COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
17e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 13 DECEMBRE 2011
N°2011/
JMC/FP-D
Rôle N° 10/17079
Association L'AMETRA 06
C/
[V] [U]
Grosse délivrée le :
à :
Me Agnès BALLEREAU-
BOYER, avocat au barreau de GRASSE
Me Christine TOSIN LAVAUD, avocat au barreau de NICE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 02 Septembre 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 08/1497.
APPELANTE
Association L'AMETRA 06, prise en la personne de son Président en exercice, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Agnès BALLEREAU-BOYER, avocat au barreau de GRASSE
INTIMEE
Madame [V] [U], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Christine TOSIN LAVAUD, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 10 Octobre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Marc CROUSIER, Président, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Jean-Marc CROUSIER, Président
Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller
Madame Corinne HERMEREL, Conseiller
Greffier lors des débats : Françoise PARADIS-DEISS.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Décembre 2011 prorogé au 13 décembre 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Décembre 2011
Signé par Monsieur Jean-Marc CROUSIER, Président et Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
L'association AMETRA 06, créée en 1948, est chargée d'assurer la surveillance médicale départementale de 175.500 salariés pour 25.300 entreprises, à l'exception des secteurs du bâtiment et agricoles.
Elle a un effectif de 181 salariés dont 77 médecins du travail répartis sur 24 sites et 4 unités mobiles. Elle a pour objet l'organisation, le fonctionnement et la gestion du service interentreprises de Santé au Travail et la fourniture d'une prestation « santé au travail » comprenant notamment une activité de prévention des risques.
[V] [U] a été engagée par cette association le 9 janvier 2006 en qualité de directeur administratif et financier, catégorie cadre, position III, groupe C de la Convention Collective du personnel des services interentreprises de médecine du travail du 20 juillet 1976.
Sa rémunération brute annuelle était fixée à la somme de 60 000 €.
Par avenant prenant effet au 5 septembre 2006, elle était nommée directeur général des services et sa rémunération brute annuelle était portée à 66 000€.
L'article 3 de l'avenant à son contrat de travail définit ses fonctions. Par ailleurs, aux termes de l'article 4 de cet avenant, il était stipulé que le Président pouvait lui déléguer tout ou partie de ses pouvoirs par dispositions écrites spécifiques.
Un nouveau président, Monsieur [R], a été élu par le Conseil d'Administration du 17 juin 2008 à la tête de l'association.
Le 15 septembre 2008 [V] [U] était convoquée à un entretien préalable devant avoir lieu le 24 septembre 2008. Une mise à pied à titre conservatoire lui était notifiée à cette occasion.
Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 2 octobre 2008, présentée le 4 octobre 2008, [V] [U] était licenciée pour faute grave.
[V] [U], estimant que son licenciement était injustifié et réalisé dans des conditions attentatoires à son honneur et volontairement vexatoires, a saisi le conseil de prud'hommes de NICE, le 21 novembre 2008, d'une demande tendant à le faire déclarer sans cause réelle et sérieuse et à obtenir diverses sommes et indemnités.
Les parties n'ayant pu se concilier et l'association AMETRA s'étant opposée aux demandes le conseil de prud'hommes précité, par un jugement rendu le 2 septembre 2010, a :
Dit le licenciement de Mme [U] [V] par l'association AMETRA 06 dénué de faute grave mais motivé par une cause réelle et sérieuse ;
Condamné l'association AMETRA 06 à verser à [V] [U] :
''3 824,00€ au titre de rappel de salaire de mise à pied ;
''3 134,00€ au titre de l'indemnité de licenciement ;
''17 208,00€ au titre de l'indemnité de préavis ;
''1 720,00€ au titre des congés payés afférents ;
''60 000,00€ à titre d'indemnisation sur les circonstances vexatoires du licenciement
Condamné l'association AMETRA 06 aux entiers dépens ;
Débouté les parties de tous leurs autres chefs de demande tant principales que reconventionnelles ;
Dit que l'association AMETRA 06 versera 1 800,00€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 21 septembre 2010, reçue au greffe de cette cour le 23 septembre suivant, l'association AMETRA 06, à laquelle ce jugement a été notifié le 6 septembre 2010, en a relevé appel.
Aux termes de ses conclusions écrites, déposées et reprises oralement à l'audience par son conseil, l'association AMETRA 06, qui fait état des premières difficultés rencontrées par le Président de l'époque, Madame [D], avec Madame [U] comme du défaut de coopération et l'insubordination manifestés par celle-ci à l'égard du nouveau président, Monsieur [R], très rapidement après sa nomination, fait essentiellement valoir, en premier lieu, qu'il entrait dans les attributions du président de l'association, lequel est son représentant légal à l'égard des tiers, de mettre en 'uvre la procédure de licenciement à défaut d'une disposition spécifique des statuts attribuant cette compétence à un autre organe de sorte que l'argumentation de [V] [U] tirée de l'article 13 des statuts et de ce qu'un processus d'autorisation aurait été utilisé dans un cas antérieur est inopérante, le bureau du conseil d'administration ayant au surplus été consulté en l'occurrence alors que le président n'y était pas obligé.
Elle soutient en deuxième lieu que les faits reprochés à [V] [U] à l'appui de son licenciement tenant à l'entrave à l'exercice du mandat du nouveau Président de l'AMETRA accompagné d'une attitude de défiance à son égard, à son insubordination envers le Président dont elle refuse l'autorité et conteste le lien hiérarchique, aux nombreux manquements et anomalies dans les règles de fonctionnement de l'Association, au détournement des procédures de contrôle mises en place par le Conseil d'Administration notamment en matière d'achats et à un manquement à son obligation de loyauté et de discrétion, sont, d'une part, parfaitement établis, d'autre part, que chacun de ces manquements, pris individuellement, légitime son licenciement et que, de dernière part, a fortiori, l'accumulation de ces fautes, rendait impossible la poursuite des relations contractuelles même pendant le préavis alors que, compte tenu de son statut au sein de l'AMETRA, Madame [U] aurait dû faire preuve d'une rigueur absolue, de cohésion envers le Président, de transparence totale envers le Président, de loyauté dans l'exercice de ses fonctions, ces manquements ayant trouvé leur point culminant dans le courrier adressé par Madame [U] aux administrateurs, le 11 septembre 2008, les accusations graves et non fondées portées par Madame [U] ne faisant que confirmer qu'il n'était plus possible de poursuivre l'exécution de la relation contractuelle.
Sur les demandes d'indemnisation de [V] [U] elle fait valoir que, en l'état de la légitimité de son licenciement, celle-ci sera nécessairement déboutée de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et qu'elle le sera d'autant plus que ses demandes sont manifestement excessives.
Par suite l'association AMETRA 06 demande à la cour de :
Infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de NICE le 2 septembre 2010 ;
Statuant à nouveau :
Dire et juger légitime et régulier le licenciement pour faute grave de Madame [U] ;
Dire et juger que le licenciement n'a pas été réalisé dans des conditions abusives et vexatoires ;
Condamner Madame [U] au versement de la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Aux termes de ses écritures, déposées et reprises oralement à l'audience par son conseil, [V] [U], excipant, en ce qui concerne les difficultés allégués du temps de la présidence [D], de ce que l'on ne peut reprocher à un salarié des faits qui n'ont pas fait l'objet de sanction plus de deux mois après leur survenance, fait valoir, de première part, que le conseil d'administration de l'association étant seul habilité, aux termes de l'article 13 des statuts à décider du licenciement et à autoriser le président à y procéder son licenciement pour faute grave, qui procède de la seule volonté du nouveau Président de l'Association, qui ne disposait d'aucune autorisation en contradiction avec le bon fonctionnement de l'association, n'est pas valide.
Elle fait valoir, de deuxième part, en premier lieu, que c'est à bon droit que le Conseil de prud'hommes a considéré en ce qui concerne son licenciement qu'il ne pouvait s'agir d'un licenciement pour faute grave aucun des éléments motivant la lettre de licenciement n'étant de nature à justifier la mise à pied puis le licenciement pour faute grave, la lettre de licenciement n'énonçant pas de faits précis matériellement vérifiables mais seulement des généralités, ce qui équivaut à une absence de motivation à laquelle l'employeur ne peut pallier ultérieurement par voie de conclusions, la motivation de la lettre de licenciement, qui fixe les limites des reproches retenus contre le salarié, ne pouvant faire l'objet de digressions et développement à l'envie et, en second lieu, qu'il apparaît ainsi que non seulement la mise à pied ne se justifiait pas mais qu'à l'évidence le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
Elle prétend, de troisième part, que son licenciement a été réalisé selon des méthodes brutales et vexatoires dès lors que le président lui a fait signifier, dès le 15 septembre 2008, par huissier, sur son lieu de travail, une mise à pied dans l'attente d'une mesure de licenciement pour faute grave et une convocation à un entretien préalable devant avoir lieu le 24 septembre 2008 alors qu'aucune circonstance exceptionnelle ne justifiait de déroger à la procédure habituelle de notification par une lettre remise en main propre ou recommandée avec avis de réception de la mise à pied décidée par le président et que, en tout état de cause, il ressort des circonstances de faits que rien ne justifiait de mise à pied et encore moins l'intervention d'un huissier si ce n'est dans le but de donner de manière ostentatoire un caractère public et vexatoire à sa mise à pied, la méthode employée portant directement atteinte à son honneur et à sa réputation.
Par suite [V] [U] demande à la Cour de :
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré son licenciement comme étant vexatoire et lui a alloué une indemnisation de 60 000€ de ce chef ;
Réformer le jugement en ce qu'il a considéré son licenciement comme reposant sur une cause réelle et sérieuse ;
Constater qu'elle n'a pas commis de faute grave ;
Constater que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;
Dire et juger que la mise à pied ne se justifiait pas ;
En conséquence,
Condamner l'association AMETRA 06 au versement des sommes suivantes :
'' 3824,00€ bruts de rappel de salaire durant la période de mise à pied conservatoire injustifiée;
'' 3134,00€ nets au titre des indemnités de licenciement ;
'' 17 208€ bruts de préavis et 1720 € bruts de congés sur préavis ;
''68 832€ au titre des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamner l'association AMETRA 06 au versement d'une somme de 1800 € sur le fondement de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens.
SUR CE :
Attendu que l'appel, interjeté dans les formes et le délai de la loi, est recevable ;
Attendu que les statuts de l'association AMETRA 06 disposent, à l'article 13 relatif aux pouvoirs du conseil d'administration, que « Le Conseil d'Administration est investi des pouvoirs les plus étendus pour administrer l'Association, dans les limites de son objet et sous réserve des pouvoirs de l'Assemblée Générale./ Il prend notamment toutes décisions relatives à la gestion et à la conservation du patrimoine de l'Association et à l'emploi des fonds, à la prise à bail des locaux nécessaires à la réalisation de l'objet de l'Association, à la gestion du personnel. Il autorise le Président à ester en justice. Le Conseil d'Administration définit les principales orientations de l'Association. Il arrête le budget et les comptes annuels de l'Association./ Il détermine le montant des droits d'entrée et des cotisations annuelles, il établit le Règlement Intérieur pour l'application des présents Statuts » ; Que l'article 15 relatif aux attributions du bureau et de ses membres, au rang desquels figure le Président dispose quant à lui, en ce qui concerne ce dernier « Le Président représente seul l'Association dans tous les actes de la vie civile et est investi de tous pouvoirs à cet effet. Il a qualité pour ester en justice au nom de l'Association./ Il exécute les décisions du Conseil d'Administration et assure le bon fonctionnement de l'Association./ Avec l'autorisation préalable du Conseil d'Administration, le Président peut déléguer partiellement ses pouvoirs, sous sa responsabilité, à un ou plusieurs mandataires de son choix, membres ou non du conseil d'Administration./ Le Président ne peut, sans l'autorisation préalable du Conseil d'Administration, entreprendre ou déléguer les actions suivantes: engager toute dépense d'un montant supérieur à 50 000€ ; aliéner, sous quelque forme que ce soit, les biens immobiliers de l'Association ; consentir toute sûreté ou affecter les actifs de l'Association en garantie des engagements d'un tiers » ; Qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions, qu'il entrait bien dans les attributions du président de l'AMETRA 06 de mettre en 'uvre la procédure de licenciement de [V] [U] dès lors que, d'une part, il « représente ladite association dans tous les actes de la vie civile et est investi de tous les pouvoirs à cet effet » et que, d'autre part, aucune des dispositions statutaires susvisées, ni d'ailleurs aucune disposition du règlement intérieur auquel les statuts renvoient, n'attribuait cette compétence à un autre organe, une autorisation préalable du conseil d'administration n'étant quant à elle expressément requise que pour la délégation de ses pouvoirs, l'engagement de dépenses supérieures à 50 000€, l'aliénation de biens immobiliers appartenant à l'association, l'établissement de suretés et l'affectation d'actifs en garantie d'un tiers ; Que [V] [U] n'est pas davantage fondée à invoquer des usages antérieurs alors que, d'une part, un fait unique n'est pas créateur d'un usage et que, d'autre part et surtout, l'évènement auquel elle se réfère, résultant, selon elle d'un procès-verbal de délibération du conseil d'administration du 28 février 2008, concerne, ainsi que le fait observer l'employeur, l'organisation des services généraux, le salarié concerné étant sous contrat à durée déterminée, le débat entre les administrateur portant, le contrat de ce salarié, qui n'a pas donné satisfaction, arrivant à son terme le 15 mars suivant, sur la question de savoir s'il fallait recruter en CDI ou en CDD, le mot de « licenciement » n'étant jamais employé ; Qu'il convient de relever au surplus, d'une part, que l'éventuel licenciement de [V] [U] a été évoqué lors du conseil d'administration du 22 septembre 2008 (point n° 1) à la suite du courrier que [V] [U] avait adressé le 11 septembre 2008 à tous les administrateurs et, d'autre part, bien qu'il n'y soit pas tenu le président de l'association a sollicité et obtenu du bureau du conseil d'administration, lors de sa réunion du 29 septembre 2008, à l'unanimité l'accord des membres dudit bureau pour poursuivre la procédure de licenciement pour faute grave de la salariée précitée ;
Attendu que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; Que sa preuve incombe à l'employeur ;
Attendu que la teneur de la lettre de licenciement de [V] [U], qui fixe les limites du litige, est la suivante :
« La présente fait suite à notre entretien préalable du 24 septembre dernier, entretien auquel vous avez été normalement convoquée et auquel vous vous êtes présentée assistée par Madame [Y] [P], salariée de l'association, moi-même étant accompagné de Monsieur [W] [F], administrateur.
Après réflexion et en plein accord avec le bureau, je suis au regret de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour faute grave pour les raisons qui vous ont été exposées de vive voix, lesquelles sont principalement les suivantes.
En premier lieu, dès ma nomination à la Présidence de l'association, le 17 juin 2008, vous n'avez eu de cesse d'entraver l'exercice de mon mandat dont m'a investi le conseil d'administration. Alors que vous avez fait partie des toutes premières personnes que j'ai rencontrées à mon arrivée et alors que je vous ai immédiatement fait part de mon souhait de travailler de concert avec vous, tant au regard de votre statut que de votre expérience et de votre connaissance de l'association, vous avez tout fait pour me rendre la tâche impossible en manifestant à mon égard une attitude immédiate de défiance.
Les exemples de votre comportement de défiance à mon égard sont multiples. Je citerai, à titre indicatif et sans que ceci soit exhaustif :
-l'absence de transmission des informations nécessaires à une bonne appréhension de la situation de l'association et notamment l'absence totale d'information sur les dossiers en cours dont certains pourtant vital pour le devenir de l'association comme le dossier d'agrément en cours, situation que j'ai découverte le jeudi 18 septembre 2008 ;
-Votre opposition virulente à me voir m'installer dans un bureau sur place;
-Votre refus d'accepter les quelques procédures élémentaires de fonctionnement et de contrôle décidées par mes soins car indispensables à une saine et rigoureuse gestion de l'association ...
En second lieu, il s'avère que vous refusez toute autorité et contestez le lien hiérarchique qui est le nôtre considérant, en dépit de nos règles statutaires, que vous êtes seule décisionnaire et totalement autonome avec un Président jouant un rôle purement honorifique (pour ne pas dire (« décoratif »). Là encore, à titre d'exemple parmi d'autres, vous vous êtes opposée à ce que je préside les réunions des représentants du personnel, considérant que ce rôle vous revenait de droit sans vous préoccuper à aucun moment de l'intérêt de l'association et de la nécessité pour son nouveau Président, au moins pendant un certain temps, d'être en contact direct avec les élus du personnel. Vous n'y avez vu qu'une remise en cause de votre statut alors que l'objectif était uniquement de créer un climat de confiance et de sérénité avec les élus malgré le changement de Président et les inquiétudes légitimes liées aux réformes législatives à venir.
En troisième lieu, vous adoptez un comportement négatif intolérable consistant à prendre systématiquement des positions inverses aux directives et décisions du conseil d'administration que j'applique et que vous connaissez puisque vous assistez aux réunions du CA. Cette situation rend confuse la politique que j'entends mener et contribue en ce sens à créer un climat détestable. J'en veux notamment pour preuve votre refus de vous engager sur un bulletin RH périodique pour favoriser la communication interne, votre refus de mettre en place les procédures d'enregistrement du courrier, votre refus de lister les dates anniversaires de nos employés, votre refus d'informer l'association de vos déplacements professionnels, votre opposition aux aménagements au plan du nouveau siège... Outre l'insubordination qu'elle caractérise, votre opposition systématique est inacceptable en ce qu'elle engendre des blocages et des ralentissements dans le processus décisionnel de l'association incompatibles avec sa bonne marche.
S'agissant de ces premiers griefs, force est de constater que ce n'est pas la première fois que l'association rencontre ce genre de difficultés avec vous. En effet, des griefs de même nature ont été portés à votre connaissance par l'ancienne Présidente pas plus tard qu'au mois d'octobre 2007.
En quatrième lieu, j'ai constaté de nombreux manquements et anomalies dans les règles de fonctionnement de l'association notamment s'agissant de la gestion des représentants du personnel (à titre d'exemple, l'absence de réunion au mois d'août pour cause de congés, alors que celle-ci est obligatoire et que j'ai dû insister à la réunion du mois de juillet pour que celle du mois d'août se tienne), du non respect des règles et procédures d'engagement des frais sur lesquelles je vous ai interpellée à plusieurs reprises sans recevoir d'explications (notamment, à titre d'exemple, l'absence de présentation de plusieurs devis avant l'engagement de certaines dépenses, reproche qui vous avait déjà été fait par deux membres du conseil d'administration le 22 octobre 2007), des procédures d'augmentation de certaines rémunérations, de la gestion des congés payés ...cette liste étant loin d'être exhaustive! J'aurais souhaité davantage de rigueur dans le suivi de ces aspects essentiels de vos fonctions, mais chaque fois que j'ai tenté d'aborder ces problèmes avec vous cela n'a jamais été possible car vous vous êtes contentée de mettre en avant, une nouvelle fois, une atteinte à votre autonomie et à votre statut. Il est c1air qu'il n'est pas possible de collaborer efficacement et dans l'intérêt de l'association dans de telles conditions.
En cinquième lieu, et ceci constitue à mes yeux un manquement grave à votre obligation de loyauté et de discrétion, vous vous permettez de saisir directement et par courrier, en date du 11 septembre 2008, les administrateurs pout me prendre à partie et contester la politique que j'entends mener espérant ainsi les amener à prendre position contre moi et les rallier à votre cause. Une telle démarche est tout simplement inacceptable et insupportable en ce qu'elle constitue non seulement une grave marque de défiance à mon égard mais une volonté manifeste de me déstabiliser à l'égard du bureau et des administrateurs dont les membres ont été désagréablement surpris par votre manière d'agir. Celle-ci est manifestement préjudiciable à la bonne marche de l'association. Par ailleurs vous avez même poussé l'indélicatesse jusqu'à utiliser le papier à entête de l'Ametra et faire financer ces courriers recommandés par l'association alors qu'il s'agissait d'un courrier personnel uniquement destiné à la défense de vos seuls intérêts, mais que vous avez cru pouvoir envoyer à des tiers'Un tel comportement, incompatible avec vôtre fonction, rend impossible sans délai la poursuite de notre collaboration.
En dernier lieu, j'ai également constaté que certaines procédures étaient volontairement détournées, notamment pour échapper aux procédures de contrôle mises en place par le conseil d'administration (par exemple en matière de procédure d'achat). Ceci est totalement inacceptable de la part d'un cadre de votre niveau de responsabilité, ce d'autant que vous représentez l'association non seulement en interne à l'égard des personnels mais aussi en externe. Un tel comportement rend également impossible sans délai la poursuite de nos relations.
Les échanges intervenus au cours de notre entretien précité du 24 septembre n'ayant pas permis de modifier notre appréciation de la situation, bien au contraire, nous avons pris la décision de mettre un terme immédiat à notre collaboration.
Votre contrat de travail prendra donc fin à compter de la première présentation de ce courrier par la Poste.
Nous tenons à votre disposition votre certificat de travail, le solde de votre compte ainsi que votre attestation ASSEDIC.
Ces derniers vous seront remis en main propre concomitamment à la remise par vos soins au siège de l'Ametra de l'ensemble des documents et matériels qui vous ont été confiés pour l'exercice de votre activité professionnelle.
Je vous invite en conséquence à vous rapprocher sans délai de mon secrétariat pour fixer un rendez-vous auquel je vous recevrai personnellement' » ;
Attendu que cette lettre est motivée ; Qu'elle vise des faits suffisamment précis, qui n'ont pas à être datés dans la lettre elle-même, qui sont matériellement vérifiables observations étant faites, de première part, que ceux qui peuvent être invoqués dans le cadre du débat sont ceux qui ont été expressément visés à titre « d'exemples » et, de seconde part, que, contrairement à ce que prétend la salariée les faits du mois d'octobre 2007, tenant au comportement de la salariée sous la précédente présidence, bien qu'antérieurs de plus de deux mois aux poursuites, peuvent être invoqués, étant de même nature, non pas pour justifier celles-ci mais, la poursuite de faits fautifs par un salarié autorisant l'employeur à se prévaloir de faits similaires, y compris ceux qui ont été sanctionnés, pour caractériser la faute grave reprochée ;
Attendu que la lette datée du 11 septembre 2008, que la salariée a adressée à chacun de administrateurs et que l'employeur considère comme la manifestation la plus grave faute la plus grave à l'obligation de loyauté et de discrétion incombant à la salariée est libellée de la façon suivante :
« Je pense nécessaire et indispensable en ma qualité de Directrice de vous informer des difficultés rencontrées dans le cadre de mes fonctions à la direction de L'AMETRA 06 depuis la nomination du nouveau Président Mr [R] en juin dernier.
L'AMETRA 06, comme tous les services de Santé au Travail fonctionne sous forme associative avec un président bénévole pour la représenter. Ce président délègue ses pouvoirs à un directeur chargé de diriger le service d'une façon permanente. De part ce mode de fonctionnement le Conseil d'Administration valide un plan d'action proposé par le directeur et le président, ainsi que les principales orientations, à court, moyen et long terme, ceci en se réunissant au moins 3 fois par an. La direction les exécute et en rend compte.
Il s'avère que depuis la nomination du nouveau Président, il s'installe une confusion et un amalgame entre les fonctions de président et de directeur.
Je vais tenter d'illustrer cette situation au travers de quelques exemples.
1.Monsieur [R] préside toutes les institutions représentatives du personnel. Ce qui a pour conséquence, de dévaloriser, de décrédibiliser la direction vis-à-vis des salariés de l'AMETRA 06. Ces derniers viennent à se demander qui dirige l'AMETRA. Il peut se créer des risques de contradiction entre des consignes données par la direction contredites par le président d'autant plus qu'il n'y a pas de concertations préalables.
2.Mr [R] reproduit les méthodes et procédures de travail du Palais des Festivals sans se préoccuper des spécificités de notre secteur d'activité et des moyens mis en 'uvre. Aucune analyse et aucune concertation.
3.L'ordre du jour de votre prochain Conseil d'Administration a été déterminé par le président, sans aucune collaboration avec la direction. La direction n'est-elle pas la mieux placée pour connaître la plupart des dossiers à présenter au Conseil d'Administration. Il me semble très dangereux pour le bon fonctionnement de
4.L'AMETRA de présenter un ordre du jour sans savoir si la direction a de son côté des sujets à traiter.
5.Mr [T] est également victime de ses agissements, par une ignorance totale et volontaire de sa personne et de ses attributions. Mr [R] est resté 2 mois sans lui adresser bonjour ou au revoir. Il a été écarté de toutes les réunions et dossiers requérant la présence dévolue à sa fonction. Il ne m'a donné aucune explication concernant son comportement. Je ne peux pas approuver ces méthodes de« démotivation volontaire ».
6.Mr. [R] m'a demandé de lui réserver à titre personnel un bureau permanent au sein de notre futur siège social. Cela ne s'est jamais fait à l'AMETRA 06 et n'existe dans aucun autre Service de Santé au Travail ; un Président n'est pas un permanent. Je précise que nous avons dû sacrifier un emplacement réservé au bon fonctionnement des Services Généraux. En outre, et après renseignement pris auprès du CISME qui fédère la quasi-totalité des SST, le contexte actuel concernant les confusions d'intérêt entre les syndicats patronaux et les médecines du travail doivent nous inciter à être très prudent. Il convient de rappeler que la réforme qui se prépare a notamment pour origine des abus et faits divers sur des conflits d'intérêt entre ces 2 structures.
7.Monsieur [R] a exigé que je le tienne informé des rendez-vous extérieurs que je prends. Quel est-la marge d'autonomie laissée à un cadre de direction'
8.Concernant les pouvoirs à formaliser entre le président et la direction, les pouvoirs habituellement mis en place n'ont pas été retenus par Mr [R], qui a décidé de les modifier. Ces nouveaux pouvoirs m'ont été présentés et je n'ai pu les accepter dans la mesure où ils dénaturaient complètement mes fonctions de directrice. Concrètement, je n'avais plus pouvoir pour présider les institutions représentatives du personnel, signer aucun chèque sans le président ou le trésorier quelque soit le montant, signer un contrat de travail. A ce jour Mr [R] ne m'a donc délégué aucun pouvoir depuis sa nomination en sa qualité de président.
Le CISME m'a confirmé que le mode de présidence de Mr [R] n'était pas conforme au fonctionnement habituel d'un Service de Santé au Travail.
Comment peut-on connaître une association en étant président depuis 2 mois et prétendre se passer de la col1aboration de la direction sans risquer de créer de graves dysfonctionnements au service.
Nous sommes arrivés à une organisation qui fonctionne avec un dialogue social entre la direction et les salariés, constructif et efficace. Etant donné l'enjeu de l'évolution actuelle des Services de Santé au Travail avec la future réforme en cours de négociation et le renouvellement de l'agrément de notre Service en juin 2009, il me semble que nous devrions, ensemble, réfléchir à ces échéances vitales pour l'avenir de l'AMETRA 06.
Avant de prendre toute décision concernant des modifications de l'organigramme et de fonctionnement je vous incite à consulter les représentants du personnel qui m'ont fait part de leur inquiétude devant le comportement de Mr [R].
Après avoir tenté de discuter de tous ces points auprès de Mr [R] qui est resté sans réponse concrète, je suis contrainte de m'adresser à vous car je ne peux plus, en l'état, diriger l'AMETRA en toute efficacité' » ;
Attendu que ce courrier, outre le fait qu'il comporte diverses inexactitudes alors que les documents versés aux débats (échanges d'emails notamment) démontrent qu'il y a eu concertation tant avec Mme [U] qu'avec M. [T], secrétaire général de l'AMETRA 06, notamment sur la réunion qui devait avoir lieu au mois d'août 2008 sur la seule insistance du président et qu'il constitue la preuve de la réalité des griefs qui sont fait à [V] [U] tenant, en particulier, à son opposition à l'attribution d'un bureau personnel au président comme à son refus de le voir présider les institutions représentatives du personnel, estimant que cela est de son seul ressort, est la manifestation, d'une part, de ce que [V] [U] n'entendait pas se soumettre aux pouvoirs hiérarchique du président qui avait été désigné alors que, si, en sa qualité de cadre dirigeant, elle dispose d'une large autonomie, son contrat de travail lui fait obligation non seulement de travailler en concertation avec le président à l'égard duquel elle a un rôle de « conseil et d'aide à la décision » mais également celle, qui figure dans le même article « de rendre compte de son activité » la direction de l'association qui lui incombe se faisant (article 3 du contrat de travail) « compte tenu des directives générales et particulières qui lui seront données », la large délégation de pouvoir dont elle a bénéficié de la part du président (en l'occurrence du précédent) lui faisant obligation de « tenir régulièrement informé le président de l'association de la façon dont elle exécute ses obligations, des difficultés rencontrées et des moyens qui lui feraient défaut », rappel étant fait que, selon les statuts de l'association, c'est le président qui la représente, qui est investi de tous les pouvoirs à cet effet et que les délégations qu'il peut être autorisées à accorder le sont sous sa seule responsabilité et, d'autre part, d'une attitude de défiance à son égard ; Que [V] [U] apparaît comme coutumière d'une telle défiance ; Qu'en effet, lors d'un incident antérieur, évoqué dans le lettre de licenciement, survenu sous de la présidence de Mme [D], alors que celle-ci lui avait demandé de ne plus intervenir auprès de ses collaborateurs, son contrat de travail étant suspendu ensuite de son congé maternité, et lui demandait la communication des fichiers informatiques stockés dans son ordinateur portable (budgets, adhésions, radiations ... ) en précisant qu'ils étaient indispensables pour achever la rédaction du rapport de gestion qui devait être présenté au conseil d'administration (pièce n° 6) l'intéressée répondait en considérant cette lettre comme « agressive » et « méchante », accusant la présidente de vouloir la « descendre moralement », ce que celle-ci considérait comme « totalement infondé et hors de propos » et surtout s'abstenait de satisfaire à la demande, les éléments demandés n'étant transmis que 5 mois plus tard, ce qui a entraîné des dysfonctionnement selon l'email versé aux débats (pièce n° 8) ;
Attendu que si, dans le cadre de son travail comme à l'extérieur de l'entreprise, le salarié jouit, en application de l'article L 1121-1 du code du travail, d'une liberté d'expression à laquelle ne peuvent être apportées que des restrictions justifiées et proportionnées au but poursuivi, il reste qu'un salarié ne peut abuser de cette liberté en tenant des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs ; Que la lettre précitée du 11 septembre 2008 est constitutive d'un tel abus dès lors que, d'une part, elle instille un doute sur la bonne foi, le sérieux et l'honnêteté du président en subodorant, sans élément tangible, que la demande de bureau qu'il avait formulée, qui constituerait du jamais vu, procède « d'une confusion d'intérêts » en rappelant « que la réforme qui se prépare a notamment pour origine des abus et faits divers sur des conflits d'intérêt' » et que, d'autre part, elle est excessive, en ce qu'elle présente notamment le nouveau président comme un autocrate peu au fait du fonctionnement de l'association et désireux d'y introduire des méthodes non conformes à son fonctionnement habituel, ayant pour effet ou pour but de dévaloriser et de décrédibiliser la direction avec le risque d'entraîner de graves dysfonctionnements ;
Que les motifs ainsi retenus, constitutifs de violations des obligations contractuelles susvisées, justifient, à eux seuls, le licenciement pour faute grave de [V] [U], l'attitude de défiance qu'elle a adoptée à l'égard du nouveau président et les man'uvres de sape de son autorité qu'elle a entreprises, dont la lettre susvisée est la principale manifestation, rendant impossible, en raison des risques de dysfonctionnement invoqués, le maintien de la salariée dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; Que, par réformation du jugement déféré le licenciement sera déclaré comme justifié par une faute grave ; Que l'ensemble des demandes de [V] [U] relatives au paiement d'une indemnité de licenciement, d'une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents ainsi qu'à l'octroi de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse seront en conséquence rejetées ;
Attendu, sur la demande de dommages-intérêts pour tenant au caractère vexatoire et abusif du licenciement, que le licenciement opéré ne saurait être considéré comme abusif dès lors que la cour le considère comme justifié ; Qu'il est de fait par ailleurs que la notification de la convocation à l'entretien préalable et de la mise à pied à titre conservatoire ont été faites par voie d'huissier sur son lieu de travail ; Que cette méthode n'apparaît comme justifiée en l'occurrence, la l'Association AMETRA 06 ne pouvant arguer utilement de l'attitude de résistance de [V] [U] à l'égard de la présidente précédente, que par le souhait de donner un caractère ostentatoire et quelque peu vexatoire à la mesure ; Qu'en réparation du préjudice moral que la salariée a nécessairement subi de ce fait il y a lieu de lui allouer, en réparation du préjudice spécifique qui en résulte, la somme de 5 000€ ; Que le jugement sera réformé de ce chef également en conséquence ;
Que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de quiconque ;
Que la succombance partielle des parties conduit la cour à mettre à la charge de chacune d'elles, pour moitié, les dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS :
Déclare l'appel recevable.
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a alloué à [V] [U] une indemnité en raison des circonstances vexatoires du licenciement.
Réformant le jugement en ce qui concerne le montant de l'indemnité allouée à ce titre ainsi qu'en ses autres dispositions et statuant à nouveau,
Déclare le licenciement de [V] [U] pour faute grave justifié.
Déboute [V] [U] de ses demandes de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire ainsi que de ses demandes au titre de l'indemnité de licenciement, de l'indemnité de préavis, de congés payés afférents et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Condamne l'Association AMETRA 06 à payer à [V] [U] la somme de 5 000€ à titre de dommages-intérêts en réparation des circonstances vexatoires du licenciement.
Met à la charge des parties, chacune pour moitié, les dépens de première instance et d'appel.
Les déboute de leurs demandes, autres, plus amples ou contraires.
LE GREFFIERLE PRESIDENT