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24/01/2012 | FRANCE | N°11/10707

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre b, 24 janvier 2012, 11/10707


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

17e Chambre B



ARRÊT

DU 24 JANVIER 2012



N° 2012/

YR











Rôle N° 11/10707

(N° 11/11414 joint)



SA CLINIQUE [5]





C/



[M] [T]















































Grosse délivrée le :



à :



Me Laurent DEBROAS, avocat au barreau de M

ARSEILLE



Madame [M] [T]



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Ordonnance de référé du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 03 Juin 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 11/115.







APPELANTE



SA CLINIQUE [5], ayant pour représentant légal en exerc...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

17e Chambre B

ARRÊT

DU 24 JANVIER 2012

N° 2012/

YR

Rôle N° 11/10707

(N° 11/11414 joint)

SA CLINIQUE [5]

C/

[M] [T]

Grosse délivrée le :

à :

Me Laurent DEBROAS, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [M] [T]

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 03 Juin 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 11/115.

APPELANTE

SA CLINIQUE [5], ayant pour représentant légal en exercice Monsieur [R] [N], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Laurent DEBROAS, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Madame [M] [T], demeurant [Adresse 2]

comparant en personne

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 13 Décembre 2011 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Yves ROUSSEL, Président

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller

Madame Brigitte PELTIER, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Janvier 2012.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Janvier 2012.

Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame Monique LE CHATELIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Madame [T] a été engagée par la Clinique [5] en qualité d'aide soignante en 1991.

Elle a été élue déléguée du personnel puis membre du comite d'entreprise, et par suite désignée en tant que déléguée syndicale.

Le 10 juillet 2007, Madame [T] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de la Clinique [5].

Puis, elle a saisi la formation de référé du Conseil de prud'hommes de Toulon le 17 juillet 2007 d'une demande de rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur.

Madame [T] a été déboutée de sa demande, le juge des référés estimant qu'il n'avait pas le pouvoir de se prononcer sur l'imputabilité de la rupture du contrat de travail.

Madame [T] a ensuite saisi le Conseil de Prud'hommes de Toulon au motif d'un harcèlement et d'une discrimination rendant impossible la poursuite de son contrat de travail.

Statuant en formation de départage le 26 octobre 2010, cette juridiction a considéré que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail à l'initiative de Madame [T] le 10 juillet 2007 devait produire les effets d'un licenciement nul aux torts de la Clinique [5].

Cette décision fait l'objet d'un appel actuellement pendant devant la cour d'appel.

Par ailleurs, le 10 mars 2011, le tribunal d'instance de Marseille a reconnu l'existence d'une unité économique et sociale au 17 mai 2005 entre la Clinique [5], la Clinique [4], la Clinique [6], la Clinique de [Localité 3], la Société FINANCIERE SAINTE MARGUERITE, la Société LOGEMED, la Société de GESTION SAINTE MARGUERITE ainsi que le GIE SAINTE MARGUERITE.

Un pourvoi en cassation, toujours pendant, a été formé contre ce jugement.

Dans ce contexte, Madame [T] a saisi à nouveau la formation de référé du conseil de prud'hommes de TOULON le 7 avril 2011 d'une demande de réintégration au sein des effectifs de la Clinique [5], assortie d'une astreinte de 500 € par jour de retard et d'une condamnation au paiement de différentes sommes.

Par ordonnance en date du 3 juin 2011, la formation de référé du conseil de prud'hommes de TOULON a constaté que la prise d'acte de Mme [T] en date du 10 juillet 2007 produisait les effets d'un licenciement nul, a ordonné sa réintégration au sein de la société clinique [5], sous astreinte de 200 € par jour de retard, limitée à trois mois, dès le 15° jour suivant la notification de l'ordonnance, s'est déclaré incompétent sur l'ensemble des autres demandes, a invité Mme [T] à mieux se pourvoir et a condamné la SA clinique [5] à payer à Mme [M] [T] la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Les deux parties ont fait appel de cette décision, par actes enrôlés séparément.

la société clinique [5] demande à la cour de reformer l'ordonnance de référé en ce qu'elle a constaté que la prise d'acte de madame [T] produisait les effets d'un licenciement nul et ordonné sa réintégration; de confirmer l'ordonnance de référé en ses autres dispositions ; de débouter madame [T] de ses demandes tendant au paiement des sommes de 104.548,95 € a titre de rappel de salaires, outre les congés payes y afférents , de 2.398,88 € a titre de paiement des heures de délégation, outre les congés payes y afférents ; de 20.000 € a titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et discrimination ; de 1.000 € pour appel abusif et dilatoire de la clinique [5] ; de 1000 € au titre de l'article 700 CPC et de la condamner à lui payer 2.000 € au titre de l'article 700 du CPC.

Mme [M] [T] indique qu'elle a été élue déléguée du personnel titulaire et membre du comité d'entreprise titulaire en 2001, puis réélue en 2003 ; qu'après une mésentente avec le syndicat CFDT, elle a été désignée déléguée syndicale CGT le 16 décembre 2003 ; qu'elle a fait l'objet de trois avertissements, notamment les 7 juillet 2004 et 26 décembre 2006 ; qu'elle a envoyé à son employeur une lettre de prise d'acte de rupture en date du 10 juillet 2007 ;que sa vie professionnelle a été jalonnée d'instances prud'homales qui l'ont opposée à son employeur pour ses heures de délégation ; que, parallèlement, le 22 mai 2006 et le 4 août 2006, l' inspection du travail a refusé à deux reprises à la clinique [5] l'autorisation de la licencier ; que le 2 juillet 2010 le tribunal correctionnel de TOULON a condamné Messieurs [R] [N], PDG de la CLIQNIQUE [5] et [V] [L], DRH, pour délit d'entrave aux fonctions exercées par elle  de déléguée syndicale , déléguée du personnel et membre titulaire du comité d'entreprise; que le 2 mai 2005 le syndicat SPESM CGT notifiait à la clinique [5] l'extension de son mandat de déléguée syndicale d'établissement à celui de déléguée syndicale d'une unique entreprise constituée de 8 personnes morales juridiquement distinctes la comprenant ; que dès juin 2006, elle indiquait à la clinique [5] qu'elle disposait d'un crédit mensuel de 25 heures de délégation en qualité de déléguée syndicale centrale, mais que ses droits ont été mis en échec.

Elle demande à la cour de confirmer la décision de sa réintégration dans son emploi sous astreinte, mais de l'infirmer sur les autres chefs ; de condamner la clinique [5] à lui payer la somme de 104 548,95 euros à titre de salaire pour la période ayant pour terme sa réintégration, outre 10 454,89 euros, à titre d'indemnité de congés payés ; d'ordonner l'annulation du bulletin de paye de novembre 2010 ; de donner quittance à la clinique [5] et de déduire la somme nette de 15 149,03 euros ; d'ordonner la délivrance de bulletins de paye rectifiés ; de dire qu'elle n'est pas tenue de restituer les sommes qu'elle a perçues au titre de l'assurance chômage ; de condamner la clinique [5] à lui payer, à titre de provision, en réparation des pratiques discriminatoires dont elle a été victime, la somme de 20 000 € ; de la condamner également à lui payer à titre provisionnel la somme de 2398,98 euros au titre des heures de délégation et celle de 239,89 euros à titre de rappel d'indemnité de congés payés ; de dire que le refus de payer ces heures constitue la réitération du délit d'entrave ; de condamner la clinique [5] à lui payer 250 € en réparation du préjudice subi ; de la condamner également à payer 1000 € de dommages-intérêts pour appel abusif et dilatoire, outre 1000 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il est renvoyé au jugement entrepris, aux pièces de la procédure et aux conclusions des parties, oralement reprises dans le respect des dispositions de l'article 440 du Code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR,

Pour une bonne administration de la justice les deux instances d'appel seront jointes.

Sur la réintégration de Madame [T],

Nonobstant le fait que le juge du premier degré ait statué sur sa saisine et alors même que sa décision a été frappé par un appel toujours pendant, la formation de référés demeure compétente pour statuer sur les demandes de Mme [T].

Pour autant, la société Clinique [5] relève que Madame [T] poursuit, en référé, sa réintégration alors que devant cette même formation, lors d'une procédure précédente qui a donné lieu à une ordonnance rendue par le conseil de prud'hommes de Toulon, en date du 1er octobre 2007, elle a demandé différentes indemnités en relation avec un licenciement sans cause réelle et sérieuse et soutenu explicitement que «la prise d'acte vaut renonciation à ce que soit ordonnée sa réintégration ».

La société Clinique [5] en justifie en produisant la copie des conclusions soutenues par Mme [T] à l'audience 25 juillet 2007 et l'ordonnance de référé du 1er octobre 2007 qui a statué sur la demande relative à la rupture par un attendu explicite (« attendu que le juge des référés n'a pas le pouvoir de se prononcer sur l'imputabilité de la rupture du contrat de travail »).

Mme [T] ne s'explique pas sur ces pièces.

Il en résulte une difficulté sur le sens à donner à la formule précitée qui a accompagné la demande présentée par Mme [T] devant le conseil de prud'hommes à l'audience 25 juillet 2007, dont il pourrait se déduire que la salariée a purement et simplement renoncé à sa réintégration.

Dans ces conditions, la société Clinique [5] est fondée à soutenir qu'il existe une contestation sérieuse tenant à l'articulation d'une prise d'acte, ainsi exprimée, avec une demande postérieure de réintégration formulée par la salarié.

En conséquence, l'ordonnance dont appel sera infirmée de ce chef.

Les demandes subséquentes seront rejetées, dont celle ayant pour objet la délivrance de bulletins de paye rectifiés.

Sur la demande de rappel de salaires,

Madame [T] fait valoir que lorsque le salarié demande sa réintégration pendant la période de protection, il a droit, au titre de la méconnaissance du statut protecteur. à une indemnité égale, à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu'à sa réintégration ; que cette indemnité lui est également due lorsque la demande de réintégration est formulée après l'expiration de la période de protection en cours.

Mais, ainsi qu'il vient d'être vu la demande de réintégration se heurte à une contestation sérieuse et ne peut être ordonnée par le juge des référés, en sorte que Mme [T] ne peut obtenir devant cette cour le paiement provisionnel d'une créance arrêtée en fonction de sa date de réintégration dans son emploi.

Sur le paiement des heures de délégation,

Mme [T] fait valoir que le jugement du Tribunal d'instance du 10 mars 2011est déclaratif ; que l'unité économique et sociale est réputée exister depuis le 17 mai 2005 ; que cette U.E.S. emploie habituellement plus de 500 salariés ; qu'en dépit des demandes qu'elle a adressées à la clinique [5], celle-ci a cantonné son paiement à 15 heures de délégation, correspondant à une délégation syndicale d'un établissement de plus de 150 salariés.

Elle estime être en droit d'exiger le paiement de 10 heures de délégation pour toute la période où elle a détenu le mandat et présente un décompte de sa demande, calculé sur une moyenne de dix heures par mois, entre le mois de mai 2005 et le mois de juin 2007.

Mais le jugement du tribunal d'instance de Marseille en date du 10 mars 2011, qui a jugé qu'il existait une unité économique et sociale au 17 mai 2005 entre la clinique [5] et d'autres cliniques, seul élément tangible invoqué par Mme [T] au soutien de sa demande devant la cour, a fait l'objet d'un pourvoi en cassation actuellement pendant.

Au vu de ces éléments, la créance est sérieusement contestable.

En conséquence, l'ordonnance déférée sera confirmée.

Sur les dommages et intérêts pour harcèlement moral et discrimination syndicale,

Mme [T] affirme qu'elle a été victime d'agissements discriminatoires ; qu'à compter de sa désignation en qualité de délégué syndical CGT en 2004, la relation contractuelle s'est détériorée ; qu'elle a été contrainte, soit d'agir en justice devant les juridictions sociales pour y faire valoir ses droits soit de s'y défendre sur les actions initiées par son employeur à 11 reprises ; qu'elle a également subi sept contentieux électoraux ; qu'elle a fait l'objet de deux saisies abusives sur son compte bancaire qui ont été annulées par le juge de l'exécution ; que la clinique [5] a demandé son licenciement avec mise à pied conservatoire à deux reprises, la seconde quatre jours après le refus de la première ; qu'elle a également subi des vexations, calomnies verbales et écrites des dirigeants qui ont tout fait pour la déconsidérer aux yeux de ses collègues.

Elle produit différents documents établissant l'existence de rapports très conflictuels avec son employeur, ainsi qu'un avis d'arrêt de travail du 14 mai 2007, mentionnant un état dépressif lié à des problèmes de travail, un avis de contre-visite médicale du 29 juin 2007 indiquant que l'arrêt de travail est médicalement justifié et des échanges de correspondance avec l'employeur.

Elle produit, en particulier, une lettre adressée par télécopie à son employeur le 7 juillet 2007 dans laquelle elle écrit : « nous sommes le 7 juillet 2007, mon banquier me confirme que je n'ai reçu aucun virement de paye. Je ne dispose toujours pas de mon bulletin de paye de juin ('). Vous n'avez pas répondu à mes deux courriers RAR de demande de paiement, alors que vous avez l'obligation de payer mon salaire à bonne date ('). Je constate que les autres salariés ont été réglés dès le 29. 06. 2007 ».

L'employeur a ainsi répondu à cette télécopie : « suite à votre fax du 7 juillet, nous vous rappelons à nouveau, puisque cela a déjà été expliqué en comité d'entreprise, qu'il n'y a qu'un seul virement global des salaires et que par conséquent tous les salariés sont payés le même jour. La différence de date de valeur pour chaque salarié dépend uniquement du traitement du virement par la banque du salarié ».

Mais il ne produit aucun élément probant contredisant l'affirmation de Mme [T], selon laquelle elle a fait l'objet d'un traitement discriminatoire quant au paiement de son salaire par rapport à ses collègues.

Alors même que la Clinique [5] a été condamnée par jugement de départage en date du 26 octobre 2010 au paiement de la somme de 25.000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et discrimination syndicale, que cette condamnation n'a pas été assortie de l'exécution provisoire et qu'un appel est toujours pendant devant la cour d'appel, la voie du référé n'est pas fermée présentement à Mme [T].

Il lui sera alloué une indemnité provisionnelle de 1500 €.

Chacune des parties obtient la satisfaction partielle de ses demandes.

L'appel de la société clinique [5] n'est donc pas abusif.

En conséquence, la demande de Mme [T] tendant à la condamnation de la société clinique [5] au paiement de dommages-intérêts pour appel abusif sera rejetée.

L'équité commande qu'il ne soit pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens exposés par chacune des parties seront laissés à leur charge exclusive.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement, en matière prud'homale.

ORDONNE la jonction des instances d'appel suivies sous les numéros 11/10707 et 11/11414,

INFIRMANT partiellement l'ordonnance entreprise,

REJETTE la demande de Madame [M] [T] tendant à ce que soit ordonnée sa réintégration dans son emploi,

CONDAMNE la société clinique [5] à payer à Mme [M] [T] la somme de 1500 €, à titre d'indemnité provisionnelle à valoir sur la réparation du préjudice causé par des agissements discriminatoires,

CONFIRME les autres dispositions de l'ordonnance,

REJETTE toute autre demande, dont celle présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT QUE chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre b
Numéro d'arrêt : 11/10707
Date de la décision : 24/01/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 7B, arrêt n°11/10707 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-01-24;11.10707 ?
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