COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1re Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 03 AVRIL 2012
A.V
N° 2012/
Rôle N° 11/08230
[P] [P] [P] [P] épouse [P]
[C] [C] [C] veuve [P]
C/
[Y] [Y]
Grosse délivrée
le :
à :la SCP TOLLINCHI - PERRET-VIGNERON - BARADAT-BUJOLI-TOLLINCHI
la SCP BOISSONNET-ROUSSEAU
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 07 Avril 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 10/1537.
APPELANTES
Madame [P] [P] [P] [P] épouse [P]
née le [Date naissance 3] 1944 à [Localité 7], demeurant [Adresse 5] - USA (34446)
représentée par la SCP TOLLINCHI VIGNERON TOLLINCHI, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée par Me Cécile RIPERT, avocat au barreau de TOULON
Madame [C] [C] [C] veuve [P]
née le [Date naissance 2] 1924 à [Localité 7], demeurant [Adresse 8]
représentée par la SCP TOLLINCHI VIGNERON TOLLINCHI, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée par Me Cécile RIPERT, avocat au barreau de TOULON
INTIME
Monsieur [Y] [Y]
né le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 7], demeurant [Adresse 6]
représenté par la SCP BOISSONNET ROUSSEAU, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assisté par Me Sophie PICARDO, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 27 Février 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Mme VIDAL, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Jean-Paul LACROIX-ANDRIVET, Président
Monsieur Jean VEYRE, Conseiller
Madame Anne VIDAL, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mademoiselle Patricia POGGI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Avril 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Avril 2012,
Signé par Monsieur Jean-Paul LACROIX-ANDRIVET, Président et Mademoiselle Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Suivant acte d'huissier en date du 3 décembre 2007, M. [Y] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Draguignan Mme [C] [C] Vve [P] et Mme [P] [P] épouse [P] pour les voir déclarer responsables de la non réitération des compromis de vente signés les 5 juin et 1er août 2004, obtenir leur condamnation à signer l'acte de vente dans le délai d'un mois du jugement à intervenir et à défaut voir dire que le jugement vaudra acte de vente au prix de 76.000 €.
Par jugement en date du 7 avril 2011, le tribunal de grande instance de Draguignan a : - Déclaré Mme [C] [C] Vve [P] et Mme [P] [P] épouse [P] responsables de la non réitération des actes de vente des 5 juin et 1er août 2004,
Condamné Mme [C] [C] Vve [P] et Mme [P] [P] épouse [P] à signer l'acte authentique réitératif de la vente au prix de 76.000 € dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement,
Dit qu'à défaut de signature de l'acte dans ce délai, le jugement vaudrait acte de vente et pourrait être publié comme tel à la conservation des hypothèques,
Condamné Mme [C] [C] Vve [P] et Mme [P] [P] épouse [P] solidairement à payer à M. [Y] la somme de 15.000 € avec intérêts au taux légal au titre de la clause pénale contractuellement prévue,
Débouté M. [Y] de sa demande au titre des frais de poursuites et à titre de dommages et intérêts,
Condamné Mme [C] [C] Vve [P] et Mme [P] [P] épouse [P] à lui payer une somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [C] [C] Vve [P] et Mme [P] [P] épouse [P] ont interjeté appel de cette décision suivant déclaration déposée au greffe le 5 mai 2011.
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Mme [C] [C] Vve [P] et Mme [P] [P] épouse [P], aux termes de leurs conclusions récapitulatives en date du 7 février 2012, demandent à la cour :
De réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
De dire l'acte du 5 juin 2004 irrégulier pour défaut de signature de Mme [P] [P] épouse [P], et à tout le moins caduc,
De dire l'acte du 1er août 2004 irrégulier pour défaut de signature de Mme [C] [C] Vve [P], et à tout le moins caduc,
A titre subsidiaire, de dire les actes des 5 juin et 1er août 2004 nuls et de nul effet, sur le fondement de l'article 1134 du code civil,
A titre infiniment subsidiaire, de dire ces actes nuls pour défaut de prix et vil prix, sur le fondement de l'article 1591 du code civil,
En tout état de cause, de débouter M. [Y] de ses demandes et de le condamner à leur payer une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elles font valoir :
Que Mme [C] [C] Vve [P], alors âgée de 80 ans et se trouvant dans un état de faiblesse certain, a été contactée par M. [Y] en juin 2004, alors qu'elle ne cherchait pas à vendre son terrain ;
Que l'acte du 5 juin 2004 ne peut s'analyser comme un compromis de vente mais constitue une offre d'achat, la dernière page précisant que l'offre vaudra compromis en cas d'acceptation par les vendeurs 'au plus tard le '.juin 2004", de sorte que l'offre faite par M. [Y] était subordonnée à l'acceptation des deux venderesses au plus tard le 30 juin 2004 (puisque le jour n'est pas mentionné) ; que seule Mme [C] [C] Vve [P] a signé en juin 2004 et que cet acte est donc caduc à défaut de signature de la nue-propriétaire ;
Que l'acte du 1er août 2004 constitue lui aussi une offre d'achat valant compromis en cas d'acceptation ; qu'il ne s'agit pas d'un avenant à l'acte du 5 juin, ni d'une réitération de celui-ci puisqu'il ne porte pas la signature de Mme [C] [C] Vve [P] ; qu'il s'agit d'un document distinct de l'acte du 5 juin puisqu'il comporte des clauses différentes ; que cette seconde offre d'achat n'a pas reçu l'accord des deux propriétaires ;
Que le délai prévu dans l'acte du 1er août 2004 pour accepter l'offre expirait au plus tard à la date de publication du Plan local d'urbanisme par la commune de [Localité 7] qui n'a jamais vu le jour et doit donc recevoir la qualification d'engagement perpétuel et qu'il appartient au juge de fixer un délai raisonnable ; qu'un délai de trois ans s'est écoulé entre la signature de l'acte et la sommation de comparaître délivrée par M. [Y], ce qui excède le délai raisonnable ;
Que M. [Y] n'a jamais versé l'acompte de 5.000 € prévu aux contrats ;
Que la valeur du terrain, appréciée en juin ou août 2004, était de l'ordre de 122.000 à 159.000 €, or le prix offert était de 76.000 €, ce qui permet de retenir la vileté de prix.
Elles ajoutent que leur demande en nullité pour vileté de prix n'est pas nouvelle en appel, s'agissant seulement d'un moyen nouveau ; que la lettre du 7 juillet 2006 par laquelle Mme [P] [P] épouse [P] propose de passer la vente immédiatement ne peut engager les deux propriétaires.
M. [Y], en l'état de ses écritures déposées le 26 septembre 2011, conclut au rejet des prétentions des appelantes, à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et à la condamnation in solidum de Mme [C] [C] Vve [P] et de Mme [P] [P] épouse [P] à lui payer une somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il soutient :
Que la demande en nullité pour vileté du prix est irrecevable comme constituant une demande nouvelle en appel et qu'en tout état de cause, le prix stipulé, de 76.000 €, ne peut être considéré comme n'ayant pas un caractère sérieux ;
Qu'il n'y a pas de vice du consentement et que les appelantes sont défaillantes à prouver l'existence d'un trouble mental de Mme [C] [C] Vve [P] au moment de l'acte ;
Que les deux actes, du 5 juin 2004 et du 1er août 2004, font apparaître le paraphe et la signature des deux venderesses ; que Mme [P] [P] épouse [P] a signé l'acte le 1er août en raison de son séjour aux Etats Unis et que ses initiales [P] ont été portées sur l'acte du 5 juin montrant que celle-ci, avant de signer l'acte du 1er août, a approuvé le premier acte ;
Que l'acte du 5 juin 2004 a été signé par Mme [C] [C] Vve [P] dans le délai prévu à cet acte et celui du 1er août par Mme [P] [P] épouse [P] dans le délai prévu dans ce second acte qui e
xpirait à la publication du Plan local d'urbanisme ;
Que l'acte a été conclu sous la condition d'obtention d'un certificat d'urbanisme positif pour la réalisation d'une opération de construction d'une maison d'habitation dans le cadre du futur plan local d'urbanisme et qu'il d'une condition tout à fait valable, ne dépendant pas de la volonté de l'une des parties, et non d'un terme incertain rendant l'engagement perpétuel.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 27 février 2012.
MOTIFS DE LA DECISION :
Attendu que suivant acte sous seing privé en date du 5 juin 2004 dénommé 'offre d'achat valant compromis de vente d'immeuble', M. [Y] a offert d'acheter à Mme [P] [P] épouse [P], nue-propriétaire, et Mme [C] [C] épouse [P], usufruitière, un terrain viabilisé sur la commune de [Localité 7], cadastré section CE n° [Cadastre 4] d'une contenance de 14a 85ca, moyennant un prix de 76.000 € ;
Qu'il y était prévu en article 10 :
'Les présentes constituent, dès leur signature, un accord définitif sur la chose et sur le prix, les vendeurs s'interdisent, et ceci jusqu'à la signature de l'acte définitif, d'aliéner à une autre personne que les acheteurs les biens vendus. Elle seront réitérées au plus tard le 1er août 2004. Cette date n'est pas extinctive mais constitutive du point de départ à partir duquel l'une des parties pourra obliger l'autre à s'exécuter, tout autant que le notaire sera en possession de toutes les pièces nécessaires à la rédaction de l'acte. Dans le cas où l'une des parties viendrait à refuser de signer l'acte authentique, elle y sera contrainte par tous les moyens et voies de droit, en supportant les frais de poursuite, de justice, tous droits et amendes, et devra, en outre, payer à l'autre partie, à titre d'indemnité forfaitaire et de clause pénale, la somme de 15.000 €.';
Qu'il était également ajouté, en article 14 : 'Durée de l'offre':
'La présente offre d'achat valant compromis de vente en cas d'acceptation devra être contresignée au plus tard le....juin 2004 par les vendeurs afin d'acquérir sa pleine exécution. En l'absence de réponse des vendeurs à cette date là, le promettant récupérera immédiatement les fonds versés à titre d'acompte.';
Que cet acte a été signé par M. [Y] en qualité de promettant et par Mme [C] [C] épouse [P] seule, en qualité de venderesse ; qu'il est constant que la signature de Mme [P] [P] épouse [P] n'y figure pas, même si son paraphe apparaît sur la première page ;
Qu'il doit donc en être déduit que l'offre d'achat n'ayant pas été acceptée par les deux venderesses dans le délai expirant au plus tard le 30 juin 2004 s'est trouve privée d'effet au delà de cette date en application des dispositions de l'article 14 et qu'il ne peut être considéré, comme l'a retenu le tribunal, que l'accord sur la chose et sur le prix valant vente serait parfait à l'égard de la seule usufruitière ; qu'il doit être ajouté que la somme de 5.000 € prévue à titre d'acompte et qui devait être déposée entre les mains des vendeurs 'lors de la contre signature du compromis de vente par les vendeurs et le promettant' n'a jamais été versée, de sorte que l'acte du 5 juin 2004 n'a jamais reçu le moindre commencement d'exécution ;
Attendu que suivant acte sous seing privé en date du 1er août 2004 dénommé 'Offre d'achat valant compromis de vente d'immeuble avec versement d'acompte. Avenant au compromis du 5 juin 2004" , les termes de l'acte du 5 juin 2004 ont été repris en intégralité, à l'exception de ceux de l'article 14 qui était ainsi libellé :
'La présente offre d'achat valant compromis de vente en cas d'acceptation devra être contresignée par les vendeurs afin d'acquérir sa pleine exécution, au plus tard à la date de publication du Plan Local d'Urbanisme par la commune de [Localité 7].' ;
Que cet acte a été signé par M. [Y] et par Mme [P] [P] épouse [P] seule ; qu'il n'a pas été contresigné par Mme [C] [C] épouse [P], alors même qu'il était présenté comme un avenant à l'acte du 5 juin 2004 et qu'il comportait des modifications de l'article 14 relatif au délai d'acceptation de l'offre par les deux venderesses ; qu'il ne peut dès lors être considéré que, par cet acte, Mme [C] [C] épouse [P] aurait accepté le report du délai fixé dans l'acte du 5 juin 2004 au delà du 30 juin 2004 et qu'il y aurait eu accord de volonté des deux propriétaires du terrain sur l'offre d'achat présentée par M. [Y] ;
Qu'il y a lieu en conséquence de réformer le jugement déféré en ce qu'il a retenu que la vente était parfaite entre Mme [C] [C] épouse [P] et Mme [P] [P] épouse [P] d'une part et M. [Y] d'autre part, par l'effet des deux actes successifs et dit qu'à défaut de signature de l'acte authentique de vente dans le délai d'un mois, la décision vaudrait vente et serait publiée comme telle à la conservation des hypothèques ;
Qu'il convient également de réformer le jugement en ce qu'il a condamné Mme [C] [C] épouse [P] et Mme [P] [P] épouse [P] solidairement au paiement de la somme de 15.000 € par application de la clause pénale contractuellement prévue, à défaut d'engagement valable des venderesses par l'effet des actes des 5 juin et 1er août 2004 ;
Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu l'article 696 du Code de Procédure Civile,
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, contradictoirement,
en matière civile et en dernier ressort,
Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Draguignan déféré ;
Constate que l'acte d'offre d'achat du 5 juin 2004 est devenu caduc à défaut d'acceptation des deux venderesses dans le délai prévu ;
Constate que l'acte d'offre d'achat du 1er juin 2004 dénommé avenant à l'acte du 5 juin 2004 n'engage pas Mme [C] [C] épouse [P] à défaut d'avoir été accepté par elle ;
Déboute M. [Y] de toutes ses demandes ;
Condamne M. [Y] à payer à Mme [C] [C] épouse [P] et Mme [P] [P] épouse [P] ensemble une somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Le condamne aux dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés dans les formes et conditions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT