COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 08 DECEMBRE 2011
N° 2011/512
Rôle N° 09/23702
[S] [B]
[V] [B]
C/
CAISSE D'EPARGNE PROVENCE ALPES CORSE
[C] [I]
Grosse délivrée
le :
à :MAYNARD
SIDER
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de MANOSQUE en date du 01 Décembre 2009 .
APPELANTS
Monsieur [S] [B]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2010/5171 du 23/04/2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX EN PROVENCE)
né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 7] (83), demeurant [Adresse 3]
représenté par la SCP MAYNARD SIMONI, avoués à la Cour
Monsieur [V] [B]
né le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 6] (04), demeurant [Adresse 3]
représenté par la SCP MAYNARD SIMONI, avoués à la Cour
INTIMES
CAISSE D'EPARGNE PROVENCE ALPES CORSE, agissant par son Président du Directoire en exercice représenté par Monsieur [N] [R], Responsable du Service Contentieux, [Adresse 4], dont le siège est [Adresse 8]
représentée par la SCP SIDER, avoués à la Cour
Monsieur [C] [I]
demeurant [Adresse 5]
défaillant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 02 Novembre 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Noël ACQUAVIVA, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Louis BERGEZ, Président
Monsieur Jean-Noël ACQUAVIVA, Conseiller
Madame Marie-Claude CHIZAT, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Décembre 2011.
ARRÊT
Défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Décembre 2011
Signé par Monsieur Jean-Louis BERGEZ, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES.
Suivant acte sous seing privé du 6 septembre 2005, la CAISSE D'EPARGNE PROVENCE ALPES CORSE (la banque) a consenti à la S.A.R.L. SERON exploitant un fonds de commerce de brasserie un prêt d'un montant de 150.000 euros sur une durée de 84 mois au taux effectif global de 3,89% l'an, destiné à financer des travaux d'agencement et d'installation.
Cet engagement a été garanti par le cautionnement solidaire, à concurrence de la somme de 195.000 euros, de Monsieur [S] [B], Monsieur [V] [B] et Monsieur [C] [I], tous trois associés au sein de la S.A.R.L. SERON.
Par jugement du 7 novembre 2007, la S.A.R.L. SERON a été déclarée en liquidation judiciaire.
La banque, après avoir déclaré sa créance et vainement mis en demeure les cautions d'exécuter leur obligation, les a fait assigner, par acte d'huissier du 28 août 2008, devant le Tribunal de commerce de MANOSQUE qui, par jugement du 1er décembre 2009 assorti de l'exécution provisoire, les a condamnés solidairement au paiement d'une somme de 133.251,76, outre intérêts au taux conventionnel à compter du 28 février 2008 et d'une somme de 800 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par déclaration de leur avoué du 30 décembre 2009, Monsieur [S] [B] et Monsieur [V] [B] ont relevé appel de cette décision, demandant à la Cour, par voie d'écritures signifiées le 28 avril 2010 de l'infirmer, de prononcer à titre principal la nullité de leur cautionnement par application de l'article L.313-21 du Code monétaire et financier, de dire subsidiairement la banque déchue des intérêts et pénalités de retard par application de l'article L.341-6 du Code de la consommation et en tout état de cause de la condamner au paiement d'une somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Pour sa part, aux termes d'écritures signifiées le 24 novembre 2010, la banque a conclu à la confirmation de la décision déférée et à l'allocation d'une somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Assigné par acte d'huissier du 21 mai 2010 remis à une personne se trouvant à son domicile, Monsieur [C] [I] n'a pas constitué avoué.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 octobre 2011.
MOTIFS DE LA DÉCISION.
Attendu que Monsieur [C] [I] n'ayant saisi la cour d'aucune critique à l'encontre du jugement déféré, celui-ci sera confirmé en ses dispositions le concernant.
- Sur la validité du cautionnement au regard des dispositions de l'article L.313-21 du Code monétaire et financier.
Attendu que les consorts [B] font valoir que la banque ne peut se prévaloir du cautionnement faute d'avoir satisfait aux prescriptions de l'article L.313-21 du Code monétaire et financier.
Mais attendu qu'aux termes de ce texte dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2005-429 du 6 mai 2005, applicable en l'espèce, s'agissant de cautionnements souscrits le 6 septembre 2005, ce n'est qu'à l'occasion de tout concours financier qu'il envisage de consentir à un entrepreneur individuel pour les besoins de son activité professionnelle, que l'établissement de crédit qui a l'intention de demander une sûreté réelle sur un bien non nécessaire à l'exploitation ou une sûreté personnelle consentie par une personne physique est tenu d'informer par écrit l'entrepreneur de la possibilité qui lui est offerte de proposer une garantie sur les biens nécessaires à l'exploitation de l'entreprise et de lui indiquer, compte tenu du montant du concours financier sollicité, le montant de la garantie qu'il souhaite obtenir ;
que par suite, cette obligation n'est pas requise lorsque la banque, comme en l'espèce, accorde un concours à une société en sorte que le moyen doit être écarté comme non fondé.
- Sur le moyen tiré de la disproportion des engagements souscrits.
Attendu qu'aux termes de l'article L.341-4 du Code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Attendu qu'en l'espèce il résulte des déclarations de situation familiale et patrimoniale renseignée et signée par Monsieur [S] [B] que demandeur d'emploi, marié ayant deux enfants à charge , celui-ci avait perçu au cours de l'année 2003 un revenu global de 18.203 euros, assumait le remboursement de trois crédits dont les échéances mensuelles cumulées s'établissaient à 1.079,92 euros et ne disposait d'aucun patrimoine mobilier ou immobilier ;
que pour sa part, Monsieur [V] [B], cadre de santé retraité, a déclaré avoir perçu au cours de l'année 2003 au cours de laquelle il était toujours en activité un revenu de 35.080 euros, son épouse ayant de son côté un revenu annuel de 20.881 euros, ce que confirme l'avis d'imposition annexé à sa déclaration ;
qu'il a justifié par le document de calcul prévisionnel remis à la banque ouvrir droit à compter du mois de février 2004 à une pension de retraite de 1.930,18 euros par mois, indiqué posséder des droits indivis dans une dévolution successorale évalués à 50.000 euros et fait état du remboursement de quatre crédits pour un montant d'échéances cumulées de 1.359 euros par mois.
Attendu qu'au regard de leurs revenus et patrimoine qui doivent être appréciés à la date de souscription des engagements litigieux, les obligations contractées par les appelants dont la banque ne démontre pas qu'ils seraient désormais en situation de répondre de leurs engagements, apparaissent manifestement disproportionnées en sorte que la banque qui ne peut s'en prévaloir, doit être déboutée des demandes formées à leur encontre, le jugement déféré devant être infirmé en ses dispositions relatives aux consorts [B] ;
qu'en effet, s'agissant de cautionnements solidaires les obligeant pour la totalité, c'est de manière inopérante que la banque invoque le recours dont bénéficie celui qui a payé à l'encontre de ses cofidéjusseurs ;
que par ailleurs, la banque conservant le libre choix de la mise en oeuvre des sûretés dont elle dispose, ne peut valablement mettre en avant l'existence d'un nantissement sur le fonds de commerce de nature à limiter, selon elle, 'considérablement le risque pesant sur le patrimoine des consorts [B]' ;
qu'enfin, la banque se borne à faire état des droits d'associés des appelants sans justifier de la quote-part de chacun dans le capital de la S.A.R.L. SERON ni fournir d'éléments d'appréciation de leur valorisation.
- Sur les dépens.
Attendu que la banque qui succombe doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
- Sur la demande présentée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Attendu qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR ;
STATUANT publiquement, par défaut ;
CONFIRME le jugement déféré en ses dispositions relatives à Monsieur [C] [I].
INFIRME la décision déférée en ses dispositions relatives à Monsieur [V] [B] et Monsieur [S] [B].
ET STATUANT à nouveau de ces chefs,
DIT que la CAISSE D'EPARGNE PROVENCE-ALPES-CORSE a fait souscrire par Monsieur [V] [B] et Monsieur [S] [B] un cautionnement manifestement disproportionné à leurs revenus et patrimoine.
DIT en conséquence que la CAISSE D'EPARGNE PROVENCE-ALPES-CORSE ne peut se prévaloir de ces cautionnements.
DÉBOUTE la CAISSE D'EPARGNE PROVENCE-ALPES-CORSE de ses demandes en tant que dirigées à l'encontre de Monsieur [V] [B] et Monsieur [S] [B].
CONDAMNE la CAISSE D'EPARGNE PROVENCE-ALPES-CORSE aux dépens de première instance et d'appel exposés du chef de Monsieur [V] [B] et Monsieur [S] [B].
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.
DIT qu'il sera fait application au profit de la SCP d'avoués MAYNARD-SIMONI des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT