La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/01/2012 | FRANCE | N°10/02897

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre b, 05 janvier 2012, 10/02897


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 05 JANVIER 2012



N°2012/



Rôle N° 10/02897







SARL SUPERPLAN





C/



[Y] [C]























Grosse délivrée le :



à :



Me Julien DUMOLIE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



Me Patrick CAGNOL, avocat au barreau de MARSEILLE







Copie certifiée conforme délivrÃ

©e aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE en date du 19 Janvier 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 08/1195.





APPELANTE



SARL SUPERPLAN, demeurant [Adresse 1]



représentée par Me Ju...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 05 JANVIER 2012

N°2012/

Rôle N° 10/02897

SARL SUPERPLAN

C/

[Y] [C]

Grosse délivrée le :

à :

Me Julien DUMOLIE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Patrick CAGNOL, avocat au barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE en date du 19 Janvier 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 08/1195.

APPELANTE

SARL SUPERPLAN, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Julien DUMOLIE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

Madame [Y] [C], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Patrick CAGNOL, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Elodie FONTAINE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 21 Novembre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Françoise GAUDIN, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre

Madame Brigitte BERTI, Conseiller

Madame Françoise GAUDIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Janvier 2012.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Janvier 2012

Signé par Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Madame [Y] [C] a été embauchée à compter du 13 mars 2000 par la société SARL SUPERPLAN suivant contrat saisonnier de trois mois, en qualité d'ouvrière horticole, coefficient 100 de la convention collective des salariés d'exploitations agricoles des Bouches du Rhône.

Les relations contractuelles se sont poursuivies au delà du terme de ce contrat à durée déterminée .

A compter du 1er septembre 2003, la salariée se voyait attribuer le coefficient 135.

Par lettre du 18 juin 2005, Madame [C] prenait acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur.

Par courrier du 8 juillet suivant, l'employeur la mettait en demeure de reprendre son travail.

En l'absence de réponse de la salariée, ladite société la licenciait pour faute grave, à savoir absence injustifiée à son poste de travail , par lettre du 3 août 2005.

Considérant que la rupture du contrat de travail était imputable à son employeur, le 29 décembre 2008, Madame [C] a saisi le Conseil des Prud'hommes d'AIX EN PROVENCE en paiement d'indemnités liées à la rupture abusive et de demande en paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

Par jugement en date du 19 janvier 2010, le Conseil des prud'hommes d' AIX EN PROVENCE a :

. dit que la rupture des relations contractuelles s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. condamné la SARL SUPERPLAN à payer à Madame [C] les sommes suivantes :

-

2.742,88 € à titre d'indemnité de préavis,

274,28 € à titre de congés payés sur préavis,

1.440,01 € à titre d'indemnité légale de licenciement,

8.228,64 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

900 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

et à lui délivrer les documents de rupture rectifiés,

. débouté les parties de leurs autres demandes.

La société SUPERPLAN a interjeté appel de cette décision le 11 février 2010.

Elle demande l'infirmation du jugement entrepris, sauf en ce qu'il a rejeté la demande au titre du harcèlement moral, de dire et juger que la prise d'acte de rupture s'analyse en une démission et de débouter la salariée de toutes ses demandes, outre sa condamnation au paiement d'une somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame [C] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné la société SUPERPLAN à lui payer les sommes suivantes :

2.742,88 € à titre d'indemnité de préavis,

274,28 € à titre de congés payés sur préavis,

1.440,01 € à titre d'indemnité légale de licenciement,

8.228,64 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

900 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

et à lui délivrer les documents de rupture rectifiés.

Elle demande sa réformation pour le surplus et la condamnation de l'employeur au paiement de la somme de 8.000 € à titre de dommages et intérêts au titre d'agissements de harcèlement moral à son encontre et celle de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

MOTIFS

Sur la rupture du contrat de travail :

Attendu que Madame [C] a écrit selon LRAR à son employeur, le 18 juin 2005 un courrier libellé en ces termes :

« Je suis au regret de vous indiquer que je ne me présenterai plus définitivement à mon poste de travail à compter du 18 juin 2005. Ce départ coupant la relation contractuelle ne s'assimile aucunement à une démission mais s'analyse en une rupture imputable à l'employeur. Cette décision a été prise après concertation auprès de l'inspection du travail.

Cette rupture est provoquée par vos seuls torts exclusivement perdurés tout au long de la relation contractuelle :

inexécution contractuelle ( irrégularité en congés payés et leur fixation)

inexécution conventionnelle ( application du coefficient rappel de salaire)

détournement de pouvoir incessant de votre part (attitude provocante , attitude vexatoire..)

 à cela s'ajoute le climat déplorable entourant l'exécution du contrat de travail ( dégradation de mon véhicule)

Faisant corps avec la présente s'ajoute également les nombreuses réclamations et griefs dans mes précédents courriers..»

Qu'en l'espèce, la salariée a reproché des manquements à son employeur l'empêchant de poursuivre normalement l'exécution de son contrat de travail.

Attendu que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ;

Que le juge saisi de la légitimité d'une telle prise d'acte de rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, doit examiner l'ensemble des griefs formulés par le salarié, fussent-ils développés postérieurement à ladite prise d'acte ;

sur la qualification

Attendu que Madame [C] soutient que classée au coefficient 135 de la convention collective à partir de septembre 2003, elle aurait du bénéficier du coefficient 155.

Que selon la définition de la convention collective de l'emploi d'ouvrier hautement qualifié, coefficient 155, ce dernier est « responsable de la bonne exécution de son travail. Met en 'uvre les directives concernant la sécurité et peut contrôler occasionnellement une équipe.. »

Qu'un tel contrôle n'a jamais été demandé à Madame [C] et celle-ci n'a jamais contesté par la suite sa classification professionnelle.

sur les congés payés

Attendu que la salariée reproche à l'employeur des irrégularités dans la prise de ses congés payés.

Que cependant, il résulte des correspondances nombreuses échangées entre les parties que l'employeur a toujours répondu favorablement aux demandes de sa salariée ( courriers société des 6/10/2003, 7 mars 2005) , alors que cette dernière refusait de prendre ses congés aux périodes fixées par l'employeur et modifiait à sa guise les périodes lui convenant (courriers salariée des 7 et 13 novembre 2003).

Que de même, la salariée sollicitait a posteriori de son employeur qu'il compte en jours de congé des journées d'absence non justifiées ( cf courrier 3/10/2003) .

sur le détournement de pouvoir incessant et le climat déplorable

Attendu que la salarie a fait l'objet de plusieurs avertissements ( 30 novembre 2004, 24 février 2005 après entretien préalable , 14 avril 2005) qu'elle n'a jamais contestés, et pour des faits établis par des attestations régulières et probantes ( [P], [M] et [R]), notamment des insultes envers une autre salariée.

Que les plaintes pénales pour dégradation de son véhicule sur le parking de la clientèle ne sauraient être imputées à l'employeur.

Que le climat déplorable évoqué par la salariée résulte en grande partie de son fait, à savoir qu'elle a initié un déferlement de lettres recommandées à son employeur sur le moindre problème , entraînant réponse de celui-ci, plaçant dès lors la relation contractuelle sur un terrain pré-contentieux.

Que dès lors, les manquements que Madame [C] reproche à l'employeur ne sont pas établis alors qu'il résulte des pièces du dossier que la salariée ne remplissait pas ses obligations contractuelles, ne respectant pas les consignes de travail ainsi qu'il en résulte des nombreuses lettres recommandées que lui a adressées l'employeur à ce sujet (LRAR des 6/10 et 25/11/2003, 13/04/2004..).

sur le harcèlement moral

Attendu que selon l'article L 122-49 du code du travail issu de la loi du 17 janvier 2002 devenu l'article L 1152-1 , le harcèlement se caractérise par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Attendu que le salarié qui s'estime victime de harcèlement moral doit désormais établir des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement, selon l'article L 1154-1 du code du travail ;

Qu'en l'espèce, la salariée invoque plus de trois ans après la rupture du contrat de travail des agissements de l'employeur ayant eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail, à savoir :

. non accès aux toilettes,

. interdiction de s'asseoir,

. interdiction de téléphoner,

. obligation d'utiliser le parking clients,

. véhicule vandalisé.

Que la société appelante a rappelé à la salariée dans un courrier du 30 novembre 2004 que la pause est acceptée mais qu'elle n'est pas obligatoire dans la mesure où le travail de Madame [C] ne durait que 4 heures consécutives.

Que la salariée bénéficiait de deux temps de pause , de 10h à 10h10 et de 16h à 16h10 et pouvait donc satisfaire ses besoins physiologiques.

Que les reproches qui ont été faits à la salariée étaient d'ordre professionnel, ainsi l'interdiction du téléphone personnel pendant les heures de travail, par courrier du 13 avril 2004, l'interdiction de faire des achats personnels au sein de l'entreprise pendant les heures de travail, de ne pas amener son chat sur le lieu de travail, de travailler debout quand le travail assis n'avance pas.

Que le harcèlement ne saurait résulter du pouvoir de direction de l'employeur, celui-ci n'étant pas abusif au regard des instructions données ;

Qu'il résulte des pièces du dossier et des nombreux courriers recommandés adressés par la salariée à son employeur que Madame [C] provoquait des incidents de nature à perturber le climat de travail.

Qu'ainsi Monsieur [N], horticulteur, atteste « J'ai pu constater malgré mon entrée récente dans votre entreprise que vos employées [O] [D] et [Y] [C] faisaient tout pour dégrader les relations entre les membres de l'équipe. En effet, quand [S] [J] passe, elles se moquent d'elles en la traitant « espèce de poufiasse » en faisant des gestes obscènes avec les mains.

Depuis mon entrée, elles me persécutent en me disant du mal sur les membres de l'entreprise. »

Que de même d'autres salariés se plaignaient du comportement de Madame [C] à leur égard (attestations [M] et Mademoiselle [G]).

Que la salariée reproche à son employeur de ne pas avoir pris en compte ses problèmes de santé, alors qu'à l'inverse, l'employeur à l'issue du dernier arrêt maladie, a organisé la visite de reprise comme il en a l'obligation , a écrit au médecin du travail pour avis et préconisations de ce dernier sur les possibilités de travail de la salariée, compte tenu des réserves d'aptitude formulées lors dudit examen de reprise.

Attendu que le médecin du travail, par courrier du 13 décembre 2004, confirmait que les règles de sécurité avaient bien été respectées, sauf 4 points qui ont été revus par la société.

Qu'en conséquence, la salariée n'établit pas la réalité d'agissements répréhensibles

de l'employeur de nature à caractériser du harcèlement moral au sens du texte susvisé et c'est justement que la salariée a été déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

Que dès lors, en l'absence de faits suffisamment graves pour justifier la rupture aux torts de l'employeur, il convient de dire et juger que prise d'acte de la salariée doit avoir les effets d'une démission, abstraction faite des motifs relatifs au licenciement auquel l'employeur a procédé après ladite prise d'acte et qui , de ce fait, doit être considéré comme non avenu.

Que le jugement sera infirmé sur les effets de la prise d'acte et ses conséquences.

Que Madame [C] sera déboutée de toutes ses demandes indemnitaires au titre de la rupture du contrat de travail.

Que compte tenu de leur situation respective , aucune considération d'équité ne commande l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties ;

Vu l'article 696 du Nouveau Code de Procédure Civile;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

Réformant pour le surplus,

Dit et juge que la prise d'acte de la rupture par la salariée doit avoir les effets d'une démission.

Déboute Madame [C] de toutes ses demandes.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile .

Condamne Madame [C] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre b
Numéro d'arrêt : 10/02897
Date de la décision : 05/01/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9B, arrêt n°10/02897 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-01-05;10.02897 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award