COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1re Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 20 MARS 2012
A.V
N° 2012/
Rôle N° 11/04573
[B] [T]
C/
[Z] [M] [I] [W]
Grosse délivrée
le :
à :la SCP COHEN-GUEDJ
la SCP LIBERAS - BUVAT - MICHOTEY
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 24 Février 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 05/206.
APPELANT
Monsieur [B] [T]
né le [Date naissance 1] 1926 à [Localité 10] (ITALIE) (99), demeurant [Adresse 13]
représenté par la SCP COHEN GUEDJ, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assisté par Me Yves GROSSO, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
Madame [Z] [M] [I] [W]
née le [Date naissance 2] 1942 à [Localité 11], demeurant [Adresse 4]
représentée par la SCP LIBERAS BUVAT MICHOTEY, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée par Me Nadège DE RIBALSKY, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 14 Février 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Mme VIDAL, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Jean-Paul LACROIX-ANDRIVET, Président
Monsieur Jean VEYRE, Conseiller
Madame Anne VIDAL, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mademoiselle Patricia POGGI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Mars 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Mars 2012,
Signé par Monsieur Jean-Paul LACROIX-ANDRIVET, Président et Mademoiselle Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Suivant acte d'huissier en date du 15 décembre 2004, Mme [W] a fait assigner son ex-époux, M. [T], devant le tribunal de grande instance de Marseille pour que soient ordonnés la liquidation et le partage de leur communauté, suite au jugement du 13 octobre 1998 ayant prononcé leur divorce.
Par jugement en date du 3 octobre 2006, le tribunal de grande instance de Marseille a ordonné une expertise afin de déterminer l'actif et le passif de la communauté et M. [D], expert, a déposé son rapport le 15 septembre 2009.
Par jugement en date du 24 février 2011, le tribunal de grande instance de Marseille a ordonné la liquidation et le partage de la communauté ayant existé entre Mme [W] et M. [T] et commis Me [C], notaire à [Localité 9], pour procéder aux opérations. Il a dit que les biens immobiliers acquis durant la communauté étaient des biens qui devaient être inclus dans l'indivision communautaire et débouté M. [T] de sa demande tendant à voir dire qu'il s'agirait de biens propres. Il a débouté les parties du surplus de leurs demandes et dit que les dépens seraient employés en frais privilégiés de partage.
M. [T] a interjeté appel de cette décision suivant déclaration au greffe en date du 14 mars 2011.
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M. [T], aux termes de ses conclusions en date du 1er juin 2011, demande à la cour :
De rejeter toutes les demandes de Mme [W],
De dire que les biens immobiliers acquis pendant le mariage ont été financés par le mari seul, à titre de remploi de biens propres et que les biens suivants sont donc des biens propres :
- immeuble de [Adresse 12], acquis le 29 septembre 1990,
- immeuble à [Adresse 6], acquis le 19 novembre 1993,
- immeuble à [Adresse 8], acquis le 16 septembre 1991,
- immeuble à [Adresse 7], acquis le 20 janvier 1995,
De condamner Mme [W] à lui verser une somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir qu'il disposait d'un patrimoine immobilier important avant son mariage, alors que Mme [W] était seulement nue-propriétaire d'un immeuble à [Localité 5] qu'elle n'a pas vendu ; qu'il résulte de la comparaison des patrimoines que les biens acquis pendant le mariage n'ont pu l'être qu'avec ses fonds personnels ; que, lors de sa comparution devant le notaire en 2003, Mme [W] a seulement indiqué avoir apporté 45.000 F de fonds propres pour l'acquisition de l'immeuble de [Localité 11], convenant donc de la réalité des affirmations de son ex-époux sur le financement des biens par les deniers personnels de celui-ci ; qu'il s'agit là d'un aveu judiciaire ou extra-judiciaire.
Mme [W], en l'état de ses écritures déposées le 22 juin 2011, sollicite la confirmation du jugement querellé en ce qu'il a dit que les biens immobiliers acquis pendant le mariage étaient des biens entrant dans l'indivision communautaire, rejeté la demande de M. [T] tendant à voir dire qu'il s'agirait de biens propres et ordonné le partage de la communauté en désignant Me [C], notaire, qui pourra s'adjoindre un expert, conformément à l'article 1365 du code de procédure civile.
Elle demande à la cour, formant appel incident du jugement, de dire que l'actif commun mobilier s'élève à la somme de 690.190 €, majorée des intérêts au taux légal à compter de 1996, et de condamner M. [T] à lui verser une somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle rappelle que les actes ne comportent aucune clause de remploi de propres ; que les époux ont acquis un bien immobilier à [Localité 11] en 1981, financé par un prêt dont les mensualités étaient réglées par les loyers, et que le prix de vente de ce bien, en 1990, a permis de financer les autres biens acquis en 1991, 1993, 1990 et 1995, de sorte que le financement a été commun ; qu'il n'est pas démontré que la vente des biens propres de M. [T] (en indivision avec sa fille d'un premier mariage) a permis de financer les biens communs, étant ajouté que M. [T] a refusé de communiquer à l'expert l'état de ses comptes bancaires et de ses avoirs.
Elle demande la validation des comptes faits par l'expert [L] sur les actifs mobiliers, reconstitués à partir de déclaration d'ISF de 1996, augmentée des intérêts au taux légal à compter de 1996.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 14 février 2012.
MOTIFS DE LA DECISION :
Attendu que M. [B] [T] et Mme [Z] [W] se sont mariés le [Date mariage 3] 1979 sous le régime légal de la communauté réduite aux acquêts ;
Que, par jugement en date du 13 octobre 1998, le tribunal de grande instance de Marseille a prononcé leur divorce et désigné un notaire pour procéder aux opérations de liquidation de leur régime matrimonial ;
Que par jugement en date du 3 octobre 2006, un expert a été désigné pour déterminer l'actif et le passif de la communauté et les éventuelles récompenses dues à ou par la communauté puis par l'indivision post-communautaire ;
Que l'expert désigné, M. [D], a déposé le rapport de ses opérations le 14 septembre 2009 ;
Sur l'appel principal de M. [B] [T] :
Attendu que M. [B] [T] demande à ce que les immeubles acquis pendant le mariage lui soient déclarés propres et non communs ;
Qu'il s'agit des immeubles suivants :
Immeuble de [Adresse 12], acquis le 28 septembre 1990, au prix de 500.000 F,
Immeuble d'[Adresse 6], acquis le 19 novembre 1993, au prix de 175.000 F,
Immeuble d'[Adresse 8], acquis le 16 septembre 1991, au prix de 860.000 F,
Immeuble d'[Adresse 7], acquis le 20 janvier 1995, au prix de 800.000 F ;
Attendu qu'il y a lieu toutefois de rappeler que les biens acquis au cours du mariage constituent des acquêts et doivent donc recevoir la qualification de biens de la communauté, sauf s'ils ont été acquis au moyen de deniers propres de l'un des époux ou en remploi de deniers provenant de la vente de biens propres de l'un des époux, sous réserve toutefois qu'aient été déclarés, lors de l'acquisition, le caractère propre des deniers et la volonté de l'époux que le nouveau bien lui soit propre ;
Que la clause d'emploi ou de remploi de propres ne constitue pas une simple formalité d'ordre probatoire visant à préconstituer la preuve de la subrogation, mais est une condition de l'existence même de la subrogation, de sorte que si elle n'a pas été accomplie, le bien acquis est commun, même s'il a été financé à l'aide de deniers propres de l'un des époux, sauf récompense à son profit ;
Qu'en l'espèce, force est de constater qu'aucun des actes d'acquisition des quatre immeubles acquis pendant le mariage ne comporte de clause d'emploi ou de remploi ; que M. [B] [T] est donc mal fondé à revendiquer le caractère propre de ces quatre immeubles, à supposer même que soit rapportée la preuve de leur financement de ses deniers propres exclusivement ;
Attendu que l'aveu extra-judiciaire invoqué par M. [B] [T] et résultant des déclarations de Mme [Z] [W] devant le notaire, telles que figurant dans le PV de difficultés du 13 novembre 2003, n'est pas de nature à modifier la qualification juridique des immeubles, telle qu'elle ressort des dispositions des actes d'acquisition ;
Qu'au surplus, la cour note que Mme [Z] [W] n'a jamais reconnu que les immeubles acquis pendant le mariage appartenaient en propre à son ex-époux ; qu'en effet, le notaire a pris acte des déclarations de chacun des époux, Mme [Z] [W] déclarant que « tous les biens ci-dessus (soit les quatre immeubles acquis pendant le mariage) représentent l'actif commun, et qu'en conséquence, elle a droit à la moitié de l'actif net de communauté », alors que M. [B] [T] affirmait que ces achats avaient été faits au moyen de deniers provenant de la vente de biens propres, à l'exception de l'immeuble de [Localité 11], non payé en totalité de ses deniers personnels ; que le fait que le notaire ait ajouté au titre de la réponse de Mme [Z] [W] : « Je n'ai rien à ajouter aux dires de Monsieur, si ce n'est que, sur le prix de [Localité 11], j'ai financé une partie (45.000 F) au moyen de mes deniers personnels. » ne constitue nullement une approbation des déclarations de M. [B] [T], mais seulement la marque que l'épouse n'avait rien de nouveau à ajouter à ses précédentes déclarations, hormis le fait qu'elle avait effectivement apporté 45.000 F de deniers propres pour l'acquisition de l'immeuble de [Localité 11] ; que c'est d'ailleurs en l'état de l'opposition constatée entre les positions respectives des ex-époux que le notaire a établi un PV de difficultés et que Mme [Z] [W] a fait assigner M. [B] [T] devant le tribunal de grande instance ;
Attendu qu'au cours des opérations d'expertise, M. [T] n'a pas communiqué à l'expert [D] les éléments lui permettant de constater que les biens acquis en 1990, 1991, 1993 et 1995 auraient été financés par des fonds propres de l'époux ; que le seul fait que ce dernier était propriétaire, avant le mariage, d'un patrimoine immobilier important dont une partie a été vendue en 1980 et 1981, ne suffit pas à démontrer, à l'encontre de la présomption de communauté, que les fonds versés par les époux au moment des acquisitions étaient des fonds propres ;
Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit que les biens immobiliers acquis pendant le mariage étaient des biens dépendant de la communauté et qu'il y sera ajouté que M. [T] doit être débouté de sa demande tendant à voir constater qu'il aurait financé seul ces biens ;
Sur l'appel incident de Mme [Z] [W] :
Attendu que l'expert judiciaire, M. [D], a indiqué ne pas avoir pu obtenir, ni auprès de M. [B] [T], ni auprès des organismes bancaires, les informations nécessaires pour connaître l'état du patrimoine mobilier des époux ;
Qu'en application des dispositions de l'article 262-1 ancien du code civil, le divorce a produit ses effets entre les époux à la date de l'assignation, soit à la date du 17 janvier 1997, et que la consistance de l'actif mobilier doit être appréciée à cette date ;
Que Mme [Z] [W] demande que l'actif mobilier commun soit fixé à la somme de 690.190 € ; qu'il s'agit en fait du portefeuille de valeurs mobilières et non des meubles meublant et des bijoux sur la consistance desquels les parties ont indiqué ne pas être opposées ;
Que M. [B] [T] ne formule aucune observation sur cette demande ;
Qu'il ressort des constatations de l'expert [L], désigné par le jugement de divorce pour apprécier la consistance du patrimoine des époux en vue de fixer la prestation compensatoire éventuellement due à l'épouse, que M. [B] [T] a déclaré à l'ISF, en 1996, l'actif mobilier suivant dont la fiabilité, ainsi que le relève l'expert, est totale puisque les chiffres ressortent d'un contrôle fiscal :
Titres Société Générale : 2.938.310 F,
PEP CNI : 221.246 F,
PEA (Eurotunnel) : 19.950 F,
Soit un total de 3.179.506 F ou 484.712,56 € ;
Qu'il convient dès lors de faire droit à la demande de Mme [Z] [W] visant à voir fixer l'actif mobilier commun au regard de ces éléments, sauf toutefois à retenir la somme sus-rappelée et non celle réclamée par Mme [W], celle-ci ayant ajouté, en les mélangeant, les chiffres ressortant de la déclaration ISF de 1996 et de celle de 1999 ;
Que la demande visant à voir assortir le montant de l'actif des intérêts au taux légal depuis 1996 sera rejetée, l'actif étant fixé à la date de la cessation de la communauté ;
Attendu que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les parties de leurs demandes respectives en application de l'article 700 du code de procédure civile et dit que les dépens de 1ère instance seraient employés en frais privilégiés de partage ;
Qu'en cause d'appel, il y a lieu de mettre les dépens à la charge de M. [B] [T] qui succombe en ses prétentions et de le condamner à verser à Mme [Z] [W] une somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, contradictoirement,
en matière civile et en dernier ressort,
Réforme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [Z] [W] de sa demande visant à voir fixer le montant de l'actif mobilier et constate que le portefeuille mobilier commun peut être fixé, conformément à la déclaration ISF de 1996, à la somme de 484.712,56 € ;
Dit n'y avoir lieu d'assortir cette somme des intérêts au taux légal ;
Confirme le jugement en toutes ses autres dispositions ;
Y ajoutant,
Déboute M. [T] de sa demande visant à voir constater qu'il aurait financé seul les biens acquis pendant le mariage ;
Condamne M. [B] [T] à verser à Mme [Z] [W] une somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Le condamne aux dépens d'appel qui seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT