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14/12/2011 | FRANCE | N°09/17363

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 2e chambre, 14 décembre 2011, 09/17363


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

2ème Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 14 DECEMBRE 2011



N° 2011/ 494













Rôle N° 09/17363







Société BEACON ESTATE (CHEPSTOW) LIMITED



C/



Société MAN Nutzfahrzeuge AG



S.A. MONACO MARINE FRANCE (RIVIERA MARINE DIESEL)



S.A. GENERALI IARD



S.A. NANNI INDUSTRIES



Société HDI-GERLING















Grosse déliv

rée

le :

à : SIDER

MAYNARD

TOUBOUL

COHEN

BLANC

LATIL

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce d'ANTIBES en date du 11 septembre 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 2004 005828





APPELANTE



Société BEACON ESTAT...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

2ème Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 14 DECEMBRE 2011

N° 2011/ 494

Rôle N° 09/17363

Société BEACON ESTATE (CHEPSTOW) LIMITED

C/

Société MAN Nutzfahrzeuge AG

S.A. MONACO MARINE FRANCE (RIVIERA MARINE DIESEL)

S.A. GENERALI IARD

S.A. NANNI INDUSTRIES

Société HDI-GERLING

Grosse délivrée

le :

à : SIDER

MAYNARD

TOUBOUL

COHEN

BLANC

LATIL

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce d'ANTIBES en date du 11 septembre 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 2004 005828

APPELANTE

Société BEACON ESTATE (CHEPSTOW) LIMITED prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est sis [Adresse 7])

représentée par la SCP SIDER, avoués à la Cour,

plaidant par Me Nicolas SORENSEN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEES

Société MAN Nutzfahrzeuge AG prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est [Adresse 5]

représentée par la SCP MAYNARD SIMONI, avoués à la Cour,

plaidant par Me Jean-Claude SASSATELLI, avocat au barreau de MARSEILLE

S.A. MONACO MARINE FRANCE (RIVIERA MARINE DIESEL) prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est [Adresse 3]

représentée par la SCP MJ DE SAINT FERREOL ET COLETTE TOUBOUL, avoués à la Cour,

plaidant par Me Bertrand COSTE, avocat au barreau de MARSEILLE

S.A. GENERALI IARD, prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par la SCP COHEN GUEDJ, avoués à la Cour,

plaidant par la SCP BELDEV, avocats au barreau de PARIS

S.A. NANNI INDUSTRIES prise en la personne de son dirigeant en exercice

dont le siège social est [Adresse 4]

représentée par la SCP BLANC CHERFILS, avoués à la Cour,

plaidant par la SCP LAROQUE & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS

Société HDI-GERLING, prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est sis [Adresse 6]

représentée par la SCP LATIL PENARROYA-LATIL ALLIGIER, avoués à la Cour,

plaidant par Me Etienne BOYER, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 21 novembre 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de procédure civile, Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Robert SIMON, Président

Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller

Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Mireille MASTRANTUONO

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 décembre 2011.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 décembre 2011,

Signé par Monsieur Robert SIMON, Président, et Madame Mireille MASTRANTUONO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *

F A I T S - P R O C E D U R E - D E M A N D E S :

La société britannique BEACON ESTATE (CHEPSTOW) Limited est propriétaire du navire SUPERTOY amarré au port d'[Localité 2], construit en 1993 avec une longueur hors tout de 27 m 90 et deux moteurs d'une puissance chacun de 1 100 cv.

Pour le remplacement de ces derniers cette société s'est adressée à la S.A. MONACO MARINE FRANCE (RIVIERA MARINE DIESEL), assurée auprès de la S.A. GENERALI IARD; les moteurs de type D 2842 LE 406, fabriqués par la société alle-mande MAN NUTZFAHRZEUGE AG, lui ont été commandés le 10 décembre 2002 pour le prix de 92 895,20 euros par son importateur pour la France la S.A. NANNI INDUS-TRIES, assurée auprès de la société allemande HDI GERLING; celle-ci les a facturés le 19 suivant pour le prix de 111 710,00 H.T. à la société MONACO MARINE, laquelle le lendemain 20 décembre les a facturés pour le prix de 133 248,48 euros H.T. à la société BEACON.

Les travaux ont été réceptionnés en janvier 2003 et ce prix réglé, mais la société BEACON reste devoir une facture de 19 696,32 euros H.T. établie le 28 dudit mois par la société MONACO MARINE pour la pose des moteurs.

La société BEACON, invoquant des vibrations sur les nouveaux moteurs, a obtenu par ordonnances des 21 janvier 2005 et 23 avril 2007 la désignation en qualité d'expert de Monsieur [I] [D], lequel a déposé son rapport le 14 mai 2008.

Le Tribunal de Commerce d'ANTIBES, par jugement du 11 septembre 2009 visant les articles 1134 et suivants ainsi que 1382 et suivants du Code Civil, et chiffrant à 112 574 euros le coût global de la rénovation des moteurs, a :

* dit opposables les opérations d'expertise à la société MAN;

* rejeté la prescription soulevée par les sociétés NANNI et HDI GERLING;

* déclaré responsables in solidum des vibrations causées par les moteurs la société MONACO MARINE installateur à hauteur de 50 %, la société MAN fabricant à hauteur de 30 % et la société NANNI revendeur France à hauteur de 20 %;

* déclaré les sociétés HDI GERLING et GENERALI responsables de leurs clients les sociétés NANNI et MONACO MARINE dans la limite des accords souscrits au bénéfice de la responsabilité civile;

* condamné la société MONACO MARINE à payer à la société BEACON la somme en principal de 56 287,00 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 mai 2008;

* condamné la société MAN à payer à la société BEACON la somme en principal de

33 772,20 euros avec intérêts de même;

* condamné la société NANNI à payer à la société BEACON la somme en principal de 22 514,80 euros avec intérêts de même;

* dit n'y avoir lieu à capitalisation;

* débouté la société BEACON de ses demandes liées aux frais engagés et aux pertes d'exploitation pour les exercices 2006 et 2007;

* condamné la société BEACON à payer à la société MONACO MARINE la somme de 19 696,32 euros objet de l'assignation en date du 10 novembre 2004 par compensation avec la condamnation principale;

* dit n'y avoir lieu aux dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile;

* condamné in solidum les sociétés MAN, NANNI et MONACO MARINE aux entiers dépens.

La société BEACON ESTATE (CHEPSTOW) Limited a régulièrement interjeté appel le 28 septembre 2009. Par conclusions du 20 octobre 2011 elle soutient notamment que :

- ayant pris la décision de remplacer les moteurs elle s'est adressée à la société MAN, et à la société MONACO MARINE qui a consulté la société NANNI; à l'apparition des vibrations elle en a informé la société MAN;

- cette dernière a conçu et fabriqué les moteurs, et participé à l'étude de motorisation du navire comme la société NANNI qui est également intervenue dans l'installation; la société MONACO MARINE a vendu et installé ceux-ci;

- le Tribunal aurait dû condamner ces 3 sociétés sans le partage de responsabilité qui ne s'applique que dans les rapports internes de celles-ci;

- elle justifie avoir engagé et réglé des frais (salaires et factures) pour un total de 40 860,88 euros; ses pertes d'exploitation sont justifiées pour 170 718,24 euros;

- la prescription annale de l'article 8 de la loi du 3 janvier 1967 ne peut bénéficier qu'au constructeur-réparateur du navire, ce que n'est pas la société NANNI, tandis que la société MONACO MARINE a contractuellement (lettre du 31 octobre 2002) renoncé à se préva-loir de ce délai en offrant une garantie de 2 ans;

- des correspondances ont été échangées entre elle et la société NANNI au sujet des nou-veaux moteurs avant leur installation; cette société comme la société MONACO MARINE connaissaient la note d'information de la société MAN du 2 octobre 2001 mentionnant des problèmes de vibrations sur les moteurs du type de ceux litigieux.

L'appelante demande à la Cour, vu les articles 1134 et suivants, 1154, 1382 et sui-vants du Code Civil, 515 et suivants, 696 et 700 du Code de Procédure Civile, de :

- déclarer les sociétés MAN, MONACO MARINE et NANNI responsables in solidum de vibrations causées par les moteurs conçus, fabriqués et fournis par la société MAN, vendus par la société NANNI à la société MONACO MARINE, puis (re)vendus et installés par celle-ci à bord du navire SUPERTOY, et plus généralement des défauts desdits moteurs, et encore de leur inadaptation au navire et de toutes ses conséquences;

- condamner ces sociétés, ensemble les sociétés HDI GERLING et GENERALI, in solidum, à réparer l'entier préjudice subi par elle et à lui payer la somme de 324 153,12 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 mai 2008, lesquels seront capitalisés conformément à l'article 1154 du Code Civil;

- condamner in solidum les sociétés MAN, MONACO MARINE, GENERALI, NANNI et HDI GERLING à lui payer la somme de 70 000,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile;

- et ordonner la compensation entre les condamnations prononcées au profit de la société MONACO MARINE contre elle, et celles prononcées contre cette société au profit d'elle.

Concluant le 5 octobre 2011 la S.A. NANNI INDUSTRIES répond notamment que :

- elle n'a fait que fournir les moteurs à la société MONACO MARINE, laquelle a procédé à la préconisation et à l'étude de la remotorisation, mais n'a elle-même été que l'inter-médiaire entre la société MAN qui a livré directement cette société, sans elle-même avoir procédé à une étude technique (qui n'est pas mentionnée dans les commande et facture) ni avoir été consultée pour cette dernière ni avoir connu le navire; la société MONACO MARINE a été le maître d'oeuvre et d'ouvrage exclusif; la société BEACON a traité avec cette société et la société MAN les conditions de remplacement des moteurs; le lien de causalité entre les manquements imaginaires allégués contre elle et le préjudice dont se targue la société BEACON avec qui elle n'a aucun lien contractuel fait défaut et n'est pas établi;

- l'action contre elle se prescrit par 1 an : les moteurs ont été réceptionnés le 7 janvier 2003, alors qu'elle n'a été assignée par la société BEACON que le 13 décembre 2004 en référé-expertise, et le 1er mars 2007 au fond;

- la société GENERALI garantit la société MONACO MARINE par une assurance de responsabilité et non une assurance de chose; cet assureur ne peut agir contre elle-même faute de relation entre eux;

- l'expert judiciaire n'était pas un spécialiste des vibrations et n'a pas procédé à des essais vibratoires, tandis qu'il n'a pas contrôlé la conformité au plan du montage réalisé par la société MONACO MARINE;

- aucune perte d'exploitation résultant de l'immobilisation du navire ne peut lui être récla-mée, d'autant qu'elle n'est pas justifiée;

- son assureur la société HDI GERLING lui doit garantie pour tous les frais autre que la réparation des moteurs, laquelle s'élève à la somme de 112 574,00 euros;

- elle a mis la société MAN en cause dès le 19 décembre 2005; les conditions générales de vente de celle-ci fixant le délai de prescription à 1 an sont inconnues d'elle-même et donc inopposables, d'autant que ce délai ne concerne que les vices cachés alors que les désordres vibratoires des moteurs résultent d'un manquement au devoir de conseil;

- la société MAN ne justifie ni du principe de l'application à toutes deux du droit allemand, ni du contenu de celui-ci;

- elle-même n'a pu mettre en cause cette société avant d'être assignée le 24 mars 2005 par la société MONACO MARINE et le 1er mars 2007 par la société BEACON.

La société NANNI demande à la Cour de :

- à titre principal infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée et :

. constater qu'elle n'est pas partie à la commande et à la vente des moteurs, dans le cadre d'une remotorisation sous la seule maîtrise d'oeuvre de la société MONACO MARINE;

. dire et juger que seule cette dernière est débitrice d'une éventuelle obligation de conseil au surplus après livraison directe des moteurs par la société MAN;

. constater que la commande à elle-même et sa facture n'incluent aucun frais d'étude, notamment vibratoire;

. dire et juger qu'elle et la société MAN n'ont pas été consultées de façon explicite par la société MONACO MARINE pour étudier cette remotorisation;

. dire et juger qu'en ce qui concerne les vibrations ayant été constatées, du propre aveu de la société BEACON dès avant la recette des moteurs le 7 janvier 2003, la responsabilité d'elle-même ne peut être valablement recherchée;

. la mettre hors de cause;

. subsidiairement confirmer le jugement en ce qu'il a limité sa part de responsabilité mais statuer sur son appel en garantie ci-après;

. en tout état de cause : débouter la société BEACON faute de justification de son prétendu préjudice immatériel; limiter le préjudice indemnisable aux seuls frais de réparation de moteurs s'élevant à la somme de 112 574,00 euros; dire et juger que les intérêts légaux, s'il y a lieu, ne courront qu'à compter de l'arrêt à intervenir; exclure toute demande de capitalisation des intérêts;

- sur les demandes en garantie de la société MONACO MARINE et de la société GENERALI à son encontre les dire irrecevables et/ou mal fondées;

- sur ses demandes en garantie et sur la garantie contractuelle de la société HDI GERLING :

. confirmer le jugement sur le principe de la garantie de cette dernière;

. débouter la société MAN de ses fins de non recevoir;

. condamner in solidum la société MAN d'une part, la société HDI GERLING d'autre part, mais également la société MONACO MARINE et son assureur la société GENERALI à payer directement à leur bénéficiaire la totalité des condamnations qui seraient mises à la charge d'elle-même;

. condamner in solidum ces sociétés à l'indemniser ou garantir de l'ensemble des conséquences de cette affaire en principal, intérêts, frais, dépens ou autres;

- sur l'article 700 du Code de Procédure Civile et les dépens :

. condamner la société BEACON ou tout succombant à lui payer la somme de 35 000,00 euros H.T. en vertu de cet article;

. dire et juger que les dépens notamment de l'expertise judiciaire seront mis in solidum à la charge des sociétés BEACON, MONACO MARINE, GENERALI et MAN, subsidiairement partagés à titre principal à parts égales ou viriles entre la société BEACON et la société MAN;

. si une part des dépens était laissées à sa charge, condamner à garantie solidaire les sociétés MAN, HDI GERLING, BEACON, MONACO MARINE et GENERALI.

Par conclusions du 12 octobre 2011 la S.A. GENERALI IARD répond notamment que :

- elle s'associe à l'argumentation de son assurée la société MONACO MARINE s'agissant de la mise en cause de sa responsabilité, de la prescription de l'action et des préjudices; cette société n'a été que le fournisseur des moteurs, leur préconisation ayant été faite par la société MAN; les moteurs ne sont affectés d'aucune vice et ont été installés correctement par la société MONACO MARINE; la société MAN qui connaissait toutes les caracté-ristiques du navire a prescrit le remplacement des moteurs et préconisé les nouveaux, la société MONACO MARINE n'ayant fait que l'intermédiaire entre cette société et la société BEACON; son assurée a systématiquement pris en considération et suivi les instructions des sociétés NANI et MAN, et doit être mise hors de cause;

- les conditions générales de la police d'assurance comportent en page 23 deux exclusions, d'une part les frais de réparation des moteurs vendus et installés par la société MONACO MARINE, et d'autre part les dommages immatériels tels que pertes d'exploitation qui ne sont pas la conséquence d'un dommage matériel garanti d'autant que les vibrations ayant créé ces pertes sont survenues dans les 3 mois de la livraison des moteurs;

- elle doit être garantie par les sociétés MAN et NANNI, responsables de la fourniture en connaissance de cause de 2 moteurs manifestement inadaptés au navire;

- son action en tant que subrogée dans les droits de son assurée contre la société MAN est fondée sur l'article 823 du BGB (Code Civil allemand), vu la faute de cette société qui a fourni des moteurs inadaptés.

La société GENERALI demande à la Cour de :

- infirmer le jugement et dire et juger que la responsabilité de la société MONACO MARINE ne peut être retenue;

- subsidiairement dire et juger que la garantie d'elle-même ne peut recevoir application;

- très subsidiairement confirmer le jugement sur le quantum des condamnations;

- dire et juger que la garantie des pertes d'exploitation ne pourra excéder la somme de 80 000,00 euros correspondant au plafond de garantie, sous déduction de la franchise contractuelle de 10 %, avec un minimum de 2 300,00 euros;

- condamner in solidum les sociétés MAN, NANNI et HDI GERLING à la relever et garantir de toute condamnation sur le fondement des articles 1134 et suivants du Code Civil et subsidiairement de l'article 823 du BGB (Code Civil allemand);

- condamner in solidum les sociétés BEACON, MONACO MARINE, MAN, NANNI et HDI GERLING à lui payer la somme de 7 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Concluant le 19 octobre 2011 la S.A. MONACO MARINE FRANCE (RIVIERA MARINE DIESEL) répond notamment que :

- la société MAN a préconisé les nouveaux moteurs;

- l'expert judiciaire a validé la qualité du travail de pose qui n'a pas été payé par la société BEACON;

- elle a pris soin d'assigner la société NANNI près de 2 ans avant que la société BEACON n'assigne au fond tous les protagonistes de l'affaire; s'applique la prescription de 10 ans dans ses rapports avec son vendeur la société NANNI, le sinistre provenant d'un défaut de conception du moteur c'est-à-dire d'un manquement à l'obligation de délivrance conforme, et non d'un vice caché;

- lors de la commande par la société BEACON elle a exceptionnellement accepté d'étendre de 6 mois à 2 ans la durée de la garantie contractuelle, mais cette dernière ne s'applique pas puisque le sinistre n'est pas dû à un matériel qu'elle a fabriqué;

- son action directe contre la société MAN est de nature quasi-délictuelle, ce qui exclut tant la prescription d'un ou de deux ans que l'application des conventions de LA HAYE du 15 juin 1955 et de [Localité 8] du 11 avril 1980; cette société ne prouve pas le contenu du droit allemand, lequel prévoit en matière quasi-délictuelle un prescription de 10 ou de 30 ans;

- selon l'expert judiciaire le sinistre a 2 causes :

. un défaut de fonctionnement des moteurs, qui à bas régime n'utilisent que 6 cylindres sur les 12, d'où des vibrations ayant disparu lorsque ces moteurs utilisent 12 cy-lindres quelque soit le régime; ce défaut engage la responsabilité du constructeur la société MAN qui a modifié les caractéristiques des moteurs ce qui a coûté 112 574,00 euros à la société BEACON;

. l'inadéquation des moteurs au navire SUPERTOY : la société NANNI n'a pas fait état d'une quelconque contre-indication au remplacement par une option d'alimentation de 6 puis 12 cylindres, plutôt qu'à la réparation des anciens moteurs;

- la société MAN est responsable comme constructeur alors qu'elle savait depuis sa note technique du 2 octobre 2001 que ce type de moteur étaient affecté de problèmes récurrents de vibrations;

- la société NANNI a insuffisamment satisfait à son obligation de conseil en poussant la société BEACON à remplacer plutôt qu'à réparer et en s'abstenant d'informer elle-même de la tendance des nouveaux moteurs à vibrer, et n'a rien fait alors qu'elle-même est intervenue 37 fois entre le 14 janvier 2003 et le 2 août 2004;

- sa responsabilité ne se justifie pas vu la qualité de sa prestation de pose des moteurs, et l'obligation de commander un calcul de vibrations de torsions suite à l'abstention des sociétés MAN et NANNI sur ce point;

- si elle est responsable sa garantie est limitée aux frais de reconfiguration soit 112 574,00 euros; les frais annexes invoqués par la société BEACON ne sont pas justifiés, tout comme les pertes d'exploitation;

- elle est garantie par son assureur la société GENERALI tant pour les dommages matériels (réparation) vu son absence de faute professionnelle ou de malfaçon technique, que pour le préjudice immatériel puisque la perte de jouissance de la société BEACON est posté-rieure aux 3 mois suivant la livraison et qu'il a fallu une expertise pour mettre en évidence ce dommage.

La société MONACO MARINE demande à la Cour, vu l'article 1134 du Code Civil, de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société BEACON à la payer;

- réformer le reste du jugement et :

. constater que les moteurs construits par la société MAN et vendus par la société NANNI sont affectés de problèmes récurrents de vibrations connus de la société MAN depuis 2001, et que ces 2 sociétés n'ont pas remplis leur obligations de conseil lors de la vente des nouveaux moteurs du navire;

. débouter les sociétés BEACON, NANNI et MAN en toutes leurs demandes;

. juger que le préjudice revendiqué par la société BEACON n'est pas justifié et débouter celle-ci;

. subsidiairement, dans le cas où une part de responsabilité serait mise à la charge d'elle-même, condamner les sociétés MAN et NANNI ainsi que HDI GERLING à la relever et garantir en totalité, ou a minima en totalité des condamnations prononcées au titre des frais annexes et des pertes d'exploitation revendiqués par la société BEACON;

. en tout état de cause condamner la société GENERALI son assureur responsabilité civile à payer directement à leur bénéficiaire la totalité des condamnations qui seraient mises à la charge d'elle-même;

- condamner tout succombant au paiement de la somme de 25 000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Par conclusions du 20 octobre 2011 la société MAN Nutzfahrzeuge AG répond notamment que :

- la société MONACO MARINE a choisi, plutôt que de réparer les moteurs, de les rem-placer par d'autres qu'elle a également choisis; à réception de la commande par la société NANNI elle a livré directement auprès de la société MONACO MARINE; elle n'a pas été consultée sur les réglages-adaptations des moteurs;

- il incombe au juge de rechercher d'office la loi applicable;

- elle a été assignée en référé-expertise le 13 décembre 2004 par la société BEACON mais l'ordonnance subséquente du 21 janvier 2005 a été annulée par un arrêt de cette Cour du 4 mai 2006, ce qui fait que cette assignation n'a pas interrompu la prescription; cette société l'a assignée à nouveau en référé le 2 mars 2007 et au fond le 12 suivant; elle a été assignée au fond par la société NANNI le 19 décembre 2005; or le délai de prescription selon les conditions générales de vente est de 12 mois à compter de la mise en service (réception sans réserves) du 14 ou 30 janvier 2003, et avait donc expiré le 30 janvier 2004; et ce délai suivant le droit commun allemand est de 2 ans à compter de la livraison du 7 janvier 2003, et avait donc expiré le 7 janvier 2005;

- il n'y a eu ni vice de conception ou de fabrication des moteurs, mais un mauvais choix par la société MONACO MARINE uniquement qui a choisi de conseiller ceux-ci à la société BEACON sans qu'elle ne participe à ce choix; l'obligation de conseil d'elle-même n'existe pas en droit allemand; seules les sociétés MONACO MARINE et NANNI étaient à même de rechercher et de définir les besoins de motorisation du navire;

- la somme de 112 574,00 euros pour travaux de réparation n'est pas justifiée dans sa réalité et son paiement par la société BEACON, tout comme les frais et les pertes d'ex-ploitation.

La société MAN demande à la Cour, vu les conventions de LA HAYE du 15 juin 1955 et de ROME du 19 juin 1980, les articles 9 et 122 du Code de Procédure Civile, et la loi allemande, de dire qu'elle a suffisamment rapporté la preuve du contenu du droit allemand concerné par le litige et :

- sur la recevabilité :

. dire que le contrat de vente initial a été conclu entre elle et la société NANNI et se trouve soumis à la loi allemande par l'article XIII de ses conditions générales de vente connues de cette société et par le fait qu'en tant que vendeur elle a sa résidence en Allemagne (article 3.1 de la convention de LA HAYE), et rejeter toute action contre elle fondée sur un autre droit;

. dire et juger qu'en tout état de cause le droit allemand ne reconnaît pas le mécanisme français de l'action directe au bénéfice du tiers au contrat, invoquant la méconnaissance des obligations d'une des parties à celui-ci;

. constater que les actions des sociétés BEACON et MONACO MARINE et des assureurs subrogés reposent sur une prétendue violation des obligations de vendeur incombant à elle-même;

. déclarer irrecevable à l'encontre d'elle toute action de ces tiers au contrat de vente entre elle et la société NANNI et dérivant dudit contrat, pour défaut de droit d'agir;

. dire en conséquence que les actions de toutes parties à la procédure, exceptée celle de la société NANNI, sont irrecevables envers elle-même, faute de droit d'agir;

- sur la prescription : dire et juger que toute action est prescrite et en conséquence déclarer irrecevable toute action contre elle, tant en vertu de ses conditions générales de vente que du droit commun en matière de vente et de bien meuble;

- sur sa responsabilité :

. dire que celle-ci ne peuvent être recherchée qu'en vertu des conditions générales de vente et du droit allemand;

. dire et juger qu'elle a fourni des moteurs exempts de vices et d'anomalies;

. dire et juger qu'elle n'a pas manqué à une obligation de conseil, qui ne pourrait être qu'une obligation allégée au regard de la qualité de professionnel de son seul contractant la société NANNI;

- réformer le jugement en ce qu'il l'a déclarée responsable de 30 % du préjudice subi par la société BEACON;

. dire et juger qu'aucune responsabilité ne peut être mise à sa charge;

. rejeter toute demande de condamnation à son encontre;

- sur les dommages et intérêts :

. constater que le rapport d'expertise n'est pas fondé sur des éléments probants;

. dire et juger que les dommages et intérêts sollicités par la société BEACON ne sont justifiés ni dans leur principe ni dans leur quantum;

. débouter toutes les parties de leurs demandes contre elle;

- en tout état de cause condamner in solidum les sociétés BEACON, NANNI, MONACO MARINE, HDI GERLING et GENERALI à lui payer la somme de

20 000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Par conclusions du 31 octobre 2011 la société HDI GERLING répond notamment que :

- pour des raisons commerciales la société MAN ne pouvait vendre les nouveaux moteurs directement à la société MONACO MARINE, ce qui explique l'intervention de la société NANNI mais lors de la régularisation de la commande; la première société a effectué dans son usine un réglage spécial;

- l'Allemagne n'est pas signataire de la convention de LA HAYE du 15 juin 1955, laquelle ne peut donc être invoquée par la société MAN; elle-même n'a ni connu ni accepté les conditions générales de vente de cette dernière, faute de facture antérieure à la vente litigieuse les mentionnant; et ces conditions sont peu apparentes et rédigées en anglais; le premier maillon de la chaîne est le contrat entre la société NANNI et la société MONACO MARINE, suivi de celui entre la société MAN et la société NANNI, et seul le premier détermine la loi applicable en l'espèce la loi française; l'absence d'action directe en droit allemand n'empêche pas la société NANNI d'agir contre la société MAN sur le fondement de la responsabilité pour produits défectueux;

- les moteurs ont été réceptionnés le 30 janvier 2003, et les désordres découverts le 25 avril suivant même si leur cause n'a pu être identifiée que par l'expert judiciaire, ce qui imposait à :

. la société BEACON d'assigner la société MONACO MARINE dans l'année (loi du 3 janvier 1967 article 8) soit avant le 24 avril 2004; or celle-ci ne l'a fait que le 13 novembre suivant;

. la société BEACON d'assigner la société NANNI à bref délai (article 1648 du Code Civil) vu le défaut de fabrication et/ou de conception qui rend les moteurs impropres à leur destination; or elle ne l'a fait que le 30 novembre 2004;

- la société NANNI n'a participé ni au choix ni à la définition des moteurs, ni à la recherche et à la mise au point des solutions pour remédier aux vibrations, et n'a jamais eu connaissance des caractéristiques du navire et de l'inadaptation à lui des moteurs; la perception d'une marge commerciale ne suffit pas à caractériser une faute contractuelle; cette société n'a pas failli à son obligation de conseil; la négociation technique s'est faite entre la société MAN et la société MONACO MARINE; la note interne de cette première société du 2 octobre 2001 était connue de la seconde;

- la société BEACON ne justifie pas avoir supporté et acquitté plus que les 112 574,00 euros retenus par le Tribunal.

La société HDI GERLING demande à la Cour, vu les articles 1147 et suivants, 1641 et suivants et 1648 du Code Civil, de :

- dire et juger recevable l'action à l'encontre de la société MAN;

- confirmer le jugement en ce que le préjudice de la société BEACON reste limité à la somme de 112 574 euros;

- confirmer le même en ce qu'il considère que les assureurs dont elle-même ne peuvent être tenus au delà des clauses et conditions de leurs polices responsabilité civile respectives;

- infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré responsable la société NANNI à hauteur de 20 % du préjudice subi par la société BEACON;

- dire et juger qu'au regard tant des conditions dans lesquelles la vente a eu lieu que des informations données aucune responsabilité ne peut être mise à la charge de la société NANNI;

- condamner la société BEACON au paiement de la somme de 8 000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 novembre 2011.

Postérieurement sont intervenues, avec demande de révocation de cette dernière :

- le 18 novembre des conclusions de la société MAN;

- le même jour des conclusions et une pièce de la société MONACO MARINE;

- le 21 novembre des conclusions de la société NANNI.

Et les 18-21 novembre la société GENERALI a conclu au rejet de toutes ces conclusions postérieures dont celle de la société MONACO MARINE.

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M O T I F S D E L ' A R R E T :

Sur les conclusions et pièces postérieures à l'ordonnance de clôture :

Selon l'article 784 alinéa 1 du Code de Procédure Civile 'L'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue (...)'; aucune des trois parties ayant déposé des écritures et pièce postérieurement à l'ordonnance de clôture du 4 novembre 2011, soit les sociétés MAN, MONACO MARINE et NANNI, n'ont motivé ou explicité leur demande de révocation de cette ordonnance, et de plus il n'existe aucune cause grave permettant d'accueillir cette demande, laquelle sera rejetée.

Sur la créance de la société MONACO MARINE contre la société BEACON :

Aucune de ces deux sociétés ne critique la partie du jugement ayant condamné la seconde à payer à la première la somme de 19 696,32 euros, pour la facture de pose du 28 janvier 2003; cette partie est donc confirmée.

Sur l'opposabilité des opérations d'expertise judiciaire à la société MAN :

Cette dernière ne critique pas le jugement en ce qu'il a dit opposable à elle les opé-rations de l'expert judiciaire Monsieur [D], et par suite cette décision est confirmée.

Sur les diverses prescriptions :

Selon l'article 8 de la loi n° 67-5 du 3 janvier 1967 portant statut des navires et autres bâtiments de mer 'L'action en garantie contre le constructeur se prescrit par un an. Ce délai ne commence à courir, en ce qui concerne le vice caché, que de sa découverte'. Pour les deux moteurs litigieux, qui ont été réceptionnés et mis en service en janvier 2003, le est uniquement la société MONACO MARINE les ayant installés sur le navire SUPERTOY de la société BEACON, et par suite seule la première société est en principe concernée par ce délai d'un an.

Mais dans son devis n° 3343 du 12 novembre 2002, signé par la société BEACON et qui fait donc la loi des parties, la société MONACO MARINE stipulait 'Garantie : 2 ans pièces et main d'oeuvre à compter de la date de mise en service'; cette stipulation librement consentie par la seconde société et dérogatoire à l'article précité s'impose à elle, peu important qu'elle ne soit pas le fabricant des moteurs litigieux, ainsi qu'à son assureur la société GENERALI, et ce délai de 2 ans a été respecté par la société BEACON qui a assigné la société MONACO MARINE en référé-expertise le 10 décembre 2004..

La société NANNI n'avait pas la qualité de constructeur vis-à-vis de la société BEACON, et de ce fait n'avait pas à être assignée par celle-ci dans l'année de la décou-verte des vibrations; c'est donc à tort que celle-là comme son assureur la société HDI GERLING invoquent le non respect de cette prescription annale par la société BEACON, laquelle a assigné avec raison en référé-expertise le 13 décembre 2004 soit avant l'expi-ration d'un délai de 2 années.

C'est par suite à juste titre que le Tribunal a rejeté la prescription soulevée par les sociétés NANNI et HDI GERLING, et à tort que les sociétés MONACO MARINE et GENERALI invoquent la prescription des actions formées contre elles.

Sur les actions contre la société MANN :

Cette dernière et la société NANNI qui est son importateur en FRANCE ont par définition des relations à la fois antérieures au présent litige et régulières, lesquelles sont soumises aux conditions générales de vente de la première que du fait de ces relations la seconde a nécessairement connues et acceptées, même si elles sont rédigées en anglais qui est cependant la langue habituelle des affaires commerciales; il est stipulé par l'article XIII de ces conditions : '(...) Le contrat sera régi par le droit allemand. La législation interna-tionale en matière de contrats et d'achats ne s'applique pas'. Il convient en conséquence d'appliquer aux relations entre ces parties le droit allemand, lequel prévoit un délai de prescription de 2 années [à compter de la livraison] en cas de vice de la marchandise livrée ainsi que le précise l'article 438 du BGB [Code Civil] attesté dans le 11 octobre 2011 par Maître Alfred SAUTER Avocat allemand au barreau de MUNICH.

Les moteurs litigieux du navire SUPERTOY ont été livrés en janvier 2003, ce qui imposait que la société MAN soit assignée au plus tard en janvier 2005 par la société NANNI; or celle-ci a attendu le 19 décembre 2005 pour le faire, et par suite son action est prescrite comme le soutient à juste titre la société MAN, peu important que le vice allégué résulte ou non d'un manquement à l'obligation de conseil pesant sur le vendeur profes-sionnel.

Au surplus la responsabilité pour produits défectueux des articles 1386-1 et sui-vants du Code Civil est exclue pour les biens à usage professionnel comme les moteurs litigieux qui ont été vendus entre commerçants dans le cadre de leur activité commerciale; c'est donc à tort que la société HDI GERLING assureur de la société NANNI invoque un tel régime de responsabilité contre la société MAN.

Mais l'équité fait obstacle à la demande au titre des frais irrépétibles formée par la société MAN contre la société NANNI.

La société BEACON comme la société MONACO MARINE n'ont pas contracté directement avec la société MAN, et le droit allemand contrairement au droit français ne reconnaît pas la possibilité d'une action directe des deux premières sociétés contre la troisième; par suite, ainsi que le soutiennent à bon droit la société MONACO MARINE et son assureur la société HDI GERLING, leur action est de nature délictuelle ou quasi-délictuelle comme le démontre d'ailleurs l'invocation par la société BEACON des articles 1382 et suivants du Code Civil, et n'est donc pas soumise à la prescription de 2 années de l'article 438 du BGB.

Sur les responsables des vibrations des moteurs du navire SUPERTOY :

L'expert judiciaire Monsieur [D] a daté son rapport du 14 mai 2008 après avoir tenu 6 réunions au cours de l'année 2005; il a constaté que les 2 moteurs de rempla-cement, avec pour numéros de série 700 9830078 A301 et 700 9830120 A301 et de type D 2842 LE 406, ne sont pas adaptés car ils présentent un niveau de vibration anormal dans la plage de la vitesse de rotation comprise entre 1 200 et 1 700 tours/minute; le même a donné comme explication le mode de fonctionnement et la conception de ces moteurs, dont le dispositif de communication 6-12 cylindres (seuls 6 sur 12 sont activés à ce bas régime) provoque un déséquilibre important des allumages de cylindres dans ladite plage; le seul remède a été de rénover les moteurs en éliminant ce dispositif, lequel n'existait pas sur les moteurs d'origine du navire SUPERTOY de type D 2842 LZE.

Le fabricant des moteurs de remplacement la société MAN avait le 2 octobre 2001 diffusé à de nombreuses personnes dont , et un document mentionnant notamment :

'Moteurs concernés : (...) types (...) D 2842 LE 406.

'Problème : Vibrations du moteur dans certaines plages de régime (...) entre 800 et

1 200 tr/min. Ceci a en partie mené à prendre des mesures très coûteuses sans pour cela résoudre le problème dans tous les cas.

'Remède : Utilisation de pompes d'injection avec tarage optimisé dans la plage intermédiaire de la mise hors service des cylindres (...) Des pompes d'injection avec ce nouveau tarage ont été posées en fabrication à partir des [numéros] de moteur figurant ci-après : (...) D 2842 LE 406 : 9857 099'.

Les moteurs installés sur le navire SUPERTOY portent les numéros 700 9830078 A301 et 700 9830120 A301, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas été corrigés par la société MAN; mais le fait que celle-ci les ait vendus plus d'un an après le document ci-dessus l'obligeait soit à ne pas les mettre en vente avant qu'ils ne soient à leur tour corrigés, soit dans le cas contraire à attirer l'attention des acheteurs sur le problème sérieux de vibrations, ce qu'elle n'a aucunement fait. Cette carence fautive justifie que la société MAN soit condamnée au profit de la société BEACON.

La société NANNI, professionnelle des moteurs nautiques et de plus importateur pour la FRANCE de ceux de la société MAN ainsi que venderesse des moteurs litigieux pour les avoir facturés à la société MONACO MARINE, a nécessairement reçu le docu-ment ci-dessus et savait donc que ces moteurs présentaient un problème de vibrations; or dans ses deux fax du 24 octobre 2002 elle a informé la société MONACO MARINE que la solution la plus favorable est de remplacer les moteurs d'origine D 2842 LZE par des moteurs D 2842 LE 406 avec réduction du nombre de CV de 1 200 à 1 100, et dans ses fax des 28 et 29 suivants elle a informé la même des principaux changements apportés aux moteurs D 2842 LZE par les moteurs D 2842 LE 406; en outre le 4 juillet 2003 la société NANNI par Monsieur [F] [O] a imputé à cette réduction une grande partie du problème de vibration, et par suite ne pouvait le 16 suivant écrire à la société MONACO MARINE que l'origine des désordres est externe aux moteurs qu'elle a fournis. En four-nissant des moteurs qu'elle savait atteints de problèmes de vibrations la société NANNI a également commis une faute au préjudice de la société BEACON dont elle doit répa-ration à celle-ci.

En sa qualité elle aussi de professionnelle des moteurs nautiques et d'agent de la société MAN la société MONACO MARINE, à partir du moment où elle fournissait et installait des moteurs différents de ceux à remplacer, devait vérifier qu'ils ne présentaient pas de problèmes pour la bonne tenue du navire; or les vibrations rendant ces moteurs inadaptés étaient connues du réseau MAN depuis une bonne année. C'est par suite à bon droit que la société BEACON recherche la responsabilité de son cocontractant la société MONACO MARINE qui n'a pas su lui fournir des moteurs exempts de problèmes et a ainsi manqué à son obligation de conseil.

Sur les préjudices de la société BEACON :

La réparation des 2 moteurs de cette société, qui a permis de mettre fin aux vibra-tions litigieuses, a coûté la somme de 112 574,00 euros H.T. selon factures de la société intervenante HAMOFA des 9 juillet, 19 septembre et 21 octobre 2007; cette somme correspond à la réalité et a été validée par l'expert judiciaire, ce qui justifie que le Tribunal l'ait retenue.

Les frais distincts engagés par la société BEACON et dont celle-ci réclame le remboursement pour un total de 40 860,88 euros correspondent à des salaires, travaux divers, carburant et autres, qui ne sont que pour partie soit justifiés par des factures soit imputables aux moteurs litigieux; par suite la Cour réduira cette demande à la somme de de 20 000,00 euros.

Le navire SUPERTOY était mis en location par la société BEACON, laquelle selon son expert comptable en a retiré les revenus suivants :

- 222 492,73 £ en 2002,

- 214 464,93 £ en 2003,

- 291 244,26 £ en 2004,

- 173 310,34 £ en 2005,

- 107 800,68 £ en 2006,

- 72 218,10 £ en 2007;

il n'est pas démontré que cette baisse sensible soit imputable aux seules vibrations des moteurs, d'autant que curieusement la meilleure année (2004) est située entre l'installation de ces derniers début 2003 et l'intervention de l'expert judiciaire début 2005, et que logi-quement ce devait être une bien mauvaise année; en outre la baisse notable des revenus locatifs en 2007 s'explique en partie parce que la rénovation des moteurs a été effectuée du 20 septembre au 13 octobre, mais en partie seulement puisque faute de communication par cette société de ses chiffres à compter de 2008, année qui normalement devait être productrice vu la réparation achevée des moteurs, la Cour n'est pas en mesure de déter-miner la réalité du préjudice subi; au surplus le navire est régulièrement mis en location tout en restant à quai, et de ce fait a généré des revenus même avec des moteurs atteints de vibrations. C'est donc à juste titre que le Tribunal a débouté la société BEACON de sa demande pour pertes d'exploitation.

Sur les assureurs :

La société NANNI est assurée auprès de la société HDI GERLING par une police n° 618681101 entrée en vigueur le 1er janvier 1996, et dont les conditions particulières stipulent en page 13 dans leur article 2.2.3-3) : 'exclusions spécifiques : (...) Les frais de remboursement, de remplacement ou de réparation des produits ou des travaux défectueux livrés par l'assuré, dans la mesure où ces frais recouvrent l'objet de la commande ou du marché initial passé par lui (...)'. Par suite la première société ne peut réclamer à la seconde de garantie pour la somme de 112 574,00 euros H.T. correspondant à la réparation des moteurs qu'elle a vendus à la société MAN, mais le peut cependant pour les 20 000,00 euros représentant les frais engagés par la société BEACON et qui sont distincts de ceux exclus par l'article précité.

La société MONACO MARINE a pour assureur la société GENERALI selon un contrat n° AA139163 ayant pris effet le 1er janvier 2003, et qui dans sa page 23 exclut 'la réparation ou le remplacement des ouvrages ou pièces qui ont fait l'objet d'une malfaçon technique ou d'une faute professionnelle de l'Assuré'. Là également la première société ne peut réclamer à la seconde de garantie pour la somme de 112 574,00 euros H.T. corres-pondant à la réparation des moteurs qu'elle a vendus à la société BEACON, mais le peut cependant pour les 20 000,00 euros représentant les frais engagés par cette dernière et qui sont distincts de ceux exclus par cette police.

Sur les autres demandes :

Devant le Tribunal de Commerce la société BEACON avait demandé la condam-nation in solidum de ses adversaires à réparer son préjudice; c'est donc à tort que le jugement a condamné la société MONACO MARINE, la société NANNI et la société MAN à payer chacune et séparément une partie dudit préjudice. En appel la société BEA-CON est fondée à demander également une condamnation in solidum de ses adversaires ainsi que de leurs assureurs les sociétés GENERALI et HDI GERLING.

La condamnation de la société BEACON en faveur de la société MONACO MARINE pour la facture de pose du 28 janvier 2003 soit la somme de 19 696,32 euros doit être compensée par la condamnation de celle-ci en faveur de celle-là.

La faute commise tant par la société NANNI que par la société MAN justifie la demande de relevé et garantie formée contre elles et contre l'assureur de la première la société HDI GERLING par la société MONACO MARINE. Et cette dernière comme la société NANNI sont fondées à demander ce relevé et garantie chacune contre leur assureur soit respectivement la société GENERALI et la société HDI GERLING. Enfin la société GENERALI sera relevée et garantie par la société NANNI et la société HDI GERLING.

Ni l'équité, ni la situation économique des adversaires de la société BEACON, ne permettent de rejeter en totalité la demande faite par celle-ci au titre des frais irrépétibles.

D E C I S I O N

La Cour, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire.

Ecarte des débats :

- les conclusions de la société MAN NUTZFAHRZEUGE AG du 18 novembre 2011;

- les conclusions et la pièce de la S.A. MONACO MARINE FRANCE (RIVIERA MARINE DIESEL) du même jour;

- les conclusions de la société NANNI du 21 novembre 2011.

Confirme le jugement du 11 septembre 2009 pour avoir condamné la société BEACON ESTATE (CHEPSTOW) Limited à payer la somme de 19 696,32 euros à la S.A. MONACO MARINE FRANCE (RIVIERA MARINE DIESEL).

Juge prescrite l'action engagée par la S.A. NANNI INDUSTRIES contre la société MAN NUTZFAHRZEUGE AG.

Infirme le jugement pour avoir condamné la S.A. MONACO MARINE FRANCE (RIVIERA MARINE DIESEL), la S.A. NANNI INDUSTRIES et la société MAN NUTZFAHRZEUGE AG à réparer chacune une partie du préjudice subi par la société BEACON ESTATE (CHEPSTOW) Limited, et statuant à nouveau condamne in solidum les trois premières sociétés à payer à la quatrième la somme de 112 574,00 euros H.T., avec intérêts au taux légal à compter du 14 mai 2008 et capitalisation de ces derniers selon l'article 1154 du Code Civil.

Condamne en outre in solidum la S.A. MONACO MARINE FRANCE (RIVIERA MARINE DIESEL), la S.A. NANNI INDUSTRIES, la société MAN NUTZFAHRZEUGE AG, la S.A. GENERALI IARD avec la franchise contractuelle, et la société HDI GERLING, à payer à la société BEACON ESTATE (CHEPSTOW) Limited la somme de 20 000,00 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 14 mai 2008 et capitalisation de ces derniers selon l'article 1154 du Code Civil.

Ordonne la compensation entre la condamnation de la société BEACON ESTATE (CHEPSTOW) Limited au profit de la S.A. MONACO MARINE FRANCE (RIVIERA MARINE DIESEL), et la condamnation de celle-ci au profit de celle-là.

Infirme le jugement pour avoir dit n'y avoir lieu aux dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, et condamne in solidum la S.A. MONACO MARINE FRANCE (RIVIERA MARINE DIESEL), la S.A. GENERALI IARD, la S.A. NANNI INDUSTRIES, la société HDI GERLING et la société MAN NUTZFAHRZEUGE AG à payer à la société BEACON ESTATE (CHEPSTOW) Limited une indemnité de 10 000,00 euros au titre des frais irrépétibles tant de première instance que d'appel.

Condamne in solidum la S.A. MONACO MARINE FRANCE (RIVIERA MARINE DIESEL), la S.A. GENERALI IARD, la S.A. NANNI INDUSTRIES, la société HDI GERLING et la société MAN NUTZFAHRZEUGE AG aux entiers dépens, qui incluront l'expertise judiciaire taxée le 2 juin 2008 à la somme de 23 571,99 euros, avec droit pour les Avoués de la cause de recouvrer directement les dépens d'appel dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision, en application de l'article 699 du Code de Procé-dure Civile.

Condamne in solidum la S.A. NANNI INDUSTRIES, la société HDI GERLING et la société MAN NUTZFAHRZEUGE AG à relever la S.A. MONACO MARINE FRANCE (RIVIERA MARINE DIESEL) et la S.A. GENERALI IARD de toutes les condamnations prononcées contre elle en principal, intérêts, frais et dépens.

Condamne la S.A. GENERALI IARD à relever la S.A. MONACO MARINE FRANCE (RIVIERA MARINE DIESEL) de toutes les condamnations prononcées contre elle pour la somme de 20 000,00 euros principal, outre intérêts, frais et dépens.

Condamne la société HDI GERLING à relever la S.A. NANNI INDUSTRIES de toutes les condamnations prononcées contre elle pour la somme de 20 000,00 euros en principal, outre intérêts, frais et dépens.

Le GREFFIER. Le PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 09/17363
Date de la décision : 14/12/2011

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 02, arrêt n°09/17363 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-12-14;09.17363 ?
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