COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
17e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 15 NOVEMBRE 2011
N°2011/76
PM
Rôle N° 10/18120
SAS OFFICE DEPOT bulletin de paie
C/
[I] [V]
Grosse délivrée le :
à :
Me Marie Sophie ROZENBERG, avocat au barreau de PARIS
Me Eric FORTUNET, avocat au barreau d'AVIGNON
Copie certifiée conforme délivrée le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CANNES en date du 24 Septembre 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 09/590.
APPELANTE
SAS OFFICE DEPOT BS, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Marie Sophie ROZENBERG, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Pascal BAUMGARTNER, avocat au barreau de VESOUL ( [Adresse 3])
INTIME
Monsieur [I] [V], demeurant [Adresse 2]
comparant en personne, assisté de Me Eric FORTUNET, avocat au barreau d'AVIGNON (64 rue Thiers Bât. euros [Localité 4])
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 15 Septembre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Philippe MARCOVICI, Vice-Président placé, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Yves ROUSSEL, Président
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller
Monsieur Philippe MARCOVICI, Vice-Président placé
Greffier lors des débats : Madame Monique LE CHATELIER.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Novembre 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Novembre 2011
Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame Monique LE CHATELIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
M. [I] [V] a été engagé le 1ER octobre 1983 en qualité de représentant VRP, suivant contrat de travail à durée indéterminée, par la société PAPETERIES DU MIDI, aux droits de laquelle est actuellement la société OFFICE DEPOT BS, spécialisée dans la vente de fournitures de bureau et de matériel de bureautique et d'informatique ; à compter du 1er mai 1999, suivant lettre-avenant du 29 avril 1999, il est devenu chef des ventes pour le département des Alpes Maritimes, avec le statut de cadre ; son salaire mensuel brut de base ressortait en dernier lieu à 7.085,15 €.
Par lettre du 5 juin 2009, la société OFFICE DEPOT BS lui a notifié son licenciement dans les termes suivants :
« Nous faisons suite à l'entretien préalable du 13 mai 2009, auquel vous avez été convoqué par un courrier en date du 22 avril 2009 et au cours duquel nous vous avons fait part des griefs qui nous amenaient à envisager à votre encontre un licenciement.
1) Faits graves à l'encontre d'une salariée tenue à votre égard par un lien hiérarchique
Nous avons appris le 14 avril dernier que vous avez, depuis plusieurs mois, eu un comportement extrêmement grave avec l'une de nos employées et intolérable dans le cadre de l'exercice des attributions qui sont les vôtres.
Non seulement, vous avez manqué à son égard de la nécessaire distance et de l'obligation de réserve, qui sont indispensables afin de vous permettre d'exercer correctement vos obligations de manager. En effet vous avez adopté à son égard une attitude familière, la traitant comme vous l'auriez fait dans le cadre d'une relation amicale, ceci étant parfaitement déplacé dans le contexte professionnel qui est le vôtre. A titre d'exemple, voulant sans doute créer une intimité inappropriée, vous lui avez adressé plusieurs mails contenant des mentions familières.
Mais beaucoup plus, de façon inadmissible, vous l'avez embrassée sur la bouche alors que vous lui disiez au revoir, à l'issue d'une journée de travail.
Vous l'avez également invitée à dîner chez vous pour un repas en tête-à-tête. Vous lui avez même proposé de la chercher alors qu'elle était en arrêt de maladie le jour prévu.
Et ne reculant devant aucun abus, vous lui avez envoyé, courant mars 2009, un bouquet de fleurs à son domicile, accompagné d'une carte manuscrite, pour lui présenter des excuses, après qu'elle vous ait indiqué qu'elle ne parvenait pas à oublier cet incident et qu'il avait des répercussions très négatives sur l'exercice de ses activités.
Alors qu'elle vous avait demandé de cesser cette attitude, vous avez persisté dans cette voie, démontrant de cette manière le peu d'égard qu'en réalité vous lui accordiez, et l'abus d'autorité dont vous faites ainsi preuve en profitant de votre position hiérarchique.
Vos initiatives malheureuses ont été extrêmement déplacées, accroissant le désarroi de votre collaboratrice. Bien loin de cesser vos agissements, et d'adopter une attitude professionnelle, vous avez, pourtant nécessairement conscient de leur gravité, continué d'adopter une attitude tendancieuse.
Ces agissements ne sont pas isolés puisqu'en parallèle, vous n'avez eu de cesse dans le cadre des relations de travail, de lui manifester sans subtilité votre affection et de lui faire des propositions de nature sexuelle et parfaitement déplacées dans un tel contexte. Vous avez ainsi procédé à des allusions et propositions insistantes et répétées, relatives au fait qu'elle vous plaisait et que vous formeriez un joli couple. Vous lui avez également proposé, à plusieurs reprises, de partager votre chambre lors, notamment, des réunions d'équipe.
Votre comportement a été humiliant pour votre subordonnée qui n'a plus pu exercer sereinement ses attributions. Votre attitude donnait par ailleurs le sentiment angoissant, que quoi qu'elle vous demande, vous ne cesseriez pas votre harcèlement. Elle est depuis ces événements fortement déstabilisée. Elle ne peut plus travailler en toute sérénité, appréhende de vous rencontrer et ne se sent plus en mesure de travailler sous votre responsabilité. Elle a même fait l'objet d'un arrêt maladie du 25 février au 8 mars 2009. Plus, elle a contacté nos services Ressources Humaines pour demander de l'aide et faire part de son souhait de quitter la Société, compte tenu du fait que la situation lui paraissait intenable.
Ces agissements ont dégradé et porté atteinte à la dignité de notre employée et sont extrêmement graves car constitutifs de harcèlement sexuel et moral et nous ne pouvons les tolérer. Ils sont d'autant plus graves que vous exercez un pouvoir hiérarchique sur leur destinataire.
2) Autres faits de nature à constituer des actes de harcèlement moral : inadéquation de votre comportement avec vos fonctions managériales
Votre adoptez égaiement à l'égard de votre équipe une attitude incompatible avec l'exercice de vos fonctions de manager. Votre attitude a d'ailleurs suscité de la part de vos collaborateurs des demandes d'entretiens avec votre hiérarchie, à qui ils ont fait part de leur malaise.
En effet, vous manquez de distance vis-à-vis de vos collaborateurs, vous confondez aspects professionnels et privés et gérez votre équipe « comme en famille », laissant l'affectif prendre le pas sur des relations qui doivent rester avant tout professionnelles. Cette grande· difficulté à gérer vos responsabilités managériales se répercute sur votre équipe.
Par exemple:
Votre hiérarchie constate que vous montrez depuis plusieurs mois une difficulté certaine à gérer votre stress et à le canaliser. Vos mails agressifs et vos appels téléphoniques répétés ont pour conséquence une pression négative sur vos collaborateurs qui voient leur motivation mise à mal.
De même, votre manque de recul rend très difficile l'évaluation de vos collaborateurs sur des critères objectifs. Ainsi, avez-vous changé plusieurs fois de suite vos recommandations concernant les augmentations 2009 pour vos collaborateurs.
Encore, le 13 mars 2009, lors d'une réunion d'équipe, vous avez expliqué à vos collaborateurs que «vous ne les aimiez plus» après avoir appris que trois d'entre eux avaient contacté votre hiérarchie pour se plaindre de votre attitude managériale oppressante.
Cette attitude crée pour vos collaborateurs une ambiance de travail invivable, lesquels ne savent plus quelle attitude adopter avec vous.
Vous-même, tentant en désespoir de cause de rétablir une relation hiérarchique que vous sentez se déliter, usez de façon totalement disproportionnée de propos rudes et blessants.
Cette attitude démontre votre incapacité à assumer les fonctions managériales qui sont les vôtres, cette incapacité et votre comportement inapproprié perturbant gravement le fonctionnement de votre équipe.
3) Manquement à vos obligations de garantir les règles et les valeurs de l'entreprise
Enfin, nous avons constaté à ce titre les faits graves suivants:
Début avril 2009 vous avez partagé avec plusieurs collaborateurs, une information que votre manager vous avait pourtant demandé de garder totalement confidentielle, s'agissant d'une procédure de licenciement déclenchée à l'encontre de l'un de vos collaborateurs. En agissant de la sorte, vous êtes sorti de votre obligation de réserve, ce que nous ne pouvons accepter.
Vous avez eu par ailleurs une attitude managériale inadaptée lors de la gestion, en avril 2009, du cas d'une collaboratrice de votre équipe ayant intentionnellement créé des commandes fictives en lieu et place de ses clients, sans leur demander leur autorisation, en vue d'obtenir des primes. Vous avez demandé que cette collaboratrice soit traitée avec clémence, alors que votre rôle de manager aurait nécessité que vous fassiez respecter les règles et valeurs de l'entreprise.
L'ensemble des faits ci-dessus rapportés sont extrêmement graves et nous ne pouvons les accepter.
Les explications que vous nous avez fournies lors de notre entretien ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation quant à la gravité des faits reprochés.
Bien au contraire, puisque vous avez reconnu avoir embrassé votre collaboratrice. Vous avez également reconnu lui avoir envoyé un bouquet à son domicile personnel. Vous avez enfin concédé que vous «managiez un peu trop à la papa, à l'affectif ». Au final, vous avez simplement tenté de minimiser la gravité de vos actes et leurs conséquences.
Dans ces circonstances, nous vous informons que nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour faute grave, pour les faits qui vous sont reprochés ci-dessus. Compte tenu de leur gravité, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible, y compris pendant la durée du préavis.
Cette rupture prendra effet à compter de la date d'envoi de cette lettre recommandée, date à laquelle vous ne ferez plus partie de nos effectifs.
Ce licenciement est privatif de toute indemnité de licenciement et de préavis. Les sommes vous restant dues au titre des salaires et indemnités de congés payés ainsi que votre certificat de travail et votre attestation ASSEDIC, seront tenues à votre disposition dans les meilleurs délais...».
Suivant demande reçue le 1er octobre 2009, M. [V] a saisi le Conseil de prud'hommes de CANNES aux fins de voir déclarer son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'obtenir paiement de diverses sommes.
Par jugement du 24 septembre 2010, le Conseil de prud'hommes a déclaré le licenciement de M. [V] sans cause réelle et sérieuse et condamné l'employeur à lui payer les sommes suivantes :
- 60.000,00 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 60.000,00 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral
- 27.102,00 € au titre du préavis et 2.710,00 € pour les congés payés sur préavis
- 66.257,83 € au titre de l'indemnité de licenciement
- 1.500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il a débouté les parties de toutes autres demandes et condamné la défenderesse aux dépens.
La société OFFICE DEPOT BS a interjeté appel de cette décision.
PRETENTIONS DES PARTIES
Aux termes de leurs écritures, reprises oralement à l'audience, les parties formulent les prétentions ci-après.
La société OFFICE DEPOT BS demande à la Cour de dire que les faits reprochés à M. [V] sont établis et constitutifs de fautes graves, en conséquence de le débouter de toutes ses demandes et de le condamner au remboursement de la somme de 64.755,86 € versée par elle en exécution provisoire du jugement et au paiement de celle de 5.000,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [V] conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse et sollicite la condamnation de la société OFFICE DEPOT BS à lui payer les sommes suivantes :
- 300.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 100.000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral
- 50.000,00 € à titre d'indemnité de clientèle, ou subsidiairement pour enrichissement sans cause de l'employeur
- 968,00 € pour solde de congés payés sur ancienneté
- 20.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il demande, en outre, à la Cour d'ordonner la communication de la grille de salaire de Chef de vente, sous astreinte de 500,00 € par jour de retard et la remise de bulletins de salaire et de documents sociaux rectifiés, sous astreinte de 1.000,00 € par jour de retard.
Pour plus ample exposé des faits de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris, aux pièces de la procédure et aux écritures des parties.
SUR CE, LA COUR
Attendu que l'appel, interjeté dans les formes et délai de la loi, sera déclaré recevable ;
Sur la rupture du contrat de travail :
Attendu que le premier grief énoncé à l'encontre de M. [V] dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, consiste à lui reprocher d'avoir été l'auteur de faits de harcèlement sexuel et moral au préjudice de l'une des salariées de l'équipe de vente placée sous sa responsabilité, Mme. [N] [F] ;
Attendu, en ce qui concerne le harcèlement sexuel, que constituent nécessairement une faute grave les agissements de la personne qui, abusant de l'autorité que lui confèrent ses
fonctions, impose des contraintes ou exerce des pressions de toute nature sur une salariée dans le but d'obtenir des faveurs sexuelles ;
Attendu, par ailleurs, que l'existence d'un harcèlement moral suppose la commission d'agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail d'un salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;
Attendu qu'en l'espèce, l'employeur a reproché à M. [V], en premier lieu, d'avoir adopté envers Mme, [F] une attitude familière, d'être allé jusqu'à l'embrasser sur la bouche à la fin d'une journée de travail, de l'avoir invitée à dîner chez lui pour un repas en tête-à-tête, en lui proposant même de la chercher alors qu'elle était en arrêt de maladie le jour prévu, de lui avoir fait livrer des fleurs à son domicile, accompagnée d'une carte manuscrite comportant des excuses, pour se « faire pardonner une certaine maladresse », d'avoir persisté, en connaissance du désarroi de l'intéressée qui lui avait demandé de cesser cette attitude, à lui faire des avances, par exemple en lui manifestant son affection de manière déplacée, en procédant à des allusions et propositions insistantes, en évoquant le « joli couple » qu'ils pourraient former ensemble, ou encore en lui proposant de partager sa chambre lors des déplacements pour des réunions d'équipe ;
Attendu que l'employeur ajoute que les agissements de M. [V] étaient également constitutifs de harcèlement moral à l'égard de Mme. [F], dès lors que son comportement avait été humiliant pour sa subordonnée, l'empêchant de continuer à exercer sereinement ses attributions et lui donnant le sentiment angoissant que ce harcèlement ne cesserait pas et amenant l'intéressée, fortement déstabilisée, à se trouver en arrêt de maladie du 25 février au 8 mars 2009 ;
Attendu que ces allégations de l'employeur reprennent, en les résumant, les énonciations contenues dans deux attestations particulièrement longues et détaillées établies par Mme. [F] les 23 avril 2009, 16 janvier 2009 ;
Mais attendu que, comme l'ont relevé les premiers Juges aux termes d'une motivation particulièrement circonstanciée, que la Cour adopte en tant que de besoin, les griefs ainsi formulés par l'employeur à l'encontre de M. [V] l'ont manifestement été au seul vu des affirmations de Mme. [F], sans qu'une confrontation ait été organisée entre les intéressés ni que la direction de l'entreprise puisse se prévaloir de témoignages corroborant les dires de la salariée ;
Attendu, certes, que M. [V] ne nie pas avoir, une fois, embrassé Mme. [F] sur la bouche, à l'issue d'une entrevue qui avait d'ailleurs eu lieu chez l'intéressée et non sur le lieu de travail ; qu'en tout état de cause, ce seul fait ne saurait caractériser un comportement de harcèlement sexuel, alors que la salariée ne prétend pas avoir tenté de s'opposer à ce geste ; que s'il est également établi que M. [V] a ultérieurement fait livrer un bouquet de fleurs au domicile de sa subordonnée, il affirme que c'était pour se faire pardonner de vives remontrances qu'il lui avait adressées auparavant, sans que la thèse de Mme. [F] selon laquelle il s'agissait de se faire excuser pour le baiser précité soit corroborée des pièces versées aux débats ;
Attendu que de son côté, M. [V] produit de très nombreuses attestations d'autres salariés de l'entreprise, hommes ou femmes, sur lesquelles il y aura lieu de revenir et qui évoquent un comportement irréprochable de sa part à l'égard de tous, tant sur le plan personnel que professionnel ;
Attendu, par ailleurs, que la crédibilité de la version des faits avancée par Mme. [F] est nécessairement affaiblie par son évocation d'un comportement constitutif de harcèlement remontant à une dizaine d'années, sans qu'il soit établi, ni même prétendu qu'elle aurait alerté quiconque avant avril 2009, ce qu'elle explique en indiquant dans son attestation du16 janvier 2010 : « j'ai toujours craint Monsieur [V] et ses réactions » ; que si elle était dans cet état d'esprit, Mme. [F] ne s'explique pas sur le fait que la familiarité dont l'entreprise fait grief à M. [V] apparaît, pour le moins, largement partagée entre les deux intéressés, au vu des différents courriels versés aux débats, qu'elle a dressés à son
supérieur en les terminant par des formules particulièrement affectueuses, telles que par exemples : « Merci pour ton coup de fil de ce matin, il m'a fait du bien. Bonne journée, j'espère pour toi. Bizzz », « Bonne journée. Bisou », « Bisou, cheffffffff », « voilà, voilà, chef. Bonne reprise'Bizzzzz »'et enfin un mail se terminant par « Bien à toi et bonne soirée », daté du 14 avril 2009, soit de l'époque à laquelle Mme. [F] s'est plainte auprès de la direction des ressources d'un harcèlement qui avait commencé, selon elle, dès son embauche dans l'entreprise en août 1999 ;
Attendu que M. [V] produit encore des attestations de Mme. [L], secrétaire du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, affirmant que Mme. [F] aurait reconnu devant elle en août 2009 avoir été manipulée par la direction de la société, qui désirait se séparer de l'intéressé ; que cependant, Mme. [F] conteste avoir tenu de tels propos et que la preuve de leur réalité n'est pas rapportée ;
Attendu, quoi qu'il en soit, qu'en conséquence de ce qui précède, il convient de relever que la preuve d'un comportement constitutif de harcèlement sexuel ou de harcèlement moral ne résulte pas des éléments soumis à l'appréciation de la Cour ;
Attendu qu'en second lieu, l'employeur fait grief à M. [V] d'avoir adopté à l'égard de l'équipe qu'il encadrait une attitude inadaptée, sans d'ailleurs que la lecture de la lettre de licenciement permette de discerner clairement si le comportement ainsi reproché à l'intéressé, sous le vocable de « harcèlement moral » tenait à un management jugé trop familier, « à la papa », bon enfant donc, ou à l'envoi de « mails agressifs » et d'une manière générale à une attitude de nature à causer « une ambiance de travail invivable » ;
Attendu qu'à l'appui de ses allégations, l'employeur produit une attestation de M. [B] [C], directeur des ventes, indiquant avoir reçu courant février 2009 trois collaboratrices de M. [V] évoquant une discrimination dans les objectifs attribués, des propos sexistes et du favoritisme à l'égard des garçons de l'équipe ;
Attendu que ce seul témoignage, outre qu'il ne fait que rapporter les propos que les intéressées auraient tenus auprès de M. [C], qui ne prétend pas avoir personnellement assisté à des comportements répréhensibles de M. [V], de saurait suffire à démonter l'existence d'agissements fautifs, ou encore moins de faits de harcèlement moral de la part de ce dernier, qui comme indiqué précédemment, produit au contraire une vingtaine d'attestations vantant la qualité de son comportement professionnel et de ses relations avec ses collègues ;
Attendu qu'il serait, en outre, surprenant, si l'intéressé, qui était dans l'entreprise depuis vingt-six ans, s'était révélé incapable d'encadrer son équipe ou d'adopter envers les autres salariés de l'entreprise un comportement adapté,qu'il n'ait pas fait l'objet d'aucune remontrance ou sanction avant la mise en 'uvre de la procédure de licenciement ;
Attendu qu'enfin, le troisième grief énoncé dans la lettre de licenciement, tenant à un prétendu manquement du salarié à son obligation de « garantir les règles et valeurs de l'entreprise », est dépourvu de sérieux, dès lors que sont allégués à ce sujet, d'une part, une indiscrétion relative à un projet de licenciement, ce qu'il nie expressément et dont la preuve n'est pas rapportée par l'employeur, et d'autre part, au fait d'avoir sollicité la clémence de la direction envers une salariée ayant commis une faute professionnelle, demande à laquelle la direction n'avait certes pas à se conformer (et ne l'a d'ailleurs pas fait), mais qui en elle-même ne pouvait être imputée à faute à M. [V] ;
Attendu qu'en conséquence de ce qui précède, il convient de constater que la preuve d'une faute grave, ou même d'une cause réelle et sérieuse de licenciement à la charge de M. [V] ne résulte, ni des explications des parties, ni des pièces versées aux débats, et par suite, de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré le licenciement de ce dernier dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Sur les autres demandes du salarié :
Attendu que le jugement sera également confirmé sur le montant des dommages-intérêts et indemnités de préavis et de congés payés y afférents alloués par le Conseil de prud'hommes et qui procèdent d'une exacte appréciation des circonstances de la cause et des pièces produites ;
Attendu que c'est à juste titre que le Conseil de prud'hommes a débouté M. [V] de sa demande en paiement d'une indemnité de clientèle, dès lors qu'il ne justifie de ce que son licenciement lui aurait causé un préjudice lié à la perte de la clientèle apportée à l'entreprise à l'époque où il avait le statut de VRP, soit du 1er octobre 1983 au 1er mai 1999 ;
Attendu que de même, M. [V] n'apporte aucune justification du bien fondé de ses demandes en paiement de solde de congés payés et de communication par l'employeur, de la grille de salaire de chef de vente ;
Attendu qu'ajoutant au jugement, il convient, en conséquence des condamnations prononcées à l'encontre de l'employeur, d'ordonner la délivrance par ce dernier de bulletins de salaire et de documents sociaux rectifiés, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette mesure d'une astreinte ;
***
Attendu que l'appelante, qui succombe, sera condamnée au paiement de la somme supplémentaire de 1.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale.
Déclare l'appel recevable.
Confirme le jugement.
Y ajoutant :
Ordonne à la société OFFICE DEPOT BS la délivrance de bulletins de salaire et de documents sociaux rectifiés en conséquence des condamnations prononcées à son encontre.
Condamne la société OFFICE DEPOT BS à payer à M. [V] la somme supplémentaire de 1.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La condamne aux dépens.
Déboute les parties de toutes demandes, fins et conclusions autres, plus amples ou contraires.
LE GREFFIER LE PRESIDENT