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23/02/2012 | FRANCE | N°10/16820

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre c, 23 février 2012, 10/16820


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE



1ère Chambre C



ARRÊT

DU 23 FÉVRIER 2012



N° 2012/162

M.A.V.













Rôle N° 10/16820







[C] [M] veuve [S]



S.C.I. LA HOUSSAYE



C/



[E] [S]











Grosse délivrée

le :

à :





Maître J.M. SIDER



SCP LATIL











Décision déférée à la Cour :

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Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 08 Septembre 2010 enregistrée au répertoire général sous le N° 10/53.





APPELANTES :



Madame [C] [M] veuve [S]

née le [Date naissance 1] 1939 à [Localité 13] (ALLEMAGNE),

demeurant [Adresse 4] (SUISSE)



S.C.I. LA HOUSSAYE,

d...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1ère Chambre C

ARRÊT

DU 23 FÉVRIER 2012

N° 2012/162

M.A.V.

Rôle N° 10/16820

[C] [M] veuve [S]

S.C.I. LA HOUSSAYE

C/

[E] [S]

Grosse délivrée

le :

à :

Maître J.M. SIDER

SCP LATIL

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 08 Septembre 2010 enregistrée au répertoire général sous le N° 10/53.

APPELANTES :

Madame [C] [M] veuve [S]

née le [Date naissance 1] 1939 à [Localité 13] (ALLEMAGNE),

demeurant [Adresse 4] (SUISSE)

S.C.I. LA HOUSSAYE,

dont le siège est [Adresse 2]

représentées par Maître Jean-Michel SIDER, avocat au barreau d'Aix-En- Provence, constitué aux lieu et place de la SCP SIDER, avoués,

et plaidant par Maître Agnès PROTON, avocat au barreau de GRASSE

INTIMÉ :

Monsieur [E] [S]

né le [Date naissance 3] 1947 à [Localité 11],

demeurant [Adresse 10]

représenté par la SCP LATIL PENARROYA-LATIL ALLIGIER, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constituée aux lieu et place de la SCP LATIL - PENARROYA-LATIL - ALLIGIER, avoués,

et plaidant par Maître Marie-Odile LARDIN, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 Janvier 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Mme Marie-Annick VARLAMOFF, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Serge KERRAUDREN, Président

Madame Marie-Annick VARLAMOFF, Conseiller

Monsieur André JACQUOT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Février 2012.

ARRÊT :

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Février 2012,

Signé par Monsieur Serge KERRAUDREN, Président, et Monsieur Serge LUCAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*-*-*-*-*-*

EXPOSE DE L'AFFAIRE

Par ordonnance de référé en date du 8 septembre 2010, le président du tribunal de grande instance de Grasse a désigné Maître [W], administrateur judiciaire, en qualité de :

séquestre des parts sociales de la SCI LA HOUSSAYE,

administrateur provisoire de la SCI LA HOUSSAYE, ayant pour mission d'en assurer la gestion active et passive, ladite mission entraînant le dessaisissement de la gérante pour tous les actes autres que relevant de la gestion courante,

séquestre judiciaire du mobilier meublant, des 'uvres d'art et autres objets mobiliers garnissant la propriété sise à [Adresse 7] dont il devra assurer la conservation,

a dit que cette mission prendrait fin à l'intervention d'une décision judiciaire exécutoire en France statuant sur le partage de la succession de feu M. [J] [S] et/ou sur le droit de prélèvement de M. [E] [S], dit encore que les frais afférents aux mesures conservatoires ainsi ordonnées seraient avancés par la succession de M. [J] [S] et autorisé à cette fin Maître [W] ès qualités à prélever les fonds nécessaires sur le compte épargne logement ouvert au nom de feu M. [J] [S] à l'agence de [Localité 5] de la Banque BNP Paribas.

Mme [C] [M] veuve [S] et la SCI LA HOUSSAYE ont interjeté appel de cette décision par déclaration du 22 septembre 2010.

Par arrêt avant dire droit en date du 3 mars 2011 auquel il convient de se référer pour un exposé plus complet des faits et de la procédure, la cour a sursis à statuer sur les demandes après avoir ordonné la transmission à la Cour de cassation d'une double question portant sur la constitutionnalité du droit de prélèvement institué par l'article 2 de la loi du 14 juillet 1818.

Par arrêt en date du 1er juillet 2011, la Cour de cassation a renvoyé au Conseil constitutionnel la question suivante : le droit de prélèvement institué par l'article 2 de la loi du 14 juillet 1818 porte-t-il atteinte au principe d'égalité posé à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

Par décision en date du 5 août 2011, le Conseil constitutionnel a considéré que cette disposition, qui méconnaissait le principe d'égalité devant la loi, était contraire à la constitution.

Les parties ont déposé de nouvelles écritures au vu de cette décision.

Par leurs conclusions récapitulatives en date du 19 décembre 2011, Mme [C] [M] veuve [S] et la SCI LA HOUSSAYE sollicitent l'infirmation en toutes ses dispositions de l'ordonnance déférée et en conséquence, la mainlevée pure et simple des mesures provisoires mises en place par celle-ci au motif de l'abrogation du texte visé, de l'inexistence du risque et du péril invoqués par l'intimé, voire même de l'inexistence d'une quelconque créance fondée en son principe et déterminée en son quantum dont il pourrait se prévaloir.

Par ses écritures en date du 4 janvier 2012, M.[E] [S] conclut à la confirmation de l'ordonnance en toutes ses dispositions et par la voie d'un appel incident, demande que soit ordonnée la clôture du plan d'épargne logement ouvert au nom de M. [J] [S] (et non du compte épargne logement comme mentionné par le premier juge) à l'agence de la BNP de [Localité 5], dit que les fonds seront virés à un compte indivision et que l'administrateur pourra prélever sur ledit compte les sommes nécessaires à l'accomplissement de sa mission. Il rappelle que les mesures provisoires litigieuses ont été ordonnées sur le fondement des articles 808 et 809 du code de procédure civile, indépendamment de la loi successorale susceptible de trouver application, et que l'urgence et l'existence d'un péril imminent sont parfaitement caractérisés, notamment en l'état d'une suspicion de fraude.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il doit être constaté que les appelantes n'ont pas entendu remettre en cause l'ordonnance en ce qu'elle les a déboutées de leur exception de nullité de l'assignation et d'exception d'incompétence du juge des référés français. En conséquence, elle sera immédiatement confirmée de ces chefs.

Aux termes de l'article 808 du code de procédure civile, le président du tribunal de grande instance peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

L'article 809 du même code précise qu'il peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Parmi ces mesures, il peut notamment ordonner le séquestre de biens mobiliers ou immobiliers tel que prévu à l'article 1961 du code civil, particulièrement pour assurer la garantie d'un droit de créance.

En l'espèce, il est constant que nonobstant les termes du testament de M. [J] [S] qui a entendu léguer l'ensemble de ses biens à son épouse, Mme [C] [M] veuve [S], M.[E] [S] est héritier réservataire dans la succession de son père, ouverte en [Localité 12], et qu'à ce titre ses droits sont des 3/8 de la masse successorale, étant précisé que selon la loi en vigueur dans ce pays l'assiette de ces droits doit être calculée sur les biens existants au jour du décès auxquels sont réunies fictivement les libéralités sujettes à réduction, soit notamment, aux termes des dispositions de l'article 527 du code civil suisse, celles qui ont été exécutées dans les cinq années antérieures au décès et les aliénations faites par le défunt dans l'intention manifeste d'éluder les règles concertant la réserve.

Malgré l'importance du patrimoine dont M.[J] [S] a pu bénéficier de son vivant et dont il est abondamment justifié, tant en biens mobiliers qu'immobiliers, tenant à sa fortune personnelle mais aussi aux biens hérités de sa première épouse, mère de M.[E] [S], décédée en 1980, avec laquelle il avait fait choix du régime de la communauté universelle, l'inventaire fiscal de sa succession n'a fait apparaître qu'un solde de 1 604 726 CHF, soit 1 333 093 euros, et ce, en l'absence de tout bien immobilier la constituant, alors même que Mme [C] [M] veuve [S] a été officiellement bénéficiaire d'une donation, par le biais de l'attribution de l'ensemble des parts de la SCI LA HOUSSAYE, de la propriété sise à [Adresse 6] pour une valeur totale de 25 479 500 francs en 1994 et également bénéficiaire en 1998 d'une donation de 8 000 000 CFH, sous la forme d'un virement bancaire, lui ayant permis de faire l'acquisition du domicile du couple à [Localité 8] en Suisse, ces seules donations excédant très largement le patrimoine du défunt au jour de son décès.

Cette situation a amené M.[E] [S] à engager une action en réduction contre Mme [C] [M] veuve [S] devant le tribunal de première instance du canton de Genève afin que soit reconstituée la masse successorale. Malgré l'exception de prescription soulevée par la défenderesse, cette procédure est toujours pendante devant cette juridiction et, le 24 mai 2011, il a été organisé une comparution personnelle des parties dont le procès-verbal est régulièrement versé aux débats.

Dans le cadre de celle-ci, Mme [C] [M] veuve [S] a reconnu l'existence d'autres donations dont elle avait volontairement dissimulé l'existence, notamment une donation d'un montant de 52 000 000 frs, réalisée courant 1992, à partir d'un compte « [Localité 9] », et une autre, de la moitié du compte joint de son époux, ouvert dans les comptes du Crédit agricole au Luxembourg, à hauteur de la somme de 6 000 000 euros, réalisée courant 2003, c'est à dire dans le délai de 5 années précédant le décès et donc susceptible de faire l'objet d'une réduction.

Ces éléments suffisent à établir que M. [E] [S], héritier réservataire, bénéficie de droits dans la succession de M.[J] [S] à hauteur d'une somme non encore arrêtée à ce jour mais très certainement supérieure à celle résultant de la seule déclaration de succession établie par Mme [C] [M] veuve [S] au décès de M. [J] [S], créance mise en péril par les montages financiers complexes réalisés par le défunt pour avantager son épouse que celle-ci a d'ailleurs cherché à maintenir dissimulés.

En l'état de cette suspicion de fraude, il y a urgence à assurer la préservation de ses droits sur les seuls biens susceptibles d'appréhension mais qui pourraient être aisément dissipés par Mme [C] [M] veuve [S] du simple fait de leur cession, à savoir les parts sociales de la SCI LA HOUSSAYE, propriétaire de la villa sise [Adresse 2] ainsi que les meubles meublants et oeuvres d'art garnissant celle-ci.

En conséquence, il apparaît que c'est à juste titre que le premier juge a ordonné leur séquestre et de façon concomitante, a désigné un administrateur judiciaire pour assurer leur conservation, mesures qui par leur nature ne sauraient porter atteinte aux droits de propriété de Mme [C] [M] veuve [S] et de la SCI LA HOUSSAYE.

L'ordonnance sera donc confirmée en toutes ses dispositions sauf à ordonner la clôture du plan d'épargne logement (et non du compte épargne logement) ouvert au nom de M. [J] [S] à l'agence de la BNP de [Localité 5], afin que les fonds soient virés à un compte indivision à partir duquel l'administrateur pourra prélever les sommes nécessaires à accomplissement de sa mission.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Vu l'arrêt avant dire droit en date du 3 mars 2011,

Confirme l'ordonnance du 8 septembre 2010 sauf en ce qu'elle a dit que Maître [W] ès qualités pourra prélever les fonds nécessaires à sa mission sur le compte épargne logement ouvert au nom de feu M. [J] [S] à l'agence de [Localité 5] de la Banque BNP Paribas,

Statuant à nouveau de ce chef,

Ordonne la clôture du plan d'épargne logement ouvert au nom de M. [J] [S] à l'agence de la BNP de [Localité 5] afin que les fonds correspondants soient virés à un compte indivision à partir duquel Maître [W] pourra prélever les sommes nécessaires à l'accomplissement de sa mission,

Y ajoutant,

Condamne in solidum Mme [C] [M] veuve [S] et la SCI LA HOUSSAYE à verser M. [E] [S] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum Mme [C] [M] veuve [S] et la SCI LA HOUSSAYE aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1re chambre c
Numéro d'arrêt : 10/16820
Date de la décision : 23/02/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1C, arrêt n°10/16820 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-02-23;10.16820 ?
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