COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
17e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 29 NOVEMBRE 2011
N°2011/
CH/FP-D
Rôle N° 10/17292
[S] [N]
C/
ASSOCIATION ADS
Grosse délivrée le :
à :
Me Walter VALENTINI, avocat au barreau de GRASSE
Me Cyril BORGNAT, avocat au barreau de NICE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE en date du 01 Septembre 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 09/1503.
APPELANT
Monsieur [S] [N], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Walter VALENTINI, avocat au barreau de GRASSE
INTIMEE
ASSOCIATION ADS, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié es qualité audi siège, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Cyril BORGNAT, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 12 Octobre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Corinne HERMEREL, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Jean-Marc CROUSIER, Président
Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller
Madame Corinne HERMEREL, Conseiller
Greffier lors des débats : Françoise PARADIS-DEISS.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Novembre 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Novembre 2011
Signé par Monsieur Jean-Marc CROUSIER, Président et Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS,PROCEDURE et PRETENTIONS des PARTIES
Monsieur [S] [N] était embauché le 22 Mai 2000 par l'Association pour le Développement Social, ci-après désignée ADS, en qualité de chef de service éducatif.
Il allait successivement occuper différents postes de chef de service ou d'éducateur spécialisé et être affecté le 1 Décembre 2005 au poste de chef de service de l'AEMO du secteur de l'ARIANE.
Suivant lettre recommandée avec accusé de réception en date du 4 Février 2009, l'ADS convoquait le salarié à un entretien préalable fixée au 16 Février 2009 avec mise à pied conservatoire.
Le licenciement était notifié le 3 Mars 2009, pour faute grave.
Le 16 Mars 2009, Monsieur [N] saisissait le Conseil de prud'hommes de Grasse et sollicitait les indemnités dues à raison de son licenciement qu'il considère dénué de cause réelle et sérieuse.
Selon jugement prononcé le 1 Septembre 2010, le Conseil de Prud'hommes a considéré que le licenciement était fondé sur une simple faute constituant une cause réelle et sérieuse de licenciement et a condamné l'ADS au paiement de 7114,64 euros au titre de l'indemnité de préavis et 16011 euros au titre de l'indemnité de licenciement.
Monsieur [N] a interjeté appel du jugement et persiste dans ses demandes initiales. Il demande à la Cour de reconnaître que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, de confirmer les sommes allouées et de condamner en outre l'ADS à lui verser :
96047,64 euros au titre de l'indemnité de licenciement abusif
40 000 euros au titre du préjudice moral
15000 euros au titre d'un préjudice moral distinct du précédent
4000 euros au titre des frais irrépétibles.
L'ADS demande l'infirmation du jugement et maintient que le licenciement était justifié par la faute grave. Elle sollicite le débouté des demandes de Monsieur [N] et sa condamnation à restituer les sommes versées en exécution du jugement de première instance, outre 4000 euros au titre des frais irrépétibles.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il est renvoyé au jugement entrepris, aux pièces de la procédure et aux conclusions des parties oralement reprises.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le licenciement pour faute grave
La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.
Il appartient à l'employeur de prouver que le salarié a commis des faits constitutifs d'une faute grave.
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est rédigée sur six pages dactylographiées dans lesquelles l'ADS reproche à Monsieur [N] différents griefs qui sont tous contestés et seront ci-après analysés.
Il convient toutefois au préalable de dépeindre le contexte dans lequel intervient cette lettre de licenciement. Il résulte en effet des pièces produites qu'à son arrivée dans le service en 2005, Monsieur [N] a trouvé un service en difficulté et qu'en 2008, la situation était toujours très tendue, pour plusieurs raisons synthétisées dans un courrier collectif adressé par le service lui-même à la direction. Cette lettre du 23 Juin 2008 est un cri d'alarme dans lequel l'équipe éducative alerte la hiérarchie sur la surcharge de travail en pointant « un sous effectif depuis le mois de mars (deux absences non remplacées) et une surcharge de mesures ( 30 mandats par éducateur), qui conduisent les travailleurs sociaux à assumer des heures de travail excessives pour remplir une mission de manière insatisfaisante, agissant toujours dans l'urgence alors qu'ils sont censés mener une action éducative de fond. Les auteurs de la lettre évoquent leur épuisement professionnel, leur impossibilité de récupérer les heures compte tenu de la charge de travail, le tout avec la frustration de ne même pas accomplir un travail de qualité ».
Les attestations produites aux débats témoignent de ce que la situation ne s'est pas améliorée ensuite et le courrier en réponse du 13 Août 2008 de Monsieur [W], chef hiérarchique de Monsieur [N], ne propose aucune solution concrète pour y remédier.
Il est par ailleurs incontestable que le [Localité 3] est un secteur particulièrement sensible, comme en témoignent les délits dont les éducateurs ont été les victimes à savoir, des dégradations volontaires de leurs véhicules de service stationnés à proximité de la tour de l'Ariane (plainte du 28 Octobre 2008 sur un véhicule, plainte du 23 Octobre 2008 sur un autre voiture, plainte du 6 octobre 2008 sur deux véhicules dégradés au point d'être remorqués).
Le 19 Décembre 2008, l'équipe de l'ARIANE rapportait au CHSCT que la situation était préoccupante au regard de l'absence de six travailleurs sociaux dans le service, dont l'arrêt maladie était pour certains lié aux conditions de travail.
L'association ADS soutient pour sa part qu'elle a toujours régi aux situations de crises rencontrées par les services et qu'elle l'a fait notamment pour le service de l'AEMO ARIANE. Cependant, les mesures qu'elle a effectivement mise en place l'ont été plusieurs mois après, à compter de Janvier 2009, lorsqu'un remplaçant a été affecté sur le poste de Monsieur [N] alors en maladie et que la direction a soulagé les éducateurs de l'ARIANE en confiant à des équipes d'un autre secteur une partie des mesures éducatives dont ils avaient la charge.
Les griefs reprochés à Monsieur [N] sont exprimés pour la première fois dans la lettre de licenciement et n'ont auparavant jamais été stigmatisés par aucune remontrance. Ils sont les suivants :
*Premier grief: la non observation de la règle interne du service AEMO dans l'application du « service minimum »
L'ADS reproche à Monsieur [N] de ne pas avoir respecté la règle de présence minimale dans le service, soit la présence d'au moins trois éducateurs et un salarié psychologue ou CESF (sic). Monsieur [W], directeur des services AEMO /AED de l'association, avait demandé le 9 décembre 2008 à Monsieur [N] de revoir l'organisation des congés de fin d'année en lui soumettant un nouveau planning, ce à quoi Monsieur [N] s'était engagé pour le 17 Décembre 2008 au plus tard. Or, à cette date, le planning n'était pas modifié.
Selon l'attestation de la secrétaire de l'AEMO du secteur ARIANE, Madame [V], le planning avait été étudié au plus juste mais les arrêts de trois éducateurs l'avaient désorganisé et Madame [D], éducatrice, atteste qu'il était prévu de trouver une autre organisation lors de la réunion hebdomadaire du 16 décembre 2008, ce qui n'avait pu se faire, Monsieur [N] étant en arrêt maladie à compter de cette date.
Enfin, Monsieur [N] fait valoir qu'aucune note de service ou règlement intérieur ne définit ladite règle de présence minimum et l'attestation de Monsieur [E] [F], chef de service au sein de l'ADS, conforte cette affirmation.
Il résulte de ces éléments d'information qu'en état de l'absence de Monsieur [N], il ne pouvait lui être reproché de ne pas avoir respecté son engagement de présenter un nouveau planning modifié. Par ailleurs, force est de constater que l'ADS ne produit aucun document qui aurait été remis à Monsieur [N] à propos de la définition de « la présence minimum au service ».
En conséquence, le premier grief n'est pas fondé.
*Deuxième grief: Absence de contrôle d'heures de récupération et refus de réponse aux courriers électroniques.
Ce grief fait suite à l'autorisation donnée à une éducatrice, Madame [T], de prendre 10 jours consécutifs de récupération, pratique sur laquelle il a été demandé des explications qui seraient restées vaines.
Madame [V] atteste qu'un éducateur étant resté absent durant trois mois, les mesures d'AEMO qui lui étaient confiées avaient été redistribuées à d'autres éducateurs et notamment à [P] [A], laquelle s'était donc retrouvée en charge d'un surcroît de mesures éducatives et n'avait donc pu prendre les repos auxquels elle avait droit. Dès que cela avait été possible, Mademoiselle [T] avait souhaité prendre ses récupérations et la secrétaire atteste que Monsieur [N] avait téléphoné à Monsieur [W] à ce sujet et qu'il avait obtenu son accord. Elle précise qu'elle avait ensuite reporté les repos sur les plannings de septembre et d'octobre 2008 et que la direction n'en avait pas fait retour au service.
S'il est exact, comme le souligne l'ADS, que Madame [V] n'a pas assisté directement à la conversation téléphonique et ne peut donc attester de l'accord de la direction, il demeure que si Monsieur [W] avait refusé d'autoriser ces récupérations, la direction n'aurait pas manqué d'observer que les plannings transmis n'étaient pas conformes aux directives. Or, il n'a été fait aucune remarque sur ces plannings qui ont été validés implicitement, ce qui accrédite la thèse selon laquelle le supérieur hiérarchique, Monsieur [W], avait acquiescé au principe d'une récupération en dix journées consécutives.
Quant au refus allégué de répondre aux courriers électroniques, aucune intention délibérée n'est démontrée par l'employeur.
L'association se plaint par exemple de n'avoir reçu aucune réponse à des courriels du 23 ou du 28 Octobre 2008.
Or, Monsieur [N] indique à ce sujet qu'il donnait les renseignements demandés par téléphone et non par mail, faute de temps.
Et c'est seulement à la date du licenciement que ce reproche, comme les autres, lui est notifié.
Il ne saurait constituer un motif de licenciement pour faute grave.
*Troisième grief: refus d'appliquer les règles de fonctionnement et absence d'animation du service de l'AEMO de l'ARIANE
Il est reproché en vrac à Monsieur [N] de ne pas tenir les réunions de service régulières qui sont nécessaires à la diffusion des instructions, de l'animation, l'accompagnement et l'encadrement de l'équipe, l'absence de concertation avec les spécialistes techniques tels que l'éducateur scolaire, le psychologue le psychiatre, ce qui entrave l'évaluation des prises en charge, l'absence de communication sur la supervision proposée pour soulager l'équipe, l'absence de mise en place de certains outils qui auraient du être utilisés auprès des familles.
Il est démontré par le cahier de réunions qui est produit que sauf exception, Monsieur [N] animait une réunion hebdomadaire qui rassemblait l'équipe chaque mardi, au cours de laquelle les directives étaient transmises, les nouvelles mesures présentées, et certaines prises en charge évaluées plus particulièrement. Il en peut être reproché à Monsieur [N] la pauvreté ou l'indigence de certains comptes rendus qui ont été rédigés par la secrétaire.
Il est par ailleurs avéré que Monsieur [N] devait assurer également le remplacement du chef de service d'un autre secteur, celui de l'AEMO Matisse, qui s'était engagé sur une formation de deux ans et ce alors même que l'un des éducateurs de cette équipe d'AEMO était en formation également. Une éducatrice de ce secteur, Madame [G] atteste que Monsieur [N] assurait ce remplacement de manière effective et qu'il était présent chaque fois qu'un salarié était en difficulté.
Dans un contexte décrit par les éducateurs de l'AEMO Ariane, (attestations de Mesdames [O], [I], [T], [Y], de Monsieur [H] ) comme étant celui d'une situation de crise liée au sous effectif du personnel et à la surcharge de mesures d'AEMO à effectuer, ces travailleurs sociaux attestent de ce que [N] leur assurait un réel soutien.
Le courrier que le service avait adressé à la direction le 23 Juin 2008 se terminait d'ailleurs en ces termes « le seul soutien que nous recevons est celui de notre chef de service par sa présence accrue à nos côtés pour retarder l'effondrement des uns et des autres ».
En ce qui concerne l'absence de communication sur la supervision proposée, Monsieur [N] produit un courriel de son supérieur hiérarchique, Monsieur [W] dans lequel ce dernier lui demande expressément, le 13 Octobre 2008, de ne pas dévoiler le déroulement de la formation envisagée, car il serait plus judicieux que l'organisme intervenant le fasse lui-même.
Il résulte toutefois d'un courriel du 13 Novembre 2008 produit par l'association ADS que si Monsieur [N] a bien contacté Madame [M], responsable du service de supervision AKSAY, il ne l'a ensuite pas relancée pour fixer les dates de rendez vous.
Cette carence, qui peut s'expliquer par la nécessité d'assurer d'autres priorités, n'est pas constitutive d'une faute.
Contrairement aux affirmations de l'ADS, Madame [V] atteste que Monsieur [N] a bien communiqué à son équipe les éléments d'information sur la loi de 2002-2 et que les documents ont été mis à disposition des éducateurs en temps utile lors des réunions hebdomadaires.
Enfin, s'agissant du reproche relatif à l'absence de communication avec les spécialistes, il est démontré par les attestations de Monsieur [F], de Madame [V] et par un courrier du 20 Juin 2007 que Monsieur [N] avait également alerté la direction sur le problème posé par le psychologue attaché au service, Monsieur [C], lequel tyrannisait les éducateurs et leur inspirait de la peur, au point qu'une partie de l'équipe n'acceptait plus de participer aux réunions en sa présence. Cette situation s'était néanmoins pérennisée, conduisant Monsieur [N] à faire les évaluations des situations familiales avec les autres spécialistes de l'enfance inadaptée.
L'attestation de Monsieur [C], produite par l'ADS, apparaît à cet égard dénuée de toute objectivité.
*Quatrième grief: Graves négligences de suivis et de contrôles dans l'accompagnement et défaut d'attribution des nouvelles mesures judiciaires entraînant une mise en danger des enfants à protéger.
Ce grief est assurément le plus sérieux des griefs listés dans la lettre de licenciement puisqu'il touche à l'essence même de la mission confiée au service de l'ADS, à savoir la protection de l'enfance en danger.
Il résulte d'une note de Monsieur [W] en date du 13 Août 2008 que celui-ci avait été alerté sur le problème du sous-effectif d'encadrement puisqu'il faisait le constat de ce qu'en Janvier, 8 éducateurs avaient chacun en charge 23 mesures, alors qu'en avril et mai 2008 seulement 7 éducateurs se partageaient 30,22 mesures.
C'est dans le contexte déjà décrit d'un service surchargé de mesures éducatives qu'il est reproché à Monsieur [N] d'une part, de ne pas avoir attribué une mesure urgente concernant une famille [L] et, d'autre part, d'avoir négligé l'exercice effectif d'une mesure éducative dans une autre famille [K].
En l'état de la surcharge des éducateurs, du contexte dans lequel ils exercent des mesures difficiles porteuses de stress, dans l'environnement particulièrement sensible du secteur de l'ARIANE, la direction reproche à Monsieur [N] de n'avoir pas traité en temps utile le cas d'une famille [L], qui aurait nécessité une prise en charge urgente, alors que cette mesure a été réceptionnée au service sur le fax le vendredi 12 décembre 2008 à 16 heures 45, et que Monsieur [N] a été en maladie à partir du 16 Décembre 2008 et qu'il n'a pas été remplacé aussitôt. Il appartenait pourtant à la direction, compte tenu de la spécificité des missions qui lui sont confiées, de veiller à ce que ses services aient les moyens de traiter effectivement, et en temps utile, un mandat judiciaire d'action éducative en milieu ouvert. Et si l'urgence à intervenir dans la famille [L] était celle que l'association ADS signale dans sa lettre de licenciement, il eut fallu que la direction s'assure que le service de l'AEMO ARIANE, auquel elle confiait cette nouvelle mesure, était en mesure de l'exercer dans les conditions de rapidité et d'efficacité nécessaires. En l'espèce, aucun élément soumis à la Cour ne permet de retenir que la situation de cette famille nécessitait une intervention immédiate. Par ailleurs, force est de constater que Monsieur [N], malade, n'a pas été remplacé avant Janvier 2009 et qu'entre temps, personne de la direction ne s'est soucié de savoir si les nouvelles mesures avaient pu être affectées aux éducateurs présents, étant observé qu'à la date du 19 Décembre 2008, six travailleurs sociaux du service étaient en maladie.
L'association ADS ne peut non plus, pour les mêmes raisons, reprocher à Monsieur [N] d'avoir négligé le suivi d'une mesure d'AEMO dans une famille [K] alors que les éducateurs, débordés devaient nécessairement concentrer leurs efforts sur les familles qui présentaient le plus de risques, quitte à en négliger d'autres et qu'en l'occurrence le rapport qui a été rédigé sur la famille [K] est un rapport de fin de mesure qui suppose donc que la famille n'avait de toute façon plus besoin de soutien éducatif.
En conséquence, s'il est exact que l'absence de prise en charge immédiate de la famille [L] ou la négligence dans le suivi de la famille [K] constituent de réels dysfonctionnements du service qui ont légitimement suscité l'inquiétude des magistrats de la jeunesse et jeté le discrédit sur le sérieux de l'ADS puisque le mandat judiciaire n'a pas été rempli de façon satisfaisante, il apparaît totalement injuste d'imputer à Monsieur [N] la responsabilité de cette situation.
En réalité il résulte de l'analyse des arguments de l'association ADS que celle-ci reproche en Mars 2009 à Monsieur [N], embauché en 2000, d'être un chef de service incompétent. Ainsi, la plupart des faits reprochés sont anciens par rapport à la date du licenciement et aucun d'eux n'avait donné lieu à une mise en garde de Monsieur [N]. Or, l'insuffisance professionnelle qui n'est certes pas visée expressément dans la lettre de licenciement, n'est pas constitutive d'une faute grave. De même, aucun des nombreux griefs listés dans la lettre de licenciement, pris ensemble ou séparément, n'est constitutif d'une faute, qu'elle soit simple, comme retenu à tort par le conseil de prud'hommes, ou grave.
Le licenciement est donc dénué de cause réelle et sérieuse et le jugement déféré doit être infirmé en ce sens.
Sur les conséquences financières du licenciement.
Indemnité de préavis
Monsieur [N] a droit à l'indemnité de préavis, à juste titre fixée à 7114,64 euros par le conseil de prud'hommes, somme qui correspond à deux mois de salaire.
Indemnité conventionnelle de licenciement
Monsieur [N] a droit à une indemnité de licenciement fixée à 16011 euros en application de l'article 17 de la convention collective Nationale de Travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées.
Indemnité résultant du licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.
En application de l'article 1235-5 du Code du Travail , il convient de tenir compte de l'ancienneté de Monsieur [N] embauché en 2000, de son âge, 45 ans au jour de la rupture, de l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de retrouver un emploi depuis la rupture, étant toujours en arrêt de travail pour maladie, alors qu'il est père de trois enfants à charge, de la détresse économique dans laquelle il démontre se trouver actuellement puisqu'il est en situation de surendettement, des circonstances vexatoires de la rupture qui est intervenue alors qu'il était en arrêt maladie et qu'il a été malgré ce été mis à pied de manière conservatoire, il convient de fixer son indemnité de licenciement à la somme de 53 359 euros correspondant à 15 mois de salaire.
Indemnité résultant du préjudice moral particulier
En imputant au salarié des carences et des dysfonctionnements dont l'employeur était en réalité responsable, l'employeur a causé un préjudice moral distinct au salarié qui, alors que toutes les attestations produites démontrent qu'il s'investissait sans compter pour « retarder l'effondrement » des travailleurs sociaux de son équipe, a plongé à son tour dans une grave dépression dont il n'est pas encore guéri. Il a en effet été hospitalisé pour prévenir le risque qu'il ne mettre fin à ses jours en emportant avec lui sa famille, ce dont les pièces médicales attestent, notamment le certificat médical du docteur [U] en date du 16 Janvier 2009, qui évoque le risque de suicide collectif, ou celui en date du 28 Avril 2009, qui précise que l'épisode dépressif majeur qu'il présente fait suite à un stress professionnel.
Ce préjudice spécifique doit être indemnisé par l'octroi de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts.
L'indemnité réclamée au titre du préjudice moral subi pendant l'exercice de ses fonctions
Cette demande n'est pas étayée et ne peut donc être accueillie favorablement. Monsieur [N] en sera débouté.
Sur les frais irrépétibles
Il serait totalement inéquitable de laisser Monsieur [N] supporter la charge de ses frais irrépétibles au titre desquels il lui sera alloué la somme de 2000 euros en cause d'appel .
Sur les dépens
Ils seront supportés par l'ADS qui succombe.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en matière prud'homale
Confirme le jugement déféré en ce que l'Association pour le Développement Social a été condamnée à verser à Monsieur [N] les sommes de :
7114,64 € au titre de l'indemnité de préavis,
16011 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
2000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Infirme le jugement déféré pour le surplus,
Dit que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse,
Condamne en conséquence l'Association pour le Développement Social à verser les sommes suivantes à Monsieur [S] [N] :
53 359 euros au titre de l'indemnité résultant de la rupture abusive,
30 000 euros en indemnisation du préjudice moral subi,
Déboute Monsieur [N] de sa demande d'indemnisation d'un préjudice moral subi pendant l'exercice de ses fonctions.
Condamne l'Association pour le Développement Social à payer la somme de 2000 euros à Monsieur [N] sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, en cause d'appel.
Condamne l'Association pour le Développement Social aux dépens de l'instance.
LE GREFFIERLE PRESIDENT