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03/04/2012 | FRANCE | N°11/08901

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre b, 03 avril 2012, 11/08901


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 03 AVRIL 2012



N°2012/237

YR













Rôle N° 11/08901







[J] [D]





C/



COMMUNE DE [Localité 2]





































Grosse délivrée le :



à :



Me TOUCAS, avocat au barreau de TOULON



Me AMSELLEM, a

vocat au barreau de GRASSE





Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CANNES en date du 31 Mars 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 08/599.





APPELANT



Monsieur [J] [D], demeurant [Adresse 1]



comparant en personne...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 03 AVRIL 2012

N°2012/237

YR

Rôle N° 11/08901

[J] [D]

C/

COMMUNE DE [Localité 2]

Grosse délivrée le :

à :

Me TOUCAS, avocat au barreau de TOULON

Me AMSELLEM, avocat au barreau de GRASSE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CANNES en date du 31 Mars 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 08/599.

APPELANT

Monsieur [J] [D], demeurant [Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Francois TOUCAS, avocat au barreau de TOULON

INTIMEE

COMMUNE DE [Localité 2] prise en la personne de son Maire en exercice, domicilié de droit à l'Hôtel de Ville de ladite commune, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Philippe AMSELLEM, avocat au barreau de GRASSE

ayant constitué Me Lorena SUARDINI, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 13 Mars 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Yves ROUSSEL, Président, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Yves ROUSSEL, Président

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller

Madame Brigitte PELTIER, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Monique LE CHATELIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Avril 2012.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Avril 2012

Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame Monique LE CHATELIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur [D], ancien gendarme plongeur, a été embauché par la Commune de [Localité 2] à compter du 6 octobre 2003 pour 151H67 par mois, un salaire de base calculé sur l'indice 215 de la Convention Collective Nationale des Ports de Plaisance, majoré de 30 points d'indice, outre différentes primes et avantages.

Classé contractuellement dans un emploi de maître de port adjoint, il a estimé être en situation de bénéficier d'une requalification dans la catégorie des «maîtres de port », au vu de la convention collective applicable et des missions de remplacements qui lui étaient dévolues durant les permanences de week-ends et jours fériés.

Sa demande a été refusée par son employeur.

Monsieur [J] [D] indique qu'il a été également chargé d'une mission d'agent chargé de la mise en 'uvre des règles d'hygiène et de sécurité (ACMO), à compter du 1° juillet 2004 ; qu'après diverses tentatives de proposer à sa hiérarchie des solutions à certains dysfonctionnements, il a dû se résoudre à rédiger, le 7 mars 2006, un courrier au directeur du port, à propos de difficultés ayant trait à l'accès de l'informatique utilisée pour suivre les mouvements des bateaux dans le port, aux clés des ateliers du port et aux équipements, notamment ; que le 17 juillet 2006 il a rédigé une note destinée au maître de port principal, attirant son attention sur les règles concernant les conditions d'hygiène et de sécurité au travail ; qu'il se vit, soudainement, marginalisé par le maître de port ; qu'en particulier, après avoir sollicité une prime différentielle afférente aux remplacements, le 17 septembre 2006 il fut exclu des permanences de remplacement du maître de port ; que lui étaient également retirées certaines responsabilités ; qu'en raison de cette situation, il décidait d'adresser un courrier à la commune de [Localité 2], son employeur, dans lequel il faisait part de sa situation et sollicitait le rétablissement de ses horaires en journée continue comme les autres maîtres de port adjoints, le paiement de l'indemnité différentielle pour le dédommager du service régulier des fonctions de maître de port et que n'ayant pas reçu de réponse à différentes lettres, il s'est alors résolu à prendre acte de la rupture de son contrat de travail.

Monsieur [J] [D] a pris acte à la rupture de son contrat de travail par lettre adressée au maire de la commune, le 4 juillet 2007, ainsi rédigée : « M. [U] [Y], directeur du port Pierre CANTO, épaulé par M. [B] [G], maître de port principal, continue à m'attribuer un horaire différent des trois autres maîtres de Port adjoints. Ceci est un inconvénient majeur, puisque l'officier de Port de permanence doit avoir un suivi régulier de la vie portuaire. Cela représente un handicap par rapport à mes collègues de travail qui bénéficie d'horaires en journée continue, soit de sept heures le matin à 14 heures et de 13 heures à 20 heures l'après-midi ('). Ces différences de traitement, qui, non seulement ne sont pas justifiées par les nécessités du service, mais vont à l'encontre de celles-ci, confirment la discrimination dont je suis victime au regard du traitement des autres salariés de même grade et s'inscrivent dans la poursuite de la politique de harcèlement moral dont je suis victime, depuis plusieurs mois, dans mon travail de la part du Directeur du Port placé sous votre autorité. Au surplus, par ces agissements, Monsieur le Directeur du Port Canto continue à me mettre en défaut vis-à-vis de l'article 4 du contrat de travail qui nous lie. Malgré les dossiers que j'ai remis à Monsieur le Directeur des ressources humaines le 7 Mars 2007, à Monsieur le Directeur Général des services le 23 Mars 2007, ainsi qu 'à votre Secrétariat le 8 Juin 2007, je continue à subir ce régime particulièrement injuste. Si, effectivement, le 11 Juin 2007, les missions qui m'avaient été confiées ont été rectifiées sur le papier, celles-ci ne peuvent être appliquées, dans la réalité, sans le rétablissement de mes horaires en continu. Je vous avais, par ailleurs demandé, non seulement à être rétabli dans l'ensemble de mes fonctions, mais aussi de me voir reconnu dans le grade de Maître de Port afin de régulariser ma situation au regard de la Convention Collective, notamment au regard des missions de remplacement du Maître de Port durant les week-ends, qui m'ont été systématiquement confiées jusqu'à il y a peu. Ces missions m'avaient été soudainement retirées par ma hiérarchie, sans aucune raison tangible, contrairement à mes collègues du même grade. Là encore, il s'agit d'une des manifestations de la discrimination et du harcèlement que je ne supporte plus au quotidien, comme je vous l'avais déjà indiqué. Je vous rappelle à ce sujet qu'à titre égal, je suis le seul à avoir autant de fonctions à assurer. Je suis, en effet, ACMO et Moniteur de secourisme du travail pour le personnel de la Ville de [Localité 2]. Je me suis toujours très fortement impliqué dans mon emploi pour satisfaire au mieux les fonctions qui m'étaient confiées, avec sérieux et dévouement. Malgré mes interventions et mes demandes réitérées vous demandant de bien vouloir prendre les mesures nécessaires devant cette situation préjudiciable, aux différents échelons de ma hiérarchie, je n'ai vu aucune mesure concrète aboutir. Ma santé s'en trouve atteinte et il ne m'est plus possible de supporter une telle situation, aussi injuste que de plus en plus pesante. C'est pourquoi je me vois, avec un immense regret, contraint, devant la persistance de cette situation discriminatoire et de harcèlement moral, d'une part et des manquements aux garanties et classements conventionnels d'autre part, de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail aux torts de mon employeur».

Il a ensuite saisi le conseil de prud'hommes de Cannes de différentes demandes.

Par jugement avant dire droit du 8 Octobre 2009, le conseil de prud'hommes a confié à des conseillers rapporteurs, la mission d'établir « si les permanences, les week-ends et les jours fériés, s'accompagnaient de tâches et de responsabilités supérieures à la fonction habituelle de maître de port adjoint », notamment.

Puis, par jugement du 31 mars 2011, le conseil de prud'hommes a dit et jugé que les tâches et les responsabilités de M. [D] étaient conformes à sa classification de maître de port adjoint, que la commune de [Localité 2] avait respecté le principe d'égalité entre ses salariés, que M. [D] n'avait pas subi de harcèlement moral, que la rupture de son contrat de travail s'analysait en une démission et a, en conséquence, rejeté l'ensemble des demandes dont il était saisi.

Appelant, Monsieur [J] [D] sollicite l'infirmation du jugement et demande à la cour de constater qu'il a régulièrement remplacé le maître de port du Port Pierre Canto à [Localité 2] le week-end et exercé l'ensemble des fonctions de celui-ci.

Au principal, il sollicite la requalification de son emploi en celui de maître de port, au besoin après communication par l'employeur des rapports d'intervention rédigés par les maîtres de port adjoint durant les permanences et de condamner la commune de [Localité 2] à lui payer des sommes suivantes :

- Rappel de salaires 13.706,51€ brut.

- Rappel sur primes de fin d'année 2003 à 2007 la somme de 1.560,41€ brut.

- Indemnité compensatrice de préavis 5.018,40 € brut.

- Rappel de congés payés depuis octobre 2003 jusqu'au 07/07/2007 1.370,65 € brut.

- Indemnité de congés payés sur préavis 501,84 brut.

- Rappel de prime d'ancienneté 120,88 € bruts

- Indemnité de licenciement conventionnelle 982,77 €

Subsidiairement, il demande à la cour de condamner la Commune de [Localité 2] à lui verser :

- Rappel de salaires 5.482,60 € bruts

- Rappel sur primes de fin d'année 2003 à 2007 982,02 bruts

- Indemnité compensatrice de préavis 4.337,60 € bruts

- Rappel de congés payés depuis octobre 2003 jusqu'au 07/07/2007 548,26 € bruts

- Indemnité de congés payés sur préavis 433,76 € bruts

- Rappel de prime d'ancienneté 120,88 € bruts

- Indemnité de licenciement conventionnelle 982,77 €

Il demande également à la cour de condamner l'employeur, à lui payer :

- pour non-respect du principe d'égalité, la somme de 10 000 €,

- pour non-respect de la procédure de licenciement, la somme de 2168,48 €,

- pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la somme de 30 000 €,

- pour préjudice causé par la non-remise de l'attestation ASSEDIC et des documents sociaux, la somme de 2000 €.

Il sollicite également la condamnation de la commune de [Localité 2] à lui remettre, sous astreinte de 150 € par jour de retard, les documents sociaux rectifiés, certificats de travail et bulletin de paye.

Il réclame enfin la somme de 4500 €, par application de l'article 700 du code de procédure civile.

La commune de [Localité 2] indique qu'en 1964, l'Etat a concédé à la Société INTERNATIONAL SPORTING YACHTING CLUB DE LA MER SECOND PORT DE [Localité 2]  (I.S.Y.C.M.) , la construction et l'exploitation du Port Canto ; qu'en 1983, les communes sont ensuite devenues compétentes pour concéder elles-mêmes l'exploitation des ouvrages et installations portuaires à des personnes publiques ou privées ; que la commune de [Localité 2] s'est donc substituée à l'Etat dans sa qualité d'autorité concédante du Port Canto ; que, suite aux agissements fautifs de la société ISYCM, elle a dû mettre fin au contrat de concession, en date du 19 mars 2002 ; qu'elle devenait alors maître de la gestion du site et reprenait les contrats des 18 personnes qui travaillaient pour la Société ISYCM SECOND PORT DE [Localité 2] ; qu'elle s'est alors trouvée confrontée à une obstruction systématique de son ancien concessionnaire et à une guerre d'usure constituée de procédures et d'actions concertées avec certains membres de son ancien personnel ; que l'action menée par Monsieur [J] [D] correspond à ce type de scénario, imaginé suite aux actions précédemment diligentées par d'autres salariés.

Elle affirme qu'à partir du 1er juillet 2004, date à laquelle Monsieur [J] [D] a été désigné ACMO, il a adopté une attitude conflictuelle et est devenu très exigeant vis-à-vis de son employeur ; que le 17 juillet 2006, il sollicitait la fourniture de matériel, dont une fontaine à eau, des lunettes de protection solaire pour tout le personnel exposé au soleil et un accès Internet, notamment ; que le 19 juillet 2006, il sollicitait une indemnité différentielle liée au changement temporaire d'emploi, au motif qu'il assumait depuis son embauche une mission de maître de port ; qu'il a accusé son supérieur hiérarchique de le harceler, élaborant une stratégie conflictuelle et consignant minute par minute les moindres faits et gestes des uns et des autres ; que, c'est dans ces conditions qu'il a adressé un courrier de rupture le 4 juillet 2007, puis a saisi le conseil de prud'hommes de [Localité 2].

Elle demande à la cour de la recevoir en son appel incident, de confirmer que Monsieur [J] [D] a été embauché en qualité de maître de port adjoint ; de dire qu'il effectuait des permanences dans le cadre strict des dites fonctions, en conséquence de rejeter la demande de requalification du contrat de travail et ses demandes en paiement de différentes sommes et indemnités , de confirmer qu'il a commis des fautes qui ont désorganisé le port de [Localité 2], que les modifications apportées par la commune de [Localité 2] dans l'organisation du port a constitué un simple changement des conditions de travail du salarié , de dire que Monsieur [J] [D] n'a été victime ni de discrimination, ni de harcèlement moral de la part de son employeur, que le rappel de la prime d'ancienneté à laquelle il pourrait prétendre, en cas de requalification du contrat de travail ne peut excéder la somme de 24,82 € ; que l'indemnité de préavis ne pourrait excéder la somme brute de 4 507,80 €, que l'indemnité de congés payés ne pourrait excéder la somme brute de 775,40 €, que l'indemnité de licenciement ne pourrait excéder la somme brute de 862,04€, de dire que Monsieur [J] [D] ne démontre pas avoir été victime de discrimination ou de harcèlement moral, de rejeter cette demande et de le condamner à payer à la commune de [Localité 2], la somme de 5000 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il est renvoyé au jugement entrepris, aux pièces de la procédure et aux conclusions des parties oralement reprises.

SUR CE, LA COUR,

Sur la qualification de l'emploi,

La commune de [Localité 2] conteste que M. [D] ait eu, au cours des permanences de week-ends et jours fériés les responsabilités qu'il indique et qui justifieraient qu'il soit classé dans un emploi de maître de port.

Elle fait valoir que l'astreinte de week-end mise en place initialement s'imposait au salarié, même dans le silence de son contrat de travail, dès lors qu'elle était prévue par la convention collective ; que Monsieur [J] [D] ne peut prétendre, de ce chef, à une requalification de son contrat de travail ni à la prime différentielle sollicitée à titre subsidiaire sur le fondement de l'article 14 de la convention collective ; qu'aucun élément n'établit que les permanences effectuées par lui, ont excédé une durée de 6 semaines continues ou discontinues, tel que cela est prévu par la convention collective, pour bénéficier d'une compensation ; que le rapport des conseillers rapporteurs établi le 20 mai 2010, a mis en exergue qu'il n'a pas eu d'autres attributions que celles dévolues à son statut de maître de port adjoint ; qu'au travers des déclarations recueillies au cours de l'enquête, il est vérifié que le maître de port principal et le directeur du port se relayaient pendant les congés  ; que Monsieur [V] a confirmé que pendant les congés du maître de port le responsable était le « directeur du port, il n'y a jamais eu d'absence de direction » ; que l'organigramme et les plannings en pièces numéros 62 et 63 montrent que Monsieur [J] [D] n'a exercé que ses fonctions de maître de port adjoint ; qu'en toutes circonstances, le maître de port principal ou le directeur du port étaient joignables, en sorte que c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a rejeté la demande de de requalification du contrat de travail.

Mais Monsieur [J] [D] fait justement valoir que la fiche de poste se rapportant à l'emploi de «  Maître de Port Adjoint » qui était le sien, et qu'il produit en pièce numéro 1, mentionne, parmi les missions : « diriger l'équipe des agents portuaires ».

Cette fonction de direction de l'équipe des agents portuaires a été effectivement exercée par les maîtres de port adjoints, comme l'a indiqué M. [V], maître de port adjoint dans une déclaration devant les conseillers prud'homaux rapporteurs, reprise par la commune de [Localité 2] elle-même dans ses conclusions : « Les maîtres de port adjoints ont la responsabilité des agents portuaires durant le week-end et en cas de problème, nous pouvons appeler un supérieur ».

Or, selon la convention collective nationale des ports de plaisance IDCC 1182 la direction de l'équipe des agents portuaires relève de l'emploi de maître de port et non de celui de maître de port adjoint.

De plus, comme le souligne M. [D], il est désigné dans les plannings produits aux débats comme « maître de port ».

Ainsi, pour avoir exercé dans les circonstances qu'il indique la direction de l'équipe des agents portuaires, mission qui lui était dévolue par sa fiche de poste et qui est une prérogative attachée par la convention collective à l'emploi de maître de port, il est fondé à réclamer un rappel de salaire correspondant à cet emploi.

Sur les rappels de salaires et accessoires,

Au titre du rappel de salaire de base, M. [D] estime qu'il lui est dû, en application de l'indice de base 255, un complément de salaire impayé de 40 points d'indice conventionnel par mois.

Il opère un calcul à partir de la valeur brute du point d'indice, laquelle n'est pas contestée par l'employeur.

Mais ce dernier objecte justement que l'indice de rémunération de Monsieur [J] [D] qui était de 215, selon la convention, était majoré d'un avantage contractuel de 30 points, dont il n'y a pas lieu de tenir compte pour le calcul du rappel de salaire qui doit s'opérer seulement sur les indices conventionnels, dont celui de 255, correspondant à l'emploi de maître de port.

Hormis cet indice, les éléments du calcul proposé par les parties sont semblables et doivent être retenus. Suivant le détail figurant dans les conclusions de l'employeur, il sera accordé à M. [D] un rappel de salaire de 3246,24€ bruts.

Sur les rappels de prime du 13ème mois , M. [D] réclame 1/12 de la somme allouée au titre du rappel de salaire de base et 1/12 des deux mois de préavis dû et impayé, soit la somme de 1560,41€ bruts.

Mais, calculé en proportion de la somme qui vient d'être allouée, le rappel de prime du 13e mois s'élève à la somme de 270,52€.

Sur la prime d'ancienneté, Monsieur [D] indique qu'il lui restait dû une prime d'ancienneté conventionnelle égale à 3% de son salaire de base à compter du 6 Octobre 2006, compte tenu de son ancienneté de 3 ans à cette date ; que l'employeur n'a réglé qu'une prime pour 2007 sur la base du salaire dû pour un emploi de maître de port adjoint ; que compte tenu de la requalification de l'emploi il lui est encore dû pour la période du 06/10/2006 au terme de son préavis une somme égale à 3% des rémunérations impayées du chef de cette requalification, soit la somme de 120,88€ bruts.

Mais, en raison de ce que le rappel de salaires doit être calculé sur 10 points d'indices supplémentaires, le calcul retenu sera celui proposé par l'employeur dans ses écritures et il sera accordé à M. [D], au titre de la prime d'ancienneté, 3 % de la somme de 827,53€, soit la somme de 24,82€.

Sur la discrimination, la rupture d'égalité et le harcèlement,

Monsieur [J] [D] fait valoir qu'aucune différence de traitement ne peut être fondée entre des salariés de même qualification, embauchés sur un emploi identique, sans raisons objectives sérieuses et qu'une différence de traitement entre des salariés placés dans la même situation doit reposer sur des raisons objectives étrangères à toute discrimination, la Cour de Cassation décidant qu'une différence de traitement entre des salariés placés dans la même situation doit reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence.

Il estime avoir été victime d'une discrimination, mais dans le cas où elle ne serait pas retenue par la cour, il demande que les faits soient examinés sous l'angle de la rupture d'égalité de traitement avec les autres salariés exerçant les mêmes fonctions que lui ou du harcèlement moral.

À ce dernier égard, il se réfère au certificat médical du docteur [K] en date du 31 mai 2007 (« Monsieur [D], qui subit, depuis plusieurs mois des phénomènes de harcèlements moraux (') Est, actuellement, très déstabilisé face à cette situation et me demande un appui psychologique pour pouvoir se rétablir »).

Il indique qu'à compter du 18 septembre 2006, au motif d'une réorganisation du service qui ne concernait que lui, il était soudainement privé de la possibilité d'effectuer des permanences en remplacement du maître de port ; qu'il a été affecté à des missions de responsabilité limitée et à des horaires de travail différents et plus astreignants que ceux des autres maître de port adjoint ; que ses collègues ont, en revanche, continué à remplacer le maître de port principal durant le week-end ; qu'il a été également contraint de fractionner son temps de travail dans la journée, alors que ses collègues de même emploi, continuaient à travailler en horaire continu ; que la Cour de Cassation considère que le passage d'un horaire continu à un horaire discontinu exige l'accord préalable du salarié, accord qu'il n'a pas donné ; que, malgré de nombreuses demandes adressées par lui à différentes autorités municipales, l'égalité de traitement n'a pas été rétablie.

Pour contester le grief, la commune de [Localité 2] fait valoir qu'il est contradictoire de la part de Monsieur [J] [D] de lui reprocher tout à la fois de lui faire exécuter des permanences de week-end et jours fériés non prévues dans son contrat de travail et d'avoir mis fin à ses permanences lorsque le litige est survenu à leur propos.

Mais compte tenu de la nature de l'emploi de maître de port exercé par M. [D] qui n'a jamais refusé de faire des permanences et qui a simplement demandé que sa rémunération soit mise en accord avec la nature de ses tâches au vu de la convention collective, cet argument est inopérant.

La commune de [Localité 2] fait également valoir qu'elle a dû aménager le service des permanences de week-end pour pallier aux dysfonctionnements résultant des absences soudaines et des fautes répétées de Monsieur [J] [D] ; que ces absences ont rendu en particulier difficile l'organisation et le suivi de l'occupation des postes d'amarrage ; que sa décision s'inscrivait donc dans le pouvoir de direction qui était le sien; qu'il s'est agi de simples aménagements des conditions de travail n'affectant ni la responsabilité ni la rémunération prévue au contrat de travail ; que les fautes de M. [D] ont été multiples ; qu'il a ainsi obtenu indûment, en 2005, le financement par la commune d'un examen de la médecine du travail pour l'exercice d'un emploi de plongeur sous-marin, étranger à son contrat de travail ; qu'il a commis une négligence le 3 août 2006, ayant consisté à avoir « lâché dans la nature » M. [R], victime d'un accident du travail dans le port, sans intervention des secours et sans respect des procédures administratives ; que le 21 août 2006 il a fait amarrer sans raison légitime un bateau le long du quai habituellement attribué à la famille du roi [Z], empêchant l'amarrage d'un bateau sur lequel se trouvait l'Emir de Bahreïn ; que ceci a engendré désorganisation et mécontentement ; que le 18 août 2006, faute de consulter le relevé des fonds marins du Port Pierre Canto, à la disposition des maîtres de port adjoints, il a placé le bateau « CAPRICE » sur un poste d'amarrage qui n'avait pas le tirant d'eau nécessaire à ce type de voilier, de sorte que ce dernier a été endommagé ; qu'il a également fait preuve d'une certaine démotivation dans son travail et a accumulé 12 arrêts-maladie et s'est trouvé en absence injustifiée à trois reprises, en mai, juin et août 2006 ; que c'est dans ces conditions que le 6 septembre 2006, le Conseil d'Exploitation de la régie municipale a adopté les dispositions suivantes : « Le Conseil d'Exploitation est informé des difficultés actuelles rencontrées vis-à-vis d'un maître de Port Adjoint : Absences répétées en saison (annoncées en dernière minute) qui perturbent gravement la continuité et le fonctionnement normal du service. Difficulté d'organisation et du suivi de l'occupation des postes d'amarrage, notamment le week-end. Pour pallier à cette difficulté, il est proposé : de décharger Monsieur [J] [D] des permanences le week-end, de nommer [L] [V], actuellement agent portuaire au poste de Maître de Port Adjoint, sans être remplacé. » ; que le Conseil d'Exploitation n'avait d'autre choix que d'adapter les fonctions de Monsieur [J] [D] aux besoins du service public du Port Pierre Canto.

Mais, les fautes reprochées par l'employeur au salarié appelaient la mise en 'uvre du pouvoir disciplinaire et non une série de mesures qui ont, en fait, modifié les attributions et les conditions de travail de M. [D] dans le sens d'une pénalisation.

Ainsi, le retrait de la permanence de week-end à partir de septembre 2006 , qui n'a concerné que lui, le passage d'un horaire continu à un horaire discontinu qui est établi au moyen des pièces produites (en particulier de la note de service du 13 septembre 2006 signée par le directeur des ports), ceci alors que ses collègues maîtres de port adjoints continuaient à bénéficier d'un horaire continu et enfin l'attribution de tâches spécifiques et peu valorisantes (enlèvement encombrants, huiles et batteries usées cf. pièce numéro trois signée le 12 juin 2007 par le directeur des ports), constituent une série d'agissements dont il n'est pas démontré qu'ils étaient justifiés par l'intérêt du service.

Ces agissements tombent sous le coup de l'article L. 1152-1 du code du travail, puisqu'ils ont eu pour effet une dégradation des conditions de travail dont s'est d'ailleurs plaint à plusieurs reprises le salarié auprès de l'employeur, et ont altéré sa santé mentale et ainsi que cela résulte des éléments médicaux produits tels qu'ils ont été visés ci avant.

La cour est ainsi en mesure de décider que les griefs sont constitutifs d'un harcèlement moral, ceci sans qu'il soit nécessaire d'examiner ces derniers sous l'angle des autres qualifications proposées par le salarié.

Ces faits lui ont occasionné un préjudice en réparation duquel l'employeur devra lui payer la somme de 7500 € à titre de dommages-intérêts.

Sur la rupture du contrat de travail,

Les éléments visés ci-dessus, au titre non paiement de la rémunération correspondant à l'emploi exercé et du harcèlement moral constituent des manquements graves qui justifient la rupture du contrat aux torts de l'employeur.

Dès lors, la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

M. [D] fait valoir qu'il a été privé des délais de procédure prévus par la loi pour prononcer un licenciement ; qu'il a été privé des rémunérations qu'il aurait perçues s'il avait continué à travailler durant ce délai ; qu'au-delà de ces préjudices financiers, il a subi un préjudice moral, l'ensemble de ces préjudices devant être liquidés à la somme de 2.168,48 € à titre de dommages et intérêts.

Il fait aussi valoir que la prise d'acte équivaut à un licenciement abusif ; qu'il s'était particulièrement impliqué dans son emploi ; qu'il n'a perçu aucune rémunération supplémentaire du fait de sa qualification et de ses missions ACMO exercées en plus de ses autres missions ; qu'il avait fondé des espoirs d'avenir importants dans son emploi ; qu'il a ainsi subi du fait de la perte de cet emploi, incombant aux manquements de son employeur des préjudices tant financiers que moraux. Il réclame 30.000 € à titre de dommages et intérêts.

Pour l'ensemble de ces préjudices, il lui sera accordé 15 000 €, à titre de dommages-intérêts.

M. [D] indique aussi que l'employeur ne lui a délivré l'attestation destinée aux ASSEDIC que 3 mois après le terme de son préavis et 5 mois après la notification de la prise d'acte ; qu'il en a été de même pour ses bulletins de salaires des mois d'août et de septembre ; que la Cour de Cassation a jugé que la non-remise ou la remise tardive des documents sociaux au salarié lui cause nécessairement un préjudice ; que l'absence de remise des documents conformes a eu pour conséquence de le priver des indemnités ASSEDIC qu'il aurait dû percevoir. Il réclame le paiement de la somme de 2000 €, à titre de dommages-intérêts.

À ce titre il lui sera accordé 300 € à titre de dommages-intérêts.

Il sera également fait droit à sa demande tendant à ce qu'il soit ordonné à la Commune de [Localité 2] de lui remettre les bulletins de paye et documents sociaux rectifiés en accord avec le présent arrêt, ceci sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Par ailleurs, M. [D] indique qu'il lui est dû, sur la base de l'article 17 de la convention collective, une indemnité compensatrice de préavis de deux mois calculée en fonction de son ancienneté de 3 ans et 9 mois au jour de la prise d'acte de la rupture.

Il fait valoir que son salaire brut s'élève à la somme de 2509,20€ ( Salaire de base 1.828,40 + (40 x 8,510€) 2.168,80 € bruts + Prime d'indice supplémentaire 255,30 € bruts +- Indemnité langue étrangère 85,10€ bruts).

Il réclame : 2 x 2.509,20 € = 5.018,40 brut.

Mais, le mode de calcul à retenir est celui proposé par l'employeur, qui considère justement que l'indemnité ne peut excéder la somme de 4507,80€, en raison  du nombre de points indiciaires acquis:

Salaire de base [1 828,40 € brut + (10 x 8,510€)] 1 913,50€

Prime d'indice supplémentaire 255,30 €

Indemnité langue étrangère 85,10 €

TOTAL brut 2 253,90 €

En conséquence, au titre de l'indemnité compensatrice de préavis M. [D] recevra la somme de 4507,80€.

Au titre des indemnités compensatrices de congés payés, M. [D] réclame 10 % des rémunérations impayées représentant la somme de 1872,49€ (Rappel de Congés Payés depuis Octobre 2003 jusqu'au 07/07/2007 = 1.370,65 bruts et Rappel de Congés Payés sur le préavis = 501,84 € bruts).

Mais, il convient de calculer l'indemnité sur la base d'un rappel de salaire de 3246,24€, comme déterminé ci-dessus, et d'une indemnité de préavis de 4507,80€.

Il sera accordé 10 % de ces sommes à M. [D], soit la somme brute de 775,40€.

M. [D] indique que conformément à l'article 41 de la convention collective l'indemnité de licenciement est équivalente à 1/10 du salaire mensuel est que cette indemnité peut être calculée en fonction de son ancienneté de 3 ans et 11 mois.

Il réclame la somme de 982,77€.

Mais, l'indemnité doit être ainsi calculée :

[(3 + 11/12) x (1/10 x 2 253,90 €)] soit 882,77 €.

La commune de [Localité 2] sera condamnée à payer à M. [D] la somme de 1500 €, par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les dépens.

Les prétentions de la commune de [Localité 2], totalement infondées, seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement, en matière prud'homale.

REÇOIT l'appel,

INFIRMANT le jugement entrepris,

REQUALIFIE l'emploi exercé par M. [D] en celui de maître de port,

CONDAMNE, en conséquence, la commune de [Localité 2] à payer à M. [D], ensuite de cette requalification, un rappel de salaire de 3246,24€ bruts, un rappel de prime du 13e mois de 270,52€, un rappel de prime d'ancienneté de 24,82 €,

CONDAMNE également la commune de [Localité 2] à payer à M. [D] en réparation du préjudice consécutif au harcèlement moral dont il a été victime, la somme de 7500 €, à titre de dommages-intérêts,

DIT que le contrat a été rompu par une prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE, en conséquence, la commune de [Localité 2] à payer à M. [D] à la somme de 15 000 € à titre de dommages intérêts, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et la somme de 300 € à titre de dommages-intérêts, pour non remise au salariés des documents conformes et dans les délais,

LA CONDAMNE également à lui payer au titre de l'indemnité compensatrice de préavis la somme de 4507,80€ et 450,78 € au titre des congés payés sur préavis, à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, la somme de 775,40€ et à titre d'indemnité de licenciement, la somme de 882,77€,

ORDONNE à la commune de [Localité 2] de remettre à M. [D] les bulletins de paye et documents sociaux rectifiés en accord avec le présent arrêt,

CONDAMNE la commune de [Localité 2] à payer à M. [D] la somme de 1500 €, par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

REJETTE toute autre demande,

CONDAMNE la commune de [Localité 2] aux dépens,

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre b
Numéro d'arrêt : 11/08901
Date de la décision : 03/04/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 7B, arrêt n°11/08901 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-04-03;11.08901 ?
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