La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/02/2012 | FRANCE | N°09/16606

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre, 28 février 2012, 09/16606


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

17e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 28 FEVRIER 2012



N° 2012/

CH/FP-D











Rôle N° 09/16606





[G] [V]





C/



SA CHARABOT

































Grosse délivrée

le :

à :

Me Hubert CARGILL, avocat au barreau de PARIS



Me Cécile SCHWAL, avocat au barreau de NICE

>
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE en date du 02 Septembre 2009, enregistré au répertoire général sous le n° 08/1737.







APPELANT



Monsieur [G] [V], demeurant [Adresse 2]



représenté par Me Hu...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

17e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 28 FEVRIER 2012

N° 2012/

CH/FP-D

Rôle N° 09/16606

[G] [V]

C/

SA CHARABOT

Grosse délivrée

le :

à :

Me Hubert CARGILL, avocat au barreau de PARIS

Me Cécile SCHWAL, avocat au barreau de NICE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE en date du 02 Septembre 2009, enregistré au répertoire général sous le n° 08/1737.

APPELANT

Monsieur [G] [V], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Hubert CARGILL, avocat au barreau de PARIS ([Adresse 3])

INTIMEE

SA CHARABOT, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Cécile SCHWAL, avocat au barreau de NICE substitué par Me Carole PENARD, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 12 Décembre 2011 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-Marc CROUSIER, Président

Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller

Madame Corinne HERMEREL, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Février 2012..

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Février 2012.

Signé par Monsieur Jean-Marc CROUSIER, Président et Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La société CHARABOT a pour activité la création et la commercialisation de parfums à destination de la parfumerie de luxe ou de l'industrie.

Monsieur [G] [V] a été engagé par cette société selon contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 1 Mars 1993, en qualité de Directeur du bureau de Paris, statut cadre, coefficient 770 de la convention collective nationale des industries chimiques.

Après convocation le 8 Décembre 2006 à un entretien préalable fixé au 10 Janvier 2007, une lettre de licenciement pour cause réelle et sérieuse, ci-après reproduite, a été adressée le 17 janvier 2007, à Monsieur [G] [V]:

'Comme suite à l'entretien que nous avons eu le 10 janvier 2007, nous sommes au regret de vous notifier, par la présente, votre licenciement.

La date de première présentation de cette lettre fixera le point de départ du préavis de trois mois au terme duquel votre contrat de travail sera définitivement rompu.

Nous vous précisons cependant que nous vous dispensons de l'exécution de ce préavis et que vous percevrez donc, au mois le mois, l'indemnité compensatrice correspondante.

En ce qui concerne les motifs de ce licenciement, il s'agit de ceux qui vous ont été exposés lors de l'entretien précité du 10 janvier 2007, à savoir:

Nous constatons, de votre part, une forte insuffisance professionnelle à laquelle s'ajoute une série de manquements dans l'exercice de vos fonctions. .

Ainsi, notamment les résultats économiques pour 2006 du bureau de PARIS, dont vous avez la charge, sont désastreux, puisqu'il s'avère que le déficit s'élève à 1,8 millions d'Euros par rapport au budget que vous avez présenté et qui a été accepté comme tel.

Or à aucun moment vous n'avez cru nécessaire d'alerter la direction de la société sur l'ampleur des difficultés que vous rencontriez. De plus, malgré des demandes en ce sens de la part de la direction, vous n'avez jamais établi le moindre plan d'action pour relancer l'activité, alors même qu'au regard de vos fonctions, il vous incombait de le faire. Cela témoigne entre autre de votre refus systématique de respecter les relations hiérarchiques au sein de l'entreprise, y compris vis-à-vis de moi-même. La manière dont vous gérez le personnel du bureau de PARIS, en refusant d'accepter les prérogatives de la direction des ressources humaines, en atteste aussi.

Il est dès lors indéniable que votre inaction durant l'année 2006 porte une très lourde responsabilité dans la situation économique que nous constatons sur le bureau de PARIS, qui pénalise toute la société. . ...

Nous avons aussi noté que vous n'hésitez pas à discréditer le directeur de la Parfumerie pour l'Europe, Monsieur [W]. .

Les problèmes récurrents que nous connaissons quant à la gestion de vos notes de frais, que cela soit pour la nature des dépenses engagées ou pour la question des procédures de remboursement, sont aussi symptomatiques de votre attitude générale, marquée par votre volonté claire de ne pas respecter les règles en place, pourtant indispensables à la bonne gestion de l'entreprise.

Vous n'avez d'ailleurs pas hésité à solliciter de la société l'acceptation d'un montage des plus «hasardeux» en vue d'obtenir la prise en charge à votre profit d'un logement, afin de bénéficier d'un avantage totalement exorbitant.

L'ensemble de votre conduite ne permet plus à la société de vous conserver dans vos fonctions.

Nous vous indiquons par ailleurs que vous pouvez faire valoir les droits que vous avez acquis au titre du droit individuel à la formation (DIF), sous réserve d'en formuler la demande avant l'expiration de votre préavis. A défaut d'une telle demande dans le délai imparti, ce droit sera définitivement perdu. Pour votre parfaite information, nous vous précisons que vous bénéficiez au titre du DIF d'un volume de 60 heures qui, dans le cadre de la rupture de votre contrat de travail, peut se traduire par le versement d'une allocation. Cette allocation doit être utilisée pour financer, en tout ou partie et à votre initiative, une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l'expérience ou de formation. Dans le cas où vous en feriez la demande dans le délai imparti, le versement de cette allocation interviendra donc à réception du justificatif de suivi de l'une des actions susvisées'.

Le 22 Octobre 2007, Monsieur [G] [V] a saisi le Conseil de Prud'hommes de GRASSE en contestation de la légitimité de son licenciement et a formé les demandes suivantes:

60 000 euros au titre de l'avantage logement 2006

17 917 euros au titre de l'avantage logement 2007

23311 euros au titre des commissions 2006

14 .632 euros au titre des commissions 2007

58 390 euros au titre des congés payés sur rémunération variable

988 992 euros au titre des dommages et intérêts pour rupture abusive

164264 euros au titre de la clause de non concurrence

5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile

La fixation de sa rémunération mensuelle moyenne brute à 27 472 euros.

Selon jugement en date du 2 Septembre 2009, le conseil de Prud'hommes de GRASSE a dit que le licenciement de Monsieur [G] [V] repose sur une cause réelle et sérieuse, a débouté Monsieur [G] [V] de toutes ses demandes et l'a condamné à payer à la société CHARABOT la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Le 8 Septembre 2009, Monsieur [G] [V] a interjeté appel de la décision.

En cause d'appel, Monsieur [G] [V] a limité comme suit ses prétentions:

45 000 euros au titre de l'avantage logement 2006

17917 euros au titre de l'avantage logement 2007

1534 euros avec intérêt et anatocisme depuis Décembre 2006 au titre du dépôt de garantie versé à CHARABOT

23311 euros au titre des commissions 2006

14 632 euros au titre des commissions 2007

739 188 euros au titre des dommages et intérêts pour rupture abusive

164 264 euros au titre de la clause de non concurrence

ou à titre subsidiaire: 246 396 euros

5 000 euros au titre de l'article 700 Code de Procédure Civile:

la fixation de sa rémunération mensuelle moyenne brute à 20533 euros.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure des moyens et des prétentions des parties, il est renvoyé au jugement entrepris, aux pièces de la procédure, et aux conclusions des parties oralement reprises.

MOTIFS DE LA DECISION

La rupture du contrat de travail

Il résulte de la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, que l'employeur invoque plusieurs motifs de rupture du contrat de travail de Monsieur [G] [V], et en particulier: l'insuffisance de résultats liée à l'inactivité du salarié durant l'année 2006, le non respect des relations hiérarchiques au sein de l'entreprise, la gestion de ses notes de frais.

C'est sur les chiffres d'affaires de la société CHARABOT que l'employeur fonde sa démonstration de l'insuffisance de résultats.

Il résulte des pièces qu'il produit que Monsieur [G] [V] avait prévu le 18 Novembre 2005 de générer un chiffre d'affaires pour l'année 2006 de 6 020 000€, à titre personnel, alors qu'il n'a réalisé que 5 344 660 €.

L'employeur fait observer que le budget prévisionnel élaboré par Monsieur [G] [V] pour le bureau de Paris, pour l'année 2006, était de 9 620 000€ alors qu'il n'a atteint que 7 795 147 euros.

Il considère que les résultats du site parisien sont désastreux et déplore le manque de réactivité de Monsieur [G] [V] durant l'année 2006.

La Cour constate en premier lieu que si le chiffre d'affaires 2006 est effectivement bien inférieur au chiffre d'affaires prévisionnel annoncé par Monsieur [G] [V], c'était déjà le cas les années passées (sauf en 2005), or, il ne lui en avait jamais été fait le reproche: ainsi, il apparaît qu'en 2001, le chiffre d'affaires réalisé a été inférieur de 584 000 € au prévisionnel, qu'en 2002, il l'a été de 1 724 000 €, en 2003 de 1 773 000 € et en 2004, de 2 077 000 €.

Par ailleurs, l'employeur tisse un lien de causalité entre l'inactivité de Monsieur [G] [V] durant l'année 2006 et ses mauvais résultats.

Or, compte tenu de la spécificité de l'activité de la société, le chiffre d'affaires de l'année ne peut être le reflet immédiat de la performance commerciale ou de la passivité du vendeur durant la période concernée. Il peut en effet s'écouler dix huit mois entre le moment où le 'jus' Charabot est choisi, grâce au travail du parfumeur et du vendeur, et donc notamment de Monsieur [G] [V], et celui où le client met le parfum contenant cette composition Charabot sur le marché, avec tous les aléas que comportent la diffusion , la promotion et enfin le succès commercial du produit, étant rappelé que le chiffre d'affaires de la société CHARABOT résulte directement des commandes passées et est donc étroitement dépendant de la date et de la qualité du lancement du parfum puis de la diffusion et du succès public du produit, éléments sur lesquels la société CHARABOT n'a aucune prise.

La cour observe ainsi que l'année 2005 fut manifestement une année exceptionnelle, grâce à une énorme commande de parfum « CHROME », d'AZZARO, et il est incontestable que l'explosion du chiffre d'affaires en 2005 est imputable au travail effectué en amont par Monsieur [G] [V] pour développer le secteur parfumerie alcoolique de la société CHARABOT , établir la vitrine parisienne de celle-ci et faire adopter la composition qui deviendrait ensuite le parfum CHROME.

Il en résulte que l'employeur ne peut, compte tenu de la spécificité de l'activité, mettre en corrélation la prétendue inactivité de Monsieur [G] [V] en 2006 et l'insuffisance de ses résultats durant cette même année, laquelle est bien caractérisée.

Il ressort, en effet, de l'examen du chiffre d'affaires réalisé personnellement par Monsieur [G] [V] depuis 1997, que si celui-ci a progressé chaque année jusqu'en 2002 , il a ensuite, et sauf l'année 2005, décliné de manière alarmante : ainsi il était d'environ 7 000 000 € en 2000,2001,2002 puis il est passé à environ 6 000 000 € en 2004 et enfin à 5 358 719 € en 2006, alors que celui des vendeurs de son équipe a augmenté cette dernière année.

L'employeur reproche en outre à Monsieur [G] [V] de ne l'avoir à aucun moment alerté sur les difficultés rencontrées, de n'avoir mis en place aucun plan d'action pour relancer l'activité et d'être resté inactif durant cette année là.

Il résulte des mails produits que Monsieur [G] [V] a plusieurs fois alerté la direction : ainsi, le 28 Novembre 2005, il déplorait le manque de moyens en personnel et exprimait ses craintes pour l'année suivante ; le 9 Mai 2006 il insistait auprès du directeur de la parfumerie, Monsieur [Y], sur la nécessité d'investir pour l'avenir, de recruter un parfumeur et de faire en sorte que ses deux collaborateurs, [I] [H] ( parfumeur) et [C] [P]( commerciale), ne soient pas tentés d'aller vendre leurs services ailleurs; le 10 Juillet 2006 puis en Septembre 2006, il expliquait à [S] [A], président du directoire, que Madame [J], puis Monsieur [R] dirigeants de sociétés abritant de grandes licences, lui avaient confié que la société CHARABOT ne serait plus briefée tant que Monsieur [W] , (directeur recruté en Mars 2005 par la société CHARABOT) serait dans leurs effectifs.

Cependant, alors que dès le 16 Aout 2006, le président du directoire de la société CHARABOT avait fait injonction à Monsieur [G] [V] de lui communiquer pour la semaine suivante un rapport écrit commentant les performances du premier semestre ainsi que le plan d'action pour redresser les résultats, ainsi que le prévisionnel de chiffre d'affaires pour l'exercice 2006 et que cette demande avait été réitérée par mail du 22 Novembre 2006, Monsieur [G] [V] n'a proposé en réponse aucun plan de redressement, se plaignant par courriel de Septembre 2006 de se trouver dans une situation de blocage et se contentant, le 9 Octobre 2006 seulement, d'expliquer le ralentissement de l'activité en 2006 par la récession du marché, par la concentration de l'offre et de la demande , par la taille modeste de l'entreprise qui ne figure pas dans les 'short list' des grand groupes et par l'échec commercial de deux nouveautés parfums de Clarins, représentant environ un manque à gagner d'un million d'euros.

Il résulte de ces échanges qu'aucun plan n'a été proposé pour redresser la situation en 2006,voire en 2007.

Ces mails reflètent une dégradation des relations professionnelles, manifestement dues à la désapprobation, par Monsieur [G] [V], de la stratégie commerciale et de la politique de recrutement menée par la société. Ainsi Monsieur [G] [V] reprochait-il à [S] [M], président du directoire, d'avoir nommé sans le concerter Monsieur [W] au poste, créé depuis Mars 2005, de directeur commercial Europe, chargé de superviser et d'animer les comptes clients pour toute l'Europe, en ce compris le bureau parisien de la société et d'avoir maintenu cette personne à ce poste alors que Monsieur [G] [V] le savait 'persona non grata' auprès de certains gros clients et en avait informé la direction.

Par ailleurs, Monsieur [G] [V] souhaitait le recrutement d'un parfumeur de renom et de gros investissements alors que la direction ne le suivait pas sur ce terrain.

Cependant, il n'appartenait pas à Monsieur [G] [V] de choisir la stratégie de l'entreprise et il devait s'accommoder, ne lui en déplaise, de la présence de Monsieur [W] puisque tel était le choix de la direction. Au lieu de coopérer comme cela lui était demandé avec insistance par la direction (mail du 11 Juillet 2005 de [T] [Y], directeur de la parfumerie), il a fait de la présence de Monsieur [W] un abcès de fixation, refusant de lui parler et de travailler en concertation ( mail du 6 Juillet 2005, absence à la réunion budgétaire du 17 Novembre 2005 organisée par Monsieur [W]).

Monsieur [G] [V] est resté en 2006 campé sur ses positions, considérant qu'il se trouvait dans une situation de blocage par la faute de Monsieur [W] et donc de la direction qui maintenait ce dernier à ce poste en dépit de sa désapprobation.

Il résulte en outre d'autres mails que Monsieur [G] [V] avait une attitude particulièrement désinvolte voire irrespectueuse vis-à-vis des autres cadres de la société.

Fort de son succès commercial, Monsieur [G] [V] s'est cru autorisé à traiter de manière totalement irrespectueuse tant Monsieur [L], directeur financier, que Monsieur [Z], directeur des ressources humaines, en demandant notamment à ce dernier de garder pour lui ses « remarques puériles de leçon de management » et en lui reprochant 'sa conception archaïque de DRH' et à le dénigrer dans un mail du 13 Juillet 2006 dans lequel il critiquait son « aveuglement ».

Par ailleurs, Monsieur [G] [V] ne suivait pas les instructions de sa direction.

Il résulte de différents mails produits que le 10 Octobre 2005, il était sollicité par [S] [A] qui lui demandait s'il confirmait l'information selon laquelle la société CHARABOT accompagnerait l'organisation du prochain prix Jasmin en Janvier 2006. Le 15 Novembre, [S] [A] était obligé de le relancer et le 7 Février 2006, c'est par un tiers que [S] [A] apprenait que la manifestation s'était déroulée la semaine passée sans même y avoir été convié.

Par courrier du 14 Septembre 2006, Monsieur [L] mettait en demeure Monsieur [G] [V] de remettre sur le compte bancaire de la société 30 000 euros qu'il avait indûment conservé par devers lui depuis plus de 15 jours. Il lui reprochait en outre d'avoir déjà agi ainsi à deux reprises dans le passé et de n'en avoir par tenu compte.

Il est ainsi clairement établi que Monsieur [G] [V], qui disposait par ailleurs d'une certaine indépendance dans le bureau parisien de la société, se souciait peu des instructions qui lui étaient données.

Le compte rendu de l'entretien individuel de 2005 stigmatise le comportement de Monsieur [G] [V] puisqu'étaient soulignés son refus de considérer d'autres objectifs que les siens propres, la mise en cause publique des choix de la hiérarchie, son autonomie trop importante, la primauté de ses résultats personnels sur le souci d'exemplarité...etc.

Il résulte des courriels produits, ci-dessus examinés, que Monsieur [G] [V] avait persisté dans la même voie en 2006.

Il en allait de même en ce qui concerne la gestion de ses notes de frais. Ainsi, alors que Monsieur [G] [V] avait été rappelé à l'ordre en Février 2005 parce qu'il avait dépensé en deux mois la quasi totalité du budget annuel des dépenses de cadeaux à la clientèle, sans concertation préalable avec la direction, il persistait dans cette attitude désinvolte tout au long de l'année 2006, en soumettant des notes d'essence exagérées, des frais engagés durant des jours fériés ou des week-end, des frais de parcours de golf, d'hébergement de week-end etc ( notes internes et courriels de [S] [A] du 13 Juin 2006, du 28 Juin 2006, du 8 Août 2006 et du 16 Novembre 2006) et en dédaignant de justifier l'engagement de ces dépenses en ces termes 'je ne peux que regretter les échanges que vous m'imposez sur des sujets secondaires alors que je reste dans l'attente de réponses à des questions légitimes », alors que s'il est indéniable que cultiver le relationnel implique un investissement personnel et financier important, y compris à l'occasion de partage de loisirs avec la clientèle, il est tout aussi légitime de la part de l'employeur d'en demander les justifications détaillées.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que s'il ne peut être imputé totalement à Monsieur [G] [V] l'insuffisance de résultats de l'année 2006, il apparaît que ce dernier, fort de son succès passé, a fait cette année là cavalier seul dans son bureau parisien vis-à-vis du reste de la société et pris des libertés vis à vis de la hiérarchie en ne répondant pas à ses instructions, en critiquant sa stratégie, en lui opposant une résistance passive , sans proposer de plan de redressement de la situation , attitude inacceptable qui constituait un motif réel et sérieux de licenciement.

L'argument de Monsieur [G] [V] qui soutient que les motifs invoqués sont des prétextes fallacieux cachant l'objectif inavoué de supprimer les gros salaires afin de favoriser la prise de contrôle de la société CHARABOT par la société ROBERTET, est dès lors inopérant.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé sur ce qu'il a considéré le licenciement justifié et qu'il a débouté Monsieur [G] [V] de ses demandes subséquentes.

Sur la demande au titre de l'avantage logement

Selon l'avenant du 4 Décembre 2006 un appartement de fonction est « mis à votre disposition pour accueillir régulièrement chez vous des clients de qualité dans les meilleures conditions, 'pendant la durée du bail' et en contrepartie, la société retiendrait chaque mois une contribution représentant le coût de son usage privatif de l'appartement, soit 5000 francs par mois. Il est précisé qu'il s'agit là d'un avantage en nature.

Monsieur [G] [V] a du quitter l'appartement car les propriétaires ont donné congé à la société CHARABOT, titulaire du bail, et son départ a été effectif le 3 Mars 2006. Monsieur [G] [V] a cherché et pris en location un nouvel appartement, à son nom, à 4900 euros par mois, sans demander l'accord de la société, qui écrivait le 30 Mars 2006, « nous considérons comme vous qu'il n'existe plus de raison valable pour que vous utilisiez votre logement à des fins personnelles'. Le salarié a demandé la prise en charge du coût de ce logement à la société qui l'a refusé.

En l'état de la contestation par Monsieur [G] [V] de l'accord de principe évoqué dans le mail sus-cité et du fait que la société a de manière unilatérale, sans modification d'avenant, décidé de priver Monsieur [V], à compter de Mars 2006 de cet avantage en nature, au faux prétexte que la mise à disposition devait durer « le temps du bail », il convient de lui allouer une compensation financière à hauteur de 42000 euros au titre de l'année 2006 et 2007, la demande à hauteur de 45 000 euros pour l'année 2006 et de 17917 euros pour l'année 2007 formée par le salarié n'étant pas suffisamment justifiée.

Sur la demande au titre des commissions

Monsieur [G] [V] ne justifie pas du rappel des commissions qu'il réclame.

Il ne peut qu'être débouté de sa demande au demeurant non explicitée.

Sur la demande au titre de la clause de non concurrence

Les seuls documents contractuels signés par Monsieur [G] [V] les 1 et 12 Février 1993 ne comportent pas de clause de non concurrence. Il résulte des pièces produites que si cette clause a un temps été envisagée, le projet n'a pas abouti et le document contractuel a finalement prévu une autre disposition, visant à garantir les intérêts de Monsieur [G] [V] au cas où la société CHARABOT changerait d'actionnaire principal.

Monsieur [G] [V] réclame à titre subsidiaire l'indemnité d'une année de rémunération prévue en cas de licenciement causé par un changement d'actionnaire. Il soutient que la prise de contrôle de la société CHARABOT par la société ROBERTET, concrétisée en avril 2007, justifie le versement de cette indemnité qui s'élève à 246 396 euros.

Or, c'est pour un motif réel et sérieux et non à cause d'un changement futur d'actionnaire que le licenciement est intervenu. En conséquence, les conditions d'application de la clause ne sont pas réunies et le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [G] [V] de ses demandes à ce titre.

Sur la demande au titre du dépôt de garantie

Le conseil de prud'hommes a omis de statuer sur cette demande qui tend au remboursement du dépôt de garantie versé par Monsieur [G] [V] lors de l'entrée dans les lieux de son appartement de fonction, soit 1534 euros, que la société CHARABOT doit lui rembourser, ce qu'elle ne conteste pas, avec intérêt à compter du 3Mars 2006, date à laquelle le dépôt aurait du lui être restitué.

Sur la demande au titre des frais irrépétibles et les dépens

Les considérations d'équité justifient qu'il ne soit fait application de l'article 700 du Code de Procédure Civile au profit de quiconque.

Dans la mesure où Monsieur [G] [V] ne succombe que partiellement dans son appel, il sera fait masse des dépens qui seront partagés par moitié entre les parties.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud'homale

Confirme le jugement déféré.

Y ajoutant,

Condamne la société CHARABOT à verser à Monsieur [G] [V] la somme de 1534 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 3 Mars 2006.

Condamne la société CHARABOT à verser à Monsieur [V] la somme de 42000 euros en indemnisation de la perte de son avantage en nature.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Fait masse des dépens et dit qu'ils seront supportés par moitié par les parties.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 09/16606
Date de la décision : 28/02/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 17, arrêt n°09/16606 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-02-28;09.16606 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award