COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
18e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 27 MARS 2012
N°2012/275
JONCTION
Rôle N° 10/20381
(n°10/20477 joint)
[X] [H]
C/
SARL MEDICOTHERA
Grosse délivrée le :
à :
Me Benoît BERNARD, avocat au barreau de VALENCE
Me Cécile DEFAYE, avocat au barreau de MARSEILLE
Copie certifiée conforme délivrée le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 15 Octobre 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 10/66.
APPELANTE
Madame [X] [H], demeurant [Adresse 1]
comparant en personne, assistée de Me Benoît BERNARD, avocat au barreau de VALENCE (164 avenue Victor Hugo - 26000 Valence)
INTIMÉE
SARL MEDICOTHERA, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Cécile DEFAYE, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 14 Février 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Alain BLANC, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Gisèle BAETSLE, Président
Monsieur Alain BLANC, Conseiller
Madame Fabienne ADAM, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Lydie BERENGUIER.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Mars 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Mars 2012
Signé par Madame Gisèle BAETSLE, Président, et Madame Lydie BERENGUIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
Madame [X] [H] est régulièrement appelante d'un jugement rendu le 15 octobre 2010 par le Conseil de Prud'hommes de TOULON qui l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes présentées à l'encontre de la S.A.R.L. MEDICOTHERA.
Par des moyens qui seront analysés dans le corps du présent arrêt, l'appelante demande à la Cour de :
' infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Toulon en toutes ses dispositions,
' dire et juger que l'employeur n'a pas respecté les dispositions du contrat de travail et de l'accord du 21 février 2006 en imposant un véhicule de fonction,
' dire et juger que l'employeur a imposé ainsi une modification du contrat de travail,
' prononcer la résiliation judiciaire aux torts exclusifs de l'employeur pour non respect des dispositions contractuelles,
' dire et juger que cette résiliation produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
' condamner la société à lui verser les sommes suivantes
' 106 200,00 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif, si par extraordinaire la Cour ne prononce pas la résiliation judiciaire du contrat de travail, la société sera condamnée à verser la somme de 35 000,00 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi consécutif à l'exécution fautive du contrat de travail par la société.
' 9 452,46 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 945,25 euros au titre des
congés payés afférents,
' En tout état de cause, ordonner le versement de la somme de :
' 17 728,00 euros à titre de remboursement des frais kilométriques,
' 2 542,80 euros au titre de la prime administrative,
' 13 223,65 euros à titre de rappel de salaire et 1 322,36 euros à titre de congés payés
' 427,26 euros à titre de complément de salaire,
' 7 704,14 euros à titre de règlement des heures supplémentaires et 770 euros au titre des congés payés afférents.
' 4 500,00 euros à titre de rappel de prime sur objectifs,
' 2 500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Par des moyens qui seront analysés dans le corps du présent arrêt, la société intimée demande à la Cour de confirmer le jugement déféré, débouter l'appelante de l'ensemble de ses demandes et réclame la somme de 2 500,00 euros en vertu de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Vu les conclusions des parties oralement reprises à l'audience;
Attendu que, pour une bonne administration de la justice, il y a lieu d'ordonner la jonction des instances enrôlées sous les numéros 10/20 381 et 10/ 20 477 ;
Attendu que Madame [H] a été engagée par contrat de travail à durée déterminée du 2 mai 1988 avec terme fixé au 5 novembre 1988 en qualité de visiteuse médicale par la société ARKOPHARMA puis par contrat de travail à durée indéterminée à temps complet à partir du 7 novembre 1988;
que cette société a été reprise le 1er février 2007 par la société intimée ;
qu'il est constant qu'elle était déléguée du personnel depuis le 24 avril 2008;
que, le 24 décembre 2009, elle a saisi le Conseil de Prud'hommes d'une requête initiale concernant les demandes suivantes :
- Rappel de salaire février 2007 à janvier 2008 : 3 200,00 euros
- Prime administrative : 3 500,00 euros
- Indemnité de déplacement : 3 000,00 euros
- Exécution provisoire du jugement
- Intérêts au taux légal
- Exécution de mauvaise foi du contrat de travail : 4 000,00 euros
- Article 700 du C.P.C. 1 500,00 euros;
qu'à l'audience du Bureau de conciliation en date du 1er mars 2010, elle a amplié ses demandes de la manière suivante :
- prononcer la résiliation judiciaire aux torts exclusifs de l'employeur pour non respect des dispositions contractuelles et dire que cette résiliation produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamner la société à lui verser les sommes suivantes
- 106 200,00 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif, si par extraordinaire la Cour ne prononce pas la résiliation judiciaire du contrat de travail, la société sera condamnée à verser la somme de 35 000,00 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi consécutif à l'exécution fautive du contrat de travail par la société.
- 9 452,46 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 945,25 euros au titre des
congés payés afférents,
- 10 704,36 euros à titre de remboursement des frais kilométriques,
- 2 542,80 euros au titre de la prime administrative,
- 13 223,65 euros à titre de rappel de salaire et 1 322,36 euros à titre de congés payés
- 3 429,19 euros à titre de rappel de salaire
- 7 704,14 euros à titre de règlement des heures supplémentaires et 770 euros au titre des congés payés afférents.
- 2 542,80 euros à titre de prime administrative :
- 1 500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Attendu que, le 22 juin 2010, cette salariée a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour faute grave et que la société a, le 13 juillet 2010, demandé à l'Inspection du Travail l'autorisation de procéder à son licenciement , autorisation qui a été refusée par courrier en date du 31 août 2010 ;
que le recours le Ministre du Travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité a fait l'objet d'un rejet implicite;
que les demandes de la salariée ont été rejetées par jugement du 15 octobre 2010;
qu'à la suite d'un avis d'inaptitude totale et définitive à son poste de travail consécutif à un arrêt de maladie depuis le 18 janvier 2011, l'appelante était licenciée pour inaptitude le 12 septembre 2011 après autorisation de licenciement délivrée par l'Inspection du Travail;
Attendu qu'il ressort des éléments de la cause que, dans le courant de l'année 2009, la société intimée a décidé de supprimer à cette salariée l'usage de sa voiture personnelle pour un véhicule de fonction et refusé à compter du mois d'octobre 2009, de lui rembourser les indemnités kilométriques contractuellement prévues et maintenues par un accord collectif du 21 février 2006;
qu'il a été également remis en cause le remboursement des repas contrairement à l'article 6 du contrat de travail, précédemment remboursés sur la base d'un forfait et sans justificatif même si cette pratique a été abandonnée à la suite de la contestation des visiteurs médicaux et l'accord précité;
Attendu qu'à la suite du courrier daté du 25 septembre 2009, relatif aux frais professionnels, l'appelante a fait connaître son refus concernant cette modification et demandé sans succès, par plusieurs courriers, le remboursement de ses frais professionnels sur la base initiale des termes du contrat de travail;
Attendu qu'il apparaît que l'employeur a modifié les conditions de remboursement des frais professionnels alors que ces conditions de remboursement faisait partie intégrante de son contrat de travail en qualité de visiteuse médicale alors que l'accord du 21 février 2006 n'était pas opposable à cette salariée qui, en outre, était propriétaire de son véhicule et n'avait pas de contrat de leasing sur le dit véhicule;
Attendu que c'est à bon droit que l'appelante fait valoir, qu'en raison de son statut de salariée protégée, aucune modification de son contrat de travail ni changement de ses conditions de travail ne pouvait lui être imposé sans son consentement, en l'absence d'autorisation de l'inspection du travail dont la Cour observe qu'elle est intervenue après la demande de résiliation du contrat de travail et pour le seul motif de licenciement lié à l'inaptitude définitive;
Attendu dès lors qu'en l'état du décompte relatif aux indemnités kilométriques réclamées depuis le mois d'octobre 2009, non contesté par la société intimée, il sera fait droit à la dite demande;
qu'en l'état de ce manquement grave de l'employeur à ses obligations, c'est à bon droit que l'appelante sollicite la résiliation du contrat de travail qui, en l'état du licenciement pour inaptitude survenu le 12 septembre 2011, sera prononcé avec effet au 18 janvier 2011, le jugement étant réformé en ce sens;
que cette résiliation doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse;
Attendu qu'il sera fait droit aux demandes relatives au paiement de l'indemnité compensatrice de préavis, et des congés payés afférents dont les montants, exactement calculés, ne font l'objet d'aucun décompte différent dans les écritures de la société intimée ;
Attendu que , sur le fondement de l'article L 1235-3 du Code du Travail, il sera alloué à l'appelante la somme de 20 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Sur le rappel de salaire:
Attendu que l'appelante fait valoir à juste titre qu'elle percevait une rémunération inférieure à celle perçue un autre salarié, en l'espèce par Monsieur [V], tout en soutenant qu'ils étaient dans une situation identique ;
qu'elle produit des bulletins de salaires du mois de décembre 2007 et janvier 2008 dont il ressort que Monsieur [V] percevait un taux horaire de 16,675 euros alors qu'elle ne percevait qu'un taux horaire de 14,0212 euros bruts;
Attendu qu'il ressort en outre de ces bulletins de salaire que l'appelante avait une ancienneté au 2 mai 1988 alors que Monsieur [V] avait une ancienneté au 6 juillet 1993;
Attendu qu'en l'état de cette disparité de rémunération, alors qu'il est constant que ces salariés avaient le même emploi et la même qualification, l'employeur ne justifiant d'aucun élément objectif permettant d'expliquer la différence du taux horaire appliqué et ne contestant pas utilement pas le montant des sommes réclamées , il sera fait droit à la demande de rappels de salaire et de congés payés afférents, le jugement étant réformé en ce sens;
Sur le rappel de salaire a titre de complément de salaire:
Attendu que l'accord du 22 juin 2007 de la convention collective de l'industrie pharmaceutique dispose que les salariés bénéficient d'un traitement net mensuel à plein tarif pendant les trois premiers mois de maladie ;
que l'article 23 de cette convention dispose que sont considérés comme temps de présence dans l'entreprise, pour le calcul de l'ancienneté les interruptions de travail pour maladie d'une durée totale continue ou non inférieure à six mois ;
que c'est justement que l'appelante fait valoir que rentre dans l'assiette de calcul du salaire net à plein tarif le montant de la prime d'ancienneté ;
Attendu que l'appelante a été en arrêt pour maladie du 18 janvier 2011 au 7 juin 2011 et que, selon un décompte non utilement discuté par la société intimée , il apparaît que la base de salaire était alors de 2 908,45 euros et qu'elle n'a perçu qu'un salaire net total de 2 842,44 euros ;
que, sur la base du maintien de salaire net pendant trois mois à plein tarif, soit 76,58 euros x 90 jours , il lui reste due la somme de 427,26 euros à titre de complément de salaire pour la période de référence, et le jugement sera réformé en ce sens ;
Sur les visites supplémentaires:
Attendu que cette demande n'apparaît pas justifiée dès lors qu'il ne ressort d'aucun des éléments de la cause que les visites supplémentaires aient été expressément commandées par l'employeur et les premiers juges , en déboutant l'appelante de cette demande, ont fait une exacte appréciation des éléments de la cause et le jugement sera confirmé de ce chef ;
Sur le versement des primes 2009 - 2010 :
Attendu que la salariée percevait chaque année des primes en fonction de la réalisation des objectifs fixés par l'employeur, versées au mois de février, juin et octobre ;
qu'ayant réclamé des explications, alors que la société intimée ne conteste pas sérieusement que Madame [H] a toujours réalisé les objectifs commandés par la société, sur les raisons pour lesquelles les dites primes n'avaient pas été versées aux mois de juin 2009, d'octobre 2009, de février 2010 et d'octobre 2010, elle sollicite justement la production des résultats obtenus pour les périodes concernées ;
qu'en l'absence de production de ces documents, la société intimée ne sachant se borner a prétendre que Madame [H] aurait fait une fausse déclaration de visite d'un médecin en 2010, et en l'absence d'explication vérifiable sur les raisons pour lesquelles cette salariée n'a pas perçu les dites primes, il sera fait droit à la demande, le jugement étant réformé en ce sens ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale,
Ordonne la jonction des instances enrôlées sous les numéros 10/20 381 et 10/ 20 477,
Réforme le jugement déféré, et statuant à nouveau,
Prononce la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur et condamne la S.A.R.L. MEDICOTHERA à payer à Madame [X] [H] les sommes suivantes:
- 20 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
- 9 452,46 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 945,25 euros au titre des congés payés afférents,
- 17 728,00 euros à titre de remboursement des frais kilométriques,
- 13 223,65 euros à titre de rappel de salaire et 1 322,36 euros à titre de congés payés
- 427,26 euros à titre de complément de salaire,
- 4 500,00 euros à titre de rappel de prime sur objectifs,
- 2 500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Condamne la société intimée à supporter les entiers dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT