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10/01/2012 | FRANCE | N°10/22681

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre b, 10 janvier 2012, 10/22681


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 10 JANVIER 2012



N°2012/45

BP













Rôle N° 10/22681







[T] [C]





C/



Société TEXAS INSTRUMENTS FRANCE



































Grosse délivrée le :



à :

Me GAILHBAUD, avocat au barreau de GRASSE



Me THOMAS, avoc

at au barreau de PARIS





Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE en date du 08 Décembre 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 09/1389.





APPELANT



Monsieur [T] [C], demeurant [Adresse 1]



représent...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 10 JANVIER 2012

N°2012/45

BP

Rôle N° 10/22681

[T] [C]

C/

Société TEXAS INSTRUMENTS FRANCE

Grosse délivrée le :

à :

Me GAILHBAUD, avocat au barreau de GRASSE

Me THOMAS, avocat au barreau de PARIS

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE en date du 08 Décembre 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 09/1389.

APPELANT

Monsieur [T] [C], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Christine GAILHBAUD, avocat au barreau de GRASSE

INTIMEE

Société TEXAS INSTRUMENTS FRANCE, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Philippe THOMAS, avocat au barreau de PARIS

([Adresse 2])

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 24 Novembre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Brigitte PELTIER, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Yves ROUSSEL, Président

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller

Madame Brigitte PELTIER, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Monique LE CHATELIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Janvier 2012.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Janvier 2012

Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame Monique LE CHATELIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [T] [C] a été engagé par la société Texas Instruments France à compter du 4 septembre 2006 en qualité d'ingénieur de test, après avoir intégré le site de [Localité 4] à compter du 22 février 2006 en qualité de salarié intervenant pour une entreprise sous- traitante ; Il a été licencié pour motif économique par courrier en date du 9 mars 2009 ;

Par déclaration du 17 décembre 2010, M. [C] a interjeté appel d'un jugement en date du 8 décembre 2010, notifié le 9, au terme duquel le conseil de prud'hommes de Nice a dit son licenciement justifié, l'a débouté de toutes ses demandes et condamné au paiement d'une somme de 100 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes des écritures, reprises oralement à l'audience, et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions, les parties formulent les demandes suivantes :

M. [C] conclut à la réformation de la décision entreprise, à la nullité du plan de sauvegarde l'emploi, à l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement, à la requalification en relation de travail des mois de février à septembre 2006, exécutés en sous traitance, à la condamnation de l'employeur à calculer et payer l'indemnité de licenciement en considération de son ancienneté de 3 ans, au paiement de la somme de 23.172,50 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, 40.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre entiers dépens  ;

Il soutient que le plan de sauvegarde de l'emploi, insuffisant en considération des moyens dont dispose le groupe Texas Instruments, doit être considéré comme nul et que l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement se déduit de cette nullité ; qu'en toute hypothèse, le licenciement se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse faute de réel motif économique ; il ajoute que l'employeur a méconnu ses obligations de reclassement, de formation et d'adaptation ;

La société Texas Instruments France conclut à la confirmation du jugement déféré ainsi qu'au débouté de M. [C] outre sa condamnation au paiement d'une somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle soutient que le plan de sauvegarde l'emploi est conforme aux articles L.1233-61 et suivants du code du travail ; que le motif économique du licenciement est réel ; qu'elle a respecté l'obligation de moyens mise à sa charge en matière de reclassement ; que M. [C] n'a subi aucun préjudice ; qu'aucun lien de subordination n'a existé au cours de la période d'emploi en qualité de salarié d'une entreprise de sous-traitance ;

SUR CE

Sur la nullité du plan de sauvegarde l'emploi :

En application de l'article 1233-61 du code du travail, « Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, lorsque le projet de licenciement concerne dix salariés ou plus dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en 'uvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. Ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment celui des salariés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile. »

Au cas d'espèce, il ressort du préambule du projet tel que produit au dossier, que le plan de sauvegarde de l'emploi porte sur la suppression de 305 postes, résultant d'un repositionnement stratégique de l'entreprise, impliquant l'abandon d'activités en perte au profit d'un recentrage sur les segments en croissance ;

M. [C] soutient qu'en considération des moyens dont dispose le groupe Texas Instruments, a réalisé en 2007 un chiffre d'affaire de 13,8 milliards de dollars et employait à cette date 30.000 salariés le plan de sauvegarde de l'emploi est nul comme insuffisant en ce qui concerne les mesures de reclassement internes comme externes ; Il observe en ce sens qu'en février 2009, seuls trois postes ont été identifiés comme disponibles en interne, et ce, alors qu'aucune précision n'a été donnée quant aux postes occupés par des sous-traitants et intérimaires ;

La société Texas Instruments France soutient que le plan de sauvegarde l'emploi est conforme aux articles L.1233-61 et suivants du code du travail ; elle fait valoir que le comité d'entreprise a rendu un avis favorable ; Elle indique avoir procédé à une réelle recherche exhaustive de postes de reclassement au sein du groupe et avoir ainsi recensé 16 postes disponibles, nombre qu'elle estime satisfaisant compte tenu de l'ampleur mondiale de la réorganisation ; Elle observe que 7 pages sont consacrées au reclassement interne et qu'ainsi, le plan contient une série de mesures précises et concrètes de reclassement ; elle ajoute que les informations relatives au nombre de sous-traitants ont été données au comité d'entreprise, que ce nombre a été ramené de 351 en 2007 à 168 au début de l'année 2009, 36 à la fin du mois de septembre 2009 et 19 au 30 juin 2010 ; enfin, elle indique que le taux de reclassement de 93 %, a été considéré comme très positif par la direction du travail ;

De fait, le plan de sauvegarde de l'emploi tel que produit au dossier, comporte en effet un premier chapitre « intitulé mesures destinées à limiter le nombre des licenciements envisagés » dont le premier volet porte sur le reclassement interne (pages 23 à 29) et l'aide au départ volontaire (pages 29 à 38) ;

Toutefois, il ressort de l'annexe II, qu'en réalité, au 12 février 2009, seuls 3 postes (2 aux Etats-Unis et 1 en Malaisie) sont offerts au titre du reclassement interne, de sorte que les 7 pages consacrées à cette question (portant sur les modalités de diffusion des postes, le calendrier, ainsi que les mesures d'accompagnement) ne présentent qu'un caractère très théorique, et ce, sans qu'aucune explication ne soit avancée quant à ce nombre particulièrement réduit au regard tant de l'importance du groupe, que de l'obligation de reclassement incombant à l'employeur, prioritairement au sein de l'entreprise comme du groupe auquel elle appartient ; par ailleurs, si ce plan décline les mesures destinées à faciliter le reclassement des salariés licenciés, il n'évoque aucune des mesures envisagées pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre et en tout état de cause n'indique pas la nature des emplois susceptibles d'être proposés à l'intérieur de groupe ; Aucune conséquence n'est tirée du nombre d'heures supplémentaires comptabilisées par les salariés, et aucune réduction du temps de travail n'est envisagée ; en outre, si la diminution des postes en sous traitance a été évoquée à l'occasion des consultations du comité d'entreprise, aucune indication ne résulte du plan de sauvegarde de l'emploi alors cependant que le recours à cet emploi extérieur a été maintenu et que M. [C] affirme sans être contredit que certains de ces salariés ont été récemment engagés par la société Texas Instruments France ; enfin, aucune formation susceptible de permettre un renforcement technique des activités maintenues et des activités en développement n'est envisagé ;

Il s'ensuit qu'au regard des moyens de la société Texas Instruments France, filiale du groupe Texas Instruments International, présent dans de nombreux pays, laquelle employait en France au 3 novembre 2008, 974 salariés, dont 912 sur le site de [Localité 4], (et 1.200 en ce compris les sous-traitants) M. [C] est fondé à soutenir que le plan de sauvegarde de l'emploi, dont la pertinence s'apprécie en fonction des moyens dont dispose l'entreprise, est insuffisant notamment faute de réelles mesures de reclassement à l'intérieur du groupe auquel la société appartient et qu'ainsi, il ne répond pas aux exigences de la loi ;

Il suit de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués par l'appelant, que le licenciement de M. [C] ne peut qu'être déclaré sans cause réelle et sérieuse et que le jugement déféré sera infirmé de ce chef ;

Sur la requalification de la période d'emploi du 22 février au 4 septembre 2006 :

Par des motifs pertinents que la cour adopte, les 1ers juges ont rejeté cette demande en observant que les pièces produites par M. [C] (3 échanges de mails outre un relevé de compte au titre de quatre jours de congé) ne sont pas de nature à démontrer l'existence d'un lien de subordination avec la société Texas Instruments France, auprès de laquelle il est intervenu en qualité de salarié d'une entreprise sous-traitante ;

Il en résulte que le jugement déféré sera confirmé de ce chef et, par voie de conséquence en ce qu'il déboute M. [C] de ses demandes en paiement formées à titre de rappel de salaire ou indemnité pour travail dissimulé ;

Sur la demande à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

En application de l'article 1235-3 du code du travail : « Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, (...) le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9. » ;

Pour s'opposer à la demande en paiement, la société Texas Instruments France fait valoir que M. [C] ne justifie d'aucun préjudice, qu'il a perçu une somme de 31.574 euros à titre d'indemnité de licenciement (dont 29.423 euros à titre d'indemnité complémentaire prévue par le plan de sauvegarde de l'emploi) outre une indemnité de congé de reclassement d'un montant de 2.500 euros durant 2 mois et qu'il a retrouvé un emploi sous contrat à durée indéterminée ;

De fait M. [C] justifie avoir retrouvé un emploi en qualité de cadre à compter du 29 juillet 2009, moyennant paiement d'une rémunération mensuelle brute de 4.250 euros ;

Par suite, et compte tenu de son salaire mensuel moyen annuel de 46.345 euros, il convient de condamner la société Texas Instruments France au paiement de la somme de 23.172,50 euros ;

Sur les dépens et l'article 700 du nouveau code de procédure civile :

La société Texas Instruments France qui succombe à l'instance d'appel est condamnée à en payer les dépens.

Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile : « Comme il est dit au I de l'article 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » ; Au cas d'espèce, aucune circonstance ne justifie qu'il soit fait droit aux demandes formées au titre des frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant en audience publique, par arrêt contradictoire, en matière prud'homale,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [T] [C] de ses demandes à fins de nullité du plan de sauvegarde de l'emploi et paiement d'une indemnité à titre de dommages et intérêts sans cause réelle et sérieuse, et statuant de nouveau,

Déclare nul le plan de sauvegarde de l'emploi.

Condamne la société Texas Instruments France à payer à M. [T] [C] la somme de 23.172,50 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre entiers dépens.

Confirme le jugement déféré pour le surplus.

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre b
Numéro d'arrêt : 10/22681
Date de la décision : 10/01/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 7B, arrêt n°10/22681 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-01-10;10.22681 ?
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