COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1re Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 03 AVRIL 2012
A.V
N° 2012/
Rôle N° 11/04695
[R] [G] épouse [L]
C/
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE
Grosse délivrée
le :
à :SCP MAGNAN
la SCP LATIL - PENARROYA-LATIL - ALLIGIER
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de TARASCON en date du 05 Août 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 08/1117.
APPELANTE
Madame [R] [G] épouse [L]
née le [Date naissance 1] 1930 à [Localité 4], demeurant [Adresse 3]
représentée par la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée par Me Olivier KUHN-MASSOT, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité, dont le siège social est [Adresse 2]
représentée par la SCP LATIL PENARROYA-LATIL ALLIGIER, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée par Me Gilles MATHIEU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
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COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 05 Mars 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, M.VEYRE, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Jean-Paul LACROIX-ANDRIVET, Président
Monsieur Jean VEYRE, Conseiller
Madame Anne VIDAL, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mademoiselle Patricia POGGI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Avril 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Avril 2012,
Signé par Monsieur Jean-Paul LACROIX-ANDRIVET, Président et Mademoiselle Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Suivant acte d'huissier en date du 29 mai 2008, Mme [L] a fait assigner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Bouches du Rhône (la CRCAM) devant le tribunal de grande instance de Tarascon aux fins de la voir condamner :
- sur le fondement des articles 1146 et suivants du code civil, à lui verser la somme de 15.000 € en réparation du préjudice que lui a causé la déchéance du terme des prêts que la banque lui avait accordés et une somme de 15.000 € au titre de la perte de la chance qu'elle avait de ne pas être mise en liquidation judiciaire,
- et sur le fondement de l'article 1235 du code civil, à répéter les sommes indûment reçues.
Par jugement en date du 5 août 2010, le tribunal de grande instance de Tarascon a débouté Mme [L] de toutes ses demandes et l'a condamnée aux dépens. Il a rejeté la demande de la CRCAM au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [L] a interjeté appel de cette décision suivant déclaration déposée au greffe le 15 mars 2011.
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Mme [L], aux termes de ses conclusions récapitulatives en date du 13 février 2012, demande à la cour de réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions et de condamner la CRCAM à répéter les sommes indûment versées et à lui verser de ce chef la somme de 30.000 €.
A titre subsidiaire, elle sollicite, à raison de la carence volontaire de la défenderesse à produire les éléments comptables correspondant aux sommes dont elle a obtenu paiement, la désignation d'un expert afin d'effectuer l'ensemble des décomptes nécessaires à la solution du litige et le versement d'une provision ad litem de 5.000 €.
Elle réclame en outre une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que la banque aurait appliqué au prêt consenti le 2 juin 1978 pour un montant de 700.000 F un anatocisme non prévu dans le contrat et prohibé par l'article 1154 du code civil ; que la capitalisation illicite pratiquée par la banque ne constitue pas un acte de commerce et que la prescription de l'article L 110-4 du code de commerce ne peut lui être opposée ; que l'action en répétition de l'indu qu'elle a engagé se prescrit pas trente ans à compter du paiement. Elle ajoute que, contrairement à ce qui a été retenu par le tribunal, l'action en répétition de l'indu est applicable même si le demandeur dispose d'une action contractuelle.
Elle prétend que le prêt de 1978 prévoyait un TEG de 11,218% l'an, dont un taux d'intérêt de 9% et des cotisations d'assurance de 0,618%, outre des pénalités de retard de 3%, mais que la banque a appliqué un taux de 14,25% l'an et, à partir du 30 septembre 1986, a appliqué un anatocisme mensuel non prévu au contrat.
Elle termine en indiquant que son silence pendant quasiment 30 ans ne vaut pas acceptation de la modification unilatérale du contrat pratiquée par la banque.
La CRCAM, en l'état de ses écritures déposées le 11 juillet 2011, conclut à la confirmation du jugement dont appel, à l'irrecevabilité de l'action en répétition de l'indu, à la prescription de l'action introduite par Mme [L] et au rejet de toutes ses prétentions, en l'absence de tout préjudice et de toute responsabilité contractuelle de la banque à son égard. Elle réclame la condamnation de Mme [L] à lui verser une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle oppose en premier lieu la prescription de dix ans prévue par l'article L 110-4 du code de commerce, s'agissant d'une action en responsabilité contractuelle dont le fait générateur serait la compensation opérée en juin 1978 entre le prêt de 700.000 F et les quatre prêts antérieurement consentis à Mme [L].
Elle conteste la recevabilité de la demande de Mme [L] sur le fondement de l'article 1376 du code civil en soutenant que l'action en répétition de l'indu ne peut être invoquée pour la réparation d'un dommage se rattachant à l'exécution d'un contrat.
Elle soutient enfin que Mme [L] n'établit pas avoir subi un préjudice du fait de la compensation entre le prêt de 700.000 F et les précédents prêts, étant ajouté qu'au demeurant, la compensation était stipulée dans l'acte de prêt et que Mme [L] ne l'a jamais contestée pendant 30 ans ; que la demanderesse ne précise ni le montant ni la nature des sommes prétendument trop versées à la banque.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 5 mars 2012.
MOTIFS DE LA DECISION :
Attendu que suivant acte en date du 2 juin 1978, le Crédit Agricole a consenti à Mme [L] un prêt d'un montant de 700.000 F remboursable dans le délai d'un an ;
Que ce prêt n'a pas été remboursé à son échéance et que Mme [L] a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire le 9 octobre 1992, suivie d'une liquidation judiciaire le 22 octobre 1993 ; que le solde du prêt a été réglé par le liquidateur le 26 octobre 2004 ;
Que Mme [L] a engagé son action contre la Caisse de Crédit Agricole Mutuel le 29 mai 2008 et lui réclame le versement d'une somme de 30.000 €, mettant en cause, d'une part le fait que la banque ne lui avait versé, en 1978, au titre du prêt de 700.000 F, qu'une somme de 432.878,77 F, après compensation avec divers autres prêts, d'autre part le fait que la banque aurait prélevé des sommes supérieures à celles qui lui étaient dues, appliquant un taux d'intérêt supérieur à celui contractuellement prévu ;
Attendu que le premier moyen développé par Mme [L] à l'encontre de la banque est de nature purement contractuelle, puisqu'il est fait grief à celle-ci de ne pas avoir rempli son engagement de lui verser la somme de 700.000 F prévue au contrat de prêt et d'avoir compensé cette somme, sans y être autorisée, avec des prêts antérieurs non encore venus à échéance ;
Que c'est à juste titre que le Crédit Agricole lui oppose la prescription par dix ans de l'article L 110-4 du code de commerce, prescription qui était acquise à la date de l'assignation, en 2008, puisque la faute alléguée aurait été commise par la banque en 1978 ;
Attendu que le second moyen développé par Mme [L] à l'encontre de la banque a pour fondement la répétition de l'indu ;
Que c'est à tort que le tribunal a considéré que l'action de Mme [L] sur ce fondement était irrecevable au motif que les dispositions des articles 1376 et suivants du code civil ne seraient pas applicables dès lors que les sommes réclamées auraient pour origine l'exécution d'un contrat de prêt ; qu'en effet, contrairement à l'action de in rem verso qui présente un caractère subsidiaire, l'action en répétition de l'indu n'est pas subordonnée à l'absence de toute autre action ouverte au profit du demandeur ;
Que c'est également à tort que le tribunal a retenu que l'action en répétition de l'indu était prescrite, comme étant soumise à la prescription de nature contractuelle de dix ans ; qu'en effet, dans le régime de la prescription applicable avant la loi du 17 juin 2008 et régissant la présente instance, engagée le 29 mai 2008, l'action en répétition de l'indu était soumise à la prescription de droit commun de trente ans courant à compter du paiement indu, et ce même si le trop versé était intervenu dans le cadre d'un paiement à caractère contractuel, sauf quelques cas dérogatoires comme celui des salaires ou des indemnités d'assurance mais au titre desquels la restitution de trop versés au titre des intérêts bancaires ne figure pas ;
Mais que force est de constater que Mme [L] - à qui il appartient, en sa qualité de demandeur à l'action en répétition, d'apporter la preuve de l'indu et donc, en l'espèce, du trop versé - n'apporte aucun élément permettant à la cour de se convaincre que la banque aurait prélevé ou réclamé des sommes indues ; que l'appelante ne produit en effet que des décomptes très sommaires établis par la banque en 1987, 1990 et 1991 mentionnant le montant de sa créance en capital (700.000 F) et le montant global des intérêts de retard dus, sans aucun détail sur leur mode de calcul ; qu'elle fait également état de la déclaration de créance déposée par le Crédit Agricole dans le cadre de la procédure collective, le 28 octobre 1992, faisant état d'une créance de 700.000 F en principal et de 842.075,72 F à titre d'intérêts de retard ; que rien ne permet donc, à l'examen de ces pièces, de conclure à l'application par la banque d'un taux d'intérêt supérieur à celui convenu contractuellement (7% l'an + 0,618% d'assurance + 3% de majoration) ;
Qu'il convient en conséquence de débouter Mme [L] de sa demande en paiement de sommes au titre d'un trop versé sur le remboursement du prêt ;
Attendu que c'est en vain que Mme [L] sollicite subsidiairement, d'une part la désignation d'un expert afin de procéder aux recherches nécessaires pour déterminer l'existence et le montant du trop versé allégué, d'autre part le versement d'une provision ad litem ;
Qu'en effet, aux termes de l'article 146 du code de procédure civile, une mesure d'expertise ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie demanderesse à l'administration de la preuve et qu'il a été vu précédemment que Mme [L] n'apportait aucun élément de nature à établir le principe même de l'existence d'un trop versé;
Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu l'article 696 du Code de Procédure Civile,
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, contradictoirement,
en matière civile et en dernier ressort,
Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Tarascon déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déboute Mme [L] de sa demande d'instauration d'une mesure d'expertise et de versement d'une provision ad litem ;
La condamne à payer à la Caisse de Crédit Agricole Mutuel des Bouches du Rhône une somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
La condamne aux dépens d'appel qui seront recouvrés dans les formes et conditions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT