GRDF et la Cie AXA in solidum à verser à la MAIF les sommes de 7.883,38 € et 195.573,17 € au titre des indemnisations servies par elle à ses assurés, respectivement M. [H] et M. et Mme [L], assorties des intérêts au taux légal à compter de l'assignation, soit à compter du 25 janvier 2006 ;
Déboute la MAIF de ses demandes concernant ses deux autres assurés, M. [U] et Mme [T] ;
Déboute la MAIF de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour retard dans le paiement ;
Condamne Mme [R] et la GMF ainsi que la Société GRDF et la Cie AXA in solidum à indemniser M. et Mme [L] au titre de leurs dommages aux biens mobiliers au delà de la somme de 100.616,35 € versée par la MAIF et jusqu'à concurrence de leur entier préjudice tel que fixé après mise en place d'une expertise ;
Avant dire droit plus avant au fond,
Ordonne une mesure d'expertise et commet pour y procéder :
M. [C] [D]
[Adresse 10]
Tél. [XXXXXXXX04]
Mél.[Courriel 17]r
avec la mission suivante :
- se faire remettre par les parties et par leurs conseils toutes pièces et tous documents utiles à la réalisation de sa mission ;
- donner tous éléments permettant d'établir une liste des biens mobiliers garnissant l'appartement et le studio appartenant à M. et Mme [L] et situés dans l'immeuble sinistré, [Adresse 13] ;
- fournir tous renseignements sur la valeur de ces biens au jour du sinistre et donner tous éléments permettant d'évaluer l'entier préjudice subi par M. et Mme [L] du fait de la perte de ces objets mobiliers ;
- dit que M. et Mme [L] devront consigner au Greffe de la Cour dans le mois du prononcé de l'arrêt la somme de 2500 € à titre de provision à valoir sur la rémunération de l'expert ;
- dit que lors de la première ou au plus tard de la deuxième réunion des parties, l'expert dressera un programme de ses investigations, et évaluera d'une manière aussi précise que possible le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours ;
- dit qu'à l'issue de cette réunion, l'expert fera connaître au Conseiller de la Mise en Etat de la Première Chambre Section A, la somme globale qui paraît nécessaire pour garantir en totalité le recouvrement de ses honoraires et de ses débours et sollicitera le cas échéant, le versement d'une consignation complémentaire ;
- dit que l'expert pourra, s'il le juge nécessaire, se faire assister d'un sapiteur d'une autre spécialité que la sienne, pris sur la liste des experts de la Cour de céans;
- désigne le Conseiller chargé de la Mise en Etat de la Première Chambre Section A de la Cour de céans pour contrôler l'expertise ordonnée ;
- dit que l'expert devra déposer au Greffe le rapport de ses opérations dans le délai de 6 mois à dater de la consignation, sauf prorogation dûment autorisée, et qu'il en délivrera lui-même copie à chacune des parties en cause et un second original à la juridiction mandante ;
- dit qu'au cas où les parties viendraient à se concilier, il devra constater que sa mission est devenue sans objet et en faire rapport ;
- dit qu'en cas d'empêchement, refus ou négligence, l'expert commis pourra être remplacé par ordonnance rendue sur simple requête présentée par la partie la plus diligente à Monsieur le Conseiller de la Mise en Etat de la Première chambre Section A.
- Surseoit à statuer sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens ;
LE GREFFIERLE PRESIDENT